Surveillance

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La surveillance est peut être ce qui nous touche le plus dans notre quotidien. La surveillance peut être un mode de gouvernementalité renvoyant à un certain nombre de concept notamment aux théories foucaldiennes. Parler de surveillance n’est pas simplement parler d’éléments techniques. Il y a toute une discussion liée au besoin d’être dans une situation de sécurité mais limitant nos libertés. Le but n’est pas nécessairement de faire face à un danger externe à nous, mais le but de la surveillance de nous gérer.

La surveillance

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Gouverner : du territoire à la population

Michel Foucault nous a amené à réfléchir à une autre façon d’aborder le terme de gouvernement. Lorsqu’on parle de surveillance, on parle d’une autre manière de penser la manière de nous gouverner. Un panoptique est une structure architecturale pour pouvoir toujours surveiller. L’image du panoptique est retracée par Foucault dans son histoire du développement soit un développement entre gouverner le territoire et gouverner la population. Il montre qu’au XVIème siècle et au XVIIème siècle, on réfléchit à gouverner un territoire spécifique. La dimension centrale est de délimitation territoriale où l’État peut agir de façon légitime. Il y a relativement peu de réflexion autour de qui est-ce qui nous gouverne. Aujourd’hui, il y a une obsession du compte, du profilage des données, des données qui nous définissent comme un individu spécifique. Foucault montre comment à partir du XVIIème siècle, on passe de l’idée de gouverner un territoire à gouverner une population : « une population est définie en relation aux questions de vie et de mort, de santé et de maladie, de propagation et de longévité » qui sont mesurables, quantifiables au travers de multiples instruments.

Lorsqu’on réfléchit sur une population, on s’intéresse à savoir la santé, leur statistique comme sa fertilité, on s’intéresse à des questions de reproduction. Comme le montre Dean dans Governmentality. Power and Rule in Modern Society, le changement de gouvernement est un changement d’attitude du gouvernement vers la population. Dans Il faut défendre la société publié en 1997, Foucault montre qu’on passe du droit de laisser vivre et de faire mourir [souveraineté] au droit de faire vivre et de laisser mourir [bio-politique]. L’État accompagne l’individu dans tous les aspects de notre vie. Lorsqu’on parle de laisser mourir, dans une certaine mesure, l’État choisit les cadres dans lesquels nous allons mourir. L’État gouverne tous les instants de l’individu. Ce « tout » participe à une production de savoir qui participe à une forme de gouvernement de la population. La statistique est un outil de production de savoir qui ne fait pas simplement de rendre un espace vide en collectant des données, la statistique créée des problématiques. Le développement de la statistique qui apparait au cours du XVIIème siècle essentiellement permet de voir comment un État cherche à contrôler et gérer la population. Il faut s’intéresser à la question de la statistique. Cela donne des indications sur comment le gouvernement pense la population.

La gouvernementalité

Dans Le sujet et le pouvoir publié en 1982, Foucault pose que « L'exercice du pouvoir consiste à 'conduire des conduites' et à aménager la probabilité. Le pouvoir, au fond, est moins de l'ordre de l'affrontement entre deux adversaires, ou de l'engagement de l'un à l'égard de l'autre, que de l'ordre du 'gouvernement'. ... [le gouvernement au 16ème siècle] ne se référait pas seulement à des structures politiques et à la gestion des Etats; mais il désignait la manière de diriger la conduite des individus et des groupes: gouvernement des enfants, des âmes, des communautés, des familles, des malades. ... Gouverner, en ce sens, c'est structurer le champ d'action éventuel des autres ».

Le gouvernementalité est conduire des conduites. Ce n’est pas seulement le gouvernement qui pousse à définir des conduites, mais c’est aussi la manière dont nous sommes amené à nous conduire. À travers la dimension de ce que l’État nous invite à faire, nos subjectivités nous invitent à le faire. Ce qui est important dans les dimension de la production est que nous créons de la subjectivité autour de l’idée d’être un acteur productif et si on ne l’est pas, on va se sentir mal comme pour certains chômeurs qui ont le sentiment de ne pas avoir la bonne conduite à avoir.

