La Guerre : conceptions et évolutions
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La guerre est un phénomène complexe qui a connu de nombreuses conceptions et évolutions au fil de l'histoire. Les différentes époques et sociétés ont eu des perspectives différentes sur la guerre, et ces conceptions ont évolué en réponse aux changements politiques, économiques, technologiques et sociaux.
La guerre est un conflit armé entre États ou groupes, souvent caractérisé par l'extrême violence, la perturbation sociale et l'interruption économique. Elle implique généralement le déploiement et l'utilisation de forces militaires et l'application de stratégies et de tactiques pour vaincre l'adversaire. La guerre peut avoir de nombreuses causes, y compris des désaccords territoriaux, politiques, économiques ou idéologiques. La guerre moderne est généralement considérée comme ayant pris naissance avec l'apparition de l'État-nation au XVIIe siècle. Le Traité de Westphalie de 1648 a marqué la fin de la Guerre de Trente Ans en Europe et a établi le concept de souveraineté nationale. Cela a créé un système international basé sur des États-nations indépendants qui pouvaient légitimement recourir à la guerre. L'augmentation de la taille des armées, l'amélioration de la technologie militaire et l'évolution des tactiques et stratégies ont également contribué à la naissance de la guerre moderne. A l'époque du terrorisme et de la mondialisation, la nature de la guerre se transforme. Nous sommes maintenant confrontés à des conflits asymétriques où les acteurs non étatiques, comme les groupes terroristes, jouent un rôle majeur. En outre, l'essor de la cybernétique a entraîné l'apparition de la guerre cybernétique. Enfin, la guerre de l'information, dans laquelle les informations sont utilisées pour manipuler ou tromper l'opinion publique ou l'adversaire, est devenue une tactique courante.
L'idée de la fin de la guerre est débattue. Certains soutiennent que la mondialisation, l'interdépendance économique et la diffusion des valeurs démocratiques ont rendu la guerre moins probable. D'autres soutiennent que la guerre n'est pas près de disparaître, en citant l'existence de conflits armés en cours, la persistance de tensions internationales et la possibilité de conflits futurs sur des ressources limitées ou en raison de l'instabilité climatique. De plus, alors que les conflits traditionnels entre États peuvent diminuer, les nouvelles formes de conflit, comme le terrorisme ou la cybernétique, persistent. L'avenir de la guerre est incertain, mais ce qui est certain, c'est que la poursuite de la diplomatie, du dialogue et du désarmement est essentielle pour prévenir la guerre et promouvoir une paix durable.
D'abord, nous allons explorer la nature fondamentale de la guerre, avant de nous pencher sur l'émergence de la guerre moderne. Nous constaterons que la guerre transcende la simple violence et agit comme un élément régulateur de notre système international, façonné depuis plusieurs siècles. Par la suite, nous examinerons les évolutions contemporaines de la guerre, en particulier dans le contexte du terrorisme et de la mondialisation, et nous nous demanderons si la nature de la guerre se transforme et si ses principes fondamentaux évoluent. Pour conclure, nous nous interrogerons sur l'avenir de la guerre : assistons-nous à sa fin, ou persiste-t-elle sous d'autres formes ?
Qu’est-ce que la guerre ?[modifier | modifier le wikicode]
Définition de la guerre[modifier | modifier le wikicode]
Nous allons nous demander ce qu’est la guerre et revenir sur des mises en garde ainsi que des idées reçues sur ce qu’est la guerre. Il y a de très nombreuses définitions sur ce qu’est la guerre, mais l’une des plus pertinentes est celle de Hedley Bull qui a notamment fondé l’école anglaise qui, dans son ouvrage The Anarchical Society: A Study of Order in World Politics publié en 1977, donne la définition suivante : « an organized violence carried on by political units against each other ».
La définition de Hedley Bull sur la guerre souligne plusieurs aspects clés de ce phénomène complexe.
1. "Une violence organisée" : L'emploi de cette phrase suggère que la guerre n'est pas une série aléatoire ou chaotique d'actes violents. Elle est organisée et planifiée, souvent de manière très détaillée. Cette organisation peut impliquer la mobilisation de troupes, l'élaboration de stratégies et de tactiques, la production et l'acquisition d'armes, et bien d'autres aspects logistiques. La violence en question est également extrême, impliquant généralement la mort et des blessures graves, la destruction de biens et l'instabilité sociale.
2. "Menée par des unités politiques" : Ici, Bull souligne que la guerre est un acte commis par des acteurs politiques - typiquement des États-nations, mais aussi potentiellement des groupes non étatiques ayant une organisation politique. Cela reflète le fait que la guerre est souvent le produit de décisions politiques et est utilisée pour atteindre des objectifs politiques. Cela peut inclure des objectifs tels que la prise de territoire, le changement de régime, l'affirmation de la puissance nationale, ou la défense contre une menace perçue.
3. "Les unes contre les autres" : Cette partie de la définition souligne que la guerre implique un conflit. Il ne s'agit pas d'actes de violence unilatéraux, mais d'une situation où plusieurs parties s'opposent activement les unes aux autres. Cela implique une dynamique interactive où les actions de chaque partie influencent les actions de l'autre, créant un cycle de violence qui peut être difficile à briser.
Cette définition, tout en étant simple, englobe donc de nombreux aspects de la guerre. Cependant, il est important de noter que la guerre est un phénomène complexe qui ne peut être pleinement compris ou expliqué par une seule définition. De nombreuses autres perspectives et théories peuvent également apporter des informations précieuses sur la nature de la guerre, son origine, son déroulement et ses conséquences.
La distinction entre la violence interpersonnelle, comme la criminalité et les agressions, et la guerre, en tant que violence organisée menée par des unités politiques, est cruciale :
- Violence interpersonnelle : Celle-ci se réfère à des actes de violence commis par des individus ou de petits groupes, souvent dans le contexte de crimes comme le vol, l'agression, le meurtre, etc. Elle n'est généralement pas coordonnée ou organisée à grande échelle, et elle n'a pas pour but d'atteindre des objectifs politiques. Les motivations peuvent être variées, allant des conflits personnels à la recherche de gains matériels.
- Guerre : Contrairement à la violence interpersonnelle, la guerre est une forme de violence à grande échelle qui est soigneusement organisée et planifiée par des unités politiques, généralement des États-nations ou des groupes politiques structurés. La guerre vise à atteindre des objectifs spécifiques, souvent d'ordre politique, par l'usage de la force. Les combattants sont généralement des soldats ou des militants formés et équipés, et les conflits se déroulent souvent selon certaines règles ou conventions.
Le point soulevé par Hedley Bull sur le caractère officiel de la guerre est un élément crucial pour comprendre sa nature. Selon lui, la guerre est menée par des unités politiques, généralement des États, et se produit contre d'autres entités politiques. C'est une action qui est officiellement sanctionnée et conduite au nom de l'État. Cette distinction est importante car elle sépare la notion de guerre de celle de lutte contre le crime, qui est également une forme de violence organisée mais qui opère dans un cadre différent. Alors que la guerre est généralement un conflit entre États ou groupes politiques, la lutte contre le crime est une action entreprise par l'État à l'intérieur de ses propres frontières pour maintenir l'ordre et la sécurité. La lutte contre le crime est généralement menée par les forces de l'ordre, comme la police, qui ont pour mission de prévenir et de réprimer le crime. Elle n'a pas pour but de réaliser des objectifs politiques ou stratégiques, comme c'est le cas dans une guerre, mais plutôt de protéger les citoyens et de faire respecter la loi. Cette différenciation souligne le caractère exceptionnel de la guerre en tant qu'acte de violence organisée qui transcende les frontières politiques, contraste avec la violence interne, et est sanctionnée par l'État ou l'entité politique. La guerre est un phénomène politique par nature, visant à modifier le statu quo, souvent par le biais de l'utilisation de la force armée, et représente donc une dimension distincte de la violence dans la société.
La définition de la guerre formulée par Hedley Bull est assez complète et précise. Elle décrit bien la nature de la guerre moderne en soulignant ses aspects clés : c'est une violence organisée, menée par des unités politiques, entre elles, et généralement dirigée à l'extérieur de ces unités politiques. Cette définition couvre bien ce que beaucoup de gens entendent par "guerre", y compris ceux qui l'étudient dans un cadre académique ou militaire. Elle capture la notion que la guerre est un phénomène structuré, avec des acteurs spécifiques (les unités politiques), un caractère officiel, et une orientation externe. Cette définition sert également de base pour comprendre la complexité des conflits modernes, où les lignes entre les acteurs étatiques et non étatiques peuvent être floues, et où les conflits peuvent impliquer des acteurs internationaux et transcender les frontières nationales.
Toutefois, il convient de noter que cette définition, bien qu'utile, est une parmi de nombreuses façons possibles de définir et de comprendre la guerre. D'autres perspectives peuvent mettre l'accent sur d'autres aspects de la guerre, tels que sa dimension sociale, économique ou psychologique. Comme pour tout phénomène complexe, une compréhension complète de la guerre nécessite une approche multidimensionnelle qui tient compte de ses multiples facettes et implications.
Déconstruire les Idées Reçues[modifier | modifier le wikicode]
La guerre, en tant que concept, a infiltré notre conscience collective grâce à l'histoire, aux médias, à la littérature et à d'autres formes de communication culturelle. Cependant, nos perceptions intuitives de la guerre peuvent être façonnées par des idées préconçues qui ne reflètent pas nécessairement la complexité de la réalité.
