« Transformations de la guerre et de la violence en Europe » : différence entre les versions

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Version du 16 septembre 2015 à 09:23

Dans The State, War and the State of War publié en 2001, Holsti explique les transformation successives de la guerre en Europe partant d’abord des guerres du Moyen-Âge de 1650 jusqu’à 1789, il aborde les guerres limitées dit aussi guerres institutionnalisées qu’il qualifie de guerre de premier type. Les guerres du second type sont les guerres totales que l’on voit émerger après la Révolution française avec les guerres napoléonienne jusqu’à la Deuxième guerre mondiale. Les guerres du troisième type émergent après 1945 concernant essentiellement les États du tiers-monde. La guerre a changée et s’est transformée tout au long de l’histoire européenne.

Allegory of Catherine's Victory over the Turks (1772), by Stefano Torelli.

Pour qu’il y ait guerre, il faut une organisation sociale, complexe et hiérarchique capable d’imposer aux hommes de combattre. Selon les modes d’organisations des sociétés politiques, les guerres vont changer. Nous allons voir comment la guerre se transforme dans l’historie européenne au fur et à mesure que les formes d’organisations politiques se transforment et que les États modernes deviennent de plus en plus puissants et efficaces dans leurs activités guerrières.

Nous avons vu comment la guerre fait l’État en même temps que l’État fait la guerre. Cela fonctionne ainsi que parce qu’il y a une pluralité d’unités politiques et un rapport de force relativement équilibré entre les États en Europe. La guerre et le conflit armé et ses évolutions-transformations doivent donc avant tout être analysées comme relation. En parlant de la guerre comme un objet abstrait, cela donne l’impression que les rois et les États naissant en Europe faisaient la guerre mais sans analyser la relation de réciprocités sans lesquelles il ne pourrait y avoir de guerre. L’activité guerrière ne se définit pas seulement par le fait qu’un centre politique ait des forces armées spécialisées dans l’activité guerrière mais par le fait qu’il y a plusieurs centres politiques qui sont en relations. Il faut comprendre ces relations afin de comprendre comment la guerre se transforme.

La guerre comme institution du « système inter-étatique »

Souvent, on perçoit la violence notamment dans sa forme organisée et sous la forme de la guerre comme des éléments chaotiques dont les éléments passionnels liés à la violence l’emportent sur toute considération politique ou juridique. La guerre peut aussi être considérée comme une institution spécifique à savoir une pratique interétatique régit par un certains nombre de normes et de règles qu’il faut suivre afin de mener la guerre d’une façon légitime.

Fishing for Souls (Zielenvisserij), 1614, a satirical allegory of Protestant-Catholic struggles for souls during the Dutch Revolt (Rijksmuseum)

La territorialité moderne est en Europe le résultat de multiples prétentions impériales en compétition sur un territoire relativement restreint et qui s’équilibrent : les États européens ont généralement commencés par « se penser » en empires. Cela montre que d’une part l’État moderne est inséparable du principe de souveraineté disant que la seule autorité de dernier recours et de dernière instance sur le territoire national est l’État qui est souverain ou bien dit souverain sur ce territoire à l’exclusion de tout autre État. Le principe de souveraineté en principe, qui définit explicitement l’État,n’existe que parce qu’il est reconnu par d’autres États. Chaque gouvernement et chaque État revendique la primauté absolue sur son territoire mais en même temps cette primauté n’est pas absolue parce qu’elle n’existe que parce qu’elle est reconnue par les autres États. L’État relève d’un principe juridique qui est le principe de la reconnaissance mutuelle. Pour comprendre ce qu’est un État, il ne faut pas regarder seulement les relations internationales mais les relations entre États naissants qui vont se reconnaitre comme étant réciproquement souverain sur un territoire ayant une propriété sur un espace donné reconnu de façon mutuelle.

