Marxisme et Structuralisme

De Baripedia

La pensée sociale d'Émile Durkheim et Pierre BourdieuAux origines de la chute de la République de WeimarLa pensée sociale de Max Weber et Vilfredo ParetoLa notion de « concept » en sciences-socialesHistoire de la discipline de la science politique : théories et conceptionsMarxisme et StructuralismeFonctionnalisme et SystémismeInteractionnisme et ConstructivismeLes théories de l’anthropologie politiqueLe débat des trois I : intérêts, institutions et idéesLa théorie du choix rationnel et l'analyse des intérêts en science politiqueApproche analytique des institutions en science politiqueL'étude des idées et idéologies dans la science politiqueLes théories de la guerre en science politiqueLa Guerre : conceptions et évolutionsLa raison d’ÉtatÉtat, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveauxLes théories de la violence en science politiqueWelfare State et biopouvoirAnalyse des régimes démocratiques et des processus de démocratisationSystèmes Électoraux : Mécanismes, Enjeux et ConséquencesLe système de gouvernement des démocratiesMorphologie des contestationsL’action dans la théorie politiqueIntroduction à la politique suisseIntroduction au comportement politiqueAnalyse des Politiques Publiques : définition et cycle d'une politique publiqueAnalyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulationAnalyse des Politiques Publiques : mise en œuvre et évaluationIntroduction à la sous-discipline des relations internationalesIntroduction à la théorie politique

Le marxisme est une théorie socio-économique et une méthode d'analyse socio-politique qui s'inspire des travaux de Karl Marx et Friedrich Engels. Il critique principalement le capitalisme et vise à son remplacement par le communisme, une société sans classes sociales. Le marxisme affirme que toutes les sociétés progressent à travers la lutte des classes, une confrontation entre la classe dirigeante et les classes opprimées. D'un autre côté, le structuralisme est une approche théorique principalement utilisée dans les sciences sociales, les sciences humaines, la psychologie, l'anthropologie et la linguistique. Il se concentre sur la compréhension des structures sous-jacentes qui déterminent ou façonnent le comportement humain, la perception et la signification. Les structuralistes soutiennent que la réalité ne peut être comprise qu'en examinant les systèmes plus larges qui façonnent les individus et les événements. Le structuralo-marxisme est un courant de pensée qui tente de fusionner les idées du marxisme et du structuralisme. Il s'agit de comprendre comment les structures sociales et économiques déterminent le comportement et la perception des individus, tout en gardant à l'esprit la lutte des classes et le rôle du capitalisme dans la structuration de ces systèmes. Les structuralo-marxistes soutiennent que le capitalisme est une structure en soi qui façonne le comportement et la perception des individus.

Pour structurer notre discussion, nous entamerons un examen du marxisme en mettant l'accent sur les contributions de son fondateur, Karl Marx. Ensuite, nous nous tournerons vers le structuralisme, en explorant en profondeur les travaux du célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss. Enfin, nous conclurons en évaluant l'influence durable de la pensée marxiste sur la sphère politique.

Marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Karl Marx : 1818 - 1883[modifier | modifier le wikicode]

Karl Marx en 1875.

Marx est une personnalité clé du XIXème siècle. Il va le traverser, se confrontant à la mutation exceptionnelle de ce siècle marqué par la révolution industrielle qui dépasse tous les cadres sociaux, politiques et culturels de l’ancien régime. On est projeté dans un bouleversement dont Marx va vouloir faire l’écho.

Issu d’une famille d’avocats israélites convertie au protestantisme, il grandit dans un cadre aisé et favorable qui n’était pas révolutionnaire, mais propice à l’épanouissement intellectuel. Il va conjuguer trois matières : le droit qui lui permet de comprendre que c’est une science de la structuration des sociétés par sa dimension normative qui imprime la société par son mode de fonctionnement et de régulation ; l’histoire qui offre un champ de longue durée pour interpréter les évènements et les phénomènes. Rapidement, il va être marqué par les lectures des premiers socialistes. Ensuite, il va compléter sa formation par des études en philosophe dans de grandes universités de l’époque que sont celles de Bonn et de Berlin.

En 1841, Marx soutient une thèse de doctorat sur Épicure[1]. Entre 1841 et 1845, il commence à s’imprégner des premières doctrines révolutionnaires qui apparaissent et fondées déjà sur un socialisme révolutionnaire qui prend en considération un monde très dur pour le travail conjugué à une montée en puissance du capitalisme qu’on appelle le « premier capitalisme ». C’est un capitalisme d’exploitation sans considération sociale de la main-d’œuvre.

Il vit dans un milieu qui va rapidement le sensibiliser à la contestation politique. Ainsi, dès 1840, il devient prérévolutionnaire, se faisant refouler de Prusse et de France. En Allemagne, il deviendra rédacteur de la Gazette Rhénane qui lui vaudra des ennuis.Journal d’opposition à tendance démocratique et révolutionnaire, en tant que rédacteur en chef, il participa à l’effervescence révolutionnaire allemande.

L’histoire de Marx est la constitution de l’internationale révolutionnaire. L’émergence de la société capitaliste voit l’émergence d’une diaspora d’intellectuelles et de penseurs disséminés dans les grandes capitales qui s’organisent, permettant le développement de la pensée révolutionnaire.

À Paris, il rencontre Engels qui milite et réfléchit sur un certain nombre de réformes à introduire. Ainsi, Marx va développer une théorie du socialisme prolétarien révolutionnaire qui légitime la violence ; la violence est un élément du combat ; la question de la violence sociale se légitime. La seule possibilité de transformer la société est de proposer la révolution. Traduit en justice, il part en Belgique d’où il sera aussi chassé.

À partir du Manifeste du Parti Communiste, il va s’interroger à partir de 1867 sur une des composantes majeures du capitalisme comme l’avait compris Weber à travers son ouvrage sur l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme que pour comprendre le capitalisme, il faut intégrer la question du capital.

Pendant de nombreuses années Marx va rédiger Le Capital jusqu’à sa publication en 1867. Il tourne autour d’un vocabulaire spécifique nouveau qui est le concept d’économie politique. L’économie n’est pas extérieure à la politique, elle conforme et décrit un système politique. En d’autres termes, l’économie n’est pas en dehors de la société, mais c’est le postulat élémentaire que l’économie soit partie intégrante de la société. L’économie politique fait un lien entre les enjeux économiques et les systèmes qui permettent de la réguler.

Marx se réjouit de la révolution de 1848 en France et des conflits sociaux qui naissent, qui sont autant de signes de la transformation de la société par la révolution. À partir des années 1864, il fera partie de l’international socialiste des travailleurs dont il sera un membre éminent. Ce mouvement va organiser les mouvements socialistes prérévolutionnaires. Après Le Capital, il va s’interroger sur la commune. Enfin, il va s’interroger sur les relations entre les classes sociales et le capital ainsi qu’à l’enjeu d’une lutte collective au niveau des peuples européens.

Classes et luttes de classes[modifier | modifier le wikicode]

« Pyramid of Capitalist System », début du XXème.

Marx était un penseur très polyvalent. Son travail s'étendait sur de nombreux domaines, y compris la philosophie, la sociologie, l'économie et la politique. Sa critique du capitalisme, telle qu'elle est exposée dans des œuvres comme "Le Capital", est toujours influente et pertinente aujourd'hui. Il faut d’abord partir sur un apriori du Manifeste, disant que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes des classes ». Cette citation est en tirée du "Manifeste du Parti Communiste", co-écrit par Marx et Friedrich Engels. Il s'agit de l'une des déclarations les plus célèbres de Marx, qui résume bien sa vision de l'histoire comme une série de conflits de classes. Selon lui, toute société est structurée autour des relations de production - les rapports entre ceux qui possèdent les moyens de production (la bourgeoisie) et ceux qui vendent leur force de travail (le prolétariat). Cette dynamique crée un conflit inhérent, une lutte de classes, qui est le moteur du changement social et historique.

Le marxisme, en tant que théorie, est donc profondément concerné par les questions de pouvoir, de contrôle et de conflit dans le contexte économique. Pour Marx, l'économie n'est pas une sphère séparée de la vie sociale et politique, mais est intrinsèquement liée à ces dernières. Le capitalisme, en tant que système économique, façonne et est façonné par les structures sociales et politiques. C'est cette compréhension de l'interconnexion entre l'économie, la politique et la société qui fait de Marx non seulement un économiste ou un philosophe politique, mais aussi un théoricien social révolutionnaire.

