La notion de « concept » en sciences-sociales

De Baripedia

En science sociale, la théorie joue un rôle central, mais elle n’est pas toujours claire :

  • Un premier malentendu associe souvent la théorie à une abstraction, elle peut paraitre intimidante relevant du domaine réservé des philosophes et des intellectuels. Chacun, en fait, élabore et utilise des théories.
  • Un deuxième malentendu serait que la théorie serait peu pertinente, peu objective et éloignée des faits et de la réalité.

En fait, les faits et théories sont étroitement liés à travers un raisonnement théorique de type inductif et déductif :

  • Inductif : c’est un raisonnement qui part de quelques cas théoriques et on essaie de dégager des principes théoriques généraux. C’est partir du terrain empirique et puis inférer des principes et des généralisations.
  • Déductif : on part de la théorie, on pose des postulats, puis on en déduit des propositions qui se déduisent nécessairement du raisonnement logique. La théorie du choix rationnel de Mancur Olson est un raisonnement de type déductif.

La théorie est une explication de comment fonctionne la réalité. Une bonne théorie identifie les facteurs et les processus qui structurent une partie de la réalité sociale et en dégage et identifie des lois afin de les expliquer.

Plus spécifiquement, selon Lim, dans son ouvrage Doing Comparative Politics: An Introduction to Approaches and Issues publié en 2006[1], il la définit comme une représentation simplifiée de la réalité, c’est un prisme par lequel les faits sont sélectionnés, interprétés, organisés et reliés entre eux de sorte qu’ils forment une totalité cohérente.

La théorie guide l’organisation des faits, elle va relier les faits les uns aux autres. Donc, la théorie ne réduit pas uniquement la complexité de la réalité, mais elle va aussi l’ordonner.

Finalement, la théorie est elle-même une argumentation cohérente caractérisée par une logique interne forte qui va nous expliquer quels sont les mécanismes qui soutiennent une relation causale.

On peut penser à deux analogies pour saisir la notion de théorie :

  • Celle de la paire de lunettes : travailler la théorie c’est comme travailler le monde à travers différentes paires de lunettes afin de mettre la focale sur des aspects variés(rôle des institutions politiques, structure du capitalisme mondialisé, etc.). Chaque paire permet de sélectionner les faits. Ces choix sont partis prenants des efforts de théorisation. Ainsi on peut se focaliser sur différents aspects de la réalité ; ces focales peuvent se compléter.
  • Celle de la carte : la théorie serait comme une carte, une représentation graphique de la réalité physique du monde essentielle voir indispensable dans beaucoup de circonstances. On peut imaginer des cartes avec des reliefs pour par exemple nous donner une idée de la géopolitique mondiale. Suivant les informations on va avoir une représentation différente du monde.

On distingue habituellement deux perspectives d’explications :

  • Approche de Karl Marx : il voit dans l’explication de la théorie un moyen de changer la réalité sociale. Dans la onzième thèse sur Feuerbach, Marx dit : « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, il s'agit maintenant de le transformer ».[2].
  • Approche de Max Weber : il voit plutôt dans la théorie un simple exercice théorique qui est la vision majoritaire des praticiens en science politique de nos jours.

C’est peut-être Marx qui a le mieux formulé cette approche lorsqu’il dit que les philosophes n’ont plus qu’à traiter diversement le monde, il s’agit aujourd’hui de transformer. On voit bien le caractère de la théorie au service du politique et du changement social, c’est un instrument de la révolution par la conscientisation des classes.

Selon Robert Cox, dans son ouvrage Social Forces, States and World Orders: Beyond International Relations Theory[3], la théorie est toujours pour quelqu’un et dans quelques buts. Il n’est pas possible d’avoir une théorie entièrement neutre, elle est toujours au service d’une cause.

À l’inverse, Max Weber va souligner la possibilité de l’objectivité scientifique en science sociale et notamment la possibilité de séparer jugement de fait et jugement de valeur. En terme technique on parle de neutralité axiologique selon cette doctrine. La possibilité de l’analyse neutre et objective sans émission de jugement de valeur du chercheur est préférable.

Weber élabore cette neutralité axiologique dans Politik als Beruf. L’extrait suivant est issu d’une série de conférences prononcées en 1919 à l’Université de Munich; est développée une réflexion sur la nature du travail scientifique :

« Arrêtons-nous maintenant un instant aux disciplines qui me sont familières, à savoir, la sociologie, l'histoire, l'économie politique, la science politique et toutes les sortes de philosophie de la culture qui ont pour objet l'interprétation des diverses sortes de connaissances précédentes. On dit, et j'y souscris, que la politique n'a pas sa place dans la salle de cours d'une université. Elle n'y a pas sa place, tout d'abord du côté des étudiants. Je déplore par exemple tout autant le fait que dans l'amphithéâtre de mon ancien collègue Dietrich Schäfer de Berlin un certain nombre d'étudiants pacifistes se soient un jour massés autour de sa chaire pour faire du vacarme, que le comportement des étudiants anti-pacifistes qui ont, semble-t-il, organisé une manifestation contre le professeur Foerster dont je suis pourtant, par mes propres conceptions, aussi éloigné que possible pour de multiples raisons. Mais la politique n'a pas non plus sa place du côté des enseignants. Et tout particulièrement lorsqu'ils traitent scientifiquement les problèmes politiques. Moins que jamais alors, elle n'y a sa place. En effet, prendre une position politique pratique est une chose, analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis en est une autre. Lorsqu'au cours d'une réunion publique,on parle de démocratie, on ne fait pas un secret de la position personnelle que l'on prend, et même la nécessité de prendre parti de façon claire s'impose alors comme un devoir maudit. Les mots qu'on utilise en cette occasion ne sont plus les moyens d'une analyse scientifique, mais ils constituent un appel politique en vue de solliciter des prises de position chez les autres. Ils ne sont plus des socs de charrue pour ameublir l'immense champ de la pensée contemplative,mais des glaives pour attaquer des adversaires, bref des moyens de combat. Ce serait une vilenie que d'employer ainsi les mots dans une salle de cours.Lorsqu'au cours d'un exposé universitaire on se propose d'étudier par exemple la « démocratie », on procède à l'examen de ses diverses formes, on analyse le fonctionnement propre à chacune d'elles et on examine les conséquences qui résultent de l'une et de l'autre dans la vie; on leur oppose ensuite les formes non démocratiques de l'ordre politique et l'on essayera de pousser son analyse jusqu'au moment où l'auditeur sera lui-même en mesure de trouver le point à partir duquel il pourra prendre position en fonction de ses propres idéaux fondamentaux. Mais le véritable professeur se gardera bien d'imposer à son auditoire, du haut de la chaire, une quelconque prise de position, que ce soit ouvertement ou par suggestion - car la manière la plus déloyale est évidemment celle qui consiste à laisser parler les faits. Pour quelles raisons, au fond, devons-nous nous en abstenir ? Je présume qu'un certain nombre de mes honorables collègues seront d'avis qu'il est en général impossible de mettre en pratique cette réserve personnelle, et que même si la chose était possible, ce serait une marotte que de prendre pareilles précautions. Dame ! On ne peut démontrer scientifiquement à personne en quoi consiste son devoir de professeur d'université. On ne peut jamais exiger de lui que la probité intellectuelle, ce qui veut dire l'obligation clé reconnaître que d'une part l'établissement des faits, la détermination des réalités mathématiques et logiques ou la constatation des structures intrinsèques des valeurs culturelles, et d'autre part la réponse aux questions concernant la valeur de la culture et de ses contenus particuliers ou encore celles concernant la manière dont il faudrait agir dans la cité et au sein des groupements politiques, constituent deux sortes de problèmes totalement hétérogènes. Si l'on me demandait maintenant pourquoi cette dernière série clé questions doit être exclue d'un amphithéâtre, je répondrai que le prophète et le démagogue n'ont pas leur place dans une chaire universitaire […] je suis prêt à vous fournir la preuve au moyen des œuvres des historiens que chaque fois qu’un homme de science fit intervenir son propre jugement de valeur, il n’y a pas plus de compréhension intégrale des faits »

— Max Weber, « Le métier et la vocation de savant », Le savant et le politique.

En suivant Weber, il ne fait pas beau de mélanger les genres, l’analyse ferait bien de les séparer et de les tendre vers l’objectivité. Cependant, les considérations d’ordre normatif ont leur place en science politique avec une approche scientifique qui a suivi la révolution du choix rationnel. Ces considérations tendent à être étudiées dans le champ de la théorie politique. Il y aurait une division du travail au sens de la science politique avec à nouveau la théorie politique normative qui se demande par exemple si la démocratie parlementaire est souhaitable. Tout questionnement empirique est postulé sur des postulats normatifs, cependant elles ne seront pas dominantes, c’est l’analyse dominante qui prime.

Aujourd’hui, dans la pratique, la grande majorité des chercheurs sont orientés vers une recherche de type explicative et phénoménologique.

Max Weber à propos de la délimitation du champ de la science politique et de son objet dit « ce ne sont pas les rapports entre les « choses » qui constituent le principe de la délimitation des différents domaines scientifiques, mais les rapports conceptuels entre problèmes[4] ».

Ce qui délimite l’objet de la science politique ce sont les rapports conceptuels entre problèmes c’est-à-dire entre deux concepts. On voit que ce qui constitue l’objet est des liens entre concepts.

Le modèle classique

Définition : qu’est-ce qu’un concept ?

En préambule, il est utile de s’intéresser à son étymologie. En latin, le mot « concept » provient de « concipere » qui est formé de « corp » et de « capare » qui signifie « saisir pleinement ». Le concept va dès lors être un outil, une aide à la compréhension.

Cependant, il y a une polysémie du terme. Différents utilisateurs vont le définir et proposer des affirmations variées :

Robert Adcock dans The History of Political Science[5] publié en 2005 propose une définition selon le modèle classique aussi appelé « paradigme objectiviste » du concept. Il définit le concept comme des représentations mentales de catégories du monde elles représentent la réalité externe.

Les concepts fonctionnent comme des symboles mentaux (« mental symbols »; « mental representations »; « mental images »), représentant la réalité externe. Ce modèle classique traite les objets comme des entités cognitives représentant une série de classe d’objets dans le réel via les traits communs de ces entités dans la réalité.

Sartori publie en 1984 Social Science Concepts: A systematic analysis[6] pour qui le concept consiste en un ensemble de caractéristiques nécessaires qui le défini.Cela permet de distinguer A de non-A. L’analyse conceptuelle est la tâche méthodologique cruciale à laquelle tout chercheur est confronté. Il oppose le discours scientifique au discours du sens commun très peu précis ; Sartori exige de la science de définir les termes clairement. Il faut dégager des définitions de concepts claires et intersubjectives partagées par l’ensemble de la communauté. Le travail conceptuel peut aussi générer de nouveaux concepts.

Taylor distingue des catégories en terme nécessaires et suffisantes. Les éléments sont de type binaire, c’est-à-dire que l’on a soit la présence ou l’absence d’une caractéristique. C’est une variable dichotomique. Tous les membres d’une catégorie ont le même statut.

Mesure

Article détaillé : De la théorie aux données.

Les théories établissent des rapports entre concepts, mais ils restent inobservables. Ce que l’on peut observer sont des mesures d’abstractions conceptuelles. L’opérationnalisation est le lien entre un concept abstrait et sa manifestation dans un cas précis qui se traduit par la création d’indicateurs.

Une mesure est une quantification d’un concept. Tout concept doit être opérationnalisé pour pouvoir faire de la recherche empirique et tester des liens théoriques et conceptuels.

Histoire et « art » de la discipline : état de l’art

Les cinq changements majeurs qui nous permettent de comprendre l’état de la science politique moderne, de définir les objets de la discipline et de s’interroger sur la notion même des sciences politiques sont :

  1. le passage de la description/jugement à l’explication/analyse : glissement d’analyses de types descriptives qui émettent de forts jugements de valeur à des analyses qui se focalisent sur l’explication et la théorie ;
  2. la montée en puissance de la méthode : renforcement de la méthode et du caractère scientifique de la recherche ;
  3. la spécialisation ;
  4. on quitte les approches métathéoriques pour théoriser davantage à l’aide de théories de moyennes portées ;
  5. la révolution au niveau des données disponibles.

Passage de la description à l’explication

Depuis la Deuxième guerre mondiale et à partir des années 1960, on observe ce double mouvement dans l’étude des phénomènes politiques donc, de la description on passe à l’explication comme objet de recherche, mais aussi du jugement normatif et descriptif passant à l’analyse et au raisonnement.

Vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, la science politique était essentiellement descriptive et on ne posait que rarement la question du « pourquoi ? ».

Dans l’immédiat d’après-guerre, la science politique était essentiellement normative et habitée par des sentiments réformistes. Il faut comprendre les considérations normatives comme « ce qui devrait être » sans forcément analyser les mécanismes et les réalités sociales et politiques.

Ce sont les questions de « pourquoi ? » qui permettent d’aller au-delà de la description. Les réponses appellent à une explication qui repose sur un raisonnement et une analyse cohérente.

Ce qui pique la curiosité des chercheurs est des régularités empiriques récurrentes, des faits sociaux récurrents à travers le temps et dans l’espace. L’objectif est d’essayer d’identifier les mécanismes qui identifient et expliquent ces régularités empiriques.

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Ce tableau illustre le nombre d’articles qui mentionnent un mot qui se réfère à la causalité comme « analyses causales » dans la revue américaine de science politique, mais aussi dans un nombre plus important de revues scientifiques.

On voit une forte progression du jargon causale dans ces publications ce qui illustre ce renforcement du rôle de l’explication dans ce que font les politologues depuis les années 1960.

Nota bene

Changements qui ont eu lieu sur 100 ans, mais qui se sont renforcés depuis les dernières décennies. Il y a un double mouvement dès les années 1960 :

  • de la description on passe à l’explication ;
  • du Jugement normatif et prescriptif, on passe à l'analyse.
  • Prescriptif : jugements, évaluations émises en vue d’un aménagement politique

La science politique était très descriptive après la Seconde guerre mondiale, et très normative on ne se posait pas la question « pourquoi ? » (sentiment réformiste très présent) : c’est pourtant la réponse à « pourquoi ?» qui demande une explication et qui présuppose un raisonnement et donc une analyse.

  • Accent sur l’explication et l’analyse

Les sciences politiques se rapprochent des sciences exactes: sciences physiques et sciences naturelles. (Méthode comparative : on va regarder un certain nombre de fonctions constantes)

Renforcement de la méthode, du caractère scientifique de la recherche

Cet accent sur l’explication va de pair avec une plus grande rigueur dans la méthode. La rigueur méthodologique et principalement un renforcement du caractère scientifique de la recherche.

La méthode comparée se base sur un petit nombre de cas de 2 allant jusqu’à 15-20. Cette méthode est scientifique parce que si l’on regarde autour de soi, on s’aperçoit d’une grande diversité d’institutions politiques ; la Suisse et caractérisée par un fédéralisme tandis que l’État français est très centralisé, d’autres parla Suisse a un système parlementaire alors qu’en France le régime politique et semi-présidentiel.

On voit une grande diversité institutionnelle et politique à travers le monde et cette variation rend la comparaison souhaitable pour deux raisons principales :

  1. la comparaison nous donne un bon aperçu du domaine du possible, elle ouvre les yeux sur les grandes variétés institutionnelles qui existent à travers le monde rendant compte des options possibles et de la capacité qu’ont les sociétés de choisir leur destinée. On voit qu’il y a une liberté qui existe pour façonner ses institutions à travers l’histoire, la culture, la société, etc. Des institutions efficaces existent ailleurs et on pourrait les introduire dans son propre pays.
  2. les différences institutionnelles et politiques constituent un point analytique qui permet de tester des hypothèses de type causal, car l’analyse causale exige de la variation institutionnelle, politique, économique entre entités qui sont comparées. Ces différends vont fournir un appui analytique qui va permettre l’explication de type causale.

En politique comparée, le " most similar research design " est un design de recherche qui va comparer des pays qui sont les plus similaires entre eux. L’idée est d’identifier une variable indépendante explicative comme une institution ou une pratique politique voir une caractéristique individuelle de l’électeur si on s’intéresse aux comportements électoraux ; identifier une telle variable indépendante, une variable explicative absente dans un des deux cas, mais présente dans l’autre et qu’elle soit associée à des résultats différents au niveau de la variable expliquée.

Les cas sélectionnés sont similaires à tout égard à l’exception d’une variable indépendante et du résultat.

L’article de Bo Rothstein intitulé Labor-market institutions and working-class strength publié en 1992[7] qui illustre la thématique des institutions va s’intéresser à une quinzaine de pays européens de l’OCDE, ce sont des pays qui se ressemblent beaucoup d’un point de vue géographique,historique, économique. Ce qui l’intéresse est d’expliquer une puissance des mouvements syndicaux qui diffèrent d’un pays à l’autre.Il va montrer sur la base de l’organisation syndicale des ouvriers qu’il y a de très grandes variations dans les pays européens ; il cherche à expliquer la variation. Pour cela il va être à la recherche d’un facteur qui varie pour expliquer cette différence : une variable principale institutionnelle qui sera le système de Gantt, certains pays connaissent une telle institution du marché du travail à la différence d’autres ce qui va expliquer dans une grande mesure pourquoi les pays scandinaves ont des taux de syndiqué élevés.

En d’autres termes, ces pays se ressemblent à beaucoup d’égard, cependant une variable change ce qui va expliquer le niveau du taux de syndicalisation.

Un deuxième article, celui de Robert Cox compare un plus petit nombre de pays à savoir les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark sur la capacité de réforme de l’État-providence se basant sur un modèle de recherche most similar.

On peut aussi illustrer le renforcement de la méthode par l’utilisation croissante de l’analyse de régression en science politique qui provient de l’économétrie.

Growth of mentions of words related to causal thinking.png

Dans ce tableau, on voit une croissance de cet outil statistique dans les démonstrations causales que les politologues font de plus en plus à partir du milieu du siècle. Ainsi, peut isoler l’effet d’une variable indépendante sur une variable dépendante tout en contrôlant les effets d’une variable alternative.

Si l’on reprend les explications de la République de Weimar ; si on prenait plus de pays et de moments historiques, on s’intéresserait à isoler l’effet d’une seule variable sur la chute de la République de Weimar qui pourrait par exemple être le système proportionnel. L’idée est d’isoler cet effet net à savoir quelle est l’importance d’une variable sur une autre, c’est ce que permet l’analyse de régression.


Nota bene

Avantages de la comparaison :

  1. Elle donne un bon aperçu du domaine du possible : options possibles et capacités de la société de choisir pour les sociétés. Elle nous rencontre la plasticité des institutions politiques.
  2. Différences institutionnelles et politiques offrent un point d’appui analytique à fin déterminer des hypothèses de type causal. Car l'analyse causale requiert de la variation institutionnelle, politique et sociale entre pays qui se comparent les uns aux autres. Fournit « analytical leverage »

Most similar research design: l'idée c'est d'identifier une variable indépendante (facteur explicatif) de l'objet qu'on souhaite expliquer dont l’absence et sa présence dans différent cas va être associé à des résultats différents.

Donc la sélection de cas des pays se fait sur la similarité des cas.

Les pays vont être le plus comparables possible à l’exception de la variable indépendante. Postulé comme le facteur explicatif principal. Et la variable dépendant (résultat) va aussi varier.


Spécialisation dans le domaine

Les grands penseurs tels que Marx, Weber, Darwin, Tolstoï, Dickens ou encore Dostoïevski étaient chacun une encyclopédie vivante à eux tout seuls. Il y a quelques années, le magazine Foreign Policy[réf. nécessaire] a mené un ranking des cent penseurs internationaux les plus influents parmi lesquels figurait Bill Gates, Warren Buffet, Maria Vargas, Joe Stiglitz ou encore Martin Wolf qui est journaliste influant du Financial Times.

On peut se poser la question de pourquoi la liste contemporaine est-elle si peut impressionnante :

  • il faut une certaine mise à distance temporelle pour juger véritablement le génie ;
  • cette proximité, et donc familiarité avec les grands penseurs de nos jours, réduits le génie tendant à le banaliser ;
  • un changement structurel dans la manière de gérer la connaissance, notamment les universités promeuvent la spécialisation à outrance ; la connaissance progresse par la coopération et les interactions entre spécialistes organisées en réseaux qui se rencontrent lors de colloques internationaux et qui de plus en plus occupent des niches,des périmètres du savoir plus petit et que la connaissance se cumule et grandie néanmoins. Cela est facilité par les nouvelles technologies comme internet qui permettent toutes sortes de coopérations à travers le monde. Cette spécialisation se voit dans l’organisation et les structures des départements de science politique notamment à l’Université de Genève ou des professeurs occupent des chaires qui couvrent des domaines de la sous-discipline de la science politique. Un et même chercheur à tendance à contribuer à un seul sous-domaine de la science politique. Par exemple, Damian Raess est un spécialiste de la politique comparée.

Théories de moyenne portée (mid-range theories)

De nos jours, nous avons tendance à laisser de côté les grands « -isme » comme le marxisme, le libéralisme, le constructivisme, le réalisme afin de se focaliser sur des débats et des théories de moyennes portées spécifiques à un contexte. Ce sont des débats spécifiques à un contexte et à des problèmes qui sont des enjeux que l’on peut résoudre également par l’analyse empirique.

Métathéorie

Une métathéorie est un cadre ou schéma qui connecte et réintègre logiquement des théories partielles et qui participe à la construction d'une théorie générale. C'est une théorie générale du politique, qui cherche à montrer comment ces diverses théories s'enlacent.

Ce sont, par exemple, le structuralisme, le marxisme, l'institutionnalisme-historique ou encore la théorie des choix rationnels.

Mid-range theories

La définition provient de Robert Merton, il parle d’une théorie a portée limitée qui focalise sur un ou un nombre restreint d’aspects politiques qui tendent à être spécifique à une problématique. Des chercheurs vont, par exemple, dédier leur carrière entière à mieux comprendre les processus de théorisation. C’est un ensemble de théories de portées limitées qui vont essayer d’expliquer des phénomènes spécifiques par exemple les spécialistes des conflits civils qui vont essayer d’en analyser les déterminants. Ce sont aussi la théorie des comportements électoraux, l’approche des variétés du capitalisme qui tentent d’analyser entre autres les résultats dans la manière d’organiser les économies de marché entre pays.

Révolution au niveau des données disponibles

On peut mentionner cette révolution dans les données quantitatives et la disponibilité de larges banques de données et d’enquêtes par sondages d’opinion qui facilitent et permettent la recherche pour des politologues et permettent la comparaison internationale. C’est un facteur qui contribue au renforcement des analyses quantitatives et statistiques dans notre discipline.

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Histoire de la discipline : théories et conceptions

La constitution de la discipline, sa professionnalisation et son autonomisation date d’il y a environ 100 ans, c'est une discipline jeune. Cependant, ses origines peuvent être tracées par un ensemble de textes qui remontent à la Grèce antique.

Origines dans la Grèce antique

The School of Athens by Raffaello Sanzio, 1509, showing Plato (left) and Aristotle (right)

Au Vème siècle avant notre ère, la Grèce est un monde ou l’analyse des idées et idéaux politiques, les propriétés des systèmes politiques,l’essence de la citoyenneté et l’action des gouvernements ainsi que les interventions étatiques dans les sphères politiques et de la politique étrangère qui sont étudiées de façon récurrente.

  • Platon (427-347 av. JC) L’histoire de la science politique commence avec Platon. Dans La République qui est le premier classique dans la discipline, ouvrage clef qui offre la première typologie politique de différents régimes.
  • Aristote (384-322 av. JC) La Politique (ou Les Politiques). il poursuivit une méthode de type inductive, empirique et historique, d'observation sociale qui contraste avec le raisonnement déductif et l’idéalisme de Platon.

On retrouve dans cette période deux grands thèmes chers à la science politique :

  • Quelles sont les formes institutionnelles du politique ?
  • Quels sont les critères qui vont permettre d'évaluer ces diverses formes institutionnelles ? C’est un débat typiquement normatif.

Renaissance

Le Moyen-Age est dominé par les penseurs chrétiens et la théorie de la loi naturelle, c’est la croyance en une loi naturelle universelle résultant d’un ordre de la transcendance du divin ; dès lors la Cité-État se doit de mettre en œuvre des structures répondant à cette loi naturelle. C’est à partir de la renaissance que les choses changent.

  • Machiavel [1469 - 1527] : « le Prince » est un traité sur la légitimité des régimes et des hommes politiques. Il est le précurseur d’école du réalisme donnant lieu à la théorie réaliste des relations internationales au XXème siècle.Il voit dans la morale plus seulement une fin en soi comme c’est le cas dans la pensée chrétienne, mais il va dire qu’en politique la morale est aussi un moyen à une certaine fin. La morale est un instrument qui permet une certaine finalité.
  • Jean Bodin [1529 - 1596] : c’est un théoricien de la souveraineté étatique, son ouvrage principal est Les six livres de la République d’où il expose la nature de l’État dont l’existence se définie par la notion de souveraineté.

Avec les Lumières le progrès, les contributions en théorie s’accélèrent avec Hobbes, Locke, Humes, Smith, mais aussi Hamilton dans la tradition anglo-saxonne. Dans la tradition française nous pouvant noter Montesquieu et son ouvrage ‘’De l’Esprit des Lois’’ qui est devenu célèbre pour la distinction qu’il élabore entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire avec la notion de séparation des pouvoirs.

Fin du XVIIIème - XIXème

C’est la période des classiques de la théorie sociale :

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XIXème : Période classique de la théorie sociale

Les choses accélèrent, d’un côté la philosophie politique est marquée par un certain déterminisme historique notamment dans les travaux de Engels et Marx qui considèrent l’histoire comme un développe linéaire dans la direction de la liberté et de la raison.

En réaction à ces déterminismes il y a une première vague de travaux empiriques qui vont voir le jour et s’opposer à ces théories abstraites, généralisantes et déterministes proposées au milieu du XIXe siècle.

Cette réaction produit un grand nombre d’études descriptives des institutions politiques, notamment The State : Elements of Historical and Practical Politics du président Wilson qui est une ethnographie politique des institutions politiques avec une classification des modèles avec une typologie similaire développée par Platon et Aristote.

Wilson était un président démocrate durant la période de première guerre mondiale, il était lui-même formé comme politologue à l’Université de Princeton rédigeant de nombreux ouvrages en science politique.

Weber et Durkheim marquent le contraste entre la rationalité moderne et la tradition. Ils abordent les thèmes de la modernisation, le développement économique, le développement social et aussi le développement politique qui est la démocratisation en particulier.

Ces thèmes restent des thèmes clefs encore traités de nos jours par la science politique.

Il est de plus en plus commun de parler de l’étude du politique comme d’une science véritable. Il y a une avancée certaine dans la rigueur scientifique de l‘analyse du fait politique, une cohérence plus grande dans les raisonnements et les propositions avancées sont de plus en plus générées par l’approche inductive plutôt que sur des présupposés de la nature humaine comme au Moyen Âge.

Émerge un emploi croissant de la méthode comparative, mais celle-ci reste à un état embryonnaire et peu systématique.

La science politique a pour objet principal les sciences institutionnelles du gouvernement et donc elle adopte toujours une approche très descriptive de type légale et formelle. Se focalisant sur ces institutions formelles de gouvernements et de parlements, elle demeure attachée à un agenda de recherche étroit.

Fin du XIXème début du XXème

Au début du XXème siècle, la discipline qui va se professionnaliser. C’est dans ce contexte que la science politique comme discipline se professionnalise et s’autonomise ; ce processus a lieu d’abord aux États-Unis avec la création des premiers départements de science politique :

  • en 1880, on peut noter la création de la première école doctorale à la Colombia University de New York ;
  • en 1903 a été fondée l’association américaine de sciences politiques qui a rassemblé des chercheurs en science politique aux États-Unis.

On a une différentiation par rapport à l’histoire qui est la discipline la plus étroitement associée à la science politique dans ces années :

  • « History is past politics, and politics is present history[8] » : la science politique va se concentrer sur la période contemporaine et va traiter des changements dans les dernières décennies.
  • Elle va aussi rejeter l’histoire dans l’ambition qu’elle a d’adresser l’ensemble des facteurs explicatifs et de fournir une explication unique d’un phénomène donné. Pour les historiens, tout évènement a une explication unique qui n’est pas reproduite plus tard, avant, ailleurs dans le monde alors que la science politique va se concentrer sur un nombre plus restreint de facteurs et va formuler des propositions de type générales qui sont valables à travers l’espace et le temps.


Les limites approchent de types formels, légales et descriptives amenant des propositions et des hypothèses. Les propositions sont de plus en plus générées par une approche empirique. L’analyse comparée demeure à un état embryonnaire, peu développée encore.

Selon la devise de l’époque : la science politique se concentre sur la période contemporaine et l’histoire sur le passé. La science politique se centre sur des facteurs limités (de types uniques) ; par contre, l'histoire est trop ouverte.

Révolution behaviorale de l’après-guerre

En anglais, « behavior » veut dire « comportement ». C‘est la révolution comportementale c’est-à-dire que l’on va se focaliser sur l’étude des comportements politiques des acteurs. Elle s’initie d’abord avec l’École de Chicago.

  • École de Chicago [1920 - 1940]

Fondée par Charles Merriam à l’Université de Chicago en 1921. En 1929, Merriam publie un manifeste pour une nouvelle science politique qui cherche à rompre avec l'approche historique. Ce manifeste va engendrer un vif débat pour définir la science politique et saisir les nouvelles tendances. L’École de Chicago va émerger comme un centre important d’ébullition politique.

D’autres protagonistes sont Harold Lasswell ou encore Leonard White en administrations publiques ou encore Quincy Wright en relations internationales.

Les objets qui les intéressent sont l’étude des comportements de vote et l’étude de la mobilisation sociale en politique. En 1939, Lasswell va co-publier une étude sur l’impact de la grande dépression de 1929 sur les capacités de mobilisation politique des chômeurs dans la ville de Chicago intitulée World revolutionary propaganda. A Chicago study[9].

Pour résumer, la signification de l‘École de Chicago réside dans une démonstration qu’une véritable amélioration de la connaissance politique est possible par des études empiriques rigoureuses et par l’utilisation de méthodes plus sophistiquées qui sont au cœur des attitudes et des comportements individuels.

Révolution behaviorale de l’après-guerre [1950 - 1960]

C’est le moment charnière de la révolution behaviorale qui est porteuse de deux idées principales :

  • les objets de la science politique : les tenants de ces courants s‘opposent à une définition des limites de la science politique qui serait restreinte aux institutions formelles de gouvernements. Ils cherchent à dépasser les institutions formelles des gouvernements et à intégrer des procédures informelles et des comportements politiques que ce soit d’individu ou des groupes comme les partis politiques. Les procédures informelles pourraient être des procédures pour mettre sur pied des nouvelles politiques publiques, il y a souvent des consultations de groupes d’intérêts organisés comme les syndicats ainsi que d’autres associations de la société civile. Ils ne sont pas toujours institutionnalisés, ce n’est pas une institution formelle, mais plutôt que l’on pourrait caractériser d’informelle.
  • volonté de rendre la science politique plus scientifique au niveau de la méthode : ils s’opposent à l’analyse empirique qui n’est éclairée par la théorie et vont prôner un raisonnement théorique rigoureux et systématique par des tests empiriques notamment des études d’hypothèses théoriques.

Notons la croissance rapide de l’activité de la recherche académique dans l’après-guerre ; les sous-disciplines de la science politique que sont les relations internationales, la politique comparée et l’étude des institutions américaines s’institutionnalisent, occupent un espace visible, de nouvelles sous discipline viennent s’ajouter à dessous-disciplines existants comme, par exemple, le début des études de security studies, des relations économiques internationales, mais aussi l’étude des comportements politiques.

Un autre acteur va être le fer-de-lance de la révolution behaviorale est l’Université de Michigan qui va rependre la culture scientifique dans l’après-guerre.

Deux ouvrages de cette période et qui incarnent cette révolution behaviorale sont Political Man; the Social Bases of Politics de Lipset publié en 1960[10] et The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations publié en 1963 de Gabriel Almond et Sidney Verba[11].

Pour conclure, la révolution behaviorale a amené une plus grande orientation théorique, un renforcement des raisonnements théoriques et une plus grande sophistication théorique dans la discipline. En d’autres termes, c’est une considération plus sérieuse de la méthode scientifique.

Troisième révolution scientifique [1989 - ]

À partir des années 1970 va avoir lieu une troisième révolution scientifique qui est un prolongement de la révolution behaviorale dans le sens où elle va continuer à affirmer et à vouloir toujours une plus grande rigueur de l’aspect scientifique de la discipline.

La Théorie du choix rationnel [TCR] est une théorie qui repose sur des postulats empruntés de la science économique comme les postulats de l’homo-economicus qui va faire des choix en fonction des coûts et de bénéfices afin de maximiser son utilité. D’autre part, elle ne cherche pas à redéfinir ce que sont les objets de la science politique, mais elle va avancer une théorie générale de l’action sous forme de métathéorie.

Cette révolution scientifique va mettre l’accent un raisonnement logique ultra vigoureux dans la théorie et notamment les raisonnements de type formel ou on pose des postulats au début de l’analyse et dont on va déduire par un raisonnement cohérent et logique un certain nombre de propositions et d’hypothèses que l’on va tester empiriquement. C’est également la théorie des jeux et au niveau des méthodes elle va pousser la rigueur par l’analyse statistique.

Elle va avoir des répercussions sur d’autres approches théoriques et méthodologiques notamment la méthode qualitative, en réaction à la pression des théoriciens du choix rationnel, la méthode qualitative va elle se renforcer et devenir plus rigoureuse. On constate un effet de spill-over sur les autres méthodes :

  • King, Keohane, Verba 1994. Designing Social Inquiry : Scientific Inference in Qualitative Research[12] ;
  • Brady & Collier 2004. Rethinking Social Inquiry : Diverse Tools, Share Standards[13] ;
  • George & Bennett 2005. Case Study and Theory Development[14] ;
  • Gerring (2007) Case Study Research: Principles and Practices[15].

En guise de synthèse de ce survol, on peut résumer quelques-uns de ces grands paradigmes par une idée simple parce que chacune de ces approches a une maxime qui résume assez bien les contributions faites parla théorie du behavioralisme et du choix rationnel :

  • behavioralisme : « don’t just at the formals rules, look at people actually do », il ne faut pas seulement se concentrer dans l’analyse a des institutions formelles mas il faut aussi s’intéresser à des règles et des procédures informelles et tout particulièrement la manière dont les individus agissent au sein de ce cadre.
  • choix rationnel : « always remember people push you power and interest », ce qui motive les décisions des individus c’est leurs considérations et leur quête de pouvoir et de satisfaction maximale selon la terminologie néoclassique.

Deux autres grandes écoles qui peuvent être amassées en idées simples :

  • systémisme : « all, everything is connected, feedback matter », tout est connecté, mais seul le feed-back compte, car il crée des résultats et des outcomes qui vont être intégrés aux nouvelles demandes produites et adressées au système politique
  • structuralisme-fonctionnalisme : « forms fits functions », la fonction va déterminer la forme que prennent les institutions politiques.

Finalement, l’autre idée qui définit l’institutionnalisme.

  • institutionnalisme : « institutionalism matter », tout un courant de l’institutionnalisme-historique a émergé qui se défini par rapport à cette idée-là.

Ce compte rendu de l’histoire disciplinaire est celui de la « perspective progressiste-éclectique » définie par Almond que l’on peut définir comme le courant dominant de la science politique. Il n’est pas partagé unanimement, mais par ceux qui l’acceptent comme critère du savoir et de l’objectivité avec cette possibilité de séparer les faits des valeurs qui est basée sur les règles de preuve empirique :

  • « Progressiste » dans le sens d'impute de la notion de progrès de la science historique d’accumulation de savoirs, soit quantitativement c’est-à-dire en termes du nombre de connaissances accumulées dans le temps soit qualitativement dans la rigueur et le progrès de la connaissance.
  • « Éclectique » dans le sens de non hiérarchique, d’un pluralisme intégratif c’est-à-dire qu’il n’y pas un courant qui va se considérer comme supérieur à d’autres, c’est intégratif dans le sens ou toute perspective et méthodologie peut faire partie de cette perspective et histoire dominante. Mais la théorie du choix rationnel et l’institutionnalisme vont produire des travaux qui vont s’intégrer dans cette perspective.

Ces tableaux récapitulent l’histoire de la discipline avec les différentes révolutions et les classifications, on voit aussi l’évolution des méthodes à travers le temps.

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Histoires alternatives

Comme cette histoire n’est pas unanime, il convient de citer d’autres écoles

Courants qui rejettent le caractère scientifique et progressiste

  1. Antiscience : cette position est associée à Lévi-Strauss, il réfute l’héritage de Weber qui est séparation entre faits et valeurs et cette possibilité d’objectiver la réalité sociale ; il réfute aussi le behavioralisme et de manière plus générale le positivisme c’est-à-dire l’étude causale en science politique à travers l’analyse rigoureuse empirique. Cette position estime que l’introduction de la méthode scientifique est nuisible, car elle est une illusion, de plus elle obscurcit et rend triviale la dynamique sociale. Lévi-Strauss propose une science sociale humaniste qui soit intimement et passionnément engagée dans un dialogue avec les grands philosophes et les grandes philosophies à propos du sens des idées centrales de la science politique. C’est une posture qui propose une interprétation des faits sociaux plutôt qu'une explication et qui voit dans la méthode scientifique une illusion.
  2. Post-science (certains constructivistes ; postmodernistes) : c’est une position post-behaviorale et post-positiviste illustrée parle philosophe Jacques Dérida avec l’idée de déconstruction plaçant ce courant comme postmoderniste. Similairement à la position antiscience il réfute l’opposition entre jugement de faits et jugement de valeurs en adoptant une position critique. Il veut la fin du positivisme et de l’exigence de la vérification empirique comme seule position philosophique dans les sciences humaines. Il y a une exigence de vérification empirique d’une théorie qui va amener à l’avancée de la science, ce que les post-sciences réfutent en prônant un renouvellement du discours normatif en réintroduisant les valeurs.

Toute perspective théorique est associée à des choix fondamentaux :

  • Ontologie : fait référence à la nature du monde social et politique donc à ce qui « est ». Elle consiste en un ensemble de postulats et d’affirmations que chaque approche théorique fait par rapport à la nature de la réalité sociale c’est-à-dire par rapport à ce qui existe, mais aussi par rapport à l’entité ou l’unité de base que constitue le politique ou l’analyse du politique.
  • Épistémologie : fait référence à ce que nous pouvons connaitre du monde social et politique.
  • Méthodologie : fait référence à la procédure qui nous permet d’acquérir la connaissance.

Par rapport à ce qui « est » on peut voir une distinction entre les postmodernes et le courant dominant progressiste-éclectique dans le sens où ce dernier adopte une ontologie objective soit la réalité, c’est-à-dire ce qui « est », existe indépendant de la conception que l’on peut en avoir. Dès lors, la réalité peut être distinguée de sa représentation. Les postmodernes adoptent une ontologie subjective dans le sens ou la réalité ne peut pas être distinguée de sa représentation et/ou la représentation que l’on a du monde constitue le monde.

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Ce tableau résume la position ontologique, épistémologique et méthodologique caractéristique de l’école postmoderne.

Au niveau de l’épistémologie qui découle de cette position ontologique, il n’y a pas d’affirmation ou de vérité qui peuvent être faites, car il n’est pas vraiment possible d’acquérir un savoir scientifique qui serait vrai sans nécessiter l’investigation et les tests empiriques. Il n’y a que des positions subjectives qui résultent en des affirmations de connaissances différentes. Ensuite; l’objectif de l’analyse est de déconstruire un discours dominant et de montrer qu’il y a des voix dissonantes qui ont tout autant leur place dans la science politique et l’argumentation.

Ceux qui rejettent l’éclectisme (pluralisme)

  1. Néomarxistes : cette école interprète Marx, l’objectif de la science sociale réside en la vérité découverte et élaborée par Karl Marx au XIXème siècle et qui a été mise à jour par les auteurs néomarxistes comme Nico Poulantzas et Robert Cox plus récemment. Ces lois sociétales découvertes par Marx montrent que les processus historiques, économiques, sociaux et politiques, mais aussi que l’agir humain à l’intérieur de ces structures forment un tout et que l’histoire va suivre une trajectoire évolutive unidirectionnelle. Cette histoire est déterministe dans le sens ou Marx a conceptualisé cet antagonisme de classe inhérent au mode de production capitaliste qui va nécessairement amener au dépassement du système de classe et à la révolution communiste. Il y a rejet de l’éclectisme, car il est difficile d’introduire de nouveaux arguments dans ce système. On peut voir des limitations claires dans sa tendance à omettre d’autres facteurs explicatifs tels que les institutions politiques, le rôle de l’ethnicité, du nationalisme, du système international. Pour illustrer par le nationalisme, un marxiste aurait beaucoup de peine à expliquer pourquoi le parti social-démocrate allemand en 1914 vote au Bundestag les crédits de guerre et s’allie par un pacte national contre des nations étrangères au lieu que le parti social-démocrate s’allie à tous les travailleurs du monde pour une révolution et une solidarité véritables à l’intérieur d’une classe sociale.
  2. Théoriciens du choix rationnel : c’est une entrée latérale dans la science politique par l’économie. Les pionniers sont des auteurs comme Arrow, Anthony Downs ou encore Mancur Olson, ce sont les premiers dans l’après-guerre à appliquer des méthodes et les modèles économiques à l’analyse du phonème politique. Cette approche aspire à développer une théorie unifiée, elle opère par la déduction à partir d’axiomes ou de postulats dérivés de l’économie notamment en considérant l’individu comme un homoeconomicus, un être rationnel motivé par l’intérêt personnel faisant des calculs coûts – bénéfices qui essaie de maximiser sa satisfaction ; des postulats par lesquels résultent des hypothèses soumises aux tests empiriques. C’est aussi une théorie parcimonieuse parce qu’elle veut vraiment expliquer la théorie politique avec très peu d’axiome et de postulats. Elle a une prétention grande à une applicabilité universelle c’est-à-dire de pouvoir expliquer tout phénomène politique et que les théories partielles qu’elle peut générer par rapport à des objets définis peuvent être intégrées dans une théorie plus générale du politique. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’un rejet de l’éclectisme en faveur d’un modèle hiérarchique et une considération de supériorité. Par ailleurs, la théorie du choix rationnelle considère qu’elle introduit une discontinuité dans le sens ou tout ce qui la précède est considéré comme préscientifique.

Qu’est-ce que la science politique ?

On peut distinguer notamment trois définitions classiques de la politique :

  • Lasswell publie en 1936 Politics: Who Gets What, When, How[16] où il définit la science politique comme qui obtient quoi, quand et comment. En d’autres termes il s’agit du conflit permanent au niveau de la société pour le contrôle des ressources rares. Ce sont des conflits entre individus et entre groupes sociaux pour s’octroyer les ressources d’une société qui sont forcément limitées. Cela fait référence à des conflits autour de la redistribution des ressources rares dans une société.
  • Goodin publie en 2009 l'ouvrage The State of the Discipline, The Discipline of the State[17] pour qui la politique est l’utilisation limitée du pouvoir social qui serait présenté comme l’essence du politique. Le concept central est la notion de pouvoir qui fut notamment très travaillé en sciences sociales. Selon Weber, le pouvoir de A sur B, c’est la capacité de A d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait sans l’intervention de A. Cette définition générale renvoie à la capacité d’agir sur d’autres individus ou groupe ou États en contraignant leurs comportements sans cette intervention. Un des intérêts de cette définition est de montrer que le pouvoir est relationnel. Pour Goodin, le pouvoir va prendre de très nombreuses formes, mais il sera toujours contraint, car même les plus puissants ne peuvent pas imposer par la contrainte, leur vouloir aux dominés. Le pouvoir prend de nombreuses formes, mais il est toujours contraint et c’est la tâche de la science politique de rendre compte de ces relations de pouvoir à différents niveaux.
  • Goodin propose une autre définition comme quoi la science politique est la discipline de l’État. Ici, l’État est compris comme un ensemble de normes, d’institutions et de relations de pouvoir. En ce qui concerne les normes,l’histoire de l’État moderne est étroitement liée à la démocratie libérale, il y a des normes spécifiques qui peuvent être par exemple la séparation des pouvoirs, mais aussi sur l’idée de compétition politique, mais reposent tout comme sur la participation politique de chaque individu et la responsabilité politique des élus envers les électeurs. Ce sont tout un ensemble de normes et de valeurs qui doivent être élaborées et justifiées, et en pourquoi la supériorité de ces valeurs relève d’une considération normative. L’État est un ensemble d’institutions, ce sont les différentes formes du politique, mais aussi à l’intérieur d’un type de régime ; c’est l’opération ou le fonctionnement des institutions démocratiques, des différents types de régimes. L’État serait comme le site privilégié des rapports de pouvoirs entre individus, entre groupes.

La science politique s’autonomise au cours du XXème siècle, notamment vis-à-vis de l’histoire. James Duesenberry (1918 – 2009), économiste américain était professeur d’économie à Harvard disait « l’économie ne parle que de la façon dont les individus font des choix, la sociologie ne parle que du fait qu’ils n’ont aucun choix à faire »[18]. On voit que la sociologie est de pair avec une conception de l’homme sursocialisé, l’agir renvoi aux forces sociales externes avec une marge de manœuvre limitée alors que l’économie néoclassique a une conception de l’homme sous-socialisé ou l’individu opère dans la sphère économique qui est distincte et séparée des autres domaines de la vie sociale.

On peut d’autre part citer Marx « les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement dans les conditions choisies par eux, mais dans les conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et quand même il semble occupé à se transformer, eux et les choses à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaires qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur emprunte leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes pour apparaitre sur la nouvelle scène de histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté »[19].

On voit la tension dans le développement historique qui est pris entre l’agir humain dans des structures et des institutions, mais ne la font pas arbitrairement dans des conditions choisie par eux, mais dans des conditions données et héritées du passé.

Annexes

Références

  1. Lim, Timothy C. Doing Comparative Politics: An Introduction to Approaches and Issues. Boulder, CO: Lynne Rienner, 2006.
  2. In Franck Fischbach (éd.), Relire Le Capital, Puf, 2009.
  3. Cox, Robert W.. "Beyond international relations theory: Robert W. Cox and approaches to world order", Approaches to World Order. 1st ed. Cambridge: Cambridge University Press, 1996. 3-18.
  4. M. Weber, Essais sur la théorie de la science, op. cit. p.146
  5. Adcock, R. and Bevir, M. (2005), The History of Political Science. Political Studies Review, 3: 1–16. doi: 10.1111/j.1478-9299.2005.00016.x
  6. Social Science Concepts: A Systematic Analysis Giovanni Sartori Beverley Hills: Sage, 1984
  7. Rothstein, B. (1992). ‘Labor-market institutions and working-class strength’. In S. Steinmo, K. Thelen and F. Longstreth, eds. Structuring Politics. Historical Institutionalism in Com¬parative Analysis. Cambridge: Cambridge University Press, 33–56
  8. Herbert Baxter Adams (1883). The Johns Hopkins University Studies in Historical and Political Science . p. 12.
  9. Lasswell, Harold Dwight, and Dorothy Blumenstock. World Revolutionary Propaganda: A Chicago Study. New York: Knopf, 1939.
  10. Lipset, Seymour Martin. Political Man; the Social Bases of Politics. Garden City, NY: Doubleday, 1960.
  11. Almond, Gabriel A., and Sidney Verba. The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations. Princeton, NJ: Princeton UP, 1963.
  12. King, Gary/ Keohane, Robert O./ Verba, Sidney: Designing Social Inquiry. Scientific Inference in Qualitative Research. Princeton University Press, 1994.
  13. Henry E. Brady & David Collier (Eds.) (2004). Rethinking Social Inquiry: Diverse Tools, Shared Standards. Lanham, Md.: Rowman and Littlefield, 362 pages, ISBN 0-7425-1126-X, USD 27,95
  14. Case Studies and Theory Development in the Social Sciences Alexander George, Andrew Bennett Cambridge, USA Perspectives on Politics - PERSPECT POLIT 01/2007; 5(01):256. DOI:10.1017/S1537592707070491 Edition: 1st Ed., Publisher: MIT Press, pp.256
  15. Case Study Research: Principles and Practices. John Gerring (Cambridge University Press, 2007). doi:10.1017/S0022381607080243
  16. Lasswell, Harold Dwight, 1902- Politics; who gets what, when, how. New York, London, Whittlesey house, McGraw-Hill book Co. [c1936] (OCoLC)576783700
  17. Goodin, R 2009, 'The State of the Discipline, The Discipline of the State', in Robert E. Goodin (ed.), Oxford Handbook of Political Science, Oxford University Press, Oxford, pp. 3-57.
  18. Duesenberry, 1960, p. 233
  19. Karl Marx (trad. R. Cartelle et G. Badia), éd. sociales, coll. Classiques du marxisme, 1972, chap. Les origines du coup d'État du 2 Décembre, p. 161