« Politique comparée » : différence entre les versions

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== Conférence 1 : Introduction ==
= Conférence 1 : Introduction =
Deux clarifications préliminaires :  
Deux clarifications préliminaires :  
• On s’intéresse principalement aux processus politiques (comportement des citoyens, partis politiques, groupes d’intérêt) ; les politiques publiques sont secondaires : » comparative politics » plutôt que « comparative public policy »  
• On s’intéresse principalement aux processus politiques (comportement des citoyens, partis politiques, groupes d’intérêt) ; les politiques publiques sont secondaires : » comparative politics » plutôt que « comparative public policy »  
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3. Gouvernement majoritaire facilite attribution du blâme/crédit (« clarté de la responsabilité »)
3. Gouvernement majoritaire facilite attribution du blâme/crédit (« clarté de la responsabilité »)
A discuter : est-ce que les gouvernements d’un seul parti sont vraiment plus efficaces que les gouvernements de coalition ?
A discuter : est-ce que les gouvernements d’un seul parti sont vraiment plus efficaces que les gouvernements de coalition ?
= Conférence 3 : Institutions démocratiques : partis politiques et groupes d’intérêt =
I/ Le système électoral et ses conséquences pour le système des partis politiques : le nombre de partis et leurs orientations
A. La thèse de Duverger (Political Parties, 1964)
• La formule SMD engendre une logique « deux-partiste » et des partis type « catch all »
• La formule PR engendre une « multipartiste » et des « partis de niche »
La formule SMD favorise les deux grands partis pour deux raisons :
- L’effet « mécanique » : les grands partis sont surreprésentés dans le parlement (dis-proportionnalité)
- L’effet « psychologique » : les électeurs ne veulent pas « gaspiller » leur vote sur les candidats qui ont peu de chance d'être élus (vote tactique)
B. Lijphart : l’index de Gallagher comme mesure globale de la dis-proportionnalité
V = distribution des votes pour chaque parti / S = distribution des sièges pour chaque parti.
L’écart entre % du vote populaire (au niveau national) et % des sièges obtenus par chaque partis
 Si proportion des sièges et proportion des votes pour chaque parti sont identiques, G = 0
Le scenario majoritaire avec 2 partis (présidentielles françaises, deuxième tour) :
- Parti A : 51 – 100 = -49
- Parti B : 49-0= 49
- 49 au carré = 2401
- 0,5 x (2401 + 2401) = 2401
- √2401 = 49.0
Valeurs moyennes 1945-2010 pour les éléctions législatives (Lijphart, pp150-151) :
Systèmes PR :
Pays-Bas 1.21 Suède 2.04 CH 2.55 Allemagne 2.67 Espagne 7.28
Systèmes SMD :
UK 10.33 USA 14.28 France 20.88
C. Pourquoi les systèmes américains et français sont-ils plus disproportionnels que le système britannique ?
Le « problème français » : plus de candidats (au premier tour), plus de dis-proportionnalité.
Le contraste entre les cas britanniques et américains : les circonscriptions américaines sont bien plus grandes (et plus hétérogènes) que les circonscriptions britanniques...
La taille des circonscriptions :
• Royaume Uni : 650 sièges (House of Commons) électorat : 46 millions = 70,000 électeurs par circonscriptions.
• USA : 435 sièges (House of Representatives) voting-age population : 250 millions = 575,000 électeurs par circonscriptions.
Pour chaque membre du parlement, circonscription bien plus large aux USA qu’au R-U.
D. Le cas SMD
Supposons :
• Un électorat de 1M citoyens (au niveau du pays) dont 51% soutiennent le parti A et 49% soutiennent le parti B
• Un choix entre un parlement avec 50 sièges ou un parlement avec 100 sièges
=> si les préférences partisanes sont distribuées de manière aléatoire sur le territoire, le choix n’importe pas pour la proportionnalité de l’élection (le parti A gagne toujours 100% de sièges)
=> s’il y a des biais géographiques dans la distribution des préférences partisanes (clivage ville-campagne, région riche ou pauvre, etc.), le parti B va être mieux représenté dans le deuxième scenario
Donc un système avec un grand parlement va créer un effet de proportionnalité.
E. Pourquoi la dis-proportionnalité varie-t-elle parmi les pays PR ?
• Seuils de représentation dans le systèmes proportionnels (5% en Allemagne, 4% en Suède) : discrimination contre les petits partis
• La taille des circonscriptions : plus grand est le nombre de sièges à attribuer dans chaque circonscription, plus les résultats sont proportionnels
Différences entre pays PR
•  Pays-Bas : 1 seule circonscription pour élire 150 député au parlement, aucun seuil formel (il suffit à un parti d’obtenir 0.67% des votes au niveau national pour obtenir 1 siège)
•  la Suisse : 26 circonscriptions pour élire 200 députés au Conseil national, avec nombreuses petites circonscriptions (6 n’ont qu’un représentant) ...
Le cas PR : une ilustration très simple (deux partis) :
Supposons que 67% des électeurs dans une circonscription soutiennent le parti A et 33% soutiennent le parti B :
• 2 sièges à attribuer : le parti A gagne tous les deux sièges
• 3 sièges à attribuer : le parti A gagne 2 sièges et le parti B 1 siège
 SMD : la dis-proportionnalité augmente avec la taille des circonscriptions
 PR : la dis-proportionnalité diminue avec la taille des circonscriptions
F. Le nombre (N) effectif de partis politiques (Lijphart, p.68)
La formule : 
On peut calculer cette formule sur la base de la distribution des votes populaires ou celle des sièges parlementaires.
- Deux partis de même taille = 2
1 / [(0,5x.0,5) + (0,5x0,5)] = 2
- Deux partis, un étant plus grand que l’autre : <2
Deux grands partis et deux petits partis : < 4
1/[.42 +.42 +.12+.12]=2.94
 
Proportionnalité entre dis-proportionnalité et nombre de partis effectifs.
G. Contre la thèse de Duverger
1. Le cas britannique
Deux partis au 19e siècle : Conservateurs Vs. Libéraux. Créé en 1905, le parti travailliste (Labour) surpasse les Libéraux comme le principal concurrent des Conservateurs dans les années 1920 (après l’introduction du suffrage universel masculin en 1918). Mais les Libéraux restent le troisième parti. Depuis 1970 : d’autres partis (SNP) apparaissent.
La géographie électorale britannique : plusieurs « systèmes de concurrence électorale » :
- le Nord et les circonscriptions urbaines : Labour contre Conservateurs
- les circonscriptions rurales dans le Sud : Libéraux contre Conservateurs
- l’Écosse : SNP contre Labour
- (l’Irlande du Nord : catholiques/nationalistes contre protestants/unionistes)
=> la logique SMD opère dans les circonscriptions, pas au niveau national : elle défavorise les petits/nouveaux partis avec un soutien diffus, mais elle ne défavorise pas les partis avec un soutien géographiquement concentré.
2. La France (SMD) et l’Allemagne (PR) : dans les années 1970
 
 
la comparaison franco-allemande
• depuis 1980, le système allemand est devenu plus « multi-partiste » et le système français est devenu de plus en plus dominé par la concurrence entre deux grands partis
• la 5e République (1958) introduit le scrutin SMD et le présidentialisme: il a fallu attendre longtemps pour que les conséquences de ces modifications prennent effet
• les électeurs gardent des habitudes, les partis politiques sont des organisations avec un engagement idéologique
II/ Le pouvoir exécutif : typologie des gouvernements
A. Concentration ou partage du pouvoir exécutif ?
Gouvernement majoritaire = gouvernement d’un seul parti = concentration du pouvoir exécutif
Gouvernement de coalition = gouvernement soutenu par plusieurs partis = partage du pouvoir exécutif
Majorité parlementaire dirigée par un seul parti :
Systèmes SMD (14 pays) : 83% Systèmes PR (22 pays) : 18%
Gouvernement majoritaire sans majorité populaire (« manufactured majorities ») :
Systèmes SMD : 44% Systèmes PR : 10%
B. Quel type de gouvernement en l’absence d’un seul parti majoritaire ?
3 possibilités :
1.  gouvernement minoritaire (un ou plusieurs partis)
2.  gouvernement de coalition minimale (« minimum winning coalition »)
3.  gouvernement de coalition « surdimensionnée » (« oversized coalition »)
Le gouvernement allemand actuel est un exemple de gouvernement de coalition minimale.
C. La théorie des coalitions minimales
L’idée de base : les partis et les politiciens sont motivés en premier lieu par les avantages d’occuper les positions gouvernementales, c’est-à-dire qu’ils veulent maximiser les portefeuilles ministériels.
Donc :
• ils sont toujours disponibles comme partenaires gouvernementaux
• ils veulent exclure tous les partis qui ne sont pas nécessaires pour former un gouvernement majoritaire
Gouvernements non-majoriataires (1945-2010) :
Gouvernements minoritaires 28,5 %
Gouvernement de coalition minimale 38,9 %
Gouvernement de coalition surdimensionnée 32,6 %
D. Pourquoi des gouvernements minoritaires et surdimensionnés ?
Gouvernements minoritaires : plusieurs partis jugent qu’il serait mieux de rester en dehors du gouvernement, parce qu’ils ne peuvent pas obtenir les politiques qu’ils veulent, ou alors pour des raisons de tactique électorale
Gouvernements avec une coalition surdimensionnée : un ou plusieurs partis jugent qu’une grande coalition permettra d'améliorer les chances de succès à long terme pour les politiques (réformes) qu’ils veulent introduire
⇒ Les partis sont motivés par des considérations plus complexes que ne le suppose la théorie des coalitions minimales :
• ils se soucient de la substance politique
• ils ont un horizon plus étendu dans le temps
Mesure sommaire de la concentration du pouvoir exécutif: la moyenne pour le pourcentage de gouvernements minimaux et le pourcentage de gouvernements d’un seul parti (p. 98-101) :
 