L'approche de Thomas Hobbes : « la guerre de tous contre tous »[modifier | modifier le wikicode]
Pour Thomas Hobbes dans Le Léviathan publié en 1651, la guerre est « la guerre de tous contre tous ». Dans ce livre, Hobbes décrit l'état de nature, une condition hypothétique où il n'y a pas de gouvernement ou d'autorité centrale pour imposer l'ordre. Il définit l'état de nature comme une "guerre de tous contre tous" (bellum omnium contra omnes en latin), où les individus sont en compétition constante les uns avec les autres pour la survie et les ressources. Selon Hobbes, sans une autorité centrale pour maintenir l'ordre, les êtres humains seraient constamment en conflit, menant à une vie qui serait "solitaire, pauvre, désagréable, brutale et courte". C'est la raison pour laquelle, selon lui, les êtres humains acceptent de renoncer à une partie de leur liberté en faveur d'un gouvernement ou d'un souverain (le Léviathan), qui est capable d'imposer la paix et l'ordre.
Dans "Le Léviathan", Hobbes soutient que sans un État ou une autorité centrale, la vie des individus serait dans un état constant de "guerre de tous contre tous". C'est l'anarchie, selon Hobbes, qui règne en l'absence de l'État. L'anarchie, dans ce contexte, ne signifie pas nécessairement le chaos ou la désorganisation, mais plutôt l'absence d'une autorité centrale pour imposer des règles et des normes de conduite. Pour Hobbes, l'État est donc un instrument nécessaire pour réguler les relations interindividuelles, prévenir les conflits et assurer la sécurité des individus. Les individus, selon Hobbes, acceptent de renoncer à une partie de leur liberté en échange de la sécurité et de la stabilité que l'État peut leur fournir.
En réalité, même dans des situations d'extrême instabilité sociale ou politique, les êtres humains tendent à former des structures et des organisations pour préserver l'ordre et faciliter la survie. La guerre perpétuelle, telle que décrite par Hobbes dans l'état de nature, est pratiquement impossible du point de vue empirique. En outre, mener une guerre nécessite un degré d'organisation et de coordination que les individus en état d'anarchie auraient du mal à réaliser. Les individus sont plus enclins à se regrouper pour leur propre défense ou pour atteindre des objectifs communs, ce qui en soi peut être considéré comme une forme primitive d'État ou de gouvernance. Il est important de noter que Hobbes utilise l'état de nature et la "guerre de tous contre tous" comme des outils conceptuels pour argumenter en faveur de l'importance de l'État et du contrat social. Il ne suggère pas nécessairement que cet état de nature ait jamais existé littéralement.
Les conflits armés, en particulier ceux qui s'élèvent au niveau de la guerre, impliquent des dynamiques beaucoup plus complexes que les simples agressions ou conflits individuels. Ils nécessitent une organisation significative, une planification stratégique et des ressources substantielles.
Les guerres impliquent généralement des acteurs politiques - des États ou des groupes cherchant à atteindre des objectifs politiques spécifiques. Ainsi, la guerre n'est pas seulement une extension de l'agression individuelle ou de l'égoïsme, mais elle est également fortement liée à la politique, à l'idéologie et aux structures de pouvoir. En outre, les guerres ont souvent des conséquences sociales et politiques de grande envergure. Elles peuvent remodeler les frontières, renverser les gouvernements, provoquer des changements sociétaux majeurs, et avoir des effets durables sur les individus et les communautés. C'est pourquoi l'étude de la guerre nécessite une compréhension approfondie de nombreux aspects différents de la société humaine, y compris la politique, la psychologie, l'économie, la technologie et l'histoire.
La vision de Hobbes de la "guerre de tous contre tous" se concentre sur l'égoïsme et le conflit comme des aspects inhérents de la nature humaine. Cependant, la guerre, telle que nous la connaissons, n'est pas simplement le produit de l'égoïsme ou de l'agressivité individuelle. Elle est en fait une création sociale complexe qui nécessite une organisation et une coordination substantielles. L'idée que la guerre est en fait un produit de notre socialité, et non de notre égoïsme, est très éclairante. Pour mener une guerre, il faut non seulement des ressources, mais aussi une structure organisationnelle pour coordonner les efforts, une idéologie ou un objectif pour unifier les participants, et des normes ou des règles pour réguler la conduite. Tous ces éléments sont le produit de la vie en société. Cette perspective suggère que pour comprendre la guerre, nous devons regarder au-delà des simples instincts ou comportements individuels et considérer les structures sociales, politiques et culturelles qui permettent et façonnent le conflit armé. Elle souligne également que la prévention de la guerre nécessite une attention particulière à ces structures, et pas seulement à la nature humaine.
Bien que la théorie hobbesienne de la "guerre de tous contre tous" suggère que la guerre est enracinée dans la nature égoïste des individus, la réalité est beaucoup plus complexe. La guerre nécessite un certain degré d'organisation, de planification et de coordination, qui sont toutes des caractéristiques des sociétés humaines plutôt que des individus isolés. Par conséquent, la guerre peut être mieux comprise comme un phénomène social, plutôt que comme une simple extension de l'égoïsme ou de l'agressivité individuelle. La guerre est souvent influencée par, et a à son tour une influence sur, une variété de structures et de processus sociaux, y compris la politique, l'économie, la culture, et les normes et valeurs sociales. Les conflits armés ne se produisent pas dans le vide, mais sont profondément enracinés dans les contextes sociaux et historiques spécifiques.
La guerre est bien plus qu'une simple manifestation de l'agressivité ou de l'égoïsme humain. Elle est plutôt le résultat d'un vaste ensemble de facteurs sociaux et organisationnels qui permettent, facilitent et motivent le conflit à grande échelle. Pour déclencher une guerre, il faut bien plus qu'une simple volonté ou un désir de combattre. Il faut des structures organisationnelles capables de mobiliser des ressources, de coordonner des stratégies et de diriger des forces armées. Ces structures comprennent des administrations bureaucratiques, des chaînes de commandement militaire, et des systèmes de soutien logistique, entre autres. Ces organisations ne peuvent exister sans le cadre social qui les soutient. De plus, il faut aussi un certain type de culture et d'idéologie qui justifie et valorise la guerre. Les croyances, les valeurs et les normes sociales jouent un rôle crucial dans la création et le maintien de ces organisations, ainsi que dans la motivation des individus à participer à la guerre. Ainsi, la guerre est un phénomène profondément social et structurel. Elle est le produit de notre capacité à vivre ensemble en société, et non de notre égoïsme ou de notre agressivité individuelle. Cette perspective peut offrir des pistes importantes pour la prévention des conflits et la promotion de la paix.
L'approche d’Héraclite : La guerre est le père de toute chose, et de toute chose elle est roi[modifier | modifier le wikicode]
Nous venons de voir comment faire la guerre et la rendre possible, maintenant nous allons, avec la seconde idée reçue, nous intéresser au « quand ». La seconde idée reçue est celle de la guerre perpétuelle d’Héraclite qui postule que « La guerre est le père de toute chose, et de toute chose elle est roi ». Cependant, ce point de vue simplifie excessivement la réalité.
La guerre, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est un phénomène spécifique qui nécessite un certain niveau de structure sociale et organisationnelle, comme nous l'avons précédemment discuté. En d'autres termes, la guerre n'est pas simplement une manifestation de la violence humaine, mais plutôt une forme organisée et structurée de conflit qui a évolué avec le temps en fonction de facteurs sociaux, politiques, économiques et technologiques. La présence de la violence organisée n'est pas un trait universel de toutes les sociétés humaines à travers l'histoire. Certaines sociétés ont vécu des périodes prolongées de paix, tandis que d'autres ont connu des niveaux plus élevés de violence et de conflit. En outre, la nature de la guerre elle-même a également changé de manière significative au fil du temps. Les guerres de l'Antiquité, par exemple, étaient très différentes des guerres modernes en termes de stratégie, de technologie, de tactiques et de conséquences.
Si on a un regard un peu plus sociologique, on pourrait dire que la guerre est un phénomène relativement récent dans l’histoire humaine, c’est en tout cas une caractéristique qui n’est pas intemporelle. Les preuves archéologiques et anthropologiques indiquent que la guerre, telle que nous la comprenons aujourd'hui en tant que conflit organisé à grande échelle entre des entités politiques, est un phénomène relativement récent dans l'histoire de l'humanité. Ce n'est qu'avec l'apparition de sociétés plus complexes et hiérarchisées, souvent accompagnée de la sédentarisation et de l'agriculture, que nous commençons à voir des signes clairs de guerre organisée. Avant cela, bien que la violence interpersonnelle et les conflits de petite envergure aient certainement existé, il n'y a pas de preuves convaincantes de conflits à grande échelle impliquant une coordination complexe et des objectifs politiques. Cela ne veut pas dire que les sociétés humaines étaient pacifiques ou sans violence, mais plutôt que la nature de cette violence était différente et ne correspondait pas à ce que nous appelons généralement "guerre".
L'idée que la guerre est un phénomène récent à l'échelle de l'histoire de l'humanité est soutenue par de nombreuses recherches en anthropologie et en archéologie. Avant l'avènement de l'agriculture lors de la Révolution néolithique datant d’environ 7000 avant Jésus Christ, les humains vivaient généralement en petits groupes de chasseurs-cueilleurs. Ces groupes avaient des conflits, mais ils étaient généralement de petite envergure et ne ressemblaient pas aux guerres organisées que nous connaissons aujourd'hui. On ne peut pas vraiment parler de guerre. La guerre, telle que nous la définissons actuellement, nécessite une certaine organisation sociale et une spécialisation du travail, y compris la formation de groupes dédiés aux combats. De plus, la guerre implique souvent des conflits pour le contrôle des ressources, ce qui devient plus pertinent avec l'émergence de l'agriculture et la sédentarisation des populations, lorsque les ressources deviennent plus localisées et limitées. C'est pourquoi la plupart des chercheurs s'accordent à dire que la guerre, en tant que phénomène structuré et organisé, n'a probablement pas existé avant la Révolution néolithique, il y a environ 10 000 ans. Cela signifie que pendant la majeure partie de l'histoire de l'humanité, la guerre telle que nous la connaissons n'existait pas, ce qui remet en question l'idée qu'elle est un aspect naturel et inévitable de la société humaine. Ainsi, si on part du principe que l’homme est apparu il y a 200000 ans, la guerre ne concernerait donc que 5% de notre histoire. Nous sommes loin d’un phénomène anhistorique et universel qui aurait toujours existé.