Pour Marx, une classe est définie non seulement par sa relation avec les moyens de production, mais aussi par sa conscience de classe - une compréhension partagée de sa position dans le système de production capitaliste et de ses intérêts en opposition à ceux des autres classes. Cette conscience de classe n'est pas automatique ou naturelle, mais est le produit de l'expérience vécue et de la lutte. Dans "Le Capital", Marx parle du processus par lequel les travailleurs, qui sont initialement en compétition les uns avec les autres sur le marché du travail, commencent à reconnaître qu'ils partagent une position commune et des intérêts communs en opposition à ceux de la bourgeoisie. C'est ce processus de prise de conscience et de formation de la solidarité qui permet la formation d'une classe en tant que force politique. Cependant, Marx a également souligné que la bourgeoisie utilise diverses stratégies pour empêcher la prise de conscience de la classe ouvrière, telles que la division des travailleurs le long de lignes raciales, ethniques ou de genre, ou la diffusion d'idéologies qui justifient et naturalisent l'inégalité de classe. Cette idée a été développée plus tard par des théoriciens marxistes tels que Antonio Gramsci, qui a parlé de l'hégémonie culturelle de la bourgeoisie. Ainsi, pour Marx, la lutte des classes n'est pas seulement une lutte économique, mais aussi une lutte idéologique et culturelle. C'est une lutte pour la conscience de classe, pour la reconnaissance des intérêts communs et pour l'organisation collective en vue du changement social.

Marx a soutenu que dans une société capitaliste, différentes classes ont des intérêts économiques fondamentalement divergents qui mènent à des objectifs antagonistes. Par exemple, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, cherche à maximiser ses profits. Cela peut être accompli en réduisant les coûts de production, ce qui inclut souvent la réduction des salaires ou la prolongation des heures de travail pour la classe ouvrière. D'autre part, le prolétariat, qui vend sa force de travail, a un intérêt direct à augmenter les salaires et à améliorer les conditions de travail. Ces intérêts divergents sont intrinsèques au système capitaliste et conduisent à une lutte constante entre les classes. Ces antagonismes de classe limitent les actions possibles pour chaque classe. Par exemple, la classe ouvrière est limitée dans ses actions par la nécessité de vendre sa force de travail pour survivre, tandis que la bourgeoisie est limitée par la nécessité de maximiser les profits pour rester compétitive dans le marché capitaliste. En outre, ces antagonismes de classe façonnent également le champ politique. Selon Marx, l'État sous le capitalisme agit généralement dans l'intérêt de la bourgeoisie et cherche à maintenir l'ordre de classe existant. Cela signifie que les tentatives de la classe ouvrière pour changer le système sont souvent rencontrées par la résistance de l'État et de la classe dominante. Pour Marx, la lutte des classes est non seulement une caractéristique du capitalisme, mais aussi une barrière à l'action, car elle reflète des intérêts divergents et antagonistes entre différentes classes sociales.

Pour Marx, la lutte des classes est le moteur de l'histoire et de l'évolution sociale. La société n'est pas un ensemble harmonieux d'individus aux intérêts convergents, mais est plutôt marquée par des conflits fondamentaux et des antagonismes de classe. La lutte des classes n'est pas seulement une réalité économique, mais aussi une réalité sociale et politique. Elle façonne la conscience des individus, leur identité et leur compréhension du monde. En se confrontant à l'exploitation et à l'oppression de classe, les individus commencent à développer une conscience de classe - une compréhension de leur position commune et de leurs intérêts communs en tant que classe. Cette conscience de classe peut conduire à l'organisation collective et à la résistance, et finalement à la transformation de la société. Cependant, la société de classe ne disparaît pas simplement avec l'annonce de la liberté formelle ou des droits égaux. Au contraire, la société de classe persiste et continue à structurer la vie sociale, économique et politique, même dans les sociétés modernes qui se présentent comme libres et égalitaires. Pour Marx, la lutte des classes est à la fois le produit de la société de classe et le moyen par lequel cette société peut être transformée. C'est une vision du monde profondément conflictuelle et dynamique, qui met l'accent sur le rôle de la lutte, de la résistance et du changement dans l'histoire humaine.

« La société bourgeoise moderne (...) n’a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n’a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de luttes à celles d’autrefois ». Cette citation provient du "Manifeste du Parti Communiste" de Marx et Engels, et elle résume une partie importante de leur analyse. Selon eux, la révolution bourgeoise - c'est-à-dire la transition du féodalisme au capitalisme qui s'est produite en Europe au cours des 17e et 18e siècles - n'a pas aboli les antagonismes de classe, mais a plutôt transformé leur nature. Dans la société féodale, les principales classes étaient les nobles et les serfs. Avec l'avènement du capitalisme, ces classes ont été remplacées par la bourgeoisie et le prolétariat. La bourgeoisie, en tant que classe possédant les moyens de production, est devenue la nouvelle classe dominante, tandis que le prolétariat, qui vend sa force de travail à la bourgeoisie, est devenu la nouvelle classe opprimée. Cependant, même si la nature précise de l'oppression et de la domination de classe a changé, Marx et Engels soutenaient que l'antagonisme fondamental entre les classes demeurait. Le capitalisme, tout comme le féodalisme, est basé sur l'exploitation de la classe laborieuse par la classe dominante. De plus, Marx et Engels ont soutenu que le capitalisme a en fait exacerbé les antagonismes de classe. Le capitalisme se caractérise par une inégalité de classe extrême et par une instabilité inhérente, avec des crises économiques récurrentes qui exacerbent la lutte des classes. C'est pourquoi ils ont soutenu que le capitalisme serait finalement remplacé par le communisme, une société sans classes où les moyens de production seraient contrôlés collectivement.

Capital et travail salarié[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement de capital[modifier | modifier le wikicode]

Pour Marx, la bourgeoisie est définie par sa relation aux moyens de production - elle possède et contrôle les usines, les machines, les terres et autres moyens de production qui sont nécessaires pour produire des biens et des services. La classe ouvrière, en revanche, ne possède pas ces moyens de production et doit donc vendre sa force de travail à la bourgeoisie en échange d'un salaire. Selon Marx, le but principal de la bourgeoisie est l'accumulation de capital. Cela signifie qu'elle cherche constamment à augmenter sa richesse en maximisant les profits et en minimisant les coûts. L'un des principaux moyens d'y parvenir est d'exploiter la force de travail de la classe ouvrière. Les travailleurs sont payés moins que la valeur totale de ce qu'ils produisent, et la différence (ce que Marx appelle la "plus-value") est conservée par la bourgeoisie sous forme de profits. Dans cette perspective, la bourgeoisie n'a pas d'intérêt particulier pour le bien-être de la classe ouvrière, sauf dans la mesure où cela affecte sa capacité à produire de la plus-value. Par conséquent, il peut y avoir une tension constante entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, car la première cherche à maximiser ses profits tandis que la seconde cherche à améliorer ses salaires et ses conditions de travail. C'est cette tension, cette lutte des classes, qui est au cœur de la vision de Marx du capitalisme. Pour lui, le capitalisme est un système d'exploitation qui crée des inégalités et des conflits de classe inhérents. Et c'est cette lutte des classes qui, selon lui, serait finalement le moteur de la transformation sociale et de la transition vers une société sans classes.

Pour Marx, le capital n'est pas simplement une somme d'argent ou un stock de biens. Au lieu de cela, il le définit comme de la "valeur en processus" ou de la "valeur auto-accroissante". Dans le système capitaliste, le capital est investi dans l'achat de moyens de production (machines, matières premières, etc.) et de force de travail. Ces éléments sont ensuite utilisés pour produire des biens ou des services qui sont vendus sur le marché. La valeur de ces biens ou services est supérieure à la somme de la valeur des moyens de production et de la force de travail achetés initialement. Cette différence est ce que Marx appelle la "plus-value", et elle est la source du profit capitaliste. Dans ce processus, il y a une division claire entre les possédants du capital (la bourgeoisie) et ceux qui vendent leur force de travail (le prolétariat). La bourgeoisie utilise son capital pour générer plus de valeur, tandis que le prolétariat est payé une valeur (sous forme de salaires) qui est inférieure à la valeur qu'il produit. C'est cette extraction de la plus-value de la classe ouvrière qui, selon Marx, constitue l'exploitation au cœur du capitalisme. Ainsi, pour Marx, le but ultime du capital et de ses détenteurs n'est pas simplement la production de biens ou de services, mais l'accumulation de plus de valeur. C'est ce qui motive le système capitaliste et qui est également à l'origine de ses contradictions et de ses crises.