L’idée foucaldienne est que nous sommes dans une relation de pouvoir et donc dans une relation de co-constitution. Des acteurs ont plus de capital pour déterminer ce que nous allons être. Foucault va revenir au sens premier du terme de gouvernement : « il désignait la manière de diriger la conduite des individus et des groupes: gouvernement des enfants, des âmes, des communautés, des familles, des malades ». Gouverner, c’est structurer le champ essentiel des autres. Le but du gouvernement est de nous amener à agir dans une certaine probabilité. Le gouvernement va donner une palette problèmes de ce que nous allons faire et comment allons nous le faire. Non seulement, on amène la population à se penser d’une certaine manière à travers des statistiques, des ministères et des lois, bien entendu cela à un effet sur la manière dont nous allons nous penser nous amenant à nous autoréguler. C’est penser d’une certaines manière, agir d’une certaine manière mais c’est aussi le fait de se penser et agir en fonction de ce que l’État désir ce que l’on fasse.

Mitchell Dean a publié Governmentality. Power and Rule in Modern Society soulevant la question question centrale d'une analytique du gouvernement qui est « Comment gouvernons-nous et sommes-nous gouvernés au sein de différents régimes [de pratiques, de vérité́, etc.], et [quelles sont] les conditions au travers desquelles ces régimes émergent, continuent d'opérer et sont transformés ». Les rémiges de pratiques sont la façon dans laquelle un objet va nous amener à agir d’une façon particulière alors qu’en fait nous serions amené à agir de manières différentes. Au Japon, on peut faire un lecture du refus du plein emploi des jeunes générations par un mode de pensée allant à l’encontre des générations précédentes qui voyaient le travail comme un but en soi en tant que citoyen et individus.

Il y a une dimension contextuelle historique, il faut toujours réfléchir qu’il y a une origine sans pour autant en chercher à en découvrir l’origine. Le but est de montrer qu’il y a des moments très spécifiques qui expliquent des modes de représentation et des référents. Il s’agit de regarder dans quelle mesure ces choses là vont réapparaitre. Il faut étudier les continuités tout en admettant qu’il n’y a pas que des déterminants. Lorsque Foucault parle de gouvernement dans Sécurité, territoire, population, il postule qu’il y a une technologie essentielle pour gouverner qui sont les « dispositifs de sécurité ».

Le dispositif

Dans Le jeu de Michel Foucault, Foucault parle de « dispositif » comme « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref: du dit aussi bien que du non-dit ... Le dispositif lui-même, c'est le réseau qu'on peut établir entre ces éléments. ... [le dispositif est] une sorte ... de formation, qui, à un moment historique donné, a eu pour fonction majeure de répondre à une urgence ».

Un dispositif et tout est n’importe quoi sauf si on s’y intéresse sur le mode d’une problématique parce qu’on va commencer à façonner et découvrir le dispositif mis en place en commençant à lui donner un contour spécifique. Pour la question de la surveillance, il y a création d’un discours. Par exemple, avec le terrorisme, le discours sur l’inconnu va justifier certains modes de gestions et des modes de pratiques. Un aéroport peut être analysé comme un système architecturel pour contrôler les flux de personnes. Un dispositif ne sont pas forcement des choses lié entre elles. Il y a un moment où l’État sort du droit pour pouvoir faire face à un danger ou une menace. Entre les États-Unis et le Canda, une série d’accords cadre sont mis en place pour faciliter le passage de la frontière. Va être mis place un système dans l’optique d’être en sureté, de faire face à un potentielle de menace. Par exemple a été mis en place un programme de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation. Le but est de faciliter le passage de la frontière. Cela nous interroge comment le simple fait de passer frontière part de l’idée de contrôler des flux mais avec des mesures techniques afin de faciliter le flux. Ce qui est en jeu est l’individu en tant que corps qui a une certaine trajectoire.

Le panoptique

On entre dans une logique panoptique qui est une logique où on ne se rend plus compte que l’on est surveillé. Le panoptique est la volonté de gouverner l’individu. Souvent on considère la surveillance dans sa dimension commerciale. La plupart du temps, il y a l’idée que la surveillance est lié a la vente de nos données ; mais c’est sous-estimer ce que la surveillance fait qui vise à nous amener à nous comporter d’une certaine manière. Le but de la surveillance est de nous amener à adopter des comportements. Toute la tension des nouveaux outils de communications est de nous amener à nous comporter d’une certaine manière.