Il est important d’éviter d’essentialiser la guerre comme quelque chose qui serait en nous. Si on regarde empiriquement, les faits, la guerre n’a pas toujours existée et elle est liée à une organisation sociale développée. Cette forme d’organisation sociale apparait à partir du néolithique et elle coïncide avec une spécialisation fonctionnelle, à savoir avec l’apparition des premières villes. Ainsi, la guerre en tant que phénomène organisé et institutionnalisé est intrinsèquement liée à l'apparition de sociétés plus complexes, notamment avec la naissance des premières villes. La vie citadine a conduit à une division du travail beaucoup plus marquée, avec des individus se spécialisant dans des métiers spécifiques, dont certains étaient liés à la défense et à la guerre. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs ont souvent une division du travail basée sur le sexe et l'âge, mais la diversité des rôles est généralement limitée par rapport à ce que l'on voit dans les sociétés agricoles plus complexes. Avec le développement de l'agriculture et des premières villes, la division du travail s'est considérablement élargie, permettant la formation de classes de guerriers spécialisés. Cela a également coïncidé avec l'apparition des premiers États, qui avaient les ressources et l'organisation nécessaires pour mener des guerres à grande échelle. C'est à cette époque que nous voyons émerger des formes de violence organisée et prolongée que nous reconnaissons comme étant des guerres.
C’est une idée qui est assez fondamentale dans l’idée même de la construction de l’État et du développement de nos sociétés. La capacité d'organiser et de mener la guerre est devenue un élément clé dans la formation des États. Dans bien des cas, la menace de violence ou de guerre a contribué à l'unification de groupes divers sous une autorité centrale, conduisant à la création d'États-nations. Cela se reflète dans la théorie du contrat social de Hobbes, où il postule que les individus acceptent de renoncer à certaines libertés et d'accorder une autorité à une entité suprême (l'État) en échange de sécurité et d'ordre. Dans ce sens, la guerre (ou la menace de la guerre) peut servir de catalyseur pour la formation des États. Par ailleurs, la gestion de la guerre, à travers la levée d'armées, la défense du territoire, l'application du droit international et la diplomatie, est devenue une part essentielle des responsabilités des États modernes. Cela se traduit par le développement de bureaucraties dédiées, de systèmes d'impôts pour financer les efforts militaires, et de politiques internes et externes axées sur les questions militaires et de sécurité. Ainsi, la guerre et la formation de l'État sont profondément liées, chacune influençant et façonnant l'autre tout au long de l'histoire humaine.
La spécialisation professionnelle a été un facteur clé dans le développement des sociétés humaines. C'est ce qu'on appelle la division du travail, un concept qui a été largement exploré par des penseurs tels qu'Adam Smith et Emile Durkheim. La division du travail peut être décrite comme un processus par lequel les tâches nécessaires à la survie et au fonctionnement d'une société sont réparties entre ses membres. Par exemple, certaines personnes peuvent se spécialiser dans l'agriculture, tandis que d'autres se spécialisent dans la construction, le commerce, l'enseignement, ou, la sécurité. Cette spécialisation permet à chaque individu de développer des compétences et des connaissances spécifiques à son rôle, ce qui augmente généralement l'efficacité et la productivité de la société dans son ensemble. En retour, les individus dépendent les uns des autres pour répondre à leurs besoins, créant ainsi un réseau complexe d'interdépendance. En ce qui concerne la sécurité et l'application de la violence, la spécialisation a conduit à la création de forces de police et d'armées. Ces entités sont chargées de maintenir l'ordre, de protéger la société et d'appliquer les lois et les règlements. Cette spécialisation a également eu des implications significatives pour la conduite de la guerre et la structuration des sociétés modernes.
La guerre, comme nous la comprenons aujourd'hui, coïncide avec la Révolution néolithique, une période où les humains ont commencé à se sédentariser et à créer des structures sociales plus complexes. Avant cela, les conflits intergroupes existaient, mais ils n'avaient probablement pas la même échelle ou le même niveau d'organisation que ce que nous classons maintenant comme "guerre". La Révolution néolithique a vu les humains évoluer d'une vie de chasseurs-cueilleurs nomades à une vie d'agriculteurs sédentaires. Cela a mené à la création de la première densité de population significative - les villes - ainsi qu'à l'émergence de nouvelles formes de structure sociale et politique. Cette densité de population accrue et ces structures plus complexes ont probablement augmenté la compétition pour les ressources, ce qui a pu conduire à un conflit plus organisé. De plus, avec l'apparition des villes, la spécialisation des métiers a commencé à se développer. Cette spécialisation incluait des rôles dédiés à la protection et à la défense de la communauté, tels que des guerriers ou des soldats, qui pouvaient se consacrer entièrement à ces tâches au lieu de devoir également se soucier de l'agriculture ou de la chasse. Cette spécialisation a permis l'émergence de forces militaires plus organisées et efficaces, contribuant à l'escalade de la guerre en tant que phénomène social.
Après la Révolution néolithique, nous assistons à une croissance rapide de la complexité sociale et politique. La sédentarisation et l'agriculture ont conduit à des sociétés plus stables et plus riches, capables de soutenir une population croissante. Avec cette augmentation de la population et de la richesse, la compétition pour les ressources s'est intensifiée, conduisant à une augmentation des conflits. Les premières cités-états, comme celles de Sumer en Mésopotamie autour de 5000 av. J.-C., sont un excellent exemple de cette augmentation de la complexité. Ces cités-états étaient des sociétés hiérarchiques très organisées avec une division claire du travail, y compris des rôles militaires. Elles avaient leurs propres gouvernements, systèmes juridiques, religions, et, très souvent, elles possédaient et contrôlaient leur propre territoire. Ces cités-états étaient en concurrence pour le contrôle des ressources et du territoire, et cette concurrence se traduisait souvent par la guerre. Les guerres de l'époque étaient souvent des affaires officielles, menées par des rois ou des dirigeants similaires, et elles étaient une part importante de la politique de l'époque. Avec le temps, ces cités-états ont évolué en royaumes et en empires plus grands et plus complexes, comme l'Empire égyptien, l'Empire assyrien, et plus tard, les empires perses, grecs et romains. Ces empires ont conduit à des guerres encore plus grandes et plus complexes, impliquant souvent des milliers, voire des dizaines de milliers de soldats.
La Phalange : Origines de la Violence Organisée Moderne[modifier | modifier le wikicode]
Pendant l'Antiquité classique, et surtout pendant l'époque de l'Empire romain, la guerre a fait un bond qualitatif en termes de complexité organisationnelle et technologique.
Sur le plan organisationnel, l'armée romaine est devenue une véritable machine de guerre, avec une hiérarchie claire, une discipline stricte, une formation rigoureuse et une logistique sophistiquée. Le modèle de l'armée romaine, basé sur la légion comme unité de base, a permis aux Romains de déployer des forces de manière rapide et efficace sur un vaste territoire. En termes de technologie, la période a également vu l'introduction et la diffusion de nouvelles armes et équipements de guerre. Les Romains, par exemple, ont développé le pilum, une sorte de javelot conçu pour pénétrer les boucliers et les armures. Ils ont également innové dans la construction de machines de siège, comme les catapultes et les béliers.
La dimension technologique de la guerre ne se limitait pas aux armes et à l'équipement. Les Romains ont été particulièrement efficaces dans l'utilisation de l'ingénierie pour soutenir leurs efforts militaires. Par exemple, ils ont construit un réseau étendu de routes et de ponts pour faciliter le déplacement rapide de leurs troupes. Ils ont également utilisé leur savoir-faire en matière d'ingénierie pour construire des forts et des fortifications, et pour mener des opérations de siège complexes. Ces innovations, tant sur le plan organisationnel que technologique, ont fait de la guerre une entreprise de plus en plus complexe et coûteuse. Cependant, elles ont également contribué à renforcer le pouvoir des empires comme Rome, leur permettant de conquérir et de contrôler de vastes territoires.
L'évolution de la guerre est étroitement liée à la complexité croissante des sociétés. La phalange est un exemple parfait de cela. La phalange était une formation de combat utilisée par les armées de la Grèce antique. C'était une unité d'infanterie lourde composée de soldats (hoplites) qui se tenaient côte à côte en rangs serrés. Chaque soldat portait un bouclier et était équipé d'une lance longue (sarisse) qu'il utilisait pour attaquer l'ennemi tout en restant protégé derrière le bouclier de son voisin. La phalange était une formation très organisée et disciplinée qui nécessitait un entraînement intensif et une coordination précise. Son objectif principal était d'écraser l'ennemi lors de l'impact initial, en utilisant la force collective des soldats pour percer les lignes adverses.
Cela représente une grande avancée par rapport aux méthodes de combat plus désordonnées utilisées auparavant. Cette organisation de combat plus complexe reflète la structure plus complexe de la société grecque à l'époque. Les armées de citoyens-soldats devaient être bien disciplinées et bien formées pour être en mesure d'utiliser efficacement la phalange. Alexandre le Grand, lors de ses campagnes militaires, a perfectionné l'utilisation de la phalange, ajoutant des éléments de cavalerie et d'infanterie légère pour créer une force militaire plus flexible et adaptable. Cela a contribué à ses succès militaires et à l'expansion de son empire.