Il y a un universalisme de l’État national qui doit être distingué de celui de l’empire. L’État en tant qu’entité souveraine n’existe que parce qu’il y a un système interétatique qui le construit comme étant un État souverain. Il y a un universalisme de l’État national au sens ou l’État moderne se pense et ne peut se comprendre que dans le cadre d’un système étatique où il y a plusieurs États égaux en droits, en souveraineté et en principe. Il y a une universalité de la forme de l’État dans le sens où il y a plusieurs États qui constituent le système interétatique où ce qui prime est l’universalité de la forme État que l’on retrouve exprimé dans chacun des États.

Le système interétatique qui va émerger notamment au XVIIème siècle avec les traités de Westphalie est fondé sur un logique d’équilibre interne mais également est fondé sur un équilibre externe des gouvernements entre différents États. Pour qu’il y a ait un système interétatique, il faut qu’aucun des États qui le constitue soit assez fort pour être plus fort que les autres États. Dans le système interétatique il y a un principe d’équilibre externe entre État qui doit en principe éviter à un empire d’émerger. En d’autres termes, le « système interétatique » est fondé sur une logique d’équilibre interne entre l’administration et les administrés et une logique d’équilibre externe entre gouvernements d’État.

La période coloniale est une période où il y a un système interétatique sur le continent européen mais ce sont en même temps des empires à l’extérieur du continent européen. Cette contradiction va disparaitre avec la fin de la colonisation qui va universaliser le principe étatique.

Carte du Monde présentant les possessions coloniales en 1945.

L’État comme nous le connaissons est inséparable à l’existence d’un système interétatique. Pour comprendre ce qu’est un État moderne, il faut le replacer dans un système plus large qui est un système interétatique fondé sur l’universalisme de la forme État, en même temps que sur la particularité de chacun des États. Il y a des spécificités et des particularismes à chaque État mais un universalisme de la forme de l’État. Il y a un certain nombre de principes qui régissent le système interétatique à savoir la reconnaissance mutuelle de souveraineté entre États mais la guerre elle-même est aussi le fruit de certains conventions reconnues par les États entre eux. La souveraineté historiquement était également le droit souverain de la part de l’État de mener la guerre à condition que la guerre soit menée selon les normes et les principes qui vont avec la reconnaissance mutuelle de souveraineté. Historiquement, on peut analyser la guerre comme étant une institution du système interétatique.

Cela pose la question de savoir ce qu’est une institution. Dans International Institutions and State Power: Essays in International Relations Theory publié en 1989, Keohane définit une institution comme « persistent and connected sets of rules (formal and informal) that prescribe behavioral roles, constrain activity, and shape expectations ». Ce sont des ensembles de règle formelles et informelles persistantes dans le temps et connectées entre elles prescrivant certaines normes de comportements, contraignant les pratiques et les activités déterminant les attentes quant au futur de la par des acteurs qui se soumettent à cette institution. Une institution est un ensemble de normes qui contraignent les acteurs à agir d’une certaine manière dans une certaine situation. Néanmoins, cette définition est très imprégnée d’une tradition anthropologique dans laquelle est analysée la vie de tous les jours comme l’est par exemple l’institution du mariage. Cela contraint aux activités qui engendrent un coût. Les institutions ne sont pas absolument déterminantes, mais elles jouent un rôle en créant des coûts symboliques et matériels pour les acteurs qui ne les respecteraient pas.

Comment la guerre en est venue à être analysée en tant qu’institution par les internationalistes tout comme par les praticiens ? Entre l’époque des traités de Westphalie de 1648 et la Révolution française de 1789, cela ne voulait pas dire s’engager dans des activités de violence sur un champ de bataille mais faisait référence à un système juridique qui nécessitait le respect de règles formelles et informelles prescrivant les comportements et les rôles. Être en « état de guerre » entre les guerres de Westphalie et les guerres totales, cela était avant tout un état juridique. Il était possible d’avoir recours à la force armée mais aussi avec l’obligation de respecter un certain nombre de principes, de règles et de normes dont la discrimination entre civils et militaires, l’obligation de porter les armes et l’uniforme à partir de la guerre de Trente an sous le règne de Gustave Adolphe II, le respect du principe de la proportionnalité, impliquer un cessez le feu avec des négociations menant à un traité de paix. La guerre suppose de respecter certaines formes de façon à faire la guerre de manière légitime.