E. SMD = gouvernement majoritaire = gouvernement efficace ?
Sans doute le cas à court terme, pour chaque gouvernement (pas besoin de négocier avec d’autres partis). Mais le scénario SMD et gouvernement majoritaire peut être inefficace à long terme : chaque gouvernement change les politiques introduites par le gouvernement précédent.
III/ Résumé des autres variations institutionnelles identifiées par Lijphart
1. Concentration/partage du pouvoir éxécutif : gouvernement d’un seul parti ou gouvernement de coalition)
2. Relations entre l’éxécutif et le législatif: dominance de l’éxécutif ou équilibre
- Les députés peuvent prendre des initiatives législatives sans le soutien du gouv. ?
- Le parlement peut forcer la démission du gouv. (et/ou les ministres particuliers) ?
- Qu’elle sont les « fonctions de surveillance » du parlement?
=> mesure quantitative de Lijphart: la durée moyenne des gouvernements (« cabinets ») conçu comme une constellation spécifique des partis politiques
3. Le nombre de partis politiques
4. La disproportionnalité du système électoral
5. Le système de groupes d’intérêt: « pluraliste « (une multitude de groupes d’intérêt en compétition) ou « corporatiste » (concentration et coordination)
• pluralisme :
- Nombreux groupes
- Les groupes sont des acteurs « externes » au gouvernement: engagés dans le lobbying et/ou la mobilisation des citoyens pour les partis/candidats qui partagent leurs préférences
- L’influence politique des groupes découle de leur soutien parmi les citoyens
• corporatisme :
- Un petit nombre de groupes, chacun a un certain « monopole de représentation » (p. ex. organisations faîtières)
- Les employés des associations sont engagés dans les négociations plus ou moins permanentes aves les employés des autres groupes et les fonctionnaires de l’état
- Partenaires dans la mise en œuvre des politiques gouvernementales plutôt que groupes de pression => un index (Siaroff) comme mesure quantitative.
6. Gouvernement unitaire/centralisé ou fédéral/décentralisé
- Systèmes fédéraux : gouvernements « sous-nationaux » avec souveraineté (autorité législative suprême) dans certains domaines (spécifiés par la constitution)
Exemples : Allemagne, Suisse, Etats-Unis
- Systèmes unitaires : le gouvernement national est souverain dans tous les domaines politiques  les gouvernements régionaux et municipaux sont responsables pour l’administration publique et peuvent bien légiférer (= créer des règles que les citoyens doivent suivre), mais le gouvernement national peut toujours annuler/changer ce qui a été décidé à d’autres niveaux.
Exemples : le Royaume-Uni (jusqu’à récemment), la France
Variations plus subtiles: l’échelle proposée par Lijphart :
- Parmi les systèmes fédéraux, quels sont les domaines dans lesquels les états/cantons/provinces sont souverains? quelles sont les ressources fiscales des états/cantons/provinces par rapport au gouvernement fédéral? (4,5 ou 5)
- Les systèmes unitaires peuvent être plus ou moins décentralisés
⇒  catégories intermédiaires introduites par Lijphart (chapitre 10):
• systèmes « semi-fédéraux » (les Pays-Bas) = 3
• systèmes unitaires décentralisés (les pays nordiques) = 2
7. Uni-camérialisme ou partage du pouvoir législatif entre les deux chambres
• y-a-t-il une deuxième chambre législative ?
• quel est son rôle dans le processus législatif ? consultatif ? co- législateur égal ?
• toujours une 2ème chambre avec des pouvoirs considérables dans les pays fédéraux
8. Constitutions facilement modifiées ou rigides 9. Contrôle judiciaire du pouvoir législatif
- La Constitution : rigide (difficile à modifier) ou plutôt flexible ?
- Le rôle politique des tribunaux: est-ce que les tribunaux (p. ex. une cour constitutionnelle) peuvent annuler les lois adoptées par le parlement (et le président) ?
⇒ les 2 questions sont liées : le pouvoir de « judicial review » présuppose que la constitution soit rigide.
⇒ les 2 sont aussi liées au fédéralisme: la constitution est souvent plus rigide et les tribunaux plus importants dans les systèmes fédéraux parce qu’il s’agit de régler les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux.
Le « judicial review »
• la variante américaine : les citoyens ou les gouvernements sous-nationaux (états-membres ou gouvernements municipaux) peuvent demander aux tribunaux de juger la constitutionnalité des lois votées par le parlement et signées par le président
• si les tribunaux inférieurs se prononcent contre le gouvernement fédéral, ces cas se retrouvent devant la Cour Suprême (9 juges nommés pour une durée illimitée)
• la variante européenne (allemande) : un tribunal spécial pour les questions constitutionnelles (« centralized judicial review »)
10. Banques centrales : indépendantes ou non
Autonomie bancaire (CBI) = séparation pouvoirs publiques. Un index conventionnel...
IV/ Les liens entre les variables identifiées par Lijphart (son analyse dans le chapitre 14)
L’analyse factorielle des 10 variables institutionnelles : corrélations entre les variables
=> 2 groupes de variables ou, autrement dit, deux dimensions (« variables latentes »)
• la dimension « exécutifs-partis » (autre label : « power sharing»)
• la dimension « fédérale-unitaire » (autre label : « division of power »)
Les 5 premières variables sont cohérantes.
Scores factoriels : calculés sur la base de : (a) la valeur pour le pays sur chacune des variables individuelles et (b) le poids de chaque variable pour la l’une ou l’autre dimension.
Changement au fils du temps : trois types de variables :
1. Celles qui change d’une élection à l’autre (dis-proportionnalité, nombre effectif de partis)
2. Celles qui ne change presque jamais (la rigidité de la constitution, le rôle du judiciaire)
3. Celles qui change soit lentement au fils du temps (le nombre (relations exécutif-parlement), soit rarement (l’autonomie de la banque centrale)
 