L'évolution de la guerre a été grandement influencée par le progrès technologique. À mesure que les sociétés se sont développées et complexifiées, la technologie a joué un rôle de plus en plus important dans la manière dont les guerres étaient menées. Depuis les phalanges de la Grèce antique, jusqu'à l'usage des catapultes et autres engins de siège durant le Moyen Âge, en passant par l'emploi de la poudre à canon en Chine et en Europe, la technologie a toujours contribué à façonner les stratégies militaires. Cette tendance s'est poursuivie à l'ère moderne avec l'essor de l'artillerie, des navires de guerre à vapeur, des sous-marins, des avions, des chars d'assaut et finalement des armes nucléaires. Plus récemment, la guerre cybernétique et les drones armés sont devenus des éléments clés du champ de bataille contemporain. La technologie a non seulement influencé les tactiques et les stratégies de combat, mais a également transformé la logistique, les communications et le renseignement militaire. Elle a permis des actions militaires plus rapides, plus efficaces et à plus grande échelle.
La période du Moyen-âge est marquée par un changement dans la façon de mener la guerre. La chute de l'Empire romain a entraîné une perte de l'organisation et de la technologie militaire avancée des Romains. Les conflits de cette époque étaient souvent de nature plus féodale, impliquant des chevaliers et des seigneurs locaux, et les batailles étaient souvent plus petites et plus dispersées. La guerre était plus centrée sur les sièges de châteaux et les raids que sur les grandes batailles rangées.
Au XVème siècle, avec le début de la Renaissance et la formation des premiers États-nations modernes, nous assistons à une nouvelle transformation de la guerre. L'innovation technologique, en particulier l'introduction de l'artillerie et des armes à feu, a changé la dynamique de la guerre. L'organisation militaire est devenue plus centralisée et structurée, avec des armées permanentes commandées par l'État.
L'État moderne a également joué un rôle majeur dans la transformation de la guerre. Les États-nations ont commencé à assumer la responsabilité de la défense et de la sécurité de leurs citoyens. Cela a entraîné la création de bureaucraties militaires, de systèmes de recrutement et d'entraînement, et d'une infrastructure logistique pour soutenir les armées permanentes. L'État moderne a également permis la mobilisation de ressources à une échelle beaucoup plus grande que ce qui était possible dans les systèmes féodaux précédents. Ces changements ont eu une influence profonde sur la nature de la guerre et ont posé les bases de la guerre telle que nous la connaissons aujourd'hui.
L'Influence de la Guerre sur la Modernité Politique[modifier | modifier le wikicode]
En mettant en perspective la longue histoire de l'humanité, la guerre telle que nous la comprenons aujourd'hui est un phénomène relativement récent. Sa présence est étroitement liée à l'émergence et au développement de structures sociales et politiques plus complexes. En remontant à l'âge de pierre, nous trouvons peu de preuves d'une violence organisée à grande échelle. L'apparition de la guerre est généralement associée à l'avènement de la civilisation, qui a débuté avec la Révolution néolithique, quand les êtres humains ont commencé à se sédentariser et à créer des sociétés plus organisées. Avec l'apparition des premières cités-États vers 5000 avant J-C, la guerre devient un phénomène plus courant, à mesure que ces entités politiques se concurrencent pour le territoire et les ressources. La guerre prend une forme plus organisée et structurée, avec des armées permanentes et une stratégie militaire. Le développement de la guerre moderne à partir du XVIIème siècle coïncide avec l'émergence de l'État moderne. Avec des ressources plus importantes et une structure administrative centralisée, les États-nations ont été en mesure de mener des guerres à une échelle et avec une intensité sans précédent.
L’histoire de la guerre est aussi l’histoire de l’État. D'une part, la menace de la guerre peut encourager la création d'États. Face à des voisins hostiles, les communautés peuvent choisir de s'unir sous une seule autorité politique pour se défendre. L'État moderne est souvent né de ce processus, comme l'illustre la célèbre citation de Thomas Hobbes : "L'homme est un loup pour l'homme". D'autre part, la conduite de la guerre nécessite une organisation et une coordination à grande échelle. Les États ont fourni cette structure, en levant des armées, en imposant des taxes pour financer les campagnes militaires, et en établissant des stratégies et des politiques militaires. En temps de guerre, les États ont souvent augmenté leur pouvoir et leur portée, à la fois sur leurs propres citoyens et sur le territoire qu'ils contrôlent. Enfin, les guerres ont souvent changé la forme et la nature des États. Les conflits peuvent conduire à la dissolution ou à la création de nouveaux États, comme l'illustre l'histoire du XXe siècle, qui a vu la fin de nombreux empires coloniaux et la création de nouveaux États-nations. Il est difficile de comprendre l'histoire de l'État sans prendre en compte le rôle de la guerre, et vice versa.
La guerre et l'État moderne sont profondément liés dans l'histoire politique. Cette relation est centrale pour comprendre l'évolution des sociétés humaines et la forme que prennent les conflits armés. L'État moderne, tel qu'il s'est développé en Europe à partir du XVIIe siècle, est caractérisé par une centralisation du pouvoir et un monopole de l'usage légitime de la force. La formation des États-nations et l'émergence du système westphalien ont coïncidé avec une transformation majeure de la nature de la guerre. Premièrement, l'État moderne a institutionnalisé la guerre. L'État a le monopole de l'usage légitime de la force, et la guerre est devenue une affaire d'État. Ce développement a permis la mise en place de règles et de structures autour de la conduite de la guerre. Deuxièmement, l'État moderne a professionnalisé la guerre. Avec la centralisation du pouvoir, les États ont été en mesure de maintenir des armées permanentes. Cela a conduit à des guerres de plus en plus organisées et technologiquement avancées. Troisièmement, l'État moderne a nationalisé la guerre. Dans les sociétés prémodernes, les guerres étaient souvent menées par des seigneurs ou des chefs qui agissaient en leur propre nom. Avec l'État moderne, la guerre est devenue une affaire de la nation tout entière. La guerre, telle que nous la comprenons aujourd'hui, est une création de l'État moderne. Elle est le produit de l'évolution de l'organisation politique humaine et de la concentration du pouvoir entre les mains de l'État.
L'État, tel que nous le concevons aujourd'hui, est une forme spécifique d'organisation politique qui a émergé à une période particulière de l'histoire. Il existe de nombreuses autres formes d'organisation politique qui ont existé au cours de l'histoire et qui existent encore aujourd'hui dans certaines régions du monde. Les empires, par exemple, étaient une forme commune d'organisation politique dans l'Antiquité et jusqu'au début du XXe siècle. Ils étaient caractérisés par une autorité centrale (généralement un empereur ou un roi) qui dominait un certain nombre de territoires et de peuples différents. Les cités-États étaient une autre forme d'organisation politique, particulièrement répandue dans la Grèce antique et l'Italie de la Renaissance. Dans ce système, une ville et son territoire environnant formaient une entité politique indépendante. Les colonies sont également une forme d'organisation politique, bien que souvent sous la domination d'une autre entité politique (comme un empire ou un État). Les colonies ont été particulièrement courantes pendant l'ère de l'impérialisme européen des XVIe au XXe siècles. Cela étant dit, alors que l'État est une forme spécifique et relativement récente d'organisation politique, il a eu une influence profonde sur la nature de la guerre et sur la manière dont elle est menée. C'est pourquoi l'étude de l'État est si importante pour comprendre la guerre moderne.
L'État est souvent perçu comme une structure nécessaire pour assurer la stabilité sociale, la sécurité, le respect des lois et la fourniture de services publics essentiels comme l'éducation, la santé, le transport, etc. Cependant, cette perception positive de l'État ne doit pas nous empêcher de comprendre les aspects plus complexes et parfois problématiques de l'existence de l'État. L'un des aspects est lié au monopole de la violence légitime que l'État possède, selon la théorie sociologique classique de Max Weber. Ce monopole permet à l'État de maintenir l'ordre et de faire respecter la loi, mais il permet aussi à l'État de mener la guerre. Le fait que la guerre soit généralement menée par des États, et qu'elle soit intrinsèquement liée à la naissance et au développement de l'État moderne, est un rappel que l'État n'est pas seulement une force de stabilité et de bien-être, mais peut aussi être une source de violence et de conflit. C'est un aspect que nous devons garder à l'esprit lorsque nous réfléchissons à l'État et à son rôle dans la société. La guerre, la violence et le conflit ne sont pas de simples aberrations, mais font partie intégrante de la nature de l'État. C'est pourquoi la compréhension de la guerre est si essentielle pour comprendre l'État.
L'une des principales fonctions de l'État est de maintenir la paix et l'ordre à l'intérieur de ses frontières. Cette tâche est accomplie grâce à un ensemble d'institutions, comme les forces de police et le système judiciaire, qui sont chargées de faire respecter la loi et de prévenir ou de résoudre les conflits entre les citoyens. L'État est souvent considéré comme le garant de la sécurité et de la stabilité, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les citoyens acceptent de lui céder une partie de leur liberté et de leur pouvoir. Cependant, la situation est très différente au-delà des frontières de l'État. Au niveau international, il n'existe pas d'entité comparable à un État qui serait capable de faire respecter la loi et l'ordre. Les relations entre États sont souvent décrites comme étant dans un état d'"anarchie" dans le sens où il n'y a pas d'autorité centrale supérieure. Cela peut entraîner des conflits et des guerres, car chaque État a la liberté d'agir comme il le juge bon pour défendre ses intérêts.