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Le panoptique et un idéal. La métaphore de la panoptique est la métaphore de la société qui est une métaphore de la régulation et de l’autorégulation dans laquelle les États et les technologies sont là pour nous amener à bien nous conduire. Le but d’une caméra n’est pas simplement de nous prendre sur le fait mais de nous mener à nous comporter différemment parce que nous sommes vus. Il y a une dialectique entre vu et être vu. C’est une dialectique liée à la vision. Dans la panoptique, le surveillant au milieu de sa tour n’est pas vu par les prisonniers. Le but du panoptique n’est pas d’avoir un gardien dans la tour, il faut que le prisonnier pense qu’un gardien peut être présent dans la tour. La métaphore de la société panoptique est une société sous surveillance où il n’y a pas de surveillant, c’est une société où nous sommes notre propre surveillant.

Dans Surveillance Technology and Surveillance Society publié en 2004, David Lyon postule que « Paradoxalement, le côté dur du spectre panoptique peut générer des moments de refus et de résistance allant à l’encontre de la production de corps dociles, alors que le côté doux semble séduire ses participants à une conformité effarante à laquelle certains semblent à peine conscient ».

La surveillance peut être le gardien de prison ou la personne qui nous force à adopter un certain comportement. La force du panoptique tel qu’on le présente est d’être une méthode douce, on ne va pas contraindre mais on est inséré dans un dispositif de sécurité afin de nous gouverner et de nous gouverner nous même sans en être forcement conscient.

Les technologies

Lorsque Foucault parle de technologie, c’est toujours un terme très ambivalent. Dans “Foucault and Technology” History and Technology: An International Journal, Behrent fait deux acceptations importantes :

  1. « depuis le 17ème siècle, le même type de rationalité, de procédures scientifiquement établies afin de contrôler la nature, la production, le temps, et ainsi de suite, étaient utilisés pour gérer les êtres humains, particulièrement dans le cadre d’institutions ». Le but de la science, le but des lumières sont des buts progressistes, de faciliter la vie, d’être plus efficace. La machinisation dans l’industrie est éviter des tâches dures pour les individus, augmenter la productivité, augmenter l’efficacité que l’on a à produire certains objets complexes mais avec une certaine idéologie où l’individu est limité à une tâche spécifique. Si on prend le fordisme, l’idéal de l’homme producteur vient du fait qu’il y a des changements techniques concrets amenant en tant que producteur à se concevoir dans une relation limité à l’objet de production. Comme l’a montré Foucault, la relation mécanique est une discipline à remplir une fonction. Foucault montre que cela nous a amené à nous réfléchir au sein de la société d’une manière différente.
  2. forme de pouvoir disciplinaire « ‘produisant’ des individus de façon à les intégrer dans des structures politiques et économiques en les supervisant, subjectivant et normalisant » rendant ainsi illusoire l’idée d’un « sujet abstrait défini par ses droits individuels ». Souvent, nous avons l’idée que nous sommes libre d’agir comme nous l’entendons. En tant qu’agent, nous avons un nombre de choix et d’options qui nous sont offertes. C’est un usage libéral du choix alors que le choix est biaisé alors qu’on nous façonne pour comprendre les choix d’une certaine manière. Dans une certaines mesures, nous sommes menés à nous concevoir dans un certain sens. La société dans laquelle nous vivons est une société d’institutions, et la vie est un suivit de ces institutions au sein desquels nous sommes amenés à nous penser d’une certaine manière.

La surveillance au quotidien

La surveillance est une forme de gouvernementalité quotidienne. Dans son ouvrage The Electronic Eye: The Rise of Surveillance Society, David Lyon écrit que « Des détails précis de notre vie personnelle sont collectés, enregistrés, récupérer et usités tous les jours au sein d’immenses bases de données appartenant à des grandes compagnies et à des institutions gouvernementales. Ceci est la ‘société de la surveillance’ ». Cela est par exemple retirer de l’argent à un bancomat, faire un appel téléphonique, utiliser une carte de fidélité, conduire une voiture, emprunter des livres à la bibliothèque, utiliser Facebook, traverser une frontière lors d’un voyage, marcher dans la rue, etc. Dès lors, avoir une envie peut conduire à être mené à l’isolation.