Résumé :
• Quatre types de démocraties :
1. unitaire-consensuelle 2. fédérale-consensuelle
3. fédérale-majoritaire 4. unitaire-majoritaire
• Stabilité de classification des pays au fils du temps
• Chapitres 15-16 (à discuter dans les tutorats) : évaluation quantitative des conséquences des variations sur les deux dimensions pour (a) les politiques choisies, (b) les conditions économiques et sociales et (c) la participation et la satisfaction des citoyens
= Conférence 4 : La redistribution des revenus : pourquoi certains pays le font plus que d’autres ? =
Aujourd’hui :
• Clarification : types de gouvernement, le rôle de la distinction entre régimes parlementaires et présidentiels
• Au-delà du Lijphart : la redistribution des revenus comme objet de l’analyse comparée
Semaine prochaine : retour à Lijphart : critique de la perspective institutionnaliste
I/ Clarification
A. 3 types de gouvernements dans les systèmes parlementaires
Pas de majorité contre le gouvernement.
1. Gouvernements minoritaires
Soutenus par des partis politiques qui n’ont pas des portefeuilles ministériels : soit une coalition stable (mais implicite), soit des coalitions variables selon les enjeux. Soutient de partis qui ne sont ni dans le gouvernement ni dans le parlement.
2. Gouvernements majoritaires minimaux
Soit d’un parti seul, soit de plusieurs partis (mais pas plus qu’il faut pour avoir un majorité),.
3. Gouvernements de coalitions surdimensionnées
Plus de partis que nécessaire pour avoir une majorité parlementaire dans le gouvernement
4. La conclusion principale de Lijphart :
En favorisant les grands partis, le système SMD augmente la probabilité du deuxième scénario. Le deuxième scénario est sans doute le scénario preferé par tous les partis politiques. Ce n’est pas évident que les partis politiques (en général) préfèrent l’un des autres scénarios par rapport à l’autre.
B. Le présidentialisme
Dans un système présidentiel on va avoir gouvernement (au sens étroit) d’un seul parti. La complication : le parti du chef du gouvernement commande également une majorité parlementaire ?
⇒ si oui : l’équivalent du scénario parlementaire no. 2
⇒ si non : un scénario de « cohabitation » (divided government)
C. Spécificités des régimes présidentiels
• Cas américain : 2 chambres égales (=une probabilité de cohabitation plus élevée). Il faut une majorité dans les 2 chambres pour avoir un gouvernement majoritaire.
• Cas français : le double exécutif (= - de pouvoir pour le président dans une situation de cohabitation)
II/ La redistribution des revenus (par le gouvernement) comme objet d’analyse comparée
A. Deux questions plus précises :
- Pourquoi observe-t-on plus de redistribution dans les pays avec des systèmes électoraux PR ?
- Pourquoi observe-t-on plus de redistribution dans les pays plus inégaux ?
D’abord : Que-ce c’est la redistribution ? Comment la mesurer ? Quelques données pour motiver les deux questions...
B. Observations préliminaires
• 3 types de dépenses sociales : (1) assurance sociale, (2) assistance sociale et (3) services (santé, soins aux personnes âgées, garde d’enfants)
L’importance relative de services sociales et programmes « assistance sociale » varie selon le pays. Dans tous les pays, les programmes d’assurance sociale plus ou moins universels représentent la majorité des dépenses sociales.
Assurance sociale = -    transferts des revenus du gouvernement aux ménages
- les transferts sont typiquement proportionnels aux revenus gagnés « dans le marché » (« income replacement » )
C. Est-ce que l’Etat-providence redistribue les revenus entre ménages ?
Oui, si les taux d’impôts sont progressifs (plus hauts pour les riches). Même si les transferts sont proportionnels, il y a normalement un minimum et en maximum des bénéfices dans les programmes d’assurance sociale (un choix politique). Plus important, l’assurance sociale redistribue dans la mesure que les risques sociaux tombent principalement sur les individus ou ménages avec des revenus faibles (évidemment le cas pour le chômage, pas pour la retraite)
D. Mesurer la redistribution (une approche conventionnelle)
• Une mesure de l’inégalité avant impôts et transferts (« market income »)
• La même mesure après impôts et transferts (« disposable income »)
=> quelle est la différence entre les deux ? quelle est la réduction de l’inégalité (en pourcentage) produit par les impôts et les transferts aux ménages ?
Mesures de l’inégalité :
•  le pourcentage des revenues d’une certaine catégorie des ménages (p.e., les 10% plus riches)
•  le taux de pauvreté relative (% des personnes dans les ménages avec un revenu moins que 50% du moyen)
•  le ratio des revenues au 90ème percentile aux revenues au 10ème percentile (ou 90-50, 50-10)
•  le coefficient de Gini...
E. Le coefficient Gini
On additionne la contribution de chaque unité (ménages ou individus) au revenu global en classant les revenus du plus bas au plus haut. S’il n’y pas d’inégalité, la contribution de chaque unité est exactement la même (« the line of perfect equality »). En réalité, la contribution de certaines unités est plus grande.
Le coefficient de Gini = l’espace jaune comme fraction du triangle en dessous de la ligne diagonale = le pourcentage du revenu global qu’il faut redistribuer pour obtenir une égalité parfaite.
III/ Le système PR et la redistribution
A. Le système PR et la redistribution
Lijphart : le Gini coefficient (et la pauvreté) est plus bas dans les démocraties consensuelles... deux questions se posent :
1. Est-ce que c’est grâce aux politiques gouvernementales ?  Oui
2. Si c’est le cas, pourquoi les gouvernements de coalition poursuivent-ils plus de redistribution que les gouvernements majoritaires d’un seul parti ?
B. Pourquoi cette corrélation entre PR et redistribution ?
Deux hypothèses :
1. Dans les systèmes SMD, les gouvernements sont plutôt susceptibles des poursuivre le ciblage géographique des dépenses pour gagner des circonscriptions
2. Les partis de gauche sont plus souvent au gouvernement dans les pays PR
(Torben Iversen and David Soskice. 2006. “Electoral Institutions and the Politics of Coalitions.” L’hypothèse partisane (2)
• Les partis politiques ont des « core constituencies » qu’ils veulent satisfaire
• Les partis de centre-gauche favorise la redistribution plutôt que les partis de centre-droite parce que leurs électeurs ont des revenus plus faibles
• La redistribution est + élevée dans les pays avec + de gouvernement de gauche (à la longue durée)
• Plusieurs études empiriques (analyses de régression) montrent qu’il y une association statistique entre la représentation des partis de gauche dans le gouvernement et le niveau de redistribution
• La question posée par Iversen et Soskice : les partis centre-gauche, pourquoi sont-ils plus forts (plus souvent au gouvernement) dans certains pays que d’autres ?
1. La théorie D’Iversen et Soskice
3 classes de même taille: low income (L), middle income (M) et high income (H)
Le scénario PR :
• 3 partis correspondant aux 3 classes
• Gouvernement de coalition pour avoir un gouvernement majoritaire, soit LM, soit HM
Le scénario SMD :
• Un parti plutôt L et un parti plutôt H, tous les deux cherchant le soutien des électeurs M
• Les électeurs M s’inquiètent que les partis vont suivre une politique “pure” (soit L, soit H) après l’élection.
Les préférences des électeurs M :
Une politique LM est meilleur qu’une politique HM
Mais une politique H (pas de redistribution) est mieux qu’une politique L (redistribution que pour L)
Dans le scénario SMD, les M votent pour le parti H pour éviter une politique de redistribution que pour L L’existence d’un parti M permet une alliance LM stable.
Critique : La théorie d’Iversen et Soskice suppose que les préférences politiques des électeurs au milieu de la distribution des revenus sont toujours les mêmes, mais ce n’est pas le cas...
C. L’inégalité et la redistribution : le « paradoxe Robin Hood »
1. Le paradoxe Robin Hood au fil du temps (ou « le puzzle Piketty »)
L’inégalité (surtout les top income shares) a monté dans tous les pays depuis 1990, mais la redistribution a diminué́ dans la plupart des pays.
2. Pourquoi c’est un paradoxe ?
Un modèle très simple (Meltzer-Richard) :
• quand l’inégalité monte, la proportion des citoyens qui gagnent (sont bénéficiaires nets) d’une politique de redistribution augmente également
ou
• quand la distance entre le revenu médian et le revenu moyen est plus grande, le citoyen qui gagne le revenu médian veut plus de redistribution
=> supposons que tous les citoyens votent et que les partis cherchent le soutien de la majorité (= le soutien du « voteur médian ») : la redistribution devrait augmenter avec l’inégalité...
3. Deux explications potentielles du paradoxe
a) Le demand side
Les citoyens ne répondent pas à l’inégalité dans la manière supposée par Meltzer-Richard
• les perspectives de mobilité sont importantes pour le calcul rationnel des citoyens
• la race et l’affinité sociale avec les pauvres
b) Le supply side
Le système politique (démocratique) ne répond pas aux citoyens dans la manière supposée
D. La structure de l’inégalité
(Noam Lupu et Jonas Pontusson, “The Structure of Inequality and the Politics of Redistribution,” American Political Science Review 105(2011): 316-336)
l’idée clé: si les citoyens au milieu de la distribution des revenus sont plus proches aux pauvres qu’aux riches, ils vont soutenir une politique de redistribution; s’il sont plus proches aux riches, ils vont opposer un telle politique. Calcul des perspectives possibles. Chances de devenir riche ou pauvre.
Skew (structure) = le ratio de revenues 90-50/le ratio de revenues 50-10
L’explication du « puzzle Piketty » : les top income shares ont augmenté depuis 1990, mais, au même temps, la pauvreté est devenu de plus en plus concentrée parmi les immigrants et (plus généralement) les gens avec une éducation basse.
E. L’hypothèse diversité
(Alesina et Glaeser, chapitre 6)
« When there are significant numbers of minorities among the poor, then the majority population can be roused against transferring money to people who are different from themselves » (p. 134)
=> une condition objective (diversité), mais il faut qu’il y ait des acteurs politiques qui se livrent à la mobilisation de stéréotypes contre les minorités
=> épisodes de mobilisation de stéréotypes raciaux contre des projets politiques d’expansion de l’Etat-providence et de redistribution : les années 1890 et 1960.
Ce sont les conditions objectives du cas américain qui sont (ont été) distinctives
« From Hitler to Haidar, European demagogues have shown as much willingness to exploit racism as their American equivalents. But European homogeneity has generally left them with much less to work with. » (p. 166)
« ... racism is not some unusual American trait, but the natural result of minorities who are disproportionately poor and politicians who can push hatred on an anti-welfare ticket. » (p. 177)
La diversité explique-t-elle la variation transnationale ?
 L’indice de « fractionalisation »: la probabilité que deux individus choisis au hasard appartiennent au même groupe racial
(N.B.: la théorie concerne la surreprésentation des minorités parmi les pauvres plutôt que la diversité, mais les deux sont probablement liées)
F. Le supply side : inégalité dans la représentation politique
La politique gouvernementale répond plus aux préférences des citoyens riches qu’aux préférences des citoyens pauvres.
• cette inégalité politiques augmente avec l’inégalité économique(?)
Gilens, Martin, “Inequality and Democratic Responsiveness,”
Public Opinion Quarterly, v. 69, no. 5 (2005), 778-796.
• ca. 1’700 sondages 1981-2002, concernant toutes les domaines
politiques imaginables: désirez-vous un changement de la politique?
• est-ce que la politique a changé dans les 4 ans suivant une enquête?
• préférences pour le changement triés en fonction du revenu des répondants
La probabilité d’un changement augmente avec les désirs des répondants riches, pas du tout avec les désirs des répondants pauvres.
Les désirs des répondants à revenu médian n’affectent non plus la probabilité d’un changement.
comment expliquer l’inégalité de représentation?
• le citoyens plus pauvres ne participent pas autant que les citoyens affluents
• les préférences des citoyens affluents sont mieux alignés avec ceux de puissants groupes d'intérêts
• le financement des partis/campagnes et le lobbying
• descriptive représentation: les élus viennent principalement des milieux plus privilégiés (et comprennent mieux les préférences des citoyens plus riches)
un petit problème...
• le soutien pour une politique de redistribution parmi les pauvres et les classes moyennes n’a pas augmenté dès les années 1990 jusqu’au début des années 2010!
• l’impact de l’influence des citoyens plus riches (et le business) dans le système politique comme explication des préférences de l’ électeur médian ?