Selon John Vasquez dans The War Puzzle publié en 1993, la guerre est une modalité apprise de prise de décision politique par le biais de laquelle deux ou plusieurs unités politiques allouent des biens matériels ou symboliques sur la base d’une compétition violente. Si on conçoit la guerre comme une institution des relations interétatiques, cela signifie que, comme dans tout système politique avec une pluralité d’acteurs, il va y avoir un problème d’allocation des ressources. Il peut y avoir plusieurs mécanismes afin d’allouer des ressources dans un système à plusieurs acteurs. L’État à travers le gouvernement est un mécanisme de redistribution des richesses, de législation et d’application des lois. En relations internationales, cela est plus complexe. Le problème est que dans les relations internationales, il n’y a pas de mécanisme d’exécutif qui obligerait une fois que le gagnant et le perdant d’un système d’allocation des ressources sont identifiés de respecter les engagements. L’avantage de la guerre sur tout autre mécanisme d’allocation des ressources ne nécessite par nécessairement la coopération des parties. Pour Vasquez, la guerre a permis de déterminer à quel souverain revient tel ou tel bénéfice lié à la vie internationale. Cela devait se conformer et respecter certaines normes constitutives de la conduite de la guerre.

Allegory of the turkish wars: the declaration of war at constantinople, 1603-4 - Johann or Hans Von Aachen.

Holsti montre que la guerre peut être un mécanisme de résolution de conflits. Après la guerre, une fois que le vainqueur et le vaincu avaient été identifiés, un cessez le feu mettait fin au combat mais pas à la guerre, un traité de paix allait avaliser la résolution du conflit et y mettre fin. La guerre était une courte période dans un processus beaucoup plus long de la conflictualité qui allait être un mécanisme par lequel on allait résoudre le conflit. La guerre n’est pas quelque chose de naturel lié au fait que le rapport de force serait constitutif des relations internationales, c’est une institution apprise par les gouvernants inséparable d’un certain nombre de règles. Chacune des parties à ce mécanisme d’allocation des ressources collabore pour mettre fin au conflit même si cela passe par une phase de guerre. L’idée de la guerre comme mécanisme de résolution se retrouve aussi chez Aron dans Penser la guerre, Clausewitz publié en 1971 : « Si la stratégie a une fin, elle pourrait être résumée en un mot : la paix. La fin de la stratégie ou de la conduite de la guerre est la paix, pas la victoire militaire, même si chacun des belligérants veut une paix différente ». Pendant la période des guerres limitées, la guerre était aussi perçue comme tel.

Le souverain qui perd le combat ou émerge sur le champ de bataille comme le battu peut toujours faire défection à l’institution de la guerre. Bien souvent, cela peut être la population qui va se soulever contre l’occupant ce qui dans le droit traditionnel des gens était considéré comme inacceptable. Le droit de résistance dans le jus cogens, n’était pas reconnu. Une population qui se soulève contre l’occupant étranger décidant de mener la guerre à son propre compte était considérée comme une guerre illégitime. Pendant l’occupation de l’Espagne par Napoléon, la guérilla espagnole était considérée comme luttant selon un droit usurpé et qu’il fallait l’exterminer parce qu’elle devait accepter la défaite.

Les guerres réelles tendent toujours à redéfinir ou à transgresser les formes institutionnalisées de guerre qui les ont rendues possibles pour la simple raison que le perdant n’accepte pas toujours d’être perdant, peut lancer une guerre insurrectionnelle après avoir perdu la guerre conventionnelle considérée comme une guerre illégitime. La guerre comme institution a fonctionnée jusqu’à une certaine période mais il y a eu toujours des tentatives de la contourner ou bien de la transformer.

Carte paix de westphalie 1.png

Le système Westphalien se met en place après avec les traités de Westphalie en 1648 à savoir le traité d’Osnabrück et le traité de Münster mettant fin à la guerre de Trente ans. Cette guerre fut excessivement meurtrière, certains historiens considèrent qu’un tiers de la population du Saint empire romain germanique est décédée suite aux conséquences de cette guerre. Le frontières de l’Europe furent redessinées avec le « princis cuius refio, euis religi » selon lequel,chaque prince, souverain, roi est maître sur son territoire pour les questions religieuses afin d’empêcher des conflits de religions à l’intérieur d’État. Ce principe est le principe historique du principe de souveraineté. La sphère politique était à l’époque consubstantielle au domaine religieux.