Le contrôle des flux et des personnes

Le contrôle des flux et des personnes peut être des CCTV [closed circuit television] comme la reconnaissance faciale, la gestion des flux. Ces outils de gestions de flux qui analysent des corps mais ne sont pas capables de discernement. Il existe aussi des outils de reconnaissance des émotions qui peuvent mener à des situations de confession.

Avec l’architecture comme les aéroports, ce sont des constructions pour contrôler et rythmer les flux. Dans un aéroport, plusieurs rythmes sont offerts avec le passage de différentes modalités de passages spécifiques dans une logique sécuritaire mais aussi dans une logique de consommation. Cette architecture va permettre de réfléchir sur la manière dont nous allons nous contrôler en tant qu’individu. C’est une temporalités de la mobilité séquentielle avec différents processus : identification → contrôle → consommation → surveillance → identification → mobilité.

La biométrie pose des enjeux de fiabilité et de sûreté. Il est démontré que ces technologie disposent d’une marge d’erreur parce qu’on est dans la probabilité. Cela soulève les enjeux du data sharing qui est l’idée que si on fourni ses données à l’État suisse par exemple, l’État suisse va les transférer à d’autres États. Une fois que les données sont partagées, il se peut que les données vont participer à des bases de données commerciales.

Un des enjeux les plus puissance est le changement de l'identification à l'authentification. Cela vise à voir s’il y a un rapport entre ce qu’on prétend être et l’identité. Avec la biométrie, il ne s’agit plus de savoir si on est la bonne personne mais de savoir si on représente vraiment ce qu’on prétend être en tant que voyageur. On entre dans des technologies par lesquelles on ne s’intéresse pas à l’individu par rapport à sa carte d’identité mais par rapport à des caractéristiques afin de vérifier si nous sommes authentiquement ce qu’on prétend être. Cela engendre une logique de confession et autorisation. Il y a une attente qui est posée qui vont mener à se confier par une mise en situation. Il ne faut plus être identique mais authentique.

Le mythe de la balance

La réduction des libertés

Dans le cadre de la perspective la sécurisation, on entre dans un moment d’exception parce que quelqu’un a le pouvoir de dire le danger. il y a aussi des moments très spécifiques où l’État commence à agir afin de réduire certaines libertés comme dans le cadre de situations spéciales en de guerre, dans le cadre d’urgence ou bien d’un danger imminent. L’état d’urgence, les mesures de réduction de liberté est un privilège donné à l’exécutif. Ce sont des pouvoirs spéciaux et discrétionnaires de l’ordre de l’exception. Si on regarde historiquement en temps de guerre où des moments où il y a eu ce genre de délégation, fréquemment, le pouvoir judiciaire qui est l’une des forces de contre-pouvoir les plus fortes et l’ultime pouvoir en matière de pouvoir discrétionnaire, à remis en cause ce pouvoir discrétionnaire. On peut s’interroger sur pourquoi il y a autant de facilités dans une démocratie à accepter que l’État puisse avoir de tels pouvoirs alors que le modèle démocratique est l’idée d’équilibre entre sphères du pouvoir pour limiter ce genre de situations. En d’autres termes, le pouvoir judiciaire a démontré historiquement être généralement peu enclin à s’opposer aux réductions des libertés dans ces situations.

Quelques types de réduction :

  • limitation dans la possibilité pour des individus de voyager librement : l’État s’arroge la prérogative d’entraver la liberté de circuler sans avoir à justifier pourquoi il le fait. L’État s’arroge un certain nombre de droits sans nécessairement respecter certains droits. En France, les juges antiterroristes ont des prérogatives puissantes lorsque cela est justifié donc ils ont une capacité d’arrêter des gens, de les mettre en prison ;
  • emprisonnement pour une durée indéterminée sans jugement : la possibilité, alors qu’il y a des voix de recours le droit d’avoir un avocat et d’accéder à son dossier, de ne pas en consulter ;
  • collection de données personnelles à des fins de renseignement : cela se fait sans en référer à un juge. Dans des cas de logique sécuritaire fort, il y a une autorisation de faire fi de ces demandes ;
  • collection et utilisation de données personnelles et biométriques sans contrôle sur leur stockage, communication et commodification : c’est la collection de toutes formes d’information liées aux pratiques menant à la création de bases de données sur lesquelles on n’a aucune marge de main œuvre et pas conscience de leur existence qui peuvent être partagées, modifiées et commodifiés sans notre accord.