L’origine de la plus-value[modifier | modifier le wikicode]

Pour Marx, l'objectif du capitaliste n'est pas simplement de produire des biens ou des services, mais de générer de la plus-value. Cette plus-value est la différence entre la valeur totale des biens ou des services produits et la valeur des intrants utilisés pour leur production, y compris la force de travail. Dans le système capitaliste, cette plus-value est constamment réinvestie pour générer encore plus de valeur. C'est ce que Marx appelle l'accumulation de capital. Il s'agit d'un processus sans fin, où l'argent est investi pour générer plus d'argent. Cette dynamique d'accumulation perpétuelle est au cœur du système capitaliste. Elle conduit à une croissance économique constante, mais aussi à une inégalité de plus en plus grande, car la plus-value est appropriée par les capitalistes plutôt que par les travailleurs qui la produisent. De plus, cette dynamique d'accumulation perpétuelle peut aussi conduire à des crises économiques, car la recherche constante de plus-value peut mener à la surproduction et à l'instabilité économique. Pour Marx, le capital n'est pas simplement une somme d'argent ou un stock de biens. C'est une relation sociale basée sur l'exploitation, où la plus-value est extraite du travail des travailleurs et réinvestie pour produire encore plus de valeur.

Dans le système capitaliste, la plus-value - c'est-à-dire la valeur créée par le travail au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir le travailleur - est appropriée par le capitaliste plutôt que d'être redistribuée aux travailleurs. Le capitaliste réinvestit ensuite cette plus-value pour générer encore plus de capital, dans un processus que Marx appelle "l'accumulation capitaliste". Cette accumulation de capital conduit à une concentration croissante de la richesse entre les mains d'une petite élite de capitalistes, tandis que la majorité des travailleurs restent relativement pauvres. Cela crée une inégalité de plus en plus grande au sein de la société. De plus, cette accumulation de capital ne bénéficie pas nécessairement à la société dans son ensemble. Par exemple, elle peut conduire à une surproduction de biens, à des crises économiques, et à une exploitation accrue des travailleurs. Pour Marx, le système capitaliste est intrinsèquement inégalitaire et instable. Il soutenait que la seule façon de résoudre ces problèmes serait de remplacer le capitalisme par le communisme, un système dans lequel les moyens de production sont contrôlés collectivement par les travailleurs eux-mêmes.

Travail et surtravail[modifier | modifier le wikicode]

Il est possible de mettre en évidence deux concepts clés de l'économie marxiste : le capital constant et le capital variable, ainsi que les deux formes de plus-value - la plus-value absolue et la plus-value relative.

Le capital constant, comprend les moyens de production non humains tels que les machines, les usines et les matières premières. Ce capital ne crée pas de nouvelle valeur en soi, mais transfère sa propre valeur aux produits finis.

Le capital variable, en revanche, est la partie du capital utilisée pour payer la main-d'œuvre. Ce capital est appelé "variable" parce qu'il est capable de produire une nouvelle valeur au-delà de sa propre valeur. C'est-à-dire que les travailleurs sont capables de produire plus de valeur qu'ils ne reçoivent sous forme de salaire.

La plus-value absolue est générée par l'allongement de la journée de travail. Si un travailleur peut produire suffisamment pour couvrir son salaire en cinq heures, mais travaille dix heures, alors les cinq heures supplémentaires de travail non rémunéré génèrent de la plus-value absolue pour le capitaliste.

La plus-value relative, quant à elle, est générée en réduisant le temps de travail nécessaire pour produire une marchandise, généralement par le biais de l'innovation technologique ou de l'amélioration de l'efficacité. Si un travailleur peut produire une marchandise en deux heures plutôt qu'en quatre, alors la valeur de cette marchandise baisse et la plus-value relative du capitaliste augmente.

Enfin, Marx voit ces processus comme ayant des limites. Il y a une limite à la durée de la journée de travail et à la capacité d'un travailleur à travailler. De même, il y a une limite à la quantité de plus-value relative qui peut être générée par l'amélioration de l'efficacité. Ces limites, selon Marx, sont sources de tensions et de conflits dans le système capitaliste.

L’accumulation du capital[modifier | modifier le wikicode]

Il y a deux résultats majeurs de l'accumulation du capital selon Marx: la concentration du capital et la création d'une surpopulation de travailleurs.

  1. La concentration du capital: Selon Marx, le processus d'accumulation du capital conduit inévitablement à une concentration croissante de la richesse et du pouvoir économique. En d'autres termes, de plus en plus de capital se retrouve entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint de capitalistes. Cela crée une contradiction fondamentale dans le système capitaliste, car bien que le capitalisme soit fondé sur l'idée de la concurrence, son fonctionnement tend à détruire cette concurrence en favorisant la formation de monopoles.
  2. La création d'une surpopulation de travailleurs: Marx soutient également que le processus d'accumulation du capital conduit à la création d'une "armée industrielle de réserve" de travailleurs sans emploi. Cela est dû à l'amélioration constante de la technologie et de l'efficacité, qui permet aux capitalistes de produire plus avec moins de travailleurs. Cette surpopulation de travailleurs sert à maintenir les salaires bas, car il y a toujours une réserve de travailleurs prêts à prendre la place de ceux qui demandent des salaires plus élevés.

En fin de compte, Marx voit ces tendances comme conduisant à une intensification des conflits de classe et, finalement, à la révolution. Il soutient que le prolétariat, qui est à la fois opprimé par le capitalisme et vital pour son fonctionnement, a à la fois l'intérêt et le pouvoir de renverser le système capitaliste et de le remplacer par le communisme.

Les contradictions du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

Marx soutient que le capitalisme contient des contradictions inhérentes qui, selon lui, mèneront finalement à sa propre déconstruction. Ces contradictions sont principalement le résultat de la dichotomie entre le capital et le travail dans une économie capitaliste. Voici comment il voit ces contradictions :

  1. Contradiction entre le capital et le travail : Le capitalisme repose sur la relation entre les capitalistes, qui possèdent les moyens de production, et les travailleurs, qui vendent leur force de travail en échange d'un salaire. Selon Marx, cette relation est fondamentalement conflictuelle car les intérêts des capitalistes et des travailleurs sont diamétralement opposés. Les capitalistes cherchent à maximiser les profits en minimisant les salaires et en maximisant le temps de travail, tandis que les travailleurs cherchent à maximiser leurs salaires et à minimiser leur temps de travail.
  2. Contradiction entre l'accumulation du capital et la surpopulation relative : L'accumulation du capital entraîne une concentration de la richesse et une surpopulation relative de travailleurs. Cela crée une tension car il y a une offre excessive de main-d'œuvre par rapport à la demande, ce qui peut entraîner des salaires plus bas et des conditions de travail plus précaires pour les travailleurs.
  3. Contradiction entre la production pour l'accumulation et la production pour la satisfaction des besoins : Le capitalisme est motivé par le profit plutôt que par la satisfaction des besoins humains. Cela peut conduire à une surproduction de certaines marchandises et à une sous-production d'autres, créant ainsi des déséquilibres économiques.

Marx croyait que ces contradictions finiraient par mener à des crises économiques et sociales qui mettraient en évidence les failles du capitalisme et stimuleraient la conscience de classe du prolétariat, conduisant à une révolution et à l'établissement du socialisme.