La souveraineté est une institution du système interétatique fondée sur la reconnaissance mutuelle qui détermine un comportement réciproque, des règles, contraint les activités, limite le droit à mener des guerres d’annexion en tout cas de manière massive. De la même façon que la souveraineté est érigée comme principe avec les traités de Westphalie, la guerre devient une institution de résolution des conflits jusqu’à la Révolution française. Afin de comprendre les caractéristiques que vont prendre la guerre et les guerres à un moment donné, il faut comprendre comment sont structurés les États en interne mais aussi les normes, les institutions et les traités qui régissent la vie internationale et régissent la manière de faire la guerre. Afin de comprendre comment la guerre se transforme en Europe, il ne suffit pas de regarder les règles formelles ou informelles que les gouvernement respectent ou non mais il faut aussi prendre en compte les facteurs institutionnels mais aussi les facteurs technologiques qui expliquent les évolutions de la guerre de 1648 à aujourd’hui.

Les déterminants organisationnels et technologiques

Illustrations of military uniforms from 1690 to 1865 by René L'Hôpital.

Entre 1450 et 1700, Michael Robert a décrit cette période comme étant celle d’une « Révolution militaire » fondée notamment sur des armées de conscrits à savoir généralement des paysans qui vont être obligés de participer à la guerre en vertu de leur devoir d’allégeance. Cela suppose d’imposer une hiérarchie et une chaine de commandement qui permette de coordonner des armées massives. La Révolution militaire de cette époque est notamment fondée sur une réorganisation de l’armée, une redéfinition du mode de recrutement des combattants supposant de rationaliser la logistique, la tactique et l’administration militaire. La période entre 1450 et 1700 correspond à différentes évolutions déterminantes pour l’évolution de l’art de la guerre. D’une part, la généralisation du port de l’uniforme par les combattants, la mise en place d’une discipline stricte ou encore l’encadrement du ravitaillement. Cette révolution militaire est liée aussi à la construction de l’État avec sa rationalisation et sa bureaucratisation. L’invention de l’imprimerie permet d’imprimer des manuels tactiques, de la doctrine militaire, des règlements disciplinaires permettant de diffuser des règles et des principes auprès des forces combattantes participant à leur disciplinarisation et à leur soumission à des comportement et à une conduite en temps de guerre censé les rendre plus efficace. C’est une période où l’on redécouvre les règles antiques comme par exemple avec le raffinement organisationnel de la phalange.

La guerre devient de plus en plus meurtrière du fait de la réorganisation des forces armées mais en même temps l’organisation de la guerre dans les relations internationales, suppose le respect de principe comme le principe de proportionnalité, le principe de distinction entre civil et militaire ou encore le fait de voir déclarer la guerre et la terminer par un traité.

Des guerres religieuses aux guerres modernes

Cromwell, Gustave Adolphe II et Maurice de Nassau sont des belligérants de la guerre de Trente ans. Ces trois protagonistes ont pour point commun d’être protestant. Chez les calviniste du XVIème siècle, XVIIIème siècle et XIXème siècle, il y a l’idée de la prédestination qui est l’idée que tout ce qui arrive à un individu a été décidé par Dieu, correspond à la volonté de Dieu, l’enrichissement dans la vie terrestre est voulu par Dieu. L’idée de la prédestination dans le calvinisme implique que le succès terrestre a une valeur religieuse conduisant à une valorisation très forte dans les communautés calvinistes avec le succès économique. La combinaison d’une assise radicale, l’idéologie de la prédestination selon laquelle une victoire militaire n’est pas seulement une victoire militaire mais aussi de se trouver du bon coté du point de vue théologique implique qu’il y a un accent mis par les protestants de l’époque, une valorisation de la reforme militaire et du système organisationnel militaire afin de le rendre plus efficace.