Version du 24 février 2021 à 13:16

Conférence 1 : Introduction

Deux clarifications préliminaires : • On s’intéresse principalement aux processus politiques (comportement des citoyens, partis politiques, groupes d’intérêt) ; les politiques publiques sont secondaires : » comparative politics » plutôt que « comparative public policy » • On se focalise principalement sur les démocraties « occidentales » : – démocraties libérales (droits civiques) – démocraties représentatives – démocraties de longue durée

I/ Les thématiques du cours A. Problématique méthodologique : qu’est-ce que c’est « l’analyse comparée » de la politique ? Comment la faire ? Pourquoi la faire ? 1. Pourquoi ? a) Qu’est-ce que c’est « la politique comparée » ? : C’est la seule sous-discipline de la science politique qui est définie par sa méthode : « l’analyse comparée ». Méthode :  Comment fait-on l’analyse comparée ? : comparer quoi ? (quels sont les « units of analysis »?)  Pourquoi le faire ? Quels buts ? : « l’analyse comparée » n’est pas une seule méthode. Premier objectif du cours : présentation et discussion de plusieurs approches à l’analyse comparée. b) Comparer quoi ? : L’analyse de comportement politique implique comparaisons entre les individus (entre hommes et femmes, entre jeunes et âgés, ouvriers et professionnels, etc.). « L’analyse comparée » fait référence à un type particulier de comparaison : comparaisons entre « contextes macro ». Souvent les « contextes macro » sont conçus au niveau des pays (« états-nations »), mais on peut également comparer d’autres « contextes macro » : régions (cantons), domaines politiques, périodes historiques, … c) Pourquoi comparer ? : • comparaison pour évaluer (« but normatif »), ex : quelle démocratie est la meilleure ? • comparaison pour expliquer (« but positif »), ex : pourquoi + de partis en Suisse qu’en GB ? L’analyse comparée : « l’analyse des conséquences des contextes macro pour le comportement politiques et les résultats des processus politiques. » Plusieurs « contextes macro » potentiels ; et conséquences aux plusieurs niveaux potentiels : individus (citoyens), acteurs politiques (partis, groupes d’intérêt, mouvements) et politiques gouvernementales. 2. Plusieurs approches méthodologiques : 2 distinctions • L’approche quantitative contre l’approche qualitative : l’analyse d’un échantillon des cas contre la comparaison des cas particuliers (sélectionnés pour leurs particularités). • l’approche déductive contre l’approche inductive : - L’approche déductive : on commence avec une théorie (causale) qu’on veut tester. - L’approche inductive : on commence avec un phénomène/résultat (peut-être un « puzzle ») qu’on veut expliquer. Deux méthodes inductives (John Stuart Mill, A System of Logic, 1843) : On cherche l’explication d’un phénomène (outcome) qu’on observe dans certain cas (« cas positifs ») et qu’on n’observe pas dans d’autres cas (« cas négatifs ») • La méthode d’accord: on cherche des variables explicatives que les cas positifs ont en commun • La méthode de différence : on cherche des variables explicatives que les cas positifs et les cas négatifs n’ont pas en commun • La méthode jointe : les deux principes appliqués au même problème 3. La logique de Mill exemplifiée (Val Bunce, Subversive Institutions, 1999) Le puzzle : variation parmi les pays dans lesquels le socialisme d’État s’est effondré entre 1989 et 1995 – dans certains cas, l’état a été démantelé, pas dans d’autres cas... • Cas positifs (démantèlement) : l’Union soviétique, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, ces États n’existent plus. • Cas négatifs : la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie => pourquoi cette variation ? 3 explications plausibles : le fédéralisme, l’existence des minorités ethniques, mobilisation nationaliste préalable. La méthode d’accord élime la mobilisation préalable comme explication satisfaisante. La méthode de différence élime l’existence des minorités ethniques comme explication satisfaisante.

Conclusion selon la méthode jointe : Le fédéralisme est la variable principale, même peut-être la seule variable, qui explique le puzzle du démantèlement de l’état parmi les pays post-communistes. On applique souvent la méthode de différence sans la méthode d’accord, mais ça suppose que les cas sont suffisamment similaires : • pourquoi observe-t-on une « révolte fiscale « aux États-Unis mais pas en Suède dans les années 70 ?  Cas non similaires, donc comparaison non pertinente. • pourquoi observe-t-on une « révolte fiscale » en Danemark mais pas en Suède dans les années 70 ?  Pays très similaires, possible d’identifier des variables causales. Critiques de la logique de Mill : • Les résultats que nous voulons expliquer sont souvent une question de degré (p.ex., la taille de l’état-providence). • Même pour les événements (comme le démantèlement de l’état), la logique de Mill est trop déterministe. ⇒ La perspective probabiliste : X augmente la probabilité d’observer Y (mais X n’est pas une cause suffisante de Y). ⇒ La causalité plurielle : plusieurs X’s peuvent influencer la probabilité d’observer Y (ou la valeur de Y). 4. L’analyse quantitative : un exemple Alberto Alesina et Edward Glaeser, Fighting Poverty in the United States and Europe (2004). Question : pourquoi l’État-Providence est plus important en Europe qu’aux USA ?

La théorie : la fractionalisation raciale/ethnique sape le soutien pour la redistribution parmi les électeurs aux revenus moyens. Le test : y-a-t-il une association entre fractionalisation et la taille de l’État-Providence à travers les pays ?

On observe bien une causalité entre ces deux variables. La fractionalisation raciale peut expliquer les dépenses sociales. Limites : Spuriousness (fausseté ?): y a-t-il une troisième variable (Z) qui a une influence sur les valeurs de X et Y ?  la « régression multivariée »: quel est l’effet moyen de X sur Y en contrôlant l'effet de Z sur Y ? Causalité inverse : peut-être que les valeurs de X dépendent des valeurs de Y ? => corrélation ≠ causalité : quels sont les mécanismes causaux ? Les phénomènes rares (démantèlements d’états p.ex.) posent un problème pour l’analyse quantitative. 5. « Multi-methods design » • Comparaison des cas, puis analyse quantitative pour tester la (nouvelle) théorie • Analyse quantitative, puis analyse qualitative pour comprendre/tester les mécanismes causaux 6. La temporalité comme élément manquant • Périodes historiques comme contextes macro • La séquence de changements dans les variables d'intérêt 7. L’analyse des individus dans leur contexte macro a) L’explication « fréquentiste » • Exemple A : l’explication « fréquentiste » 1. les travailleurs dans la production ont plus tendance à voter pour les partis de gauche que les travailleurs dans les services 2. les partis de gauche sont plus forts en Europe qu’aux États- Unis parce que plus de travailleurs sont employés dans la production • Exemple B : 1. les personnes croyantes sont plus conservatrices 2. les partis de gauche sont plus forts en Europe qu’aux États-Unis parce qu’il y a moins de personnes croyantes => la relation entre X et Y est la même dans tous les pays b) L’explication « contextuelle » • Exemple A : les travailleurs dans la production ont tendance à davantage voter pour les partis de gauche que les travailleurs dans les services en Europe, mais ce n’est pas le cas aux États- Unis • Exemple B : les personnes croyantes sont plus conservatrices aux États-Unis qu’en Europe => l’idée clé: le contexte change la relation entre X et Y

Résumé : • approche déductive/approche inductive • méthode d’accord/méthode de différence • explication déterministe/explication probabiliste • explication fréquentiste/explication contextuelle • temporalité: variation entre cas au fil du temps

B. Thématique substantielle : 1. Quelles sont les différences principales parmi les systèmes des pays « occidentaux » ? a) Les institutions politiques Les politologues favorisent les comparaisons transnationales parce qu’ils s’intéressent aux conséquences politiques des facteurs (souvent institutionnels) qui varient au niveau national : les conséquences du système politique. Analyse quantitative et comparativiste. L’exemple par excellence (Arendt Lijphart, Patterns of Democracy) : une analyse comparée-quantitative des 36 pays qui étaient « démocratiques » en 2010 et avaient été « démocratiques » pour plus que 20 ans (en 2010). b) Définition formelle de la démocratie « Un système politique dans lequel ceux qui font et appliquent les lois (« les gouverneurs ») sont responsables devant ceux qui doivent obéir aux lois ("les citoyens") à travers des élections régulières et compétitives, au suffrage universel et égal. » => 3 critères : 1. Responsabilité́ 2. Élections régulières et compétitives 3. Suffrage universel et égal c) La perspective « comparativiste » exemplifiée par Lijphart Il y a plusieurs manières d’organiser les élections, la représentation et la responsabilité, principalement : - État unitaire Vs. État fédéral - Régime parlementaire Vs. Régime présidentiel - Élections majoritaires Vs. Élections proportionnelles  Quels sont les conséquences de ces différences institutionnels pour le comportement des citoyens et les acteurs collectives (nombre de partis politiques, …) ? pour les politiques publiques et, finalement, pour la qualité de vie ? d) Deux visions de la démocratie • Vision majoritaire : la démocratie, ça veut dire que la majorité des citoyens (électeurs) décident les politiques gouvernementales. • Vision consensuelle : la démocratie, ça veut dire que tous les citoyens sont représentés dans le processus décisionnel, que le pouvoir politique est partagé parmi les groupements les plus importants des citoyens. 2. Comment expliquer des tendances (changement au fil du temps) que ces pays ont en commun ? Critique de l’approche institutionnaliste => problématiques additionnelles : • Quels sont les mécanismes causales entre institutions et les choix politiques ? • Comment expliquer les différences institutionnelles ? institutions comme choix politiques ? • Comment expliquer le changement au fil du temps, malgré la stabilité institutionnelle ? • D’autres contextes « macro » : l’économie, la culture politique.