L'État joue un rôle majeur dans le maintien de la paix internationale. En tant que participant aux organisations internationales, comme l'ONU, l'OMC, l'OTAN et autres, l'État aide à formuler et à respecter des normes et des règles internationales, qui sont essentielles pour prévenir et gérer les conflits entre nations. De plus, en signant et en respectant les traités internationaux, les États participent activement à la création d'un ordre mondial basé sur des règles, ce qui contribue à la stabilité et à la sécurité au niveau international. En ce sens, l'État est perçu comme un acteur essentiel de la civilisation moderne, capable d'établir et de maintenir l'ordre, de promouvoir la coopération et d'éviter le chaos et l'anarchie. Cela est généralement perçu comme une évolution positive par rapport aux périodes historiques précédentes, où la violence et la guerre étaient des moyens plus courants de résolution des conflits.
Une des principales justifications pour l'existence de l'État réside dans sa capacité à maintenir l'ordre et à prévenir le chaos. Le concept de "monopole de la violence légitime" est fondamental ici. Selon ce concept, formulé par le sociologue allemand Max Weber, l'État a le droit exclusif d'utiliser, de menacer ou d'autoriser la force physique dans les limites de son territoire. Dans ce sens, l'État est souvent considéré comme un antidote à "l'état de nature" hobbesien, où, en l'absence de tout pouvoir centralisé, la vie serait "solitaire, pauvre, brutale et brève". Ainsi, l'État est souvent considéré comme l'acteur qui permet de faire régner l'ordre, de prévenir le chaos et l'anarchie, et d'assurer la sécurité de ses citoyens.
Un État efficace est généralement en mesure de maintenir l'ordre public, d'assurer la sécurité des citoyens et de fournir des services publics essentiels, contribuant ainsi à la stabilité et à la paix sociales. Cependant, dans les zones où l'État est faible, absent ou inefficace, des situations de chaos peuvent survenir. Les zones de conflit, par exemple, sont souvent caractérisées par l'absence d'un État fonctionnel capable de maintenir l'ordre et la loi. De même, dans les États en déliquescence ou en échec, l'incapacité à assurer la sécurité et à fournir des services de base peut mener à des niveaux élevés de violence, de criminalité et d'instabilité.
Les violences de masse, telles que les génocides, sont des phénomènes qui ont été largement facilités par l'émergence de l'État moderne et de la technologie industrielle. L'efficacité bureaucratique, la capacité de mobilisation et le contrôle de ressources importantes, qui sont des caractéristiques typiques des États modernes, peuvent malheureusement être détournés à des fins destructrices. Prenons l'exemple de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale. L'extermination systématique et à grande échelle des Juifs et d'autres groupes par les nazis a été rendue possible par l'État industriel moderne et son apparat bureaucratique. De même, le génocide rwandais en 1994, dans lequel environ 800 000 Tutsis ont été tués en l'espace de quelques mois, a été perpétré à grande échelle et avec une efficacité terrifiante en grande partie grâce à la mobilisation des structures et des ressources de l'État.
Les deux guerres mondiales sont des exemples typiques de la guerre totale, un concept qui décrit un conflit où les nations impliquées mobilisent toutes leurs ressources économiques, politiques et sociales pour mener la guerre, et où la distinction entre civils et combattants militaires s'efface, exposant toute la population aux horreurs de la guerre. La Première Guerre mondiale a introduit une industrialisation et une mécanisation de la guerre à une échelle sans précédent, avec l'utilisation massive de nouvelles technologies comme l'artillerie lourde, les avions, les chars et les gaz toxiques. La violence de cette guerre a été amplifiée par l'implication totale des nations belligérantes, avec une mobilisation complète de leur économie et de leur société pour l'effort de guerre. La Deuxième Guerre mondiale a encore intensifié le concept de guerre totale. Elle a été caractérisée par des bombardements massifs de villes entières, par l'extermination systématique de populations civiles et par l'utilisation de l'arme nucléaire. Cette guerre a également vu l'utilisation à grande échelle de la propagande, l'exploitation de l'économie de guerre, et une mobilisation massive de la main-d'œuvre. Ainsi, la guerre totale est une autre manifestation de la façon dont la modernité et l'État moderne ont permis l'émergence de nouvelles formes de violence à grande échelle.
Le XXe siècle a été marqué par une violence sans précédent en raison des deux guerres mondiales, des nombreux conflits régionaux, des génocides et des régimes totalitaires. Ce niveau de violence est souvent attribué à une combinaison de facteurs, y compris l'émergence d'États modernes puissants, la disponibilité d'armes de destruction massive et des idéologies extrêmes. Les guerres mondiales ont causé des dizaines de millions de morts. En outre, d'autres conflits tels que la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, le génocide arménien, l'Holocauste, le génocide rwandais et les purges staliniennes et maoïstes ont entraîné la mort de millions d'autres personnes. La violence politique interne, souvent exercée par des régimes totalitaires, a également été une source majeure de violence au XXe siècle. Des régimes tels que ceux de Staline en Union soviétique, de Mao en Chine, de Pol Pot au Cambodge et de nombreux autres ont utilisé la violence politique pour éliminer les opposants, réaliser des objectifs idéologiques ou maintenir leur pouvoir. En somme, la violence du XXe siècle montre à quel point la modernité et l'État moderne ont été à double tranchant : d'une part, ils ont permis un niveau de développement, de prospérité et de stabilité sans précédent dans de nombreuses régions du monde ; d'autre part, ils ont permis un niveau de violence et de destruction sans précédent.
L'État moderne, caractérisé par sa souveraineté, son territoire défini, sa population et son gouvernement, est censé offrir à ses citoyens une protection contre la violence. Il est censé garantir l'ordre et la stabilité grâce à la primauté du droit, à une administration efficace et à la protection des droits et des libertés de ses citoyens. Cependant, l'histoire du XXe siècle montre que l'État moderne peut également être une source majeure de violence. Les guerres mondiales, les conflits régionaux, les génocides et les purges politiques ont été largement perpétrés ou facilités par des États modernes. Ces formes de violence sont souvent liées à l'exercice du pouvoir étatique, à la défense de l'ordre établi, ou à l'application de certaines idéologies ou politiques. L'État moderne a donc une double face. D'une part, il peut garantir l'ordre, la sécurité et la stabilité, et fournir un cadre pour la prospérité et le développement. D'autre part, il peut être une source majeure de violence et d'oppression, en particulier lorsqu'il est utilisé à des fins de guerre, de répression politique ou de réalisation de certains objectifs idéologiques. Il est important de comprendre ce paradoxe pour saisir la complexité des défis politiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés dans le monde moderne.
Evolution de la Guerre à travers l'Histoire[modifier | modifier le wikicode]
La Guerre comme Constructeur de l'État Moderne[modifier | modifier le wikicode]
Pour étudier la guerre, il faut avant tout se focaliser sur les liens qu’elle entretien avec l’État moderne comme organisation politique. Nous allons voir comment la guerre est aujourd’hui au travers et par l’émergence de l’État moderne. Nous allons commencer par voir que la guerre est une affaire d’État. Afin d’introduire l’idée que la guerre est liée à la construction même de l’État et à l’émergence de l’État comme forme d’organisation politique en Europe à partir de la sortie du Moyen Âge, pour cela, le meilleur moyen et de le faire est comme amené par le sociohistorien Charles Tilly dans son article War Making and State Making as Organized Crime qui a développé l’idée de war making/state making : c’est en faisant la guerre que l’on a fait l’État, et vice-versa.
Dans "War Making and State Making as Organized Crime", Charles Tilly offre une analyse socio-historique provocante de la construction de l'État moderne en Europe occidentale. Il soutient que les processus de construction de l'État et de guerre sont intrinsèquement liés, et il compare même les États à des organisations criminelles pour souligner les aspects coercitifs et exploitatifs de leur formation. Selon Tilly, la formation des États modernes est largement motivée par les efforts des élites dirigeantes pour mobiliser les ressources nécessaires à la guerre. Pour cela, ces élites ont recours à des moyens tels que l'imposition, la conscription et l'expropriation, qui peuvent être assimilés à des formes de racket et d'extorsion. En outre, Tilly soutient que la construction de l'État a également été facilitée par la monopolisation du recours à la force légitime. En d'autres termes, les dirigeants ont cherché à éliminer ou à subordonner toutes les autres sources de pouvoir et d'autorité sur leur territoire, y compris les seigneurs féodaux, les corporations, les guildes et les bandes armées. Ce processus a souvent impliqué l'usage de la violence, de la coercition et de la manipulation politique. Enfin, Tilly souligne que la construction de l'État a également exigé la construction d'un consensus social, ou du moins l'acquiescement des populations, à travers le développement d'une identité nationale, la mise en place d'institutions sociales et politiques, et la fourniture de services et de protections. Cette analyse offre une perspective critique et décapante sur la construction des États modernes, mettant en lumière leurs racines violentes et coercitives, tout en soulignant leur rôle clé dans la structuration de nos sociétés contemporaines.
La conception de l'État moderne telle que nous la connaissons aujourd'hui est principalement basée sur le modèle européen, qui a émergé durant les périodes de la Renaissance et de l'Époque moderne, entre le 14ème et le 17ème siècle. Cette évolution a été marquée par la centralisation du pouvoir politique, la formation de frontières nationales définies, le développement d'une bureaucratie administrative et la monopolisation du recours à la force légitime par l'État. Cependant, il est important de noter que d'autres modèles politiques existent ailleurs dans le monde, basés sur des trajectoires historiques, culturelles, sociales et économiques différentes. Par exemple, dans certaines sociétés, la structure politique peut être plus décentralisée, ou basée sur des principes différents, comme la réciprocité, la hiérarchie ou l'égalité. En outre, le processus d'exportation du modèle étatique européen, notamment à travers la colonisation et plus récemment la construction d'État ou le nation-building, a souvent rencontré des résistances et a pu entraîner des conflits et des tensions. Cela est souvent dû au fait que ces processus peuvent ne pas tenir compte des réalités locales et peuvent parfois être perçus comme des formes d'imposition culturelle ou politique.