La poudre à canon est introduit en Europe dès le XIIIème siècle donnant naissance aux armes à feu individuelles mais aussi aux canons et mortiers qui vont façonner la façon de faire la guerre dans la période de la Révolution militaire jusqu’à aujourd’hui. La révolution industrielle est aussi un facteur déterminant dans l’avènement de la guerre totale dit aussi guerre industrielle qui est l’application de la méthode industrielle à la guerre avec une production en chaine, une standardisation qui permet un accroissement de l’efficacité.

La marche forcée vers la guerre totale ?

S’en tenir qu’aux critères technologiques et organisationnels est réductif parce qu’il y a des périodes de guerres limités et institutionnalisées s’expliquant par l’interaction du rôle de la guerre comme institution de la guerre interétatique qui parfois joue plutôt comme institution des pratiques de violence en période de guerre tandis que les facteurs technologies et organisationnels poussent vers des guerres plus meurtrières. D’exogène, la technologiedevient rapidement un facteur endogène au développement organisationnel. C’est la même structure compétitive du système interétatique européen qui explique la « centralisation concurrentielle » des États et le développement ainsi que la diffusion de technologies militaires.

Des guerres du Moyen-Âge à la guerre totale

Selon Holsti dans The State, War and the State of War publié en 2001, il est possible de distinguer trois formes de guerre :

  • les guerres du Moyen-Âge ;
  • les guerres totales ;
  • les guerres dit du tiers-monde.

Des guerres du moyen-âge à la guerre totale

Dans les guerres du Moyen-Âge, différents types d’unités politiques se trouvent impliquées. On trouve différents types de forces combattantes dont des mercenaires, des pirates, des chevaliers et des soldats. Du point de vue de la composition sociologique en temps de guerre, il y une forte hétérogénéité. Le caractère fluide des allégeances est accentué par l’extrêmement hétérogénéité des unités impliqués dans les guerres. Il y a une absence de discrimination civil-combattants qui à pour cause des pillages notamment pour le ravitaillement qui engendre des massacres.

Concernent les guerres du Moyen-Âge, il y a des questions idéologique mais également des luttes de pouvoir jouant un rôle important dans ces guerres qui met en évidence une imbrication d’objectifs économiques, politiques, religieux. Il faut parler d’« états de violence » autant que de batailles rangées.

Les guerres limitées/ institutionalisées/ trinitaires (du « 1er type » selon Holsti) : 1648 – 1789

Les guerres du premier type qui font suivre au Moyen-Âge sont dites guerres limitées et guerres institutionnalisées. Dans ces guerres, « faire la guerre » suppose de respecter un certain nombre de normes strictes qui permet à la guerre d’être un mécanisme strict de résolution des conflits, d’allouer des ressources au sein du système interétatique européen.

Guerre turco-autrichienne de 1716-1718. Huile sur toile exposée au Musée national hongrois.

Ce sont des guerres relativement courtes durant de 1 à 2 ans. Les guerres sont aussi fréquentes. Les guerres limitées suivent un séquençage clair débutant par une déclaration de guerre, puis un cessez-le-feu et se termine avec un traité de paix. Le fait que les guerres d’aujourd’hui se sont pas conforme à cette vision est du au fait que les États ne font plus de déclaration de guerre. Depuis la Première guerre mondiale et plus encore depuis la Deuxième guerre mondiale, l’institution de la guerre est tombée en déshérence et ne se pratique plus.

Les guerres institutionnalisées ont des objectifs limités pour des politiques limités et intérêts limités. Ce sont des guerres caractérisées par une très forte codification avec uniformes, une pratique de la discrimination entre civils et combattants et des codes de conduite. Pendant cette période, la Noblesse d’épée applique son code de tradition militaire fondé sur le principe de chevalerie supposant de respecter l’ennemie en tant que tel du moins son statut hiérarchique. Ces guerres limitées sont aussi limitées par l’origine sociologique commune des combattants qui s’engagent dans la guerre des deux côtés et mus par leur identité de classe plutôt que par leur idéologie nationaliste. Ces guerres sont limitées dans le temps et l’espace mais aussi caractérisées par des tactiques de manœuvre plutôt que d’adopter une approche qui vise à l’annihilation. Certains auteurs appellent les guerres institutionnalisées des « guerres en dentelle ».