Conférence 2 : Institutions démocratiques : formes gouvernementales et scrutins électoraux

I/ La perspective institutionnelle : le livre de Lijphart Problématique de base : La démocratie (définie par les élections compétitives comme mécanisme pour la représentation des citoyens et la responsabilité du gouvernement) peut-être organisée de plusieurs manières très différentes : démocratie suisse ≠ démocratie britannique. A. Le projet de Lijphart : 3 étapes 1. Identifier et mesurer les différences institutionnelles (chap. 5-13) : au total, 10 variables mesurables (ou peut-être « aspects/dimensions de variation ») 2. Conceptualiser (et mesurer) les liens parmi les 10 variables => une typologie des démocraties (chap. 2-3 et 14) : démocraties majoritaires et democraties consensuelles 3. Évaluer l’impact de ces différences institutionnelles en termes de politiques publiques et de conditions économiques et sociales (chap. 15-16), conséquences de ces politiques. B. Notre discussion Aujourd’hui : Introduction à la problématique de Lijphart, deux distinctions primordiales : 1. gouvernement parlementaire et gouvernement présidentiel 2. élections majoritaires et proportionnelles La semaine prochaine (conférence no. 3) : • un inventaire complet des différences identifiés par Lijphart • discussion de son classement (typologie) des pays Le premier tutorat : discussion du projet évaluatif de Lijphart: les démocraties consensuelles, sont-elles meilleures? Conférence no. 5 : les limites de la perspective instutionelle II/ La perspective « institutionnaliste »

A. Institutions = « règles du jeu » Comprendre les conséquences de ces règles du jeu. • Certaines règles ne sont jamais prescrites par la constitution, d’autres sont toujours prescrites par la constitution • Certaines règles peuvent être « constitutionnelles » ou non : certaines constitutions sont plus détaillées que d'autres • Les règles pour changer la constitution sont, elles-mêmes, une dimension de variation transnationale (variable no. 8 dans le schéma de Lijphart) Les règles électorales sont précisées par la constitution dans certains pays, mais pas dans d’autres. B. Que faut-il pour modifier la constitution ? • R-U : majorité dans le House of Commons, pas de lois supérieures des décisions du Parlement. • E-U : majorités de 2/3 dans les 2 assemblées législatives au niveau fédéral + majorités législatives dans 4/5 de tous les états-membres. Très difficile de changer la constitution. Très peu de changements dans ces 50 dernières années. III/ Les deux visions de la démocratie • Vision majoritaire (britannique) : la démocratie, ça veut dire que la majorité des citoyens (électeurs) décident les politiques gouvernementales. • Vision consensuelle (suisse) : la démocratie, ça veut dire que tous les citoyens sont représentés dans le processus décisionnel, que le pouvoir politique est partagé parmi les groupements les plus importants des citoyens => gouvernement de coalition, gouvernement par compromis. IV/ Deux manières de partager le pouvoir gouvernementale •Entre les différents niveaux de gouvernement (ou différentes « instances gouvernementales »)  fusion power contre division of power (=la dimension « fédérale-unitaire ») • Au même niveau (ou dans la même instance), entre les différents acteurs politiques  majority rule contre power-sharing (=la dimension « éxécutifs-partis »)

Ambiguïté dans le livre de Lijphart : y-a-t-il 2 ou 4 types de démocratie ? Dans ces cas là, lorsqu’il affirme que les gouv. De coalition sont meilleurs, parle-t-il de la Suède ou de la Suisse ? Le fédéralisme (deuxième forme de partage du pouvoir) à discuter la semaine prochaine : pour le moment, supposons un état unitaire (et supposons qu’il y une chambre du parlement qui est dominante, la chambre populaire, élue directement par le peuple) ... V/ Gouvernement parlementaire et gouvernement présidentiel Les relations entre l’exécutif du gouvernement et l’assemblée législative ou les assemblées législatives sont une thématique importante pour Lijphart (variable no. 3), mais le choix « présidentialisme contre parlementarisme » ne figure pas parmi les 10 aspects de variation transnationale identifiés par Lijphart... A. Gouvernement présidentiel (exemples : les Etats-Unis et la France) • Elu directement par les citoyens, le président est le chef du gouvernement et le chef d’Etat. • Le président a un mandat politique et des pouvoirs constitutionnels indépendants du parlement (la majorité législative) • Les ministres (le cabinet) sont nommés par le président et ils sont responsables devant lui • Le président et le parlement légifèrent (adoptent des lois) conjointement • Gouvernement par executive orders : décisions par le président qui ont la force de loi B. Gouvernement parlementaire (exemples : le Royaume-Uni et l’Allemagne) • Distinction entre « chef d’état » et « chef du gouvernement » • Le chef du gouvernement (premier ministre) est élu par la majorité parlementaire (la majorité de l’assemblée « populaire ») • Présidé par le premier ministre, le gouvernement (le cabinet) est le « comité exécutif » du parlement (la majorité du parlement) • Les pouvoirs législatifs exercés par le gouvernement ont été délégués par le parlement • Le cabinet et les ministres sont responsables devant le parlement et le parlement peut les forcer à démissionner • Le gouvernement contrôle l’agenda du parlement C. Différences entre régimes présidentiels USA : • Pouvoir de veto du président : si le président refuse la signature, il faut une majorité de 2/3 dans les deux chambres du congrès pour qu’une initiative parlementaire devient la loi. Très difficile de légiférer sans le président mais aussi difficile pour le président de légiférer sans le parlement. • Le président ne peut pas dissoudre le parlement France : • Aucun pouvoir de veto • Mais le président peut dissoudre l’Assemblé Nationale

Gouvernement présidentiel américain = séparation des pouvoirs éxécutifs, législatifs et judiciaires Gouvernement parlementaire britannique = fusion des pouvoirs (= gouvernement par la majorité parlementaire)

=> c’est le Royaume Uni qui est l’exemple par excellence de la démocratie majoritaire, mais comment caractériser les USA (ou la France sous « cohabitation ») ? D. Le cas suisse : gouvernement parlementaire ? • le parlement nomme le gouvernement (les ministres) mais il ne peut pas les forcer à démissionner entre les élections • gouvernement de coalition permanente : les résultats électoraux n’influencent pas la composition partisane du gouvernement (sauf de temps en temps) VI/ Systèmes éléctoraux Problématique : comment se forme une majorité gouvernementale dans un système parlementaire ? Norme dans la Grande Bretagne : gouvernement d’un seul parti (majoritaire ou presque-majoritaire) Norme dans l’Allemagne : gouvernement de coalition (plusieurs parties politiques dans le gouvernement) => le système électoral comme l’explication principale pour cette divergence... A. Les 2 types de base PR (proportional representation) : • plusieurs élu-e-s dans chaque circonscription • le nombre de sièges attribués dans chaque circonscription est proportionnel à sa population • dans chaque circonscription, les sièges sont attribués aux partis proportionnellement au nombre de votes obtenus SMD (single-member districts) : • un-e seul-e élu-e par circonscription • les circonscriptions sont de même taille • le candidat qui obtient plus de voix que les autres dans une circonscription est élu Précisions préliminaires : • Distinction entre systèmes SMD et système PR concerne les élections aux assemblés législatives (parlements) • Les élections présidentielles sont toujours majoritaires • Les élections législatives dans un régime présidentiel peuvent être PR (le Brésil, la Russie) ou SMD (la France, USA) B. 2 variantes PR • Closed-list PR : les sièges qu’un parti a gagné sont attribués aux candidats selon leur place sur la liste (le standard) • Open-list PR : les électeurs peuvent exprimer leurs préférences parmi les candidates sur la liste (p. ex. Suisse) C. 2 variantes SMD • La variante « pluralitaire » (anglaise-américaine) : une seule élection, le candidat qui a obtenu le plus de votes gagne le siège (« first past the post »), même sans majorité. • La variante « majoritaire » (française), absence d'une majorité déclenche un deuxième tour : - Elections législatives : deuxième tour sans les candidats qui ont obtenu moins de 12.5% des suffrages ou qui ont choisi de se désister en faveur d’un autre candidat - Elections présidentielles : que deux candidats au deuxième tour D. Caractéristiques-clés des systèmes SMD • S’il n’y a plus que 2 candidats, une pluralité suffit pour gagner le siège (la variante française réduit mais n'élimine pas ce scénario dans les élections législatives) • On appelle ces systèmes « majoritaires » parce qu’ils ont tendance à produire des majorités parlementaires pour un seul parti. • Supposons que deux partis contestent l’élection et qu’un de ces partis gagne 51% des votes dans chaque circonscription : 100% des sièges parlementaire seront attribués à ce parti ! • Le système encourage le vote tactique pour l’un ou l’autre des candidats le plus susceptibles de gagner une pluralité de votes E. Conséquences du PR • Plus de partis, avec des programmes et des bases sociales plus differentié(e)s • Une probabilité beaucoup plus élevée de gouvernement de coalition

