Politique comparée

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Conférence 1 : Introduction

Deux clarifications préliminaires : • On s’intéresse principalement aux processus politiques (comportement des citoyens, partis politiques, groupes d’intérêt) ; les politiques publiques sont secondaires : » comparative politics » plutôt que « comparative public policy » • On se focalise principalement sur les démocraties « occidentales » : – démocraties libérales (droits civiques) – démocraties représentatives – démocraties de longue durée

I/ Les thématiques du cours A. Problématique méthodologique : qu’est-ce que c’est « l’analyse comparée » de la politique ? Comment la faire ? Pourquoi la faire ? 1. Pourquoi ? a) Qu’est-ce que c’est « la politique comparée » ? : C’est la seule sous-discipline de la science politique qui est définie par sa méthode : « l’analyse comparée ». Méthode :  Comment fait-on l’analyse comparée ? : comparer quoi ? (quels sont les « units of analysis »?)  Pourquoi le faire ? Quels buts ? : « l’analyse comparée » n’est pas une seule méthode. Premier objectif du cours : présentation et discussion de plusieurs approches à l’analyse comparée. b) Comparer quoi ? : L’analyse de comportement politique implique comparaisons entre les individus (entre hommes et femmes, entre jeunes et âgés, ouvriers et professionnels, etc.). « L’analyse comparée » fait référence à un type particulier de comparaison : comparaisons entre « contextes macro ». Souvent les « contextes macro » sont conçus au niveau des pays (« états-nations »), mais on peut également comparer d’autres « contextes macro » : régions (cantons), domaines politiques, périodes historiques, … c) Pourquoi comparer ? : • comparaison pour évaluer (« but normatif »), ex : quelle démocratie est la meilleure ? • comparaison pour expliquer (« but positif »), ex : pourquoi + de partis en Suisse qu’en GB ? L’analyse comparée : « l’analyse des conséquences des contextes macro pour le comportement politiques et les résultats des processus politiques. » Plusieurs « contextes macro » potentiels ; et conséquences aux plusieurs niveaux potentiels : individus (citoyens), acteurs politiques (partis, groupes d’intérêt, mouvements) et politiques gouvernementales. 2. Plusieurs approches méthodologiques : 2 distinctions • L’approche quantitative contre l’approche qualitative : l’analyse d’un échantillon des cas contre la comparaison des cas particuliers (sélectionnés pour leurs particularités). • l’approche déductive contre l’approche inductive : - L’approche déductive : on commence avec une théorie (causale) qu’on veut tester. - L’approche inductive : on commence avec un phénomène/résultat (peut-être un « puzzle ») qu’on veut expliquer. Deux méthodes inductives (John Stuart Mill, A System of Logic, 1843) : On cherche l’explication d’un phénomène (outcome) qu’on observe dans certain cas (« cas positifs ») et qu’on n’observe pas dans d’autres cas (« cas négatifs ») • La méthode d’accord: on cherche des variables explicatives que les cas positifs ont en commun • La méthode de différence : on cherche des variables explicatives que les cas positifs et les cas négatifs n’ont pas en commun • La méthode jointe : les deux principes appliqués au même problème 3. La logique de Mill exemplifiée (Val Bunce, Subversive Institutions, 1999) Le puzzle : variation parmi les pays dans lesquels le socialisme d’État s’est effondré entre 1989 et 1995 – dans certains cas, l’état a été démantelé, pas dans d’autres cas... • Cas positifs (démantèlement) : l’Union soviétique, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, ces États n’existent plus. • Cas négatifs : la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie => pourquoi cette variation ? 3 explications plausibles : le fédéralisme, l’existence des minorités ethniques, mobilisation nationaliste préalable. La méthode d’accord élime la mobilisation préalable comme explication satisfaisante. La méthode de différence élime l’existence des minorités ethniques comme explication satisfaisante.

Conclusion selon la méthode jointe : Le fédéralisme est la variable principale, même peut-être la seule variable, qui explique le puzzle du démantèlement de l’état parmi les pays post-communistes. On applique souvent la méthode de différence sans la méthode d’accord, mais ça suppose que les cas sont suffisamment similaires : • pourquoi observe-t-on une « révolte fiscale « aux États-Unis mais pas en Suède dans les années 70 ?  Cas non similaires, donc comparaison non pertinente. • pourquoi observe-t-on une « révolte fiscale » en Danemark mais pas en Suède dans les années 70 ?  Pays très similaires, possible d’identifier des variables causales. Critiques de la logique de Mill : • Les résultats que nous voulons expliquer sont souvent une question de degré (p.ex., la taille de l’état-providence). • Même pour les événements (comme le démantèlement de l’état), la logique de Mill est trop déterministe. ⇒ La perspective probabiliste : X augmente la probabilité d’observer Y (mais X n’est pas une cause suffisante de Y). ⇒ La causalité plurielle : plusieurs X’s peuvent influencer la probabilité d’observer Y (ou la valeur de Y). 4. L’analyse quantitative : un exemple Alberto Alesina et Edward Glaeser, Fighting Poverty in the United States and Europe (2004). Question : pourquoi l’État-Providence est plus important en Europe qu’aux USA ?