Le concept de l’équilibre

Intuitivement il y a un sens que nous devons trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Il y a d’un côté les liberté de l’individu dans un cadre spécifique d’agir c’est-à-dire les libertés d’un individu de faire tel qu’il l’entend, de l’autre, il y a l’idée que la sécurité doit être là pour protéger la société d’actions de certains individus qui viendraient à la menacer ou la modifier. Il y un équilibre entre liberté et le sens que l’État doit nous protéger. Il faut trouver un équilibre entre ces deux éléments. L’idée de l’équilibre est l’idée qu’il y quelque chose de naturel à penser la relation entre liberté et sécurité qui est une relation intime et naturelle.

Pour Waldron, dans Security and Liberty: the Image of Balance publié en 2003, l’équilibre doit évoluer en fonction des changements dans cette menace si elle devient plus grave et imminente. Si la menace viendrait à disparaitre ou à s’estomper, il y a l’idée qu’on rééquilibrerait pour avoir plus de liberté. L’équilibre doit évoluer en fonction des changements dans cette menace si elle devient plus grave et imminente. Il y a l’idée de quantifier ce que l’on gagne et ce que l’on perd. le concept d’équilibre possède des connotations de précision et de quantité. C’est mettre en parenthèse ses libertés sachant qu’on devrait les retrouver à un moment.

Les enjeux normatifs

La question normative est de savoir quelle marge de manœuvre doit-on laisser à un État pour qu’il agisse pour nous protéger. Tous les États démocratiques ont des systèmes pour éviter que l’exécutif devienne trop fort.

À propos du 11 septembre 2001, Waldron dit qu’il y avait « un sentiment qu’une réduction de nos libertés peut être appropriée après les attaques terroristes, et qu’il était peut-être déraisonnable d’insister sur les mêmes restrictions à l’action de l’état après le 11 septembre de la même manière que nous le faisions avant le 11 septembre ». C’est l’idée qu’il y a une tension où rien n’est jamais acquis car nos libertés sont contextuelles étant liées aux menaces et aux dangers auxquels nous faisons face.

Waldron identifie quatre enjeux normatifs centraux : 1) peut-on appliquer un raisonnement conséquentialiste à une question telle que les droits individuels ? Le raisonnement sur l’équilibre est un raisonnement conséquentialiste, c’est-à-dire qu’on va justifier un certain nombre d’actions en fonction des conséquences que l’on va avoir. Limiter les libertés est juste dans la mesure où les conséquences sont de nous rendre plus sûr. Waldron nous interroge de savoir s’il est possible de raisonner de cette manière lorsqu’il s’agit de limiter nos droits fondamentaux, de savoir si c’est une justification de la sureté est suffisante pour limiter nos droits. Lorsqu’il s’agit de nos droits fondamentaux, s’agit-il d’un équilibre et ne donne t-on pas quelque chose à l’État qu’on ne peut plus retrouver. Waldron propose une perspective déontique afin de savoir si nos libertés individuelles peuvent être réfléchit en terme conséquentialiste ou si se sont des choses inaliénables qu’on ne peut remettre en cause.

2) est-ce que la réduction des libertés induite par une logique sécuritaire touche de façon disproportionnée une frange de la population ? L’idée de l’équilibre parle de façon très abstraite mais on se rend compte que certaines populations sont plus remis en cause que d’autres. Si on remet en cause et qu’on utilise cet équilibre on peut s’interroger dans quelle mesure a t-on des effets qui s’appliqué a tout le monde, dans quelle mesure créé t-on des discriminations vis-à-vis de certains ; donc, dans quelle mesure l’idée d’équilibre ne fait que renforcer les formes de dominations au sein des sociétés, des groupes ou entre les individus.