La « déconnexion » entre la distribution des votes et la distribution des sièges parlementaires dans le cas britannique :

Deux raisons pour cette « déconnexion » : • Il y a plus que deux candidat-e-s dans beaucoup de circonscriptions • Le parti gagnant a gagné́ ses circonscriptions par des marges plus petites que le parti perdant. F. Qu’est-ce qui se passe lors des élections ? En principe, 2 réponses : • Les électeurs expriment leurs préférences parmi les programmes présentés par les partis. • Les électeurs décident qui va gouverner. Le premier aspect est dominant dans les systèmes PR ; le deuxième dans les systèmes SMD (éléctions législatives en Grande Bretagne, les éléctions présidentielles aux USA, les deux en France). Dans les systèmes PR, c’est les partis qui décident qui va gouverner après les élections (mais leurs predispositions sont connues par les électeurs). Le système français donne aux électeurs l’opportunité exprimer leurs préférences parmi les programmes, vote sincère (premier tour) et puis décider qui va gouverner, vote tactique (deuxième tour). G. 3 arguments en facveur du SMD (contre la formule proportionnelle) 1. Système SMD permet des liens directs entre les citoyens et leur représentants parlementaires (« constituency ties ») 2. En favorisant les grands partis, le système SMD augmente l’efficacité du gouvernement 3. Gouvernement majoritaire facilite attribution du blâme/crédit (« clarté de la responsabilité ») A discuter : est-ce que les gouvernements d’un seul parti sont vraiment plus efficaces que les gouvernements de coalition ?


Conférence 3 : Institutions démocratiques : partis politiques et groupes d’intérêt

I/ Le système électoral et ses conséquences pour le système des partis politiques : le nombre de partis et leurs orientations A. La thèse de Duverger (Political Parties, 1964) • La formule SMD engendre une logique « deux-partiste » et des partis type « catch all » • La formule PR engendre une « multipartiste » et des « partis de niche » La formule SMD favorise les deux grands partis pour deux raisons : - L’effet « mécanique » : les grands partis sont surreprésentés dans le parlement (dis-proportionnalité) - L’effet « psychologique » : les électeurs ne veulent pas « gaspiller » leur vote sur les candidats qui ont peu de chance d'être élus (vote tactique) B. Lijphart : l’index de Gallagher comme mesure globale de la dis-proportionnalité

V = distribution des votes pour chaque parti / S = distribution des sièges pour chaque parti. L’écart entre % du vote populaire (au niveau national) et % des sièges obtenus par chaque partis  Si proportion des sièges et proportion des votes pour chaque parti sont identiques, G = 0 Le scenario majoritaire avec 2 partis (présidentielles françaises, deuxième tour) : - Parti A : 51 – 100 = -49 - Parti B : 49-0= 49 - 49 au carré = 2401 - 0,5 x (2401 + 2401) = 2401 - √2401 = 49.0 Valeurs moyennes 1945-2010 pour les éléctions législatives (Lijphart, pp150-151) : Systèmes PR : Pays-Bas 1.21 Suède 2.04 CH 2.55 Allemagne 2.67 Espagne 7.28 Systèmes SMD : UK 10.33 USA 14.28 France 20.88 C. Pourquoi les systèmes américains et français sont-ils plus disproportionnels que le système britannique ? Le « problème français » : plus de candidats (au premier tour), plus de dis-proportionnalité. Le contraste entre les cas britanniques et américains : les circonscriptions américaines sont bien plus grandes (et plus hétérogènes) que les circonscriptions britanniques... La taille des circonscriptions : • Royaume Uni : 650 sièges (House of Commons) électorat : 46 millions = 70,000 électeurs par circonscriptions. • USA : 435 sièges (House of Representatives) voting-age population : 250 millions = 575,000 électeurs par circonscriptions. Pour chaque membre du parlement, circonscription bien plus large aux USA qu’au R-U. D. Le cas SMD Supposons : • Un électorat de 1M citoyens (au niveau du pays) dont 51% soutiennent le parti A et 49% soutiennent le parti B • Un choix entre un parlement avec 50 sièges ou un parlement avec 100 sièges => si les préférences partisanes sont distribuées de manière aléatoire sur le territoire, le choix n’importe pas pour la proportionnalité de l’élection (le parti A gagne toujours 100% de sièges) => s’il y a des biais géographiques dans la distribution des préférences partisanes (clivage ville-campagne, région riche ou pauvre, etc.), le parti B va être mieux représenté dans le deuxième scenario Donc un système avec un grand parlement va créer un effet de proportionnalité. E. Pourquoi la dis-proportionnalité varie-t-elle parmi les pays PR ? • Seuils de représentation dans le systèmes proportionnels (5% en Allemagne, 4% en Suède) : discrimination contre les petits partis • La taille des circonscriptions : plus grand est le nombre de sièges à attribuer dans chaque circonscription, plus les résultats sont proportionnels Différences entre pays PR • Pays-Bas : 1 seule circonscription pour élire 150 député au parlement, aucun seuil formel (il suffit à un parti d’obtenir 0.67% des votes au niveau national pour obtenir 1 siège) • la Suisse : 26 circonscriptions pour élire 200 députés au Conseil national, avec nombreuses petites circonscriptions (6 n’ont qu’un représentant) ... Le cas PR : une ilustration très simple (deux partis) : Supposons que 67% des électeurs dans une circonscription soutiennent le parti A et 33% soutiennent le parti B : • 2 sièges à attribuer : le parti A gagne tous les deux sièges • 3 sièges à attribuer : le parti A gagne 2 sièges et le parti B 1 siège  SMD : la dis-proportionnalité augmente avec la taille des circonscriptions  PR : la dis-proportionnalité diminue avec la taille des circonscriptions F. Le nombre (N) effectif de partis politiques (Lijphart, p.68) La formule : On peut calculer cette formule sur la base de la distribution des votes populaires ou celle des sièges parlementaires. - Deux partis de même taille = 2 1 / [(0,5x.0,5) + (0,5x0,5)] = 2 - Deux partis, un étant plus grand que l’autre : <2 Deux grands partis et deux petits partis : < 4 1/[.42 +.42 +.12+.12]=2.94

Proportionnalité entre dis-proportionnalité et nombre de partis effectifs. G. Contre la thèse de Duverger 1. Le cas britannique Deux partis au 19e siècle : Conservateurs Vs. Libéraux. Créé en 1905, le parti travailliste (Labour) surpasse les Libéraux comme le principal concurrent des Conservateurs dans les années 1920 (après l’introduction du suffrage universel masculin en 1918). Mais les Libéraux restent le troisième parti. Depuis 1970 : d’autres partis (SNP) apparaissent. La géographie électorale britannique : plusieurs « systèmes de concurrence électorale » : - le Nord et les circonscriptions urbaines : Labour contre Conservateurs - les circonscriptions rurales dans le Sud : Libéraux contre Conservateurs - l’Écosse : SNP contre Labour - (l’Irlande du Nord : catholiques/nationalistes contre protestants/unionistes) => la logique SMD opère dans les circonscriptions, pas au niveau national : elle défavorise les petits/nouveaux partis avec un soutien diffus, mais elle ne défavorise pas les partis avec un soutien géographiquement concentré. 2. La France (SMD) et l’Allemagne (PR) : dans les années 1970


la comparaison franco-allemande • depuis 1980, le système allemand est devenu plus « multi-partiste » et le système français est devenu de plus en plus dominé par la concurrence entre deux grands partis • la 5e République (1958) introduit le scrutin SMD et le présidentialisme: il a fallu attendre longtemps pour que les conséquences de ces modifications prennent effet • les électeurs gardent des habitudes, les partis politiques sont des organisations avec un engagement idéologique II/ Le pouvoir exécutif : typologie des gouvernements A. Concentration ou partage du pouvoir exécutif ? Gouvernement majoritaire = gouvernement d’un seul parti = concentration du pouvoir exécutif Gouvernement de coalition = gouvernement soutenu par plusieurs partis = partage du pouvoir exécutif Majorité parlementaire dirigée par un seul parti : Systèmes SMD (14 pays) : 83% Systèmes PR (22 pays) : 18% Gouvernement majoritaire sans majorité populaire (« manufactured majorities ») : Systèmes SMD : 44% Systèmes PR : 10% B. Quel type de gouvernement en l’absence d’un seul parti majoritaire ? 3 possibilités : 1. gouvernement minoritaire (un ou plusieurs partis) 2. gouvernement de coalition minimale (« minimum winning coalition ») 3. gouvernement de coalition « surdimensionnée » (« oversized coalition ») Le gouvernement allemand actuel est un exemple de gouvernement de coalition minimale. C. La théorie des coalitions minimales L’idée de base : les partis et les politiciens sont motivés en premier lieu par les avantages d’occuper les positions gouvernementales, c’est-à-dire qu’ils veulent maximiser les portefeuilles ministériels. Donc : • ils sont toujours disponibles comme partenaires gouvernementaux • ils veulent exclure tous les partis qui ne sont pas nécessaires pour former un gouvernement majoritaire Gouvernements non-majoriataires (1945-2010) : Gouvernements minoritaires 28,5 % Gouvernement de coalition minimale 38,9 % Gouvernement de coalition surdimensionnée 32,6 % D. Pourquoi des gouvernements minoritaires et surdimensionnés ? Gouvernements minoritaires : plusieurs partis jugent qu’il serait mieux de rester en dehors du gouvernement, parce qu’ils ne peuvent pas obtenir les politiques qu’ils veulent, ou alors pour des raisons de tactique électorale Gouvernements avec une coalition surdimensionnée : un ou plusieurs partis jugent qu’une grande coalition permettra d'améliorer les chances de succès à long terme pour les politiques (réformes) qu’ils veulent introduire ⇒ Les partis sont motivés par des considérations plus complexes que ne le suppose la théorie des coalitions minimales : • ils se soucient de la substance politique • ils ont un horizon plus étendu dans le temps Mesure sommaire de la concentration du pouvoir exécutif: la moyenne pour le pourcentage de gouvernements minimaux et le pourcentage de gouvernements d’un seul parti (p. 98-101) :