La théorie : la fractionalisation raciale/ethnique sape le soutien pour la redistribution parmi les électeurs aux revenus moyens. Le test : y-a-t-il une association entre fractionalisation et la taille de l’État-Providence à travers les pays ?

On observe bien une causalité entre ces deux variables. La fractionalisation raciale peut expliquer les dépenses sociales. Limites : Spuriousness (fausseté ?): y a-t-il une troisième variable (Z) qui a une influence sur les valeurs de X et Y ?  la « régression multivariée »: quel est l’effet moyen de X sur Y en contrôlant l'effet de Z sur Y ? Causalité inverse : peut-être que les valeurs de X dépendent des valeurs de Y ? => corrélation ≠ causalité : quels sont les mécanismes causaux ? Les phénomènes rares (démantèlements d’états p.ex.) posent un problème pour l’analyse quantitative. 5. « Multi-methods design » • Comparaison des cas, puis analyse quantitative pour tester la (nouvelle) théorie • Analyse quantitative, puis analyse qualitative pour comprendre/tester les mécanismes causaux 6. La temporalité comme élément manquant • Périodes historiques comme contextes macro • La séquence de changements dans les variables d'intérêt 7. L’analyse des individus dans leur contexte macro a) L’explication « fréquentiste » • Exemple A : l’explication « fréquentiste » 1. les travailleurs dans la production ont plus tendance à voter pour les partis de gauche que les travailleurs dans les services 2. les partis de gauche sont plus forts en Europe qu’aux États- Unis parce que plus de travailleurs sont employés dans la production • Exemple B : 1. les personnes croyantes sont plus conservatrices 2. les partis de gauche sont plus forts en Europe qu’aux États-Unis parce qu’il y a moins de personnes croyantes => la relation entre X et Y est la même dans tous les pays b) L’explication « contextuelle » • Exemple A : les travailleurs dans la production ont tendance à davantage voter pour les partis de gauche que les travailleurs dans les services en Europe, mais ce n’est pas le cas aux États- Unis • Exemple B : les personnes croyantes sont plus conservatrices aux États-Unis qu’en Europe => l’idée clé: le contexte change la relation entre X et Y

Résumé : • approche déductive/approche inductive • méthode d’accord/méthode de différence • explication déterministe/explication probabiliste • explication fréquentiste/explication contextuelle • temporalité: variation entre cas au fil du temps

B. Thématique substantielle : 1. Quelles sont les différences principales parmi les systèmes des pays « occidentaux » ? a) Les institutions politiques Les politologues favorisent les comparaisons transnationales parce qu’ils s’intéressent aux conséquences politiques des facteurs (souvent institutionnels) qui varient au niveau national : les conséquences du système politique. Analyse quantitative et comparativiste. L’exemple par excellence (Arendt Lijphart, Patterns of Democracy) : une analyse comparée-quantitative des 36 pays qui étaient « démocratiques » en 2010 et avaient été « démocratiques » pour plus que 20 ans (en 2010). b) Définition formelle de la démocratie « Un système politique dans lequel ceux qui font et appliquent les lois (« les gouverneurs ») sont responsables devant ceux qui doivent obéir aux lois ("les citoyens") à travers des élections régulières et compétitives, au suffrage universel et égal. » => 3 critères : 1. Responsabilité́ 2. Élections régulières et compétitives 3. Suffrage universel et égal c) La perspective « comparativiste » exemplifiée par Lijphart Il y a plusieurs manières d’organiser les élections, la représentation et la responsabilité, principalement : - État unitaire Vs. État fédéral - Régime parlementaire Vs. Régime présidentiel - Élections majoritaires Vs. Élections proportionnelles  Quels sont les conséquences de ces différences institutionnels pour le comportement des citoyens et les acteurs collectives (nombre de partis politiques, …) ? pour les politiques publiques et, finalement, pour la qualité de vie ? d) Deux visions de la démocratie • Vision majoritaire : la démocratie, ça veut dire que la majorité des citoyens (électeurs) décident les politiques gouvernementales. • Vision consensuelle : la démocratie, ça veut dire que tous les citoyens sont représentés dans le processus décisionnel, que le pouvoir politique est partagé parmi les groupements les plus importants des citoyens. 2. Comment expliquer des tendances (changement au fil du temps) que ces pays ont en commun ? Critique de l’approche institutionnaliste => problématiques additionnelles : • Quels sont les mécanismes causales entre institutions et les choix politiques ? • Comment expliquer les différences institutionnelles ? institutions comme choix politiques ? • Comment expliquer le changement au fil du temps, malgré la stabilité institutionnelle ? • D’autres contextes « macro » : l’économie, la culture politique.