3) dans quelle mesure la diminution de nos libertés négatives résulte dans une diminution de notre sécurité face à l’État ? Un des éléments centraux de la pensée démocratique mais aussi de la pensée libérale est que l’ennemi premier est l’État. La réflexion de la politique démocratique est d’arriver à une situation où on sait que l’État ne va pas pouvoir devenir autoritaire, utiliser ses capacités discrétionnaires. Du moment que l’on diminue nos libertés, on peut s’interroger dans quelle mesure l’État commence à avoir des pouvoirs vis-à-vis de nos libertés individuelles qui font que l’équilibre sur lequel nous basons la société donne une illusion ; dans quelle mesure ceci afin de devenir juste une procédure, le rapport de force entre l’individu est l’État change d’un telle manière que nous ne sommes plus dans l’équilibre originel. La logique sécuritaire est la logique d’un État où l’État prend le pas sur le reste. Si on accepte la limitation des libertés individuelles, alors dans quelle mesure on accepte que l’État devienne autoritaire.

4) est-ce que ces mesures ont des effets réels ou symboliques ? Par exemple, la plupart des mesures prises dans les aéroports en matière de sécurité sont des mesures symboliques. Qui plus est, la plupart des gens qui vont vouloir outrepasser ces dispositifs, vont pouvoir le faire aisément par d’autres moyens. Cela interroge sur le fait de savoir si on peut respecter nos libertés individuelles si elles sont symboliques. Il est possible d’appliquer un raisonnement conséquentialiste, mais lorsqu’il s’agit des mesures concrètes prises quotidiennement, elles n’ont pas d’effets concrets.

Le mythe de l’équilibre

Il y a un problème inhérent dans la réflexion sur l’équilibre entre liberté et sécurité. Pour Waldron le problème de l’inhérence est de pouvoir réfléchir dans les termes de l’équilibre. Les question normative de Waldron pose la question de savoir si le concept de l’équilibre est pertinent lorsqu’il s’agit de réfléchir sur ce que sont nos sociétés, quelles formes prennent-elles. C’est l’idée que lorsqu’il s’agit de penser la sécurité, c’est peut être un acte politique. Parler, faire, agir en fonction de la sécurité fait que nous sommes lié à un acte politique jamais neutre.

Neocleous argumente que le concept d’équilibre est un mythe. Le mythe peut prendre plusieurs définitions mais il en utilise deux :

  • la première est l’idée de mythe fondateur. Comme le contrat social est un mythe fondateur, Neocleous se pose la même question liée à la question entre équilibre et sécurité. Ne s’agit-il pas d’un mythe politique qui justifie l’acceptation d’un certain ordre par des gens qui n’ont pas intérêt.
  • L’autre idée est qu’un mythe produit un imaginaire justifiant des choses. Tout l’argument de Neocleous est de se poser la question que si quelque chose nous est justifié, montré et mis en avant, n’y a t-il pas quelque chose d’autre de cacher parce que le mythe éblouit.

Plusieurs vont auteurs vont noter que lorsque des penseurs libéraux utilisent l’emploi de mesures d’exception, cela est toujours pour protéger la propriété privée. Neocleous est un penseur néomarxiste montrant que chez les penseurs libéraux, la sécurité est tout aussi importante que la liberté. Dans Security, Liberty and the Myth of Balance: Towards a Critique of Security Politics, Neocleous postule que « le mythe de la ‘balance’ entre sécurité et liberté ouvre la porte [arrière] à l’acceptation d’une palette de mesures sécuritaires autoritaires; mesures qui sont ensuite justifies sur des bases libérales ». Il ne s’agit pas de protéger la liberté mais on justifie les mesures sécuritaires par la liberté. En d’autres termes, il cache un des éléments centraux du libéralisme : la sécurité est plus importante que la liberté. L’enjeu des libéraux est que lorsqu’on met en œuvre des mesures sécuritaires, on protège un certain groupe et certaines choses par certaines personnes.