E. SMD = gouvernement majoritaire = gouvernement efficace ? Sans doute le cas à court terme, pour chaque gouvernement (pas besoin de négocier avec d’autres partis). Mais le scénario SMD et gouvernement majoritaire peut être inefficace à long terme : chaque gouvernement change les politiques introduites par le gouvernement précédent. III/ Résumé des autres variations institutionnelles identifiées par Lijphart 1. Concentration/partage du pouvoir éxécutif : gouvernement d’un seul parti ou gouvernement de coalition) 2. Relations entre l’éxécutif et le législatif: dominance de l’éxécutif ou équilibre - Les députés peuvent prendre des initiatives législatives sans le soutien du gouv. ? - Le parlement peut forcer la démission du gouv. (et/ou les ministres particuliers) ? - Qu’elle sont les « fonctions de surveillance » du parlement? => mesure quantitative de Lijphart: la durée moyenne des gouvernements (« cabinets ») conçu comme une constellation spécifique des partis politiques 3. Le nombre de partis politiques 4. La disproportionnalité du système électoral 5. Le système de groupes d’intérêt: « pluraliste « (une multitude de groupes d’intérêt en compétition) ou « corporatiste » (concentration et coordination) • pluralisme : - Nombreux groupes - Les groupes sont des acteurs « externes » au gouvernement: engagés dans le lobbying et/ou la mobilisation des citoyens pour les partis/candidats qui partagent leurs préférences - L’influence politique des groupes découle de leur soutien parmi les citoyens • corporatisme : - Un petit nombre de groupes, chacun a un certain « monopole de représentation » (p. ex. organisations faîtières) - Les employés des associations sont engagés dans les négociations plus ou moins permanentes aves les employés des autres groupes et les fonctionnaires de l’état - Partenaires dans la mise en œuvre des politiques gouvernementales plutôt que groupes de pression => un index (Siaroff) comme mesure quantitative. 6. Gouvernement unitaire/centralisé ou fédéral/décentralisé - Systèmes fédéraux : gouvernements « sous-nationaux » avec souveraineté (autorité législative suprême) dans certains domaines (spécifiés par la constitution) Exemples : Allemagne, Suisse, Etats-Unis - Systèmes unitaires : le gouvernement national est souverain dans tous les domaines politiques  les gouvernements régionaux et municipaux sont responsables pour l’administration publique et peuvent bien légiférer (= créer des règles que les citoyens doivent suivre), mais le gouvernement national peut toujours annuler/changer ce qui a été décidé à d’autres niveaux. Exemples : le Royaume-Uni (jusqu’à récemment), la France Variations plus subtiles: l’échelle proposée par Lijphart : - Parmi les systèmes fédéraux, quels sont les domaines dans lesquels les états/cantons/provinces sont souverains? quelles sont les ressources fiscales des états/cantons/provinces par rapport au gouvernement fédéral? (4,5 ou 5) - Les systèmes unitaires peuvent être plus ou moins décentralisés ⇒ catégories intermédiaires introduites par Lijphart (chapitre 10): • systèmes « semi-fédéraux » (les Pays-Bas) = 3 • systèmes unitaires décentralisés (les pays nordiques) = 2 7. Uni-camérialisme ou partage du pouvoir législatif entre les deux chambres • y-a-t-il une deuxième chambre législative ? • quel est son rôle dans le processus législatif ? consultatif ? co- législateur égal ? • toujours une 2ème chambre avec des pouvoirs considérables dans les pays fédéraux 8. Constitutions facilement modifiées ou rigides 9. Contrôle judiciaire du pouvoir législatif - La Constitution : rigide (difficile à modifier) ou plutôt flexible ? - Le rôle politique des tribunaux: est-ce que les tribunaux (p. ex. une cour constitutionnelle) peuvent annuler les lois adoptées par le parlement (et le président) ? ⇒ les 2 questions sont liées : le pouvoir de « judicial review » présuppose que la constitution soit rigide. ⇒ les 2 sont aussi liées au fédéralisme: la constitution est souvent plus rigide et les tribunaux plus importants dans les systèmes fédéraux parce qu’il s’agit de régler les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux. Le « judicial review » • la variante américaine : les citoyens ou les gouvernements sous-nationaux (états-membres ou gouvernements municipaux) peuvent demander aux tribunaux de juger la constitutionnalité des lois votées par le parlement et signées par le président • si les tribunaux inférieurs se prononcent contre le gouvernement fédéral, ces cas se retrouvent devant la Cour Suprême (9 juges nommés pour une durée illimitée) • la variante européenne (allemande) : un tribunal spécial pour les questions constitutionnelles (« centralized judicial review ») 10. Banques centrales : indépendantes ou non Autonomie bancaire (CBI) = séparation pouvoirs publiques. Un index conventionnel... IV/ Les liens entre les variables identifiées par Lijphart (son analyse dans le chapitre 14) L’analyse factorielle des 10 variables institutionnelles : corrélations entre les variables => 2 groupes de variables ou, autrement dit, deux dimensions (« variables latentes ») • la dimension « exécutifs-partis » (autre label : « power sharing») • la dimension « fédérale-unitaire » (autre label : « division of power »)

Les 5 premières variables sont cohérantes. Scores factoriels : calculés sur la base de : (a) la valeur pour le pays sur chacune des variables individuelles et (b) le poids de chaque variable pour la l’une ou l’autre dimension. Changement au fils du temps : trois types de variables : 1. Celles qui change d’une élection à l’autre (dis-proportionnalité, nombre effectif de partis) 2. Celles qui ne change presque jamais (la rigidité de la constitution, le rôle du judiciaire) 3. Celles qui change soit lentement au fils du temps (le nombre (relations exécutif-parlement), soit rarement (l’autonomie de la banque centrale)

Résumé : • Quatre types de démocraties : 1. unitaire-consensuelle 2. fédérale-consensuelle 3. fédérale-majoritaire 4. unitaire-majoritaire • Stabilité de classification des pays au fils du temps • Chapitres 15-16 (à discuter dans les tutorats) : évaluation quantitative des conséquences des variations sur les deux dimensions pour (a) les politiques choisies, (b) les conditions économiques et sociales et (c) la participation et la satisfaction des citoyens


Conférence 4 : La redistribution des revenus : pourquoi certains pays le font plus que d’autres ?

Aujourd’hui : • Clarification : types de gouvernement, le rôle de la distinction entre régimes parlementaires et présidentiels • Au-delà du Lijphart : la redistribution des revenus comme objet de l’analyse comparée Semaine prochaine : retour à Lijphart : critique de la perspective institutionnaliste I/ Clarification A. 3 types de gouvernements dans les systèmes parlementaires Pas de majorité contre le gouvernement. 1. Gouvernements minoritaires Soutenus par des partis politiques qui n’ont pas des portefeuilles ministériels : soit une coalition stable (mais implicite), soit des coalitions variables selon les enjeux. Soutient de partis qui ne sont ni dans le gouvernement ni dans le parlement. 2. Gouvernements majoritaires minimaux Soit d’un parti seul, soit de plusieurs partis (mais pas plus qu’il faut pour avoir un majorité),. 3. Gouvernements de coalitions surdimensionnées Plus de partis que nécessaire pour avoir une majorité parlementaire dans le gouvernement 4. La conclusion principale de Lijphart : En favorisant les grands partis, le système SMD augmente la probabilité du deuxième scénario. Le deuxième scénario est sans doute le scénario preferé par tous les partis politiques. Ce n’est pas évident que les partis politiques (en général) préfèrent l’un des autres scénarios par rapport à l’autre. B. Le présidentialisme Dans un système présidentiel on va avoir gouvernement (au sens étroit) d’un seul parti. La complication : le parti du chef du gouvernement commande également une majorité parlementaire ? ⇒ si oui : l’équivalent du scénario parlementaire no. 2 ⇒ si non : un scénario de « cohabitation » (divided government) C. Spécificités des régimes présidentiels • Cas américain : 2 chambres égales (=une probabilité de cohabitation plus élevée). Il faut une majorité dans les 2 chambres pour avoir un gouvernement majoritaire. • Cas français : le double exécutif (= - de pouvoir pour le président dans une situation de cohabitation) II/ La redistribution des revenus (par le gouvernement) comme objet d’analyse comparée A. Deux questions plus précises : - Pourquoi observe-t-on plus de redistribution dans les pays avec des systèmes électoraux PR ? - Pourquoi observe-t-on plus de redistribution dans les pays plus inégaux ? D’abord : Que-ce c’est la redistribution ? Comment la mesurer ? Quelques données pour motiver les deux questions...

B. Observations préliminaires • 3 types de dépenses sociales : (1) assurance sociale, (2) assistance sociale et (3) services (santé, soins aux personnes âgées, garde d’enfants) L’importance relative de services sociales et programmes « assistance sociale » varie selon le pays. Dans tous les pays, les programmes d’assurance sociale plus ou moins universels représentent la majorité des dépenses sociales. Assurance sociale = - transferts des revenus du gouvernement aux ménages - les transferts sont typiquement proportionnels aux revenus gagnés « dans le marché » (« income replacement » ) C. Est-ce que l’Etat-providence redistribue les revenus entre ménages ? Oui, si les taux d’impôts sont progressifs (plus hauts pour les riches). Même si les transferts sont proportionnels, il y a normalement un minimum et en maximum des bénéfices dans les programmes d’assurance sociale (un choix politique). Plus important, l’assurance sociale redistribue dans la mesure que les risques sociaux tombent principalement sur les individus ou ménages avec des revenus faibles (évidemment le cas pour le chômage, pas pour la retraite) D. Mesurer la redistribution (une approche conventionnelle) • Une mesure de l’inégalité avant impôts et transferts (« market income ») • La même mesure après impôts et transferts (« disposable income ») => quelle est la différence entre les deux ? quelle est la réduction de l’inégalité (en pourcentage) produit par les impôts et les transferts aux ménages ? Mesures de l’inégalité : • le pourcentage des revenues d’une certaine catégorie des ménages (p.e., les 10% plus riches) • le taux de pauvreté relative (% des personnes dans les ménages avec un revenu moins que 50% du moyen) • le ratio des revenues au 90ème percentile aux revenues au 10ème percentile (ou 90-50, 50-10) • le coefficient de Gini... E. Le coefficient Gini

On additionne la contribution de chaque unité (ménages ou individus) au revenu global en classant les revenus du plus bas au plus haut. S’il n’y pas d’inégalité, la contribution de chaque unité est exactement la même (« the line of perfect equality »). En réalité, la contribution de certaines unités est plus grande. Le coefficient de Gini = l’espace jaune comme fraction du triangle en dessous de la ligne diagonale = le pourcentage du revenu global qu’il faut redistribuer pour obtenir une égalité parfaite.

III/ Le système PR et la redistribution A. Le système PR et la redistribution Lijphart : le Gini coefficient (et la pauvreté) est plus bas dans les démocraties consensuelles... deux questions se posent : 1. Est-ce que c’est grâce aux politiques gouvernementales ?  Oui 2. Si c’est le cas, pourquoi les gouvernements de coalition poursuivent-ils plus de redistribution que les gouvernements majoritaires d’un seul parti ?

B. Pourquoi cette corrélation entre PR et redistribution ? Deux hypothèses : 1. Dans les systèmes SMD, les gouvernements sont plutôt susceptibles des poursuivre le ciblage géographique des dépenses pour gagner des circonscriptions 2. Les partis de gauche sont plus souvent au gouvernement dans les pays PR (Torben Iversen and David Soskice. 2006. “Electoral Institutions and the Politics of Coalitions.” L’hypothèse partisane (2) • Les partis politiques ont des « core constituencies » qu’ils veulent satisfaire • Les partis de centre-gauche favorise la redistribution plutôt que les partis de centre-droite parce que leurs électeurs ont des revenus plus faibles • La redistribution est + élevée dans les pays avec + de gouvernement de gauche (à la longue durée) • Plusieurs études empiriques (analyses de régression) montrent qu’il y une association statistique entre la représentation des partis de gauche dans le gouvernement et le niveau de redistribution • La question posée par Iversen et Soskice : les partis centre-gauche, pourquoi sont-ils plus forts (plus souvent au gouvernement) dans certains pays que d’autres ? 1. La théorie D’Iversen et Soskice 3 classes de même taille: low income (L), middle income (M) et high income (H) Le scénario PR : • 3 partis correspondant aux 3 classes • Gouvernement de coalition pour avoir un gouvernement majoritaire, soit LM, soit HM Le scénario SMD : • Un parti plutôt L et un parti plutôt H, tous les deux cherchant le soutien des électeurs M • Les électeurs M s’inquiètent que les partis vont suivre une politique “pure” (soit L, soit H) après l’élection. Les préférences des électeurs M : Une politique LM est meilleur qu’une politique HM Mais une politique H (pas de redistribution) est mieux qu’une politique L (redistribution que pour L) Dans le scénario SMD, les M votent pour le parti H pour éviter une politique de redistribution que pour L L’existence d’un parti M permet une alliance LM stable. Critique : La théorie d’Iversen et Soskice suppose que les préférences politiques des électeurs au milieu de la distribution des revenus sont toujours les mêmes, mais ce n’est pas le cas... C. L’inégalité et la redistribution : le « paradoxe Robin Hood » 1. Le paradoxe Robin Hood au fil du temps (ou « le puzzle Piketty ») L’inégalité (surtout les top income shares) a monté dans tous les pays depuis 1990, mais la redistribution a diminué́ dans la plupart des pays.

2. Pourquoi c’est un paradoxe ? Un modèle très simple (Meltzer-Richard) : • quand l’inégalité monte, la proportion des citoyens qui gagnent (sont bénéficiaires nets) d’une politique de redistribution augmente également ou • quand la distance entre le revenu médian et le revenu moyen est plus grande, le citoyen qui gagne le revenu médian veut plus de redistribution => supposons que tous les citoyens votent et que les partis cherchent le soutien de la majorité (= le soutien du « voteur médian ») : la redistribution devrait augmenter avec l’inégalité... 3. Deux explications potentielles du paradoxe a) Le demand side Les citoyens ne répondent pas à l’inégalité dans la manière supposée par Meltzer-Richard • les perspectives de mobilité sont importantes pour le calcul rationnel des citoyens • la race et l’affinité sociale avec les pauvres b) Le supply side Le système politique (démocratique) ne répond pas aux citoyens dans la manière supposée D. La structure de l’inégalité (Noam Lupu et Jonas Pontusson, “The Structure of Inequality and the Politics of Redistribution,” American Political Science Review 105(2011): 316-336) l’idée clé: si les citoyens au milieu de la distribution des revenus sont plus proches aux pauvres qu’aux riches, ils vont soutenir une politique de redistribution; s’il sont plus proches aux riches, ils vont opposer un telle politique. Calcul des perspectives possibles. Chances de devenir riche ou pauvre. Skew (structure) = le ratio de revenues 90-50/le ratio de revenues 50-10 L’explication du « puzzle Piketty » : les top income shares ont augmenté depuis 1990, mais, au même temps, la pauvreté est devenu de plus en plus concentrée parmi les immigrants et (plus généralement) les gens avec une éducation basse. E. L’hypothèse diversité (Alesina et Glaeser, chapitre 6) « When there are significant numbers of minorities among the poor, then the majority population can be roused against transferring money to people who are different from themselves » (p. 134) => une condition objective (diversité), mais il faut qu’il y ait des acteurs politiques qui se livrent à la mobilisation de stéréotypes contre les minorités => épisodes de mobilisation de stéréotypes raciaux contre des projets politiques d’expansion de l’Etat-providence et de redistribution : les années 1890 et 1960. Ce sont les conditions objectives du cas américain qui sont (ont été) distinctives « From Hitler to Haidar, European demagogues have shown as much willingness to exploit racism as their American equivalents. But European homogeneity has generally left them with much less to work with. » (p. 166) « ... racism is not some unusual American trait, but the natural result of minorities who are disproportionately poor and politicians who can push hatred on an anti-welfare ticket. » (p. 177)

La diversité explique-t-elle la variation transnationale ?  L’indice de « fractionalisation »: la probabilité que deux individus choisis au hasard appartiennent au même groupe racial (N.B.: la théorie concerne la surreprésentation des minorités parmi les pauvres plutôt que la diversité, mais les deux sont probablement liées)

F. Le supply side : inégalité dans la représentation politique La politique gouvernementale répond plus aux préférences des citoyens riches qu’aux préférences des citoyens pauvres.

• cette inégalité politiques augmente avec l’inégalité économique(?) Gilens, Martin, “Inequality and Democratic Responsiveness,” Public Opinion Quarterly, v. 69, no. 5 (2005), 778-796. • ca. 1’700 sondages 1981-2002, concernant toutes les domaines politiques imaginables: désirez-vous un changement de la politique? • est-ce que la politique a changé dans les 4 ans suivant une enquête? • préférences pour le changement triés en fonction du revenu des répondants La probabilité d’un changement augmente avec les désirs des répondants riches, pas du tout avec les désirs des répondants pauvres. Les désirs des répondants à revenu médian n’affectent non plus la probabilité d’un changement. comment expliquer l’inégalité de représentation? • le citoyens plus pauvres ne participent pas autant que les citoyens affluents • les préférences des citoyens affluents sont mieux alignés avec ceux de puissants groupes d'intérêts • le financement des partis/campagnes et le lobbying • descriptive représentation: les élus viennent principalement des milieux plus privilégiés (et comprennent mieux les préférences des citoyens plus riches) un petit problème... • le soutien pour une politique de redistribution parmi les pauvres et les classes moyennes n’a pas augmenté dès les années 1990 jusqu’au début des années 2010! • l’impact de l’influence des citoyens plus riches (et le business) dans le système politique comme explication des préférences de l’ électeur médian ?