La guerre du deuxième type ou guerre totale : 1789 – 1815, 1914 – 1945

La bataille de Marengo. Tableau de Louis-François Lejeune.

Il y a a la fois des déterminants technologiques et organisationnels avec la levée en masse notamment qui ont lieu lors des guerres révolutionnaire qui débutent en 1792. Les forces armées d’un pays vont être conçus comme la « nation en armes » dans le cadre d’armées de conscription qui vontradicaliser les luttes en terme de violence. Le caractère destructif de ces guerres va prendre fin avec la chute de Napoléon qui va s’ouvrir sur la période de la « paix de cent ans » qui se caractérise par un retour des guerres limitées.

Les facteurs qui jouent un rôle important dans ce type de conflit sont le nationalisme et le zèle révolutionnaire, l’annihilation de l’ennemi avec le principe de capitulation sans condition. Les objectifs sont illimités avec des luttes de libération, pour la démocratie ou encore des luttes de race. Leprincipe de non discrimination entre civils et militaires est aussi remis en cause qui étend le champ de bataille bien au-delà des militaires. Les bombardements stratégiques sont le corolaire que dans une guerre totale, la population d’un États et ses ressources diverses sont mises au service d’un État afin de mener l’effort militaire.

Après 1945

Après 1945, il y a une transformation de la conflictualité internationale au travers de ce que Holsti appel les guerres du troisième type. Quelles sont les transformations en Europe du point de vue militaire ?

La phase de 1945 à aujourd’hui du point de vue des guerres sur le continent européen est caractérisée, pour l’Europe occidentale, par le fait qu’il n’y a plus de guerre entre États. Cette période est singulière. En globalisant encore plus le constat, il n’y a pas eu depuis 1945 de guerres entre grandes puissances au niveau international, ce qui est une évolution relativement inouïe parce que dans la littérature des relations internationales, on avait tendance à privilégier les guerres entre grandes puissances. Il y a eu la Guerre froide entre le bloc soviétique et le bloc occidental, des guerres de faible intensité mais les guerres de forte puissance ont disparus depuis 1945. Certains auteurs, historiens et théoriciens des relations internationales comme John Muller ont considérés que les guerres interétatiques traditionnelles ont disparues allant jusqu’à dire que les guerres interétatiques en tant que tel ont disparues. Muller considère qu’on va vers un déclin tendanciel des guerres interétatiques allant vers la disparition des guerres interétatiques.

La question qui se pose est de savoir s’il n’y a pas plutôt une transformation et une hétérogénéité des guerres interétatiques de moins en moins institutionnalisées et qui ne respectent pas les critères classiques mais qui n’en sont pas moins des guerres interétatiques. Par exemple, est-ce que l’invasion de l’Irak en 2003 n’a pas été une guerre interétatique plutôt qu’une intervention militaro-politique. En novembre 2001, lorsque la coalisation américano-britannique a envahi l’Afghanistan, la rhétorique était non pas de mener une guerre contre l’Afghanistan mais de mener une guerre contre le gouvernement illégitime des talibans avec le soutien du gouvernement légitime afghan. On légitimise en niant le caractère de gouvernement au leadership politique des forces armées combattus et en disant qu’on a été invité par les représentants légitime de la population considère comme le noyau d’un État à venir. C’était le cas de l’Alliance du nord en Afghanistan, du Conseil national de transition en Lybie en 2011 permettant de nier le caractère des conflits internationaux qui le sont pourtant.