Charles Tilly, dans son article "War Making and State Making as Organized Crime", propose un cadre de pensée pour comprendre le processus de formation des États, en se concentrant en particulier sur l'Europe entre le 15ème et le 19ème siècle. Tilly voit le processus d'émergence de l'État comme un produit de deux dynamiques interconnectées : le war making (la guerre) et le state making (la formation de l'État).
- War making : Tilly postule que les États ont été façonnés par une nécessité constante de se préparer à la guerre, de la mener et de la financer. Les guerres, particulièrement dans le contexte européen, ont été des facteurs clés dans le développement des structures étatiques, en particulier en raison des ressources nécessaires pour les mener.
- State making : Il s'agit du processus par lequel le pouvoir central d'un État est consolidé. Pour Tilly, ceci implique de contrôler et neutraliser ses rivaux internes (notamment les seigneurs féodaux) et d'imposer son autorité sur l'ensemble du territoire qu'il contrôle.
Ces deux processus sont étroitement liés, car les guerres fournissent l'impulsion pour la consolidation de l'État, tout en étant elles-mêmes rendues possibles par cette consolidation. Par exemple, pour financer les guerres, les États ont dû mettre en place des systèmes fiscaux et administratifs plus efficaces, ce qui a renforcé leur autorité.
La Guerre et l'État Moderne[modifier | modifier le wikicode]
Le système féodal était une structure complexe de relations entre les seigneurs et le roi, basée sur la possession de terres (ou "fiefs") et la loyauté. Les seigneurs avaient une grande autonomie sur leurs terres et étaient généralement responsables de la sécurité et de la justice sur leurs terrains. En échange de leur fief, ils devaient prêter allégeance au roi et lui fournir un soutien militaire quand il en avait besoin. Ce système de vassalité constituait la base du pouvoir pendant le Moyen Âge. Cependant, avec l'avènement de l'État moderne, ce système a progressivement été remplacé. La consolidation de l'État s'est accompagnée d'un effort pour centraliser le pouvoir, ce qui a souvent impliqué la suppression ou la réduction du pouvoir des seigneurs féodaux. L'un des éléments clés de ce processus a été le besoin de financer et de soutenir la guerre. Les rois ont commencé à développer des structures administratives et fiscales pour lever des fonds et recruter des armées directement, plutôt que de dépendre des seigneurs féodaux. Cela a renforcé leur autorité et a permis la formation d'États plus centralisés et bureaucratiques.
Selon Charles Tilly, la guerre était un puissant moteur de la formation de l'État moderne. Au Moyen Âge, la compétition entre les seigneurs pour agrandir leur territoire et augmenter leur pouvoir a souvent conduit à des conflits. Les seigneurs étaient constamment en lutte les uns contre les autres, cherchant à prendre le contrôle des terres et des ressources des autres. De plus, ces conflits à l'échelle locale étaient souvent liés à des conflits plus larges entre les royaumes. Les rois avaient besoin d'une base de pouvoir solide pour soutenir leurs efforts de guerre, ce qui les a conduits à chercher à renforcer leur contrôle sur leurs seigneurs. Ces dynamiques ont créé une pression constante pour une centralisation accrue et une organisation plus efficace. Les rois ont développé des administrations plus sophistiquées et des systèmes fiscaux plus efficaces pour soutenir leurs efforts de guerre. En même temps, ils ont cherché à limiter le pouvoir des seigneurs féodaux et à affirmer leur propre autorité. Ces processus ont jeté les bases de l'État moderne.
Norbert Elias, un sociologue allemand, a développé le concept de "lutte éliminatoire" dans son œuvre "The Civilizing Process". Dans ce contexte, il désigne une compétition dans laquelle les acteurs s'éliminent mutuellement jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques-uns, voire un seul. Dans le contexte de la formation de l'État, cela peut être vu comme une métaphore de la manière dont les seigneurs féodaux se sont battus pour le pouvoir et le territoire pendant le Moyen Âge. Au fil du temps, certains seigneurs ont été éliminés, soit par la défaite militaire, soit par l'assimilation dans des entités plus grandes. Ce processus de lutte éliminatoire a contribué à la centralisation du pouvoir et à la formation de l'État moderne.
Au fil des siècles, de nombreux rois de France ont progressivement renforcé leur pouvoir, s'emparant des territoires de la noblesse féodale et consolidant l'autorité centrale. Ces efforts étaient souvent soutenus par des alliances matrimoniales stratégiques, des conquêtes militaires, des arrangements politiques et, dans certains cas, l'extinction naturelle ou forcée de certaines lignées nobles. Louis XI, en particulier, a joué un rôle crucial dans ce processus. Roi de 1461 à 1483, il a été surnommé "l'Universelle Aragne" ou "l'Araignée Universelle" en raison de sa politique astucieuse et manipulatrice. Louis XI a travaillé avec acharnement pour centraliser le pouvoir royal, réduisant l'influence des grands seigneurs féodaux et instaurant une administration plus efficace et plus directe sur l'ensemble du royaume. Cela a contribué à la formation de l'État moderne, avec un pouvoir centralisé et une administration organisée, qui sera renforcé au fil des siècles, notamment avec François Ier et Louis XIV, le "Roi Soleil".
La France et la Grande-Bretagne sont souvent citées comme des exemples typiques de l'émergence de l'État moderne. En France, les rois ont progressivement centralisé le pouvoir, instaurant une administration plus directe et plus efficace. L'apogée de cette centralisation a probablement été atteinte sous le règne de Louis XIV, qui a déclaré "L'État, c'est moi" et a gouverné directement depuis son palais de Versailles. Cependant, ce processus a été entrecoupé de périodes de conflit et de révolte, comme la Fronde et, plus tard, la Révolution française. La Grande-Bretagne, en revanche, a suivi un chemin légèrement différent vers la formation de l'État moderne. Le roi Henri VIII a consolidé le pouvoir royal en établissant l'Église d'Angleterre et en supprimant les monastères, mais la Grande-Bretagne a aussi vu un fort mouvement en faveur de la limitation du pouvoir royal. Ceci a culminé avec la Glorieuse Révolution de 1688 et l'établissement d'un système constitutionnel dans lequel le pouvoir est partagé entre le roi et le Parlement. Dans les deux cas, la guerre a joué un rôle majeur dans la formation de l'État. La nécessité de lever des armées, de lever des impôts pour financer les guerres et de maintenir l'ordre interne a grandement contribué à la centralisation du pouvoir et à la création de structures administratives efficaces.
La concurrence externe, en particulier à partir de la Renaissance et durant l'époque moderne, a été une force motrice importante dans la formation des États et la structuration du système international tel que nous le connaissons aujourd'hui. Cela peut être vu dans le développement de la diplomatie, des alliances et des traités, des guerres pour la conquête et le contrôle des territoires, et même de l'expansion coloniale. Cela a également conduit à la définition plus claire des frontières nationales et à la reconnaissance de la souveraineté des États. En particulier, l'implication de Louis XI et de ses successeurs dans les guerres en Italie et contre l'Angleterre a joué un rôle important dans la consolidation de la France en tant qu'État et dans la définition de ses frontières et de ses intérêts nationaux. De manière similaire, la compétition entre les puissances européennes pour les territoires à l'étranger pendant l'ère de la colonisation a également contribué à façonner le système international.
Les ambitions impériales des dirigeants tels que Louis XI étaient en partie motivées par le désir de consolider leur pouvoir et leur autorité, à la fois en interne et en externe. Ils avaient besoin de ressources pour mener des guerres, ce qui impliquait souvent d'exiger des impôts plus élevés de la part de leurs sujets. Ces guerres avaient aussi souvent une dimension religieuse, avec l'idée de réunifier le monde chrétien. Au fur et à mesure que ces royaumes se sont développés et ont commencé à se heurter les uns aux autres, un système international a commencé à se former. C'était un processus lent et souvent conflictuel, avec de nombreuses guerres et des conflits politiques. Mais au fil du temps, ces États ont commencé à reconnaître la souveraineté des autres, à établir des règles pour les interactions internationales et à développer des institutions pour faciliter ces interactions
Tout cela a conduit à la formation d'un système d'États-nations interconnectés, dans lequel chaque État a ses propres intérêts et objectifs, mais aussi une certaine obligation de respecter la souveraineté des autres États. C'est le fondement du système international que nous avons aujourd'hui, bien que les spécificités aient évolué avec le temps.
Le Rôle de la Guerre dans le Système Interétatique[modifier | modifier le wikicode]
Pour mener la guerre (war-making), un État doit mobiliser d'importantes ressources. Cela comprend des ressources matérielles, comme de l'argent pour financer l'armée et acheter des armes, de la nourriture pour nourrir l'armée, et des matériaux pour construire des fortifications et d'autres infrastructures militaires. Cela nécessite également des ressources humaines, comme des soldats pour combattre et des travailleurs pour produire les biens nécessaires. Pour obtenir ces ressources, l'État doit être capable d'exercer un contrôle efficace sur son territoire et ses habitants. C'est là qu'intervient la construction de l'État (state-making). L'État doit mettre en place des systèmes efficaces de taxation pour collecter l'argent nécessaire pour financer la guerre. Il doit également être capable de recruter ou de conscrire des soldats, ce qui peut nécessiter des efforts pour instaurer un sentiment de loyauté ou de devoir envers l'État. En outre, il doit être capable de maintenir l'ordre et de résoudre les conflits à l'intérieur de ses frontières, afin de pouvoir se concentrer sur la guerre à l'extérieur. Ainsi, la guerre et la construction de l'État sont intimement liées. L'un nécessite l'autre, et les deux se renforcent mutuellement. Comme l'a écrit Charles Tilly, "Les États font la guerre et les guerres font les États".