On se retrouve dans un paradoxe où on s’attend à ce que la pensée libérale dénonce les mesures liberticides alors qu’en fait, elle est plutôt en train de les justifier. Précisément parce que dans un État démocratique libéral, on a ce moment où consciemment ou inconsciemment on rend une partie de nos libertés, on s’attend à ce que l’État soit garant de nos libertés, alors, toute diminution de nos libertés prend une signification encore plus importante. Nous sommes dans des relations asymétriques vis-à-vis de l‘État et la démocratie est la gestion des relations asymétriques dans l’intérêt et l’avantage de l’individu est non pas de l’État. Pourtant, nous sommes toujours à la merci de l’État. Il est important de mettre à jour cette dimension après que nous sommes de plus en plus dans des logiques qui réduisent nos libertés, qui les conditionnent. Le libéralisme participe donc de logiques autoritaires, certes mineures comparées à des régimes autocratiques, qui deviennent de plus en plus présentes et persistantes.

La conséquence pour Neocleous est que « le concept même de sécurité est à abandonner car il nous aveugle quant aux ‘formes contemporaines de domination sociale et justifie le court-circuitage des formes mêmes les plus minimalistes de procédures démocratiques ». Il faut abandonner même le concept de sécurité, penser dans les termes de la sécurité est renforcer les genres de domination de la pensée néolibérale. En fait, on oublie que peut être fondamentalement, que ce qui va déterminer l’équilibre de nos sociétés n’est pas la liberté et la sécurité mais peut être est-ce le rapport de classes, l’économie politique.

Résister à la surveillance

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La surveillance telle que définie par Lyon dans Surveillance Society: Monitoring Everyday Life, est définie comme « la collection et l’analyse de données personnelles, identifiables ou non, dans le but d’influencer or de gérer ceux dont ces données ont été collectées ».

James Scott montre qu’on peut trouver deux types de résistances.

  • résistance transformative : résister à ce processus est difficile car nous sommes dans logiques dont nous ne pouvons que difficilement nous défaire ou transformer. La plupart du temps, on n’arrive pas a résister à l’État parce que l’État est plus fort. Ce type de résistances n’est pas la seule façon par laquelle on peut identifier des formes de résistances.
  • résistance appropriative : la résistance appropriative est de savoir dans quelle mesure dans notre quotidien par de petites choses on transforme nos relations asymétriques en arrivant à les déstabiliser dans un moment spécifique.

Il est possible de détourner la structure de surveillance comme le montre Hasan Elahi. Des auteurs fournissent des clefs de lecture afin de tenter d’ouvrir les yeux à certains ou encore transformer la relation entretenue entre l’État et l’individu.

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Bilan

  • La logique soit/soit (complémentarité de sécurité et liberté) cache une relation plus complexe.
  • Il existe un Bais du "in-group": Les minorités souffrent plus que la société en tout.
  • Il y a une commodification des données. On maitrise son propre info.
  • La question de la résistance; que peut on faire contre la surveillance?

Notes

Bibliographie

  • Behrent, Michael C. (2013) “Foucault and Technology” History and Technology: An International Journal 29(1): 54-104.!
  • Dean, M. (2010) Governmentality. Power and Rule in Modern Society. 2nd ed. London: SAGE Publications.!
  • Foucault, M. (1997) "Il faut défendre la société." Cours au Collège de France. 1976. Paris: Hautes Etudes Gallimard/Seuil.!
  • Foucault, M. (2001[1977]) "Le jeu de Michel Foucault", in Dits et Ecrits II, 1976-1988. Paris: Quatro Gallimard, pp. 298-329. !
  • Foucault, M. (2001[1982]) "Le sujet et le pouvoir", in Dits et Ecrits II, 1976-1988. Paris: Quatro Gallimard, pp. 1041-1062. !
  • Foucault, M. (2004) Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978. Paris: Hautes Etudes Gallimard/Seuil.!
  • Lyon, D. (2006) “The search for surveillance theories”, in Lyon, David, ed. Theorizing Surveillance. The Panopticon and Beyond. Willan Publishing, pp. 3-20.
  • Neocleous, Mark. 2007. “Security, Liberty and the Myth of Balance: Towards a Critique of Security Politics.” Contemporary Political Theory 6 (1): 131–49.!
  • Waldron, Jeremy. 2003. “Security and Liberty: the Image of Balance.” Journal of Political Philosophy 11 (2). Wiley Online Library: 191–210.

Références


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