Il et de plus en plus difficile aujourd’hui dans beaucoup de conflit armés de par le monde de faire une distinction stricte entre guerre civile, guerre interne et guerre interétatique. Avec le conflit en cours en Ukraine, il est difficile de décrire si c’est une guerre civile car des acteurs externes comme la Russie peuvent mener à une interprétation de guerre entre Moscou et Kief. Aujourd’hui, la distinction même entre guerre civile et guerre interétatique est de plus en plus difficile à faire. Ce sont des conflits ayant des composantes étatiques et non-étatiques. La distinction est de plus en plus floue. Il faut voir aussi que de nombreuses guerres civiles ou non-étatiques ont une composante interétatique.

Depuis 1945, il n’y a pas eu de conflit entre États d’Europe occidentale à la différence de l’Europe centrale et orientale avec la guerre d’ex-Yougoslavie et les guerres de Transnistrie en 1992. Comment se fait-il que durant 60 ans, il n’y ait pas eu de guerre entre États d’Europe occidentale ?

Une explication technologique est qu’un des facteurs de ce point de vue mis en avant souvent par les théoricien réalistes est que l’invention de l’arme atomique a rendu les guerre entre « grandes puissances » impossible simplement parce que les armes nucléaires conduisent à la destruction mutuelle assurée. C’est un facteur qui a été utilisé afin d’expliquer la fin des guerres. D’une part, la France et le Royaume-Uni ayant l’arme atomique, ils ne peuvent plus rentrer en guerre, d’autre part, avec le parapluie nucléaire de l’OTAN pendant la Guerre froide, il y avait l’impossibilité de voir émerger des guerres interétatiques en Europe occidentale parce que le risque même d’un dérapage interétatique aurait été trop risqué. L’effet de discipline créé par l’arme nucléaire aurait rendu les guerres moins improbablse et moins bénéfiques pour les États européens.

L’explication organisationnelle est l’avènement de la bureaucratie transnationale sous la forme de l’ « union », de l’Union de l’Europe occidentale ou encore de l’Union européenne qui bureaucratise de plus en plus la vie internationale et qui impose une même logique dans les relations entre gouvernements que celles qui prévalait à travers la bureaucratisation des États. Pour Martin Shaw, le temps est une mise en commun du monopole de la violence légitime à travers de la bureaucratie de monopole nationaux sur la violence légitime limitant la marge de main-œuvre des gouvernements européens et leur capacité à entrer en guerre les uns entre les autres.

On explique parfois le déclin de la guerre interétatique après 1945 par l’interdépendance économique et l’avènement de réseau transnationaux, qui provoqueraient le fait que des régimes démocratiques ne se ferraient pas la guerre entre eux. Martin Shaw montre que c’est peut être moins la montée des interdépendances économiques qui ont conduit à la fin de la guerre interétatique en Europe occidentale que la création d’organisations telle que l’OTAN qui en marginalisant la guerre interétatiques qui ont permis aux interdépendances économiques de se développer. Il met l’accent sur l’aspect organisationnel qui n’affecte plus seulement les gouvernement mais aussi l’espace intergouvernemental notamment à travers l’avènement d’organisations internationales de plus en plus bureaucratisés et influentes.

Il y a une forte densité d’institutions dans le système international qui permet de résoudre les conflits de manière efficace et d’allouer les ressources rendant la guerre improbable et expliquant le déclin des guerres interétatique en Europe par le développement institutionnel. Ce sont des instances qui permettent de résoudre des conflits politiques autre que par la guerre. Les destructions des guerres totales, ont finis selon John Muller par délégitimiser les guerres dans l’idéologie dominante des États occidentaux.

Conclusion : l’après 1945

Depuis 1648 avec les traités de Westphalie, il y a un déclin de la violence interpersonnelle et en même temps, il y a un caractère de plus en plus meurtrier des guerres. Depuis 1648, les guerres sont de moins en moins fréquentes mais en même la tendance de long terme est celle de guerres de plus en plus meurtrières jusqu’en 1945. Mais il n’y a pas d’évolution linéaire avec des oscillations comme entre 1648 et 1789 et entre 1815 et 1914 correspondant à des périodes d’institutionnalisation de la guerre.

L’État est une machine de guerre qui pose les fondements de nouvelles formes de paix notamment à travers l’institutionnalisation des relations intergouvernementales et la création de bureaucraties transgouvernementales.

Notes

Bibliographie

Références