La nécessité de mener la guerre a poussé les États à développer une bureaucratie efficace capable de collecter des ressources et d'organiser une armée. Ce processus a renforcé la capacité de l'État à gouverner son territoire et ses habitants, c'est-à-dire sa souveraineté. Pour recenser la population, percevoir des impôts et recruter des soldats, l'État a dû mettre en place une administration capable de gérer ces tâches. Cela a impliqué le développement de systèmes pour enregistrer les informations sur les habitants, l'établissement de lois sur les taxes et la conscription, et la création d'organismes pour appliquer ces lois. Au fil du temps, ces systèmes bureaucratiques ont évolué pour devenir de plus en plus efficaces et sophistiqués. Ils ont également contribué à renforcer l'autorité de l'État, en faisant accepter sa légitimité par les habitants. Les gens étaient plus enclins à payer des impôts et à servir dans l'armée s'ils croyaient que l'État avait le droit de leur demander de le faire. La guerre a joué un rôle central dans le processus de construction de l'État, non seulement en encourageant le développement d'une bureaucratie efficace, mais aussi en renforçant l'autorité et la légitimité de l'État.
Selon Charles Tilly, l'État moderne s'est développé à partir d'un processus de longue durée appelé "war making" (guerre) et "state making" (construction de l'État). Cette théorie soutient que les guerres étaient les principaux moteurs de l'augmentation du pouvoir et de l'autorité de l'État dans la société. La théorie de Tilly suggère que l'État moderne s'est formé dans un contexte de conflit et de violence, où la capacité de mener la guerre et de contrôler efficacement un territoire étaient des facteurs clés de la survie et du succès de l'État.
Après la fin du Moyen Âge, l'Europe est entrée dans une période d'intense concurrence entre les États-nations émergents. Ces États cherchaient à étendre leur influence et à affirmer leur domination sur les autres, ce qui a souvent conduit à des guerres. L'un des exemples les plus emblématiques de cette époque est Napoléon Bonaparte. En tant qu'empereur de France, Napoléon a cherché à établir une domination française sur le continent européen, créant un empire qui s'étendait de l'Espagne à la Russie. Sa tentative de créer un empire sans frontières et inclusif était en réalité une tentative d'assujettir les autres nations à la volonté de la France. Cependant, cette période de rivalités et de guerres a aussi permis la consolidation de l'État-nation en tant que forme principale d'organisation politique. Les États ont renforcé leur contrôle sur leur territoire, centralisé leur autorité, et développé des institutions bureaucratiques pour administrer leurs affaires. L'émergence de l'État-nation moderne à l'époque post-médiévale est en grande partie le produit des ambitions impériales et des rivalités interétatiques. Ces facteurs ont conduit à l'établissement d'un système interétatique fondé sur la souveraineté et la guerre comme moyen de résolution des conflits. Et cette évolution a eu un impact profond sur notre monde actuel.
Après une période de guerres et de conflits intenses, un certain équilibre des forces s'est établi entre les États-nations européens. Cet équilibre, souvent appelé "équilibre des pouvoirs", est devenu un principe fondamental de la politique internationale. L'équilibre des pouvoirs suppose que la sécurité nationale est assurée lorsque les capacités militaires et économiques sont réparties de telle sorte qu'aucun État n'est en mesure de dominer les autres. Cela encourage la coopération, la concurrence pacifique et, en théorie, aide à prévenir les guerres en décourageant l'agression. En outre, ce processus a également conduit à la stabilisation des frontières. Les États ont finalement reconnu et respecté les frontières les uns des autres, ce qui a contribué à apaiser les tensions et à maintenir la paix.
À partir de là, émerge l’idée de souveraineté, c’est-à-dire que l’idée d’autorité sur le territoire est divisée entre des espaces sur lesquels s’exercent des souverainetés qui sont exclusives entre elles. La souveraineté est un principe fondamental du système international moderne, basé sur la notion que chaque État a une autorité suprême et exclusive sur son territoire et sa population. Cette autorité inclut le droit de faire des lois, d'appliquer ces lois et de punir ceux qui les enfreignent, de contrôler les frontières, de mener des relations diplomatiques avec d'autres États, et, le cas échéant, de déclarer la guerre. La souveraineté est intrinsèquement liée à la notion d'État-nation et est fondamentale pour comprendre la dynamique des relations internationales. Chaque État est considéré comme ayant le droit de gérer ses propres affaires internes sans interférence extérieure, ce qui est reconnu comme un droit par les autres États dans le système international.
À terme, se développe autour du principe de souveraineté un universalisme de l’État-national qui n’est pas celui de l’Empire puisque le principe de souveraineté est reconnu par tous comme le principe organisateur du système international. Le principe de la souveraineté et de l'égalité entre tous les États est un fondement du système international et de l'Organisation des Nations Unies. Cela signifie que, en théorie, chaque État, qu'il soit petit ou grand, riche ou pauvre, dispose d'un seul vote à l'Assemblée générale des Nations Unies, par exemple. Cela découle du principe de l'égalité souveraine, qui est inscrit dans la Charte des Nations Unies. L'article 2, paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies déclare que l'Organisation est basée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres.
L’idée des Nations Unies découle de l’idée du principe de souveraineté comme organisateur du système international. Ce système interétatique qui se met en place est organisé autour de l’idée qu’il y a une logique de l’équilibre interne où l’État administre un territoire, à savoir la « police » ; et externes où se sont les États entre eux qui règlent leurs affaires. Cette distinction est un aspect central du concept de souveraineté étatique. C'est l'État qui a la prérogative et le devoir de gérer les affaires internes, y compris la mise en œuvre des lois, la garantie de l'ordre public, la prestation de services publics, et l'administration de la justice. C'est ce qu'on appelle la souveraineté interne. En ce qui concerne la souveraineté externe, c'est le droit et la capacité d'un État d'agir de manière autonome sur la scène internationale. Cela comprend le droit d'entrer en relation avec d'autres États, de signer des traités internationaux, de participer aux organisations internationales, et de conduire sa politique étrangère selon ses propres intérêts.
Du moment où il y a tous ces États qui sont formés, ils doivent communiquer entre eux. Puisque chacun doit survivre en tant qu’État et qu’il y a d’autres États qui sont là, comment va-t-on communiquer ? Si on part du principe que la guerre est une institution, elle sert exactement à faire cela. La guerre, en tant qu'institution, a été un moyen pour les États de communiquer entre eux. Cela ne signifie pas nécessairement que la guerre est souhaitable ou inévitable, mais elle a certainement joué un rôle dans la formation des États et dans la définition des relations entre eux. Dans l'histoire européenne, par exemple, les guerres ont souvent été utilisées pour résoudre des conflits sur des questions de territoire, de pouvoir, de ressources ou d'idéologie. Les résultats de ces guerres ont souvent conduit à des changements dans les frontières, les alliances et l'équilibre des pouvoirs entre les États.
Selon John Vasquez, la guerre est une modalité apprise de prise de décisions politiques par le biais de laquelle deux ou plusieurs unités politiques allouent des biens matériels ou de valeur symbolique sur la base d’une compétition violente. La définition de John Vasquez met en lumière l'aspect de compétition violente de la guerre. Selon cette vue, la guerre est un mécanisme par lequel des unités politiques, en général des États, résolvent leurs désaccords ou rivalités. Cela peut impliquer des enjeux de pouvoir, de territoire, de ressources ou d'idéologies. Cette définition souligne une vision de la guerre qui est bien ancrée dans une tradition de pensée réaliste en relations internationales, qui voit la politique internationale comme une lutte de tous contre tous, où le conflit est inévitable et la guerre est un outil naturel de politique.
Nous nous éloignons de l’idée de la guerre comme quelque chose d’anarchique ou de violent, la guerre est quelque chose qui a été développé dans sa conception moderne afin de régler des différends entre États, c’est un mécanisme de résolution de conflits. Cela parait contre-intuitif car la guerre est généralement associée à l'anarchie et à la violence. Cependant, dans le contexte des relations internationales et de la théorie politique, la guerre peut être comprise comme un mécanisme de résolution de conflits entre États, malgré ses conséquences tragiques. Cette perspective ne cherche pas à minimiser la violence et la destruction causées par la guerre, mais plutôt à comprendre comment et pourquoi les États choisissent de recourir à la force militaire pour résoudre leurs désaccords. Selon cette perspective, la guerre n'est pas un état de chaos, mais une forme de conduite politique qui est régie par certaines normes, règles et stratégies. C'est pour cela que la guerre est souvent décrite comme une "continuation de la politique par d'autres moyens" - une phrase célèbre du théoricien militaire Carl von Clausewitz. Cela signifie que la guerre est utilisée par les États comme un outil pour atteindre des objectifs politiques quand d'autres moyens échouent.
La guerre peut être comprise comme un mécanisme ultime de résolution de conflits, utilisé lorsque les désaccords ne peuvent être résolus par d'autres moyens. Ce processus nécessite la mobilisation de ressources significatives, telles que les forces armées, financées par les recettes fiscales des États belligérants. Le but final est d'aboutir à un accord, souvent déterminé par l'issue des combats. Cependant, la victoire ne se traduit pas nécessairement par un règlement définitif du conflit en faveur du vainqueur. L'issue de la guerre peut entraîner des compromis, des changements politiques et territoriaux et même parfois l'émergence de nouveaux différends.
La guerre peut être appréhendée à travers plusieurs prismes, en fonction de la perspective adoptée. Vue sous un angle humanitaire, elle est souvent perçue en fonction des souffrances et des pertes en vies humaines qu'elle engendre. De cette perspective émergent des questions sur la protection des civils, les droits de l'homme, et les conséquences sur le développement socio-économique des zones affectées. D'un point de vue juridique, la guerre engage un ensemble complexe de régulations et de lois internationales, incluant le droit humanitaire international, le droit de la guerre et divers accords et traités internationaux. Ces régulations visent à limiter l'impact de la guerre, notamment en protégeant les civils et en interdisant certaines pratiques et armes. Cependant, malgré ces règlementations, les enjeux juridiques restent importants, surtout lorsqu'il s'agit de déterminer la légitimité d'une intervention armée, d'évaluer les responsabilités en cas de violation du droit international, ou encore de gérer les conséquences post-conflit, comme la justice transitionnelle et la reconstruction.
En somme, la guerre, en tant que mécanisme de résolution des conflits, est un phénomène complexe qui engage des questions à la fois humanitaires, politiques, économiques et juridiques. L’angle de ce cours est celui de la science politique pour voir d’où vient ce phénomène et à quoi cela sert. Nous ne nous intéressons pas ici à la dimension normative de la guerre.
Nous arrivons à l’idée que la guerre est un mécanisme de résolution de conflits et que donc, si la stratégie à une fin, la fin et le but de cette stratégie est la paix. La stratégie militaire a souvent pour but ultime d'établir ou de restaurer la paix, même si le chemin pour y parvenir implique l'emploi de la force. C'est une idée qui trouve son origine dans les écrits de plusieurs penseurs militaires, dont le plus célèbre est peut-être Carl von Clausewitz. Dans son ouvrage "De la guerre", Clausewitz a décrit la guerre comme la "continuation de la politique par d'autres moyens". Cette perspective suggère que la guerre n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre des objectifs politiques, qui peuvent inclure l'établissement de la paix. De plus, dans la tradition de la théorie des relations internationales, la guerre est souvent envisagée comme un instrument que les États peuvent utiliser pour résoudre les différends lorsqu'ils échouent à parvenir à un accord par des moyens pacifiques. Ainsi, même si la guerre est un acte violent et destructeur, elle peut être considérée comme faisant partie d'un processus plus large visant à rétablir la stabilité et la paix.
Les deux sont liés. Nous sommes dans une conception où la paix est intimement liée à la guerre et surtout que la définition de la paix est intimement liée à la guerre. La paix est comprise comme l’absence de guerre. Il est intéressant de voir comment le but de la stratégie est de gagner et de retourner à un état de paix. C’est vraiment la guerre qui détermine cet état. Il y a une très forte dialectique entre les deux. Nous nous intéressons à la relation entre guerre et État, mais aussi entre guerre et paix. C’est une relation qui est fondamentale à laquelle nous n’allons pas nous intéresser aujourd’hui. Dans de nombreux cadres théoriques, la paix est définie par opposition à la guerre. C'est-à-dire que la paix est souvent conceptualisée comme l'absence de conflit armé. Cette vision est appelée la "paix négative", dans le sens où la paix est définie par ce qu'elle n'est pas (c'est-à-dire la guerre) plutôt que par ce qu'elle est. La stratégie militaire vise souvent à restaurer cet état de "paix négative" en remportant la guerre ou en atteignant des conditions favorables pour la fin du conflit.
Nous parlons de paix, parce que ce qui est important est que dans la conception de la guerre qui se met en place avec l’émergence de ce système interétatique, c’est-à-dire avec des États qui se constituent à l’intérieur et qui entrent en compétition entre eux à l’extérieur, la guerre n’est pas un but en soit, le but n’est pas la conduite de la guerre elle-même, mais la paix ; on fait la guerre afin d’obtenir quelque chose. C’est la conception de Raymon Aron. Raymond Aron, philosophe et sociologue français, est célèbre pour ses travaux sur la sociologie des relations internationales et la théorie politique. Selon lui, la guerre n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre la paix. Cela signifie que la guerre est un instrument politique, un outil utilisé par les États pour parvenir à des objectifs spécifiques, généralement dans le but de résoudre des conflits et d'atteindre la paix. Selon cette perspective, la guerre est une forme extrême de diplomatie et de négociation entre les États. C'est une extension de la politique, menée lorsque les moyens pacifiques échouent à résoudre des différends. C'est pour cette raison qu'Aron a déclaré que "la paix est la fin, la guerre est le moyen".
La conception de la guerre comme mécanisme de résolution des conflits repose sur l'idée que la guerre est un outil de la politique, une forme de dialogue entre les États. Elle est utilisée lorsque les moyens pacifiques de résolution des conflits ont échoué ou lorsque les objectifs ne peuvent être atteints par d'autres moyens. Dans cette perspective, les États utilisent la guerre pour atteindre leurs objectifs stratégiques, qu'il s'agisse de la protection de leurs intérêts territoriaux, de l'extension de leur influence ou du renforcement de leur sécurité. Ces objectifs sont généralement guidés par une stratégie militaire clairement définie, qui vise à maximiser l'efficacité de l'utilisation de la force tout en minimisant les pertes et les coûts.
L'Approche de Carl von Clausewitz sur la Guerre[modifier | modifier le wikicode]
Carl von Clausewitz, un officier prussien du début du 19ème siècle, a joué un rôle déterminant dans la théorisation de la guerre. Il est l'auteur de l'ouvrage "De la guerre" (Vom Kriege en allemand), qui est devenu l'un des textes les plus influents sur la stratégie militaire et la théorie de la guerre.
Carl von Clausewitz a servi dans l'armée prussienne pendant les guerres napoléoniennes, qui ont eu lieu de 1803 à 1815. Au cours de cette période, il a acquis une expérience précieuse du combat et de la stratégie militaire, ce qui a influencé ses théories sur la guerre. Clausewitz a participé à plusieurs batailles majeures contre l'armée de Napoléon, et a été témoin des changements dramatiques dans la façon dont les guerres étaient menées au début du 19ème siècle. C'est pendant cette période qu'il a commencé à développer sa théorie selon laquelle la guerre est une extension de la politique. Après la fin des guerres napoléoniennes, Clausewitz a continué à servir dans l'armée prussienne et a commencé à rédiger son œuvre majeure, "De la Guerre". Cependant, il est décédé avant d'avoir pu terminer l'ouvrage, qui a été publié à titre posthume par sa femme.
Clausewitz a affirmé que la guerre est "la continuation de la politique par d'autres moyens". Cette citation, probablement la plus célèbre de Clausewitz, exprime l'idée que la guerre est un instrument de la politique nationale, et que les objectifs militaires doivent être guidés par des objectifs politiques. Autrement dit, la guerre est un outil politique, et non une fin en soi. La pensée de Clausewitz souligne également l'importance du "brouillard de la guerre" et de la "friction" dans la conduite des opérations militaires. Il soutient que la guerre est intrinsèquement incertaine et imprévisible, et que les commandants et les stratèges doivent être capables de gérer ces incertitudes. Malgré sa mort en 1831, la pensée de Clausewitz continue d'exercer une grande influence sur la théorie militaire et stratégique. Son travail est étudié dans les académies militaires du monde entier et reste une référence incontournable dans le domaine de la stratégie militaire.
Clausewitz définit la guerre comme un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté. C’est un cadre très rationnel, ce n’est pas une logique de « fou de guerre ». La guerre est faite afin d’obtenir quelque chose. Carl von Clausewitz a conceptualisé la guerre comme un acte de violence dont l'objectif est de contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté. Selon lui, la guerre n'est pas une entreprise irrationnelle ou chaotique, mais plutôt un instrument de politique, un moyen rationnel de poursuivre les objectifs d'un État. Dans son œuvre majeure "De la Guerre", Clausewitz développe cette idée en affirmant que la guerre est simplement la continuation de la politique par d'autres moyens. C'est-à-dire que les États utilisent la guerre pour atteindre des objectifs politiques qu'ils ne peuvent pas réaliser par des moyens pacifiques.
Imaginons un État qui est un gouvernement avec un objectif qui est d'acquérir des terres fertiles pour améliorer son économie ou sa sécurité alimentaire. Comme son voisin n'est pas disposé à céder ces terres volontairement, l'État choisit de recourir à la guerre pour atteindre son objectif. Si l'État belliqueux est victorieux, il est probable qu'un traité de paix soit établi pour officialiser le transfert de terres. Ce traité pourrait également inclure d'autres dispositions, telles que des indemnités de guerre, des arrangements pour les populations déplacées, et la promesse de non-agression future. L'objectif initial (l'acquisition de terres fertiles) est donc atteint par le biais de la guerre, qui est utilisée comme un instrument de politique.
Cette conception de la guerre, telle qu'exprimée par Clausewitz, met en évidence le fait que la guerre est un prolongement de la politique par d'autres moyens. Dans ce contexte, la guerre est envisagée comme un outil de la politique, une option qui peut être employée lorsque d'autres méthodes, comme la diplomatie ou le commerce, ont échoué à résoudre les conflits entre États.
Il est essentiel de comprendre que, selon Clausewitz, la guerre n'est pas une entité autonome, mais plutôt un instrument de politique qui est contrôlé et dirigé par les autorités politiques. C'est-à-dire que la décision de déclarer la guerre, ainsi que la gestion et la conduite de la guerre, relèvent de la responsabilité des dirigeants politiques. Les objectifs militaires sont ainsi subordonnés aux objectifs politiques. Dans la pensée clausewitzienne, la guerre est un moyen pour atteindre des objectifs politiques qui ne peuvent être obtenus par d'autres méthodes. Cependant, elle est toujours envisagée comme une solution temporaire et non comme un état permanent. La guerre n'est donc pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre une fin : l'objectif politique défini par l'État. Une fois cet objectif atteint ou quand il n'est plus possible de l'atteindre, la guerre prend fin et on revient à un état de paix