Luttes de classes et communisme[modifier | modifier le wikicode]

Marx croyait que la révolution devait être menée par les travailleurs eux-mêmes, une fois qu'ils avaient acquis une conscience de classe. Il s'agit d'une reconnaissance de leur statut et de leurs intérêts communs en tant que classe exploitée. Selon lui, cette prise de conscience serait stimulée par les contradictions inhérentes au capitalisme, qui rendraient de plus en plus évident le caractère oppressif et exploiteur de ce système. Cette conscience de classe est fondamentale pour le marxisme, car elle est vue comme le moteur de la lutte des classes et de la révolution. Marx soutenait que seule une classe prolétarienne consciente et unie pourrait renverser le capitalisme et instaurer le communisme. Le communisme, tel qu'envisagé par Marx, est une société sans classes où les moyens de production sont détenus en commun et où les biens sont distribués selon le principe "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". En d'autres termes, il prévoit une société où l'exploitation et l'oppression de classe sont éliminées, où le travail est libéré de ses contraintes capitalistes et où les besoins de tous sont satisfaits.

Pour Marx, la transition du capitalisme au communisme passerait par une phase intermédiaire de dictature du prolétariat, où les travailleurs prendraient le contrôle de l'État et l'utiliseraient pour éliminer les vestiges du capitalisme et construire les bases du communisme. Cette phase serait caractérisée par une lutte continue contre les résidus de l'ancien ordre social et serait nécessaire pour assurer la transition vers une société sans classes.

Pour Marx, la révolution n'était pas simplement une question de changement de dirigeants ou de redistribution des richesses existantes, mais plutôt un processus de transformation radicale de la structure économique et sociale elle-même. Il voyait l'État sous le capitalisme comme un instrument de la classe dominante, utilisé pour maintenir et perpétuer son pouvoir et son contrôle sur les ressources économiques. En conséquence, il soutenait que les travailleurs ne pouvaient pas simplement prendre le contrôle de l'État existant et l'utiliser pour leurs propres fins. Au lieu de cela, ils devaient détruire complètement cette "machine d'État" et la remplacer par une nouvelle forme d'organisation sociale. Dans l'idéal de Marx, cette nouvelle forme serait une "dictature du prolétariat", une période de transition pendant laquelle les travailleurs utiliseraient le pouvoir de l'État pour éliminer les vestiges de la classe capitaliste et reconstruire la société sur des bases socialistes. Finalement, cette dictature du prolétariat mènerait à l'établissement du communisme, une société sans classes et sans État où les moyens de production sont détenus en commun. Il est important de noter que, pour Marx, le but ultime était une société sans classes et sans État. La "dictature du prolétariat" était une étape nécessaire pour atteindre cet objectif, mais elle n'était pas une fin en soi. En d'autres termes, l'objectif n'était pas simplement de remplacer une classe dominante par une autre, mais d'éliminer complètement le système de classes.

La thèse du « Manifeste »[modifier | modifier le wikicode]

Fac similé de la couverture de l'édition originale.

Marx envisageait une révolution en plusieurs étapes, où le prolétariat, la classe ouvrière, prendrait le contrôle de l'État et utiliserait ce pouvoir pour transformer la société : « La première étape dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie. Le prolétariat se servira de sa domination politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État ».

La première étape, selon lui, serait que le prolétariat s'organise et se constitue en une classe dominante. Cela signifie que les travailleurs doivent s'unir, prendre conscience de leur statut et de leurs intérêts communs en tant que classe exploitée, et renverser la bourgeoisie par une révolution. Marx croyait que cette prise de pouvoir pourrait être réalisée démocratiquement, bien qu'il ait reconnu que la bourgeoisie pourrait ne pas se rendre sans lutte. Une fois au pouvoir, le prolétariat utiliserait sa domination politique pour commencer à démanteler le système capitaliste. Cela impliquerait d'arracher progressivement tout le capital à la bourgeoisie et de centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'État. En d'autres termes, les moyens de production seraient retirés des mains des capitalistes privés et placés sous le contrôle de l'État, qui serait à ce moment-là sous le contrôle du prolétariat.

L'objectif de ces mesures serait d'éliminer l'exploitation capitaliste et de créer une économie planifiée où la production est dirigée pour répondre aux besoins de tous plutôt que pour le profit de quelques-uns. C'est une étape vers l'établissement du communisme, où, selon Marx, l'État lui-même finirait par se faner pour laisser place à une société sans classes et sans État.

Marx et Engels ont présenté dans le Manifeste du Parti Communiste une liste de mesures que le prolétariat, une fois au pouvoir, devrait mettre en œuvre pour transformer la société capitaliste en une société communiste. Celles-ci comprenaient :

  1. Expropriation de la propriété foncière et application de la rente foncière aux dépenses de l'État : Cela signifie la fin de la propriété privée des terres et l'utilisation des revenus de celles-ci pour financer l'État.
  2. Un impôt fortement progressif : Cela signifie un impôt dont le taux augmente avec le revenu ou la richesse, ce qui frapperait plus durement les plus riches.
  3. Abolition de l'héritage : Cela empêcherait la richesse d'être transmise de génération en génération et concentrée dans quelques familles.
  4. Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles : Cela permettrait d'éliminer les oppositions au nouveau régime.
  5. Centralisation du crédit entre les mains de l'État : Cela signifie que l'État contrôlerait toutes les institutions financières et les ressources financières.
  6. Centralisation du transport et des moyens de communication entre les mains de l'État : Cela signifie que l'État contrôlerait tous les moyens de transport et de communication.
  7. Multiplication des usines et des instruments de production appartenant à l'État : Cela signifie une expansion de la production sous contrôle public.
  8. Travail obligatoire pour tous : Cela signifie que tout le monde serait tenu de travailler et de contribuer à la production.
  9. Combinaison du travail agricole et du travail industriel : Cela signifie l'abolition de la division entre le travail en ville et le travail à la campagne.
  10. Éducation publique et gratuite pour tous les enfants : Cela signifie que l'éducation serait un droit pour tous et non un privilège pour quelques-uns.

Ces mesures, selon Marx et Engels, permettraient de mettre fin à l'exploitation capitaliste et de créer une société où la production est contrôlée par la classe ouvrière et utilisée pour le bénéfice de tous.

Le but ultime du marxisme est d'atteindre une société sans classes, où les ressources sont détenues et contrôlées par la communauté dans son ensemble et où il n'y a pas d'exploitation. C'est une vision qui a été critiquée de nombreuses façons. Premièrement, certains soutiennent que la vision marxiste néglige la nature humaine et les différences individuelles. Ils soutiennent que les gens ont des ambitions, des talents et des désirs différents, et que ces différences se traduiront toujours par des inégalités de pouvoir et de richesse. Ils soutiennent également que les gens ont une inclination naturelle à posséder des biens privés et à les contrôler. Deuxièmement, il y a ceux qui soutiennent que la vision marxiste est trop idéalisée et manque de réalisme. Ils soutiennent qu'une société sans classes est un objectif utopique qui ne peut pas être atteint dans le monde réel. Ils affirment que même dans les sociétés qui ont tenté de mettre en œuvre le marxisme, de nouvelles classes et de nouvelles formes d'exploitation ont émergé. Troisièmement, certains critiques soutiennent que la vision marxiste néglige la nécessité de structures de pouvoir et d'autorité. Ils soutiennent que pour organiser une société et maintenir l'ordre, certaines formes de hiérarchie et de pouvoir sont nécessaires. Ils suggèrent également que sans ces structures, il pourrait y avoir du chaos et de l'anarchie.

La pensée marxiste admet que toute lutte de classe est intrinsèquement une lutte politique, et elle reconnaît qu'une révolution, nécessaire pour renverser la structure de classe existante, peut entraîner une certaine quantité de destruction et de violence. Cette perspective est en ligne avec certains aspects de la pensée politique de Machiavel. Machiavel, philosophe politique italien de la Renaissance, a écrit sur les dynamiques du pouvoir et les moyens nécessaires pour l'acquérir et le conserver. Il a soutenu que la politique est essentiellement un domaine de conflit et de lutte, et que les dirigeants doivent être prêts à utiliser tous les moyens nécessaires, y compris la violence, pour maintenir leur pouvoir. De même, Marx voit la lutte des classes comme une lutte pour le pouvoir politique, où le prolétariat doit renverser la bourgeoisie par la révolution pour instaurer une nouvelle structure sociale. Cela pourrait impliquer une certaine quantité de destruction, notamment de l'infrastructure économique existante, et de violence. Cependant, contrairement à Machiavel, l'objectif final de Marx n'est pas le maintien du pouvoir pour un individu ou un groupe, mais plutôt la création d'une société sans classes où le pouvoir est partagé équitablement.

La question de savoir s'il peut y avoir une "administration des choses" sans politique est au cœur du débat sur la nature et le rôle de la politique dans la société. Dans la vision marxiste, la phase finale du communisme est une société sans classes dans laquelle l'État, en tant qu'outil de domination de classe, s'estomperait pour laisser place à une forme d'organisation sociale plus égalitaire. Marx et Engels ont utilisé l'expression "administration des choses" pour décrire cette société. Dans cette vision, les affaires sociales et économiques sont gérées rationnellement dans l'intérêt de tous, sans la nécessité de la lutte politique pour les ressources et le pouvoir. Cependant, cette vision a fait l'objet de critiques. Certains affirment que la politique est inévitable car les sociétés sont toujours confrontées à des décisions concernant la distribution des ressources et les priorités sociales. Ces décisions impliquent inévitablement des conflits d'intérêts et des désaccords, nécessitant une forme de politique pour les résoudre. De plus, certains soulignent que même si une société peut éliminer les classes économiques, d'autres formes de hiérarchie et de différenciation sociale peuvent subsister, créant de nouvelles formes de conflits politiques. Enfin, d'autres mettent en doute l'idée que l'administration des choses puisse être totalement neutre ou rationnelle, soutenant que toutes les décisions impliquent des valeurs et des choix qui sont, par nature, politiques.

Dans la théorie marxiste, la structure de la société est définie par les rapports de production et les conflits qui en découlent. Marx soutenait que le système économique (le mode de production) détermine la structure sociale, y compris les relations entre les classes. Ces relations sont marquées par des conflits inhérents et des luttes de pouvoir. En termes simples, Marx a affirmé que chaque société est structurée autour de son système économique. Par exemple, une société féodale est structurée autour des relations entre les seigneurs et les serfs, tandis qu'une société capitaliste est structurée autour des relations entre la bourgeoisie (ceux qui possèdent les moyens de production) et le prolétariat (ceux qui vendent leur travail). Le concept de "conflit" est central dans cette perspective. Marx soutenait que le conflit entre les classes est une force motrice du changement social et historique. Ces conflits sont inhérents à la structure économique de la société et peuvent finalement conduire à des changements radicaux dans la structure de la société - par exemple, à travers une révolution où la classe ouvrière renverse la bourgeoisie et instaure une nouvelle forme de société.

Marx postulait que le conflit de classe est une caractéristique universelle des sociétés humaines, même si les formes spécifiques de ce conflit peuvent varier selon les circonstances historiques et culturelles. Dans les sociétés primitives, Marx et Engels ont suggéré qu'il y avait une forme "primitive" de communisme, où les ressources étaient partagées et où il n'y avait pas de classes distinctes. Cependant, ils ont aussi suggéré que le développement de la propriété privée et de l'agriculture a conduit à l'émergence de classes sociales et à la domination d'une classe sur une autre, menant à des conflits de classe. Le point central de Marx est que ces structures de classe sont souvent cachées ou "naturalisées" dans la société, de sorte qu'elles semblent être des caractéristiques naturelles et inévitables de la vie humaine plutôt que des constructions sociales qui peuvent être changées. C'est ici que le lien avec le structuralisme devient apparent: tout comme les structuralistes, Marx a cherché à révéler les structures sous-jacentes qui façonnent la vie sociale, même si elles ne sont pas immédiatement apparentes ou reconnues par ceux qui vivent à l'intérieur de ces structures.

Structuralisme[modifier | modifier le wikicode]

Claude Lévi-Strauss : 1908 - 2009[modifier | modifier le wikicode]

Claude Lévi-Strauss en 2005.

Claude Lévi-Strauss a apporté une perspective unique à la sociologie et à l'anthropologie avec son approche structuraliste. Le structuralisme, en tant que théorie, propose que les phénomènes humains ne peuvent être compris que comme des parties d'un système plus grand, ou de structures. Selon Lévi-Strauss, ces structures sont universelles et peuvent être dévoilées par l'analyse des mythes, des rites, des coutumes et d'autres aspects culturels. Son travail sur les tribus indigènes de l'Amazonie a fourni une base importante pour le développement de ses théories. Lévi-Strauss a soutenu que, même dans ces sociétés apparemment simples et éloignées, il existe des structures complexes de pensée qui informent leur comportement et leur culture. Loin d'être "primitives", ces sociétés possèdent une complexité et une sophistication intellectuelle que l'Occident a souvent négligées ou mal comprises. Lévi-Strauss a adopté une approche comparative et interculturelle de la recherche, cherchant des similitudes et des différences entre différentes cultures afin de comprendre les structures universelles qui sous-tendent la pensée et le comportement humains. En allant "plus loin", il a pu analyser les éléments les plus profonds de la culture et de la pensée humaines, souvent cachés ou ignorés dans les sociétés occidentales modernes.

Claude Lévi-Strauss est célèbre pour ses études des tribus indiennes de l'Amazonie conduites entre 1935 et 1938. Il a utilisé une approche ethnographique pour comprendre ces cultures, en vivant parmi eux et en observant leurs pratiques et croyances quotidiennes. Sa célèbre citation, "plus je vais loin, plus je peux analyser ce que je vis", résume bien sa philosophie de recherche : il pensait que pour vraiment comprendre une culture, il fallait s'immerger complètement en elle, vivre comme ses membres et observer de l'intérieur. À travers cette approche, Lévi-Strauss a pu explorer et documenter en profondeur les coutumes, les croyances et les pratiques sociales de ces tribus, fournissant un aperçu précieux de leurs modes de vie. Il a également utilisé ces expériences pour développer ses théories structuralistes, affirmant que toutes les cultures partagent certaines structures sous-jacentes, malgré leurs différences superficielles. Ces expériences au Brésil ont eu une influence majeure sur son travail ultérieur et ont contribué à établir sa réputation en tant que l'un des penseurs les plus influents de l'anthropologie du 20ème siècle. Ses travaux ont profondément influencé non seulement l'anthropologie, mais aussi la sociologie, la philosophie, l'histoire, la psychologie et d'autres disciplines liées aux sciences humaines.

Pendant la guerre, il part aux États-Unis et commence sa thèse qu’il présente en 1949. Cette thèse intitulée "Les Structures élémentaires de la parenté", Lévi-Strauss aborde l'étude des systèmes de parenté des sociétés primitives et avancées sous un angle structuraliste. Selon lui, la parenté n'est pas simplement une question de biologie ou de relations sanguines, mais elle est également déterminée par des normes et des règles culturelles. Ces règles régissent non seulement qui est considéré comme parent, mais aussi les comportements et les obligations qui sont attendus de ces relations. Lévi-Strauss a développé l'idée que ces systèmes de parenté sont des structures, dans le sens où ils sont composés de relations fixes et organisées qui se maintiennent au fil du temps. Il soutient que ces structures sont universelles, en ce sens qu'elles sont présentes dans toutes les sociétés, même si les détails spécifiques de ces structures peuvent varier d'une culture à l'autre. Selon Lévi-Strauss, ces structures de parenté sont fondamentales pour le fonctionnement des sociétés. Elles déterminent des aspects importants de la vie sociale, comme qui peut se marier avec qui, comment les biens sont transmis d'une génération à l'autre, et quelles sont les obligations et les responsabilités de chacun dans la société. Par conséquent, comprendre ces structures de parenté est essentiel pour comprendre la société elle-même.

Claude Lévi-Strauss a été le pionnier de l'approche structuraliste en anthropologie, appliquant la méthode à une variété de sujets sociaux et culturels. Cette approche suppose que chaque élément d'une société (par exemple, les rituels, les coutumes, les institutions, les règles de parenté, etc.) n'a de sens que dans le contexte de la structure plus large dans laquelle il est intégré. Dans le cas des systèmes de parenté, par exemple, Lévi-Strauss a soutenu que les règles spécifiques et les relations individuelles ne peuvent être pleinement comprises qu'en les situant dans le cadre plus large de la structure de parenté de la société. Cette structure, selon lui, est basée sur l'échange et la réciprocité, et vise à promouvoir la coopération et l'harmonie sociale. Ainsi, pour Lévi-Strauss, la structure est fondamentale à tous les niveaux de l'organisation sociale et culturelle. C'est ce qui donne forme et sens aux relations et aux activités sociales. C'est également ce qui permet aux anthropologues de comprendre et d'expliquer les similitudes et les différences entre les différentes cultures. Il acquiert une influence considérable et devient le théoricien du structuralisme. En revenant en France, il fait rencontrer des chercheurs de différents domaines, en 1949 il devient directeur de l’école pratique des études en sciences sociales à une chaire des religions comparées. Il est mis en place dans un dispositif ou il va pouvoir travailler sur la construction des structures.

Pour Claude Lévi-Strauss, les mythes sont une forme de communication symbolique profondément enracinée dans la structure mentale humaine. Ils sont des éléments fondamentaux de la culture qui fournissent des modèles de pensée et d'action, permettant aux gens de donner un sens au monde et à leur place en son sein. Lévi-Strauss a développé une approche distinctive de l'analyse des mythes, connue sous le nom de "structuralisme mythologique". Selon cette approche, tous les mythes peuvent être décomposés en un ensemble de mythes plus petits, ou "mythèmes", qui sont les unités de base du mythe. Ces mythemes s'organisent en paires d'oppositions binaires, reflétant les tensions et les contradictions fondamentales de la vie sociale et culturelle. En rassemblant et en comparant les mythes de différentes cultures, Lévi-Strauss a cherché à révéler les structures universelles de la pensée humaine. Il a soutenu que, bien que les détails spécifiques des mythes puissent varier d'une culture à l'autre, les structures sous-jacentes sont remarquablement similaires, reflétant des schémas universels de pensée. En d'autres termes, pour Lévi-Strauss, les mythes ne sont pas simplement des histoires que les gens racontent pour se divertir ou pour expliquer le monde. Ils sont des outils essentiels qui permettent aux gens de comprendre, de naviguer et de donner un sens à leur réalité sociale et culturelle.

L'Anthropologie structurale de Lévi-Strauss[modifier | modifier le wikicode]

Dans son ouvrage "Anthropologie structurale" (1958), Claude Lévi-Strauss propose une approche révolutionnaire de l'anthropologie basée sur l'idée que toutes les sociétés, indépendamment de leur niveau de technologie ou de leur histoire culturelle spécifique, partagent des structures de pensée sous-jacentes communes. Il utilise cette approche pour examiner une gamme de phénomènes culturels, depuis les systèmes de parenté jusqu'aux mythes et aux rituels, et soutient que ces phénomènes peuvent être mieux compris en les analysant en termes de structures sous-jacentes plutôt qu'en se concentrant sur leurs contenus manifestes. Pour Lévi-Strauss, les mythes sont particulièrement importants car ils expriment de manière symbolique les structures mentales fondamentales d'une culture. Les mythes ne sont pas simplement des histoires inventées, mais des représentations symboliques des problèmes et des préoccupations fondamentaux d'une société. Dans "Anthropologie structurale", Lévi-Strauss illustre son approche avec une analyse détaillée de divers mythes provenant de cultures du monde entier. Il démontre que, malgré leur diversité apparente, ces mythes partagent des structures de pensée communes, révélant ainsi l'existence de schémas universels de la pensée humaine. Cette approche a eu un impact profond sur l'anthropologie et d'autres disciplines des sciences sociales, et a conduit à l'émergence du mouvement structuraliste, qui a dominé une grande partie de la théorie sociale et culturelle dans les années 1960 et 1970.

Claude Lévi-Strauss a mis en avant l'importance de la structure par rapport à la particularité dans l'étude des sociétés humaines. Il a critiqué la façon dont l'ethnologie et l'ethnographie se concentraient traditionnellement sur les spécificités culturelles et historiques de différentes sociétés, et a soutenu que cette approche négligeait les structures sous-jacentes communes qui façonnent toutes les sociétés humaines.

L'ethnologie, selon Lévi-Strauss, se concentre sur la documentation et l'analyse des caractéristiques spécifiques de différents groupes humains. C'est une discipline qui recueille des informations sur les coutumes, les traditions et les pratiques sociales de différents groupes et les présente de manière descriptive. L'ethnographie, en revanche, est une méthode de recherche qui implique l'observation directe et participative des pratiques culturelles au sein d'une société spécifique.

Lévi-Strauss soutenait que ces deux disciplines, bien qu'importantes, étaient limitées par leur accent sur la particularité. Au lieu de cela, il préconisait une approche structuraliste, qui cherchait à identifier et à analyser les structures universelles de la pensée humaine qui sous-tendent toutes les sociétés. Selon lui, c'est en comprenant ces structures universelles que nous pouvons véritablement comprendre la nature de la culture et de la société humaines.

La linguistique et la sociologie sont deux disciplines qui ont fortement influencé la pensée de Claude Lévi-Strauss et le développement du structuralisme. Selon Lévi-Strauss, ces disciplines peuvent travailler de concert pour fournir une compréhension plus profonde de la structure des sociétés humaines.

  1. La linguistique : Lévi-Strauss a été fortement influencé par la linguistique structurale, en particulier par les travaux de Ferdinand de Saussure. Pour Saussure, la langue n'est pas un ensemble de mots correspondant à des choses, mais un système de signes où chaque signe tire sa signification de sa relation avec les autres signes. Lévi-Strauss a appliqué ce concept à l'anthropologie, suggérant que les éléments de la culture (par exemple, les règles de parenté, les mythes, les rituels) peuvent être compris comme des signes dans un système culturel structuré.
  2. La sociologie : Lévi-Strauss a également été influencé par Emile Durkheim et Marcel Mauss, qui ont mis l'accent sur l'importance des structures sociales dans la formation de la culture et de la société. Lévi-Strauss a utilisé les concepts sociologiques pour analyser les structures de parenté, les règles de mariage et les tabous dans différentes sociétés, démontrant ainsi comment ces structures sociales façonnent la vie culturelle.

Pour Lévi-Strauss, la linguistique et la sociologie sont donc deux outils complémentaires dans l'étude des structures qui sous-tendent la culture et la société humaines.

Role de la linguistique structurale dans l'anthropologie structurale de Lévi-Strauss[modifier | modifier le wikicode]

Claude Lévi-Strauss s'est beaucoup inspiré de la linguistique structurale, en particulier des travaux de Ferdinand de Saussure, pour développer son approche de l'anthropologie structurale. Selon Saussure, la signification d'un signe linguistique (un mot, par exemple) dépend de son système de relations avec d'autres signes au sein de la structure globale de la langue, et non de sa correspondance directe avec une réalité externe. Lévi-Strauss a appliqué cette approche à l'anthropologie. Pour lui, les éléments d'une culture - que ce soit les mythes, les rituels, les règles de parenté, etc. - sont comme des signes linguistiques. Leur signification dépend de la façon dont ils se rapportent les uns aux autres au sein du système global de la culture, et non de leur correspondance directe avec une réalité externe. Dans ce sens, Lévi-Strauss considère le langage comme une sorte de "structure de structures". Il sert de modèle pour comprendre comment les autres éléments de la culture sont structurés et interconnectés. Par exemple, de la même manière que les sons du langage s'organisent en mots, les mots en phrases, et les phrases en discours, les éléments de la culture s'organisent en structures de plus en plus complexes. C'est pour cette raison que Lévi-Strauss voit la linguistique comme une discipline clé pour l'anthropologie. Les méthodes de la linguistique structurale - l'analyse des systèmes de relations entre les signes - peuvent être utilisées pour analyser les structures de la culture.

Claude Lévi-Strauss a contesté l'idée qu'il existe une hiérarchie linéaire de cultures, allant des "primitives" aux "avancées". Pour lui, toutes les cultures sont des systèmes complexes de significations, et chacune doit être comprise en termes de sa propre logique interne, et non par comparaison avec d'autres. Cette perspective a marqué une rupture majeure avec les approches anthropologiques antérieures, qui tendaient à juger les cultures non occidentales selon des critères occidentaux. Lévi-Strauss a souligné que ce qu'on appelle communément les "peuples primitifs" possèdent des systèmes sociaux et politiques complexes et structurés. Il a rejeté l'idée que ces sociétés sont "sans histoire" simplement parce qu'elles n'ont pas de tradition écrite. Au contraire, il a soutenu que leur histoire peut être décodée à partir de leurs mythes, leurs rituels et leurs systèmes de parenté, qui sont tous porteurs de sens historique. De plus, Lévi-Strauss a critiqué la vision eurocentrique selon laquelle le développement et le progrès sont une voie à sens unique menant à la modernité occidentale. Il a souligné que chaque culture a sa propre trajectoire de développement, qui est façonnée par ses conditions particulières et ses propres logiques internes. Cette perspective a contribué à remettre en question l'ethnocentrisme dans les études anthropologiques et à promouvoir une appréciation plus équitable et respectueuse des diversités culturelles.

Claude Lévi-Strauss était sceptique vis-à-vis de la notion d'archaïsme, car elle sous-entend une vision linéaire et progressive de l'histoire, où les sociétés "archaïques" sont vues comme étant en retard par rapport aux sociétés "modernes". Il a critiqué cette perspective comme étant eurocentrique et déformante. Au lieu de cela, Lévi-Strauss a proposé une approche structuraliste, qui cherche à comprendre chaque culture en termes de ses propres structures internes de signification. Plutôt que de juger les sociétés selon une échelle de développement linéaire, il a cherché à identifier les systèmes sous-jacents de pensée et de signification qui façonnent la vie sociale et culturelle. Par conséquent, Lévi-Strauss a mis l'accent sur l'importance de développer de nouveaux outils théoriques et méthodologiques pour comprendre la complexité et la diversité des cultures humaines. Il a soutenu que nous devons être capables de reconnaître et de respecter les différentes logiques internes qui structurent différentes sociétés, plutôt que de les juger à l'aune de nos propres normes culturelles.

L'importance de la magie, du mythe et du rituel dans les sociétés[modifier | modifier le wikicode]

Dans ses travaux, Claude Lévi-Strauss a souligné l'importance de la magie, du mythe et du rituel dans les sociétés, y compris les sociétés modernes. Loin de les considérer comme des formes de pensée irrationnelles ou primitives, il a soutenu qu'elles jouent un rôle crucial dans la structuration de la vie sociale et culturelle.

Lévi-Strauss a étudié les mythes et les rituels en tant que formes de langage symbolique. Pour lui, ces formes de communication sont similaires à la langue dans le sens où elles sont basées sur des systèmes de signes qui sont utilisés pour exprimer des idées et des sentiments. Comme la langue, elles sont structurées par des règles et des conventions qui permettent aux individus de partager des significations communes.

Dans son analyse de la magie, Lévi-Strauss a soutenu que la magie, comme la science, est une forme de connaissance qui est basée sur des systèmes logiques de pensée. Il a fait valoir que la magie est efficace non pas parce qu'elle implique des forces surnaturelles, mais parce qu'elle permet aux individus de structurer leur compréhension du monde et d'agir en conséquence. En ce sens, la magie joue un rôle crucial dans la vie sociale et culturelle, en aidant les individus à donner un sens à leur expérience et à naviguer dans le monde qui les entoure.

L'approche de Lévi-Strauss s'accorde avec celle de René Girard dans le sens où tous deux voient dans la figure du sorcier un élément structurant de la société. Pour Lévi-Strauss, le sorcier, comme le mythe ou le rituel, participe à la construction de la structure sociale en offrant un cadre de compréhension et d'interprétation du monde. Les rites et les croyances associés à la figure du sorcier fournissent une sorte de langage symbolique à travers lequel les individus peuvent donner un sens à leur expérience et naviguer dans le monde. René Girard, quant à lui, a élaboré une théorie du désir mimétique pour expliquer le comportement humain et le fonctionnement des sociétés. Selon lui, le sorcier joue un rôle clé dans la gestion des tensions et des conflits qui peuvent surgir au sein de la société du fait de ce désir mimétique. Le sorcier, en tant que figure d'autorité, peut aider à canaliser ces tensions et à maintenir l'ordre social. Ainsi, tout comme pour Lévi-Strauss, le sorcier est pour Girard un élément de structure essentiel au fonctionnement de la société.

Mythe et politique[modifier | modifier le wikicode]

Pour Claude Lévi-Strauss, les mythes sont des récits qui offrent une interprétation symbolique et structurée du monde. Ils sont des éléments constitutifs des cultures et des sociétés, et servent à expliquer les origines, les valeurs, les croyances, les structures sociales et les phénomènes naturels. Lévi-Strauss soutenait que tous les mythes, qu'ils soient issus de sociétés traditionnelles ou modernes, partagent une structure commune. Il a utilisé une approche appelée le structuralisme pour analyser les mythes. Selon cette approche, les mythes sont construits autour de paires d'oppositions binaires (par exemple, vie/mort, culture/nature), et ces oppositions aident à organiser et à donner un sens à l'expérience humaine. En outre, Lévi-Strauss a soutenu que les mythes sont intemporels : ils sont constamment réinterprétés et adaptés pour répondre aux préoccupations actuelles d'une société, mais leur structure de base reste la même. Ainsi, bien que les détails spécifiques d'un mythe puissent changer au fil du temps, son cadre structurel et son rôle en tant que moyen d'interprétation du monde restent constants..

L'idée que le politique nécessite une certaine dimension de sacré peut être comprise de plusieurs façons.

  1. Le politique comme sacré : Ici, "sacré" peut être interprété comme quelque chose qui est d'une importance ultime, digne de respect et de vénération. De ce point de vue, les institutions politiques, les lois et les valeurs (comme la démocratie, la justice, l'égalité, etc.) peuvent être considérées comme sacrées. Ils sont essentiels au fonctionnement de la société et à la promotion du bien-être commun.
  2. Le politique nécessitant le sacré : D'un autre côté, certains pourraient soutenir que le politique a besoin d'une dimension de sacré pour légitimer son pouvoir et inspirer l'allégeance et l'obéissance des citoyens. Cela pourrait prendre la forme de symboles, de rites et de traditions qui renforcent l'autorité de l'État et l'identité nationale.
  3. La disparition du sacré et son impact sur le politique : En l'absence d'un sens du sacré, certains affirment que la politique peut devenir purement technocratique, axée sur l'efficacité et l'efficience plutôt que sur les valeurs et les principes. Cela pourrait entraîner une désillusion et une désaffection politiques, et éventuellement la désintégration du tissu social.

Claude Lévi-Strauss, en tant que l'un des fondateurs de l'approche structuraliste en anthropologie et en sciences sociales, a mis l'accent sur l'importance des structures sous-jacentes dans la compréhension des sociétés humaines. Il a utilisé l'idée de structures pour analyser différents aspects des cultures humaines, des systèmes de parenté aux mythes, en passant par les rituels et les coutumes.

Selon Lévi-Strauss, les structures ne sont pas toujours immédiatement visibles ou évidentes. Elles sont souvent cachées sous la surface, mais elles peuvent être révélées par une analyse minutieuse et rigoureuse. Dans cet esprit, le travail d'un anthropologue structuraliste ressemble beaucoup à celui d'un cryptographe qui décode un message secret : il cherche à déchiffrer les structures cachées qui régissent la façon dont les sociétés humaines fonctionnent et se développent.

L'approche structuraliste de Lévi-Strauss a été influente et a conduit à de nouvelles façons de penser les sociétés humaines. Cependant, comme toute théorie, elle a aussi fait l'objet de critiques. Certaines personnes ont remis en question l'idée que les structures soient si omniprésentes et tout-puissantes, et ont souligné le rôle de l'agence individuelle et du changement historique. D'autres ont critiqué le structuralisme pour son insistance sur la dualité et l'opposition, et pour son approche parfois trop abstraite et décontextualisée des cultures humaines.

Le structuralisme marxiste dans le champ du politique : Nicos Poulantzas (1936 - 1979)[modifier | modifier le wikicode]

Poulantzas.

Nicos Poulantzas était un sociologue et un théoricien politique grec qui a essayé de réconcilier le structuralisme et le marxisme dans son travail. Il est surtout connu pour sa théorie de l'État, qui a eu une influence majeure sur le marxisme occidental.

Poulantzas a cherché à intégrer le structuralisme, en particulier les idées de Louis Althusser, dans une analyse marxiste de la société. Comme Althusser, il a souligné l'importance des structures surjacentes qui façonnent et déterminent les actions et les relations humaines. Cependant, il a également insisté sur la nécessité d'une analyse matérialiste et de classe de ces structures.

Dans son livre "Pouvoir politique et classes sociales", Poulantzas a proposé une analyse structurelle de l'État capitaliste. Selon lui, l'État n'est pas simplement un instrument de la classe dominante, mais une entité qui a sa propre structure et son propre rôle à jouer dans le maintien du système capitaliste.

Poulantzas a également fait valoir que la lutte des classes doit être comprise de manière structurale. Les classes ne sont pas seulement définies par leur position dans l'économie, mais aussi par leur position dans d'autres structures sociales, comme le système politique. Cette approche a permis à Poulantzas de développer une analyse sophistiquée de la façon dont le pouvoir et la domination fonctionnent dans les sociétés capitalistes.

Nicos Poulantzas est reconnu pour avoir apporté une contribution significative à la théorie marxiste, en particulier en ce qui concerne le rôle de l'État dans les sociétés capitalistes. Dans son travail, il a cherché à comprendre comment les structures politiques et sociales interagissent avec les forces économiques pour maintenir et reproduire les systèmes de pouvoir et d'oppression. Poulantzas a soutenu que l'État est une entité relativement autonome au sein de la structure sociale, qui a ses propres intérêts et qui joue un rôle actif dans le maintien du système capitaliste. Il a rejeté l'idée que l'État est simplement un instrument de la classe dominante, et a plutôt soutenu qu'il est une "condensation matérielle d'un rapport de forces entre les classes et les fractions de classe".

Dans "Pouvoir Politique et Classes Sociales" (1968), Poulantzas a tenté de développer une théorie marxiste de l'État qui tient compte de sa complexité et de sa relative autonomie. Il a fait valoir que l'État, en tant que composante de la superstructure sociale, est à la fois le produit et le producteur de relations sociales de production. Il joue un rôle actif dans la reproduction des conditions de production capitaliste. Poulantzas a également écrit sur les fascismes et les dictatures, en essayant de comprendre leurs origines et leur développement dans le contexte de l'économie politique capitaliste. Il a cherché à développer une analyse qui tienne compte à la fois des forces structurelles et des actions des individus et des groupes.

Poulantzas a été une figure de proue du marxisme occidental dans les années 1960 et 1970, et son travail a eu une influence significative sur le développement de la théorie marxiste. Cependant, ses idées ont également été critiquées, notamment pour leur insistance sur la structure au détriment de l'agence humaine.

Le marxisme a été une influence majeure sur le développement du structuralisme en Europe dans les années 1950 et 1960. La pensée marxiste, avec son accent sur les structures de classe et les relations de production comme moteurs de l'histoire et de la société, était en parfaite adéquation avec la perspective structuraliste, qui cherchait à identifier les structures sous-jacentes qui organisent et donnent sens à la vie sociale. Dans ce contexte historique, le structuralisme et le marxisme ont souvent été utilisés conjointement pour analyser les phénomènes sociaux et politiques. Par exemple, dans le domaine de la sociologie, des penseurs comme Louis Althusser ont cherché à intégrer les idées marxistes et structuralistes dans une théorie cohérente de la société. La décolonisation a également été un sujet majeur d'étude pour les penseurs marxistes et structuralistes. Les luttes pour l'indépendance dans les pays colonisés ont été interprétées à travers le prisme des relations de classe et de la lutte des classes, tout en tenant compte des structures culturelles et politiques spécifiques de chaque société. Nicos Poulantzas est un exemple de penseur qui a ouvertement revendiqué son adhésion au marxisme tout en utilisant des outils d'analyse structuraliste. Son travail sur le rôle de l'État dans les sociétés capitalistes reflète cette combinaison d'influences.

Nicos Poulantzas a proposé une analyse structuraliste du capitalisme et de l'État, en mettant l'accent sur les relations de classe et les structures institutionnelles. Selon lui, l'État n'est pas un simple instrument de la classe dominante, mais plutôt une "condensation matérielle" des rapports de force entre les différentes classes. Il s'agit d'un champ de lutte où diverses forces sociales, économiques et politiques se confrontent et se négocient. Dans cette perspective, l'État n'est pas seulement un acteur dans la reproduction des relations de classe, mais joue également un rôle actif dans leur formation et leur transformation. Il est à la fois le produit et le producteur des relations sociales, économiques et politiques. Pour Poulantzas, l'État capitaliste n'est pas simplement un reflet des intérêts économiques de la bourgeoisie, mais est également une institution qui contribue à la formation et à la reproduction de la domination de classe. Il structure les relations sociales de manière à favoriser la classe dominante et à reproduire les conditions de la domination capitaliste. Dans ce sens, l'approche de Poulantzas peut être qualifiée de "structuro-marxiste", car elle combine les outils d'analyse du marxisme et du structuralisme pour analyser l'État et le capitalisme. Il a été l'un des principaux contributeurs à la théorie marxiste de l'État, en soulignant le rôle de l'État en tant que site de luttes de classe et en tant qu'acteur dans la reproduction des relations de classe.

Nicos Poulantzas a proposé une vision intéressante de la crise de l'État. Selon lui, la crise de l'État est une caractéristique intrinsèque de l'État capitaliste, car il est toujours engagé dans une lutte de classes et la gestion des contradictions inhérentes au système capitaliste. La crise n'est pas une anomalie, mais un aspect normal et nécessaire du fonctionnement de l'État capitaliste. Selon Poulantzas, l'État n'est pas seulement un régulateur neutre qui arbitre les conflits entre différentes classes sociales. Au contraire, il joue un rôle actif dans la création et la gestion de ces conflits. Il est un acteur central dans la reproduction des relations de classe et contribue activement à la formation de la structure de classe de la société. Dans cette perspective, l'État est à la fois le produit des conflits de classe et un acteur qui façonne activement ces conflits. Il est à la fois le théâtre et l'acteur des luttes de classe. Par conséquent, la crise de l'État n'est pas simplement une conséquence des conflits de classe, mais aussi un facteur qui contribue à leur exacerbation. Cette vision de l'État a des implications importantes pour notre compréhension des dynamiques politiques et sociales. Elle nous invite à repenser le rôle de l'État dans le capitalisme et à reconnaître sa participation active dans la reproduction et la transformation des relations de classe.

Pour Nicos Poulantzas, l'État est l'incarnation des forces dominantes dans la société et il joue un rôle actif dans la reproduction des rapports de pouvoir existants. L'État n'est pas simplement un instrument neutre, mais un acteur qui façonne activement ces rapports de pouvoir. L'État, dans sa conception marxiste-structuraliste, est un acteur central dans la construction et la reproduction des relations de classe. Il n'est pas seulement un outil au service de la classe dominante, mais un acteur qui contribue activement à la construction des conditions qui permettent à la classe dominante de maintenir sa position. Poulantzas était également convaincu que le changement social et politique ne peut venir que de la lutte des classes subalternes. Pour lui, c'est par la mobilisation populaire et la lutte des classes que les structures de pouvoir existantes peuvent être contestées et transformées. Cela implique une vision de la politique comme un processus de lutte constante, où les forces populaires doivent s'organiser et se mobiliser pour contester les structures de pouvoir existantes et travailler à leur transformation. Cela implique une vision de la politique qui met l'accent sur l'action collective et la mobilisation populaire comme moteurs du changement social et politique.

Nicos Poulantzas était conscient des complexités et des contradictions inhérentes à la théorie structuraliste. En tant que structuraliste, il reconnaissait que les structures sociales ont un poids considérable et tendent à se perpétuer. Cependant, en tant que marxiste, il croyait aussi en la possibilité du changement social et politique grâce à l'action collective et à la lutte des classes. Poulantzas a également reconnu le potentiel de l'État à exercer une violence contre les forces de changement. Il a utilisé le terme de "contre-révolution préventive" pour décrire les mesures prises par l'État pour empêcher ou contrecarrer les mouvements révolutionnaires. Cette idée reflète sa compréhension de l'État non pas comme un acteur neutre, mais comme une entité qui joue un rôle actif dans la défense et la reproduction des structures de pouvoir existantes. Il est vrai que ces idées peuvent sembler contradictoires. D'une part, Poulantzas reconnaît le poids des structures sociales et la tendance de l'État à défendre l'ordre existant. D'autre part, il croit en la possibilité de la révolution et du changement social. Cependant, ces contradictions reflètent la complexité de la réalité sociale et politique que Poulantzas cherchait à comprendre.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Divers[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Differenz der demokritischen und epikureischen Naturphilosophie.