La Revolución Mexicana: 1910 - 1940

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Nous allons voir comment dans le cas du Mexique ce long régime d’ordre et de progrès va cumuler des défaillances et tout un processus qui va mener à la révolution mexicaine et qui représente un véritable tournant dans l’histoire des Amériques parce que pour la première fois on a un pays de ce continent y compris les États-Unis et le Canada qui tente d’intégrer sa population diverse c’est-à-dire sa population composée d’indiens, métisses, descendants d’esclaves, blancs dans la nation.

La dictature de Porfirio Díaz : 1876 - 1910

Ce qui déclenche la révolution mexicaine est la réélection frauduleuse en 1910 du dictateur Porfirio Díaz qui règne depuis 1876 et qui est à ce moment très âgé.

Toutefois, si on regarde de plus près, on voit qu’au fond pendant toutes les années du porfiriato toute une série de facteurs vont précipiter le renversement de Porfirio Díaz :

  • augmentation de la pauvreté de la grande majorité.
  • insuffisance de la production alimentaire pour une population croissance puisque les propriétaires produisent surtout pour l’exportation.
  • augmentation vertigineuse des petits paysans sans terres.
  • aggravations des conditions de travail.
  • début du syndicalisme malgré la répression.
  • contrôle des industries par des monopoles étrangers.
  • inflation générée par tout ce cycle.
  • montée du nationalisme notamment des classes moyennes en formation qui sont de plus en plus frustrées de voir les monopoles étrangers prendre possession du pays.

Causes de la révolution

Certains auteurs marxistes soutiennent que la révolution mexicaine n’est pas une vraie révolution, car elle n’est pas socialiste.

En prenant la définition de la révolution, la révolution mexicaine est une révolution :

  • participation massive de la population qui englobe les populations du Nord et du Centre du pays, soit en majorité des paysans qui…
  • ont différentes vues sur leur futur, pour ceux du Nord ils souhaitent la fin des entraves politiques et économiques, pour ceux du centre c’est le retour des terres enlevées sous Díaz.
  • la révolution mexicaine représente une véritable lutte pour le pouvoir menant à la guerre civile à la suite de laquelle les piliers du régime sont détruits.
  • les dirigeants révolutionnaires remplacent le système de contrôle de Porfirio Díaz par un autre système de contrôle mettant aussi de nouvelles élites en place tout comme une nouvelle idéologie dominante qui est nationaliste ; en même temps, c’est quelque chose de différent puisqu’il y a une construction de l’État, d’une intégration nationale et la formation d’un capitalisme national.

La révolution mexicaine est une révolution pionnière pour son époque, car elle se produit avant les révolutions bolcheviques, chinoises et cubaines allant changer la structure sociale, économique, mais aussi la culture du Mexique. D’autre part, cette révolution influence toute l’Amérique latine.

La Révolution mexicaine

On peut diviser cette révolution en trois phases :

  • 1910 – 1920 : décennie de lutte et de guerre civile qui va cependant voir l’adoption de la constitution de 1917.
  • 1920 – 1934 : les années de sonoria.
  • 1934 – 1940 : le gouvernement de Lazaro Cardenas.

1910 – 1920 : Une décennie de luttes. Adoption de la constitution de 1917

Cette première phase est une phase très violente de guerre ; tous les grands dirigeants sont en fait assassinés dans ce processus. Un de ces protagonistes et Victoriano Huerta qui était un général lié à Porfirio Díaz et est le seul qui meurt de mort naturelle suite à un cancer au Texas.

Le premier assassiné est Francisco Madero qui vient du Coahuila, grand propriétaire du nord, libéral éclairé assassiné en 1913 ; Francisco dit Pancho Villa qui est bandit métis du Chihuahua qui est assassiné en 1923 ; Pascual Orozco qui est un entrepreneur de transports du Chihuahua qui est d’abord avec Villa puis qui s’allie à Huerta qui finira assassiné par la police au Texas en 1916 ; Zapata est assassiné en 1919 ; Alvaro Obregón qui est un cultivateur, propriétaire terrien et politicien important du sonoria est assassiné en 1928 ; Venustiano Carranza est assassiné en 1920.

Ainsi, la révolution mexicaine connait une véritable guerre pour le pouvoir, sur ces sept protagonistes, seuls Huerta meurt du cancer.

C’est une révolte qui va commencer au Nord contre la réélection de Díaz âgé de 80 ans en 1910, c’est dans ce nord plus minier et industrialisé que la révolte éclate suite au lancement par le libéral Madero du premier plan qui est le plan de San Luis de Potosí qui demande des élections libres, c’est un plan qui a l’appui de la grande paysannerie du Nord et des industriels qui forment une armée de 25 000 Guerrero arrivant à négocier le départ de Díaz qui meurt en France de vieillesse en 1915.

En 1911, Madero est élu de manière tout à fait libre laissant tout le système de Díaz en place déplaisant fortement aux Guerrero du Nord dirigé par Pancho, Orozco et Villa.

Au centre, les paysans du Morelos sous Zapata vont aussi se révolter contre le fait que Madero laisse en place tout le système de Diaz et notamment afin qu’ils n’attaquent pas les plantations sucrières. Sous Zapata ils prennent à nouveau les armes et déclarent le deuxième plan de la révolution mexicaine qui est le plan d’Alcala qui dénonce la trahison de Madero et annonce une révolte paysanne s’il ne rend pas les forêts, les eaux et les terres aux communautés paysannes amérindiennes prisent depuis le milieu du XIXème siècle.

C’est Huerta qui va renverser Madero en 1913, il arrive à rétablir le porfiriato avec l’appui des grands propriétaires terriens, de l’église et aussi d’investisseurs étrangers. Toutefois, ses jours sont comptés, car il y a au Nord une grande partie des troupes contre lui sous Obregón et Carranza tandis que dans le centre les troupes sous Zapata se mobilisent. Dans les villes les travailleurs se mettent en mouvement, ils sont souvent syndicalisés, les artisans qui montent aux barricades et une nouvelle inteligencia qui n’est pas positiviste, mais liée aux idées nationalistes socialistes, indigénistes et quelque peu romantiques.

À ce moment le troisième plan est lancé qui s’appelle le plan de Guadalupe qui demande l’établissement d’un gouvernement constitutionnel sans mentionner les reformes sociales ou agraires.

Parmi les supporters de Carranza on trouve Villa et Obregón lançant une sorte d’assaut contre la ville de Mexico tandis qu’au sud les zapatistes se mobilisent et avances sur Mexico. Le gouvernement de Huerta est pris en tenailles ; en 1914 Obregón entre dans la capitale, force Huerta à s’enfuir et installe Carranza au pouvoir.

Entre 1914 et 1915, il y a « l’interrègne » de Carranza qui va être installé au pouvoir, mais une fois qu’il est au pouvoir les divergences entre tous ces groupes vont éclater au grand jour puisque Carranzas ne réalise rien du tout.

Les zapatistes se mobilisent derrière le slogan de « tierra y libertad ». Ce mouvement est démocratique et communautaire contre la grande propriété terrienne, mais pas contre l’Église catholique.

Au Nord, Pancho Villa a plus des allures de caudillo, son mouvement prend les haciendas, les confisque ne les redonnant pas aux paysans, mais à ses lieutenants pour qu’ils les administrent au profit de la révolution.

Carranza et Obregón sont des hommes de Sonora qui ne s’intéressent que peu aux questions agraires, mais plutôt portés par des forces urbaines, démocratiques, mais aussi anticléricales contre l’Église catholique.

Les partisans de Carranza sont environs 80 000 hommes, ceux de Villa 500 000 hommes, ceux de Zapata moins nombreux de 20 000 hommes.

Le cadavre de Zapata est exhibé à Cuautla (Morelos) le 10 avril 1919.

Après 1914, les luttes entre ces différentes forces sont très intenses avec une alliance entre Villa et Zapata afin de prendre d’assaut la ville de Mexico. Ils seront chassés par les constitutionnalistes permettant à Carranza de reprendre le pouvoir très peu de temps après.

En 1919, Carranza attire Zapata dans une embuscade le faisant assassiner ; il a peu plus d’écart contre Villa qui peut se retirer dans une hacienda ; en 1923, c’est à son tour Carranza qui est assassiné. Ce qu’il faut voir est que Carranza est assassiné en 1923 tout comme Villa.

Le principal résultat de cette première phase de la révolution mexicaine est l’adoption par une assemblée constituante élue d’une constitution en 1917 au même moment où éclate la révolution bolchevique en Russie.

General Lázaro Cárdenas.

La constitution est rédigée en grande partie par Francisco Mujica, socialisant proche de Lazaro Cárdenas, c’est un homme nationaliste et progressiste. C’est une constitution libérale qui instaure un système présidentiel tout en étant la constitution la plus sociale de l’époque parce qu’elle établit le principe de la réforme agraire, mais aussi des garanties pour les travailleurs et notamment de protection sociale.

C’est aussi une constitution nationaliste parce qu’elle définit que les ressources du sous-sol, dont le pétrole exploité alors par des Anglais et des Américains, appartiennent à la nation tout en limitant les propriétés des étrangers.

L’autre dimension importante de cette constitution est qu’elle est laïque voire anticléricale supprimant les privilèges de l’Église catholique.

Carranza alors au pouvoir, pendant le reste de son règne fait très peu afin d’appliquer cette constitution, en plus il tente de se maintenir illégalement au pouvoir menant à son assassinat en 1920 quand il cherche à s’enfuir emportant avec lui une partie du trésor national.

À ce moment-là, Obregón est le seul vivant et puissant devenant quasi instantanément président. Toutefois, le pays a été ravagé par la guerre civile, les estimations vont de 1 à 1,5 million de morts soit 10 à 15 % de la population totale ; tout le monde a souffert de cette guerre et beaucoup ont été déplacés.

Les chemins de fers vont jouer un rôle prédominant dans cette révolution puisqu’ils permettent de transporter les combattants. Des femmes vont aussi s’engager dans la lutte dont certaines participeront au combat ; c’est une révolution qui coûte beaucoup de vies.

1920 – 1934 : Les années des Sonoriens

Projet

C’est une révolution sanglante qui va être suivie entre 1920 et 1934 par les années des sonoriens. Ce sont quinze années durant lesquelles des hommes du Sonora gouvernent le pays, c’est une région en pleine modernisation et ils veulent transformer le Mexique en une autre Californie.

La modernisation pour eux est un Mexique avec une agriculture prospère, mais aussi de l’irrigation, des routes, de la technologie et des crédits bancaires. Les sonoriens n’envisagent pas l’industrialisation du Mexique si ce n’est que pour quelques produits agricoles, leur programme est en quelque sorte pas très différent du programme du porfiriato, mais c’est un programme national confié à des Mexicains et non pas à des investisseurs étrangers.

À la suite des crises de 1921 et de 1929, il y aura le retour forcé de travailleurs mexicains des États-Unis ; ils réussissent plus ou moins à réaliser certaines de leurs réformes, la production par tête est multipliée par 5 ans le nord, dans le centre cela est plus problématique, car il y a en fait une régression de la production alimentaire et tout cela pendant des années ou la population mexicaine double passant de 20 millions en 1920 à 40 millions en 1940.

Socialement, les sonoriens cherchent à contrôler les classes laborieuses par l’intégration plutôt que par la répression tout comme sous Porifirio Diaz. Le nombre de paysans touché par la réforme est important tout comme l’étendue des terres qui est relativement peu peuplée ; cependant, 10 % de la paysannerie, 40 % de la communauté villageoise bénéficie de la réforme agraire étant en particulier dans le centre du pays ou le zapatisme a été fort.

Envers les ouvriers, le gouvernement utilise un mélange de contrôle, de cooptation et de répression, le principal syndicat passe progressivement sous le contrôle du ministre de l’Industrie tandis que les syndicats socialistes, anarchistes et communistes sont durement réprimés et le droit de grève est restreint.

Les partis politiques indépendants sont neutralisés par la formation du parti national révolutionnaire qui est l’ancêtre du parti national révolutionnaire institutionnel qui va dominer jusque dans les années 2000.

Du côté de l’armée, la garde rurale de Diaz est remplacée par une nouvelle armée nationale.

Construction du nationalisme mexicain

C’est pendant ces années que le Mexique révolutionnaire construit un nationalisme basé sur son métissage et ses racines indiennes. C’est quelque chose de très original qui se produit dans les Amériques, on est dans une époque où chaque pays, chaque groupe ethnique cherche à montrer qu’elle est une nation avec sa race, sa culture, sa langue, son art et son territoire.

Fresque par Diego Rivera

C’est aussi la même époque ou aux États-Unis on est en pleine relance du racisme et du Ku Klux Klan, c’est à ce moment-là ou le Mexique glorifie le métissage et revalorise entre autres les Mayas et les aztèques et leurs grandes civilisations urbaines comme les fondements de l’histoire du pays.

Ce qui est intéressant de voir est qu’en 1917 au moment de la formation de la constitution le gouvernement ouvre un bureau d’anthropologie qui s’occupe aussi d’archéologie et qui étudie les diverses communautés indigènes qui enrichissent la culture mexicaine.

Cette célébration du métissage se fait sous l’égide de Vasconcelos qui est ministre de l’Éducation entre 1921 et 1924. Il est surtout connu pour son ouvrage la Raza Comisca qu’il publie en 1925 imaginant la race cosmique faite du métissage, des Européens, des Indiens et des africains.

C’est l’époque à laquelle des intellectuels en Europe et aux États-Unis sont en train de déclarer que les blancs doivent dominer le monde ; c’est quelque chose d’audacieux pour l’époque, mais cela ne veut pas dire que Vasconcelos n’est pas raciste, car il pense qu’à long terme les Indiens et les Africains vont disparaitre parce qu’ils vont être absorbés par les métisses et les blancs afin de refondre les Mexicains dans une race cosmique.

Diego Rivera avec Frida Kahlo, sa troisième épouse.

En même temps, on est toujours dans l’idéologie où l’on pense que l’éducation peut améliorer la race et notamment les Indiens, c’est à cette époque que Vasconcelos entre autres avait beaucoup poussé l’éducation du pays.

Tout ce programme se fait d’abord à l’école, tout comme à la suite de la Révolution française, la révolution mexicaine est persuadée que le maitre d’école va remplacer le curé devenant le lien entre les citoyens et l’État.

Sous Vasconcelos, l’éducation a représenté jusqu’à 14 % du budget national, on ouvre des écoles dans les villages, il y a de maitres itinérants pour aller jusque dans les coins perdus, on ouvre aussi des écoles du soir afin d’alphabétiser les adultes tandis qu’on ouvre des bibliothèques alimentées d’ouvrages d’auteurs mexicains. Entre 1921 et 1934, le taux d’analphabétisme recule de 72 % à 62 % et presque la moitié des enfants vont à l’école.

L’autre grand axe afin de développer la culture nationale est les arts, le gouvernement mobilise les artistes, musiciens, chanteurs, les sculpteurs afin de promouvoir la conscience nationale leur payant des matériaux et leur fournissant des bâtiments sur lesquels les artistes vont illustrer l’épopée du peuple mexicain, c’est une épopée revue ou on va glorifier le passé maya et aztèque condamnent le passé colonial ; certains artistes vont devenir des artistes d’audience internationale comme Diego Rivera, Orozco ou encore Frida Kahlho.

Tout ce mouvement d’art national unique en Amérique latine est fondamental dans la formation de la « mexicanidad », de la fierté et de l’indépendance nationale du pays et dans un début d’acception des élites dans la culture populaire ; c’est un mouvement qui se poursuit jusqu’en 1940 ayant des répercussions dans toute l’Amérique latine avec les populismes.

Le gouvernement de Lázaro Cárdenas, 1934 – 1940

Lázaro Cárdenas.

C’est un gouvernement du fait d’un homme qui vient du Michoacán, parvenu au pouvoir après la crise de 1929, militaire pendant la révolution, mais qui connait bien les besoins de la petite paysannerie du Sud, c’est un homme qui reste modeste du moins en apparence et qui ne cherche pas à s’enrichir.

À la différence des sonoriens, Cárdenas croit au dialogue et au pouvoir de la conviction voyageant dans tout le pays. Sous Cárdenas se produit le grand pique de la révolution agraire redistribuant 18 millions d’hectares en six ans soit presque le double que ce qui a été distribué entre 1915 et 1934 ; en 1940, 47 % des terres cultivées du pays appartiennent à des communautés villageoises et indigènes.

Cette politique permet au régime de s’allier à la petite paysannerie ; Cárdenas unifie aussi les syndicats et intègre socialistes et communistes dans une centrale ouvrière progouvernementale.

Dans le domaine de l’éducation, il continue les politiques commencées sous le ministère de Vasconcelos ; par rapport l’Église catholique il est beaucoup plus conciliant que les sonoriens anticléricaux laissant les églises fonctionner de façon quasiment autonome.

C’est par rapport aux États-Unis que Cárdenas innove le plus, parce qu’après une série de grèves dans lesquelles les grandes compagnies étatsuniennes et anglaises refusent l’arbitrage du gouvernement, en 1938 Cárdenas nationalise l’industrie pétrolière.

En réponse, les États-Unis et la France boycottent le pétrole mexicain tandis que l’Angleterre rompt ses relations diplomatiques. On sent que la guerre va éclater, mais les grandes puissances vont aller plus loin ne voulant pas aliéner le Mexique à ce moment clef de l’histoire ; la nationalisation du pétrole produit une union nationale qui unit tout le monde derrière Cárdenas, des évêques aux étudiants socialistes des universités.

Cárdenas va aussi reformer le parti gouvernemental, faisant de ce parti révolutionnaire le précurseur du Parti Révolutionnaire Institutionnel auquel il rattache les paysans et les syndicats ouvriers.

En 1938, une bonne partie du projet révolutionnaire mexicain, de construction de l’État, d’intégration nationale et de capitalisme national a été réalisée. La révolution a changé le pays en profondeur, de plus la révolution mexicaine montre l’importance du Mexique pour toutes les Amériques et de nombreux pays latino-américains tentent d’imiter certaines de ces politiques.

L’année 1938 est l’apogée de la révolution mexicaine, mais les gouvernements qui suivent le gouvernement de Cárdenas vont rapidement détruire les acquis de la révolution et notamment sa révolution agraire.

Anexos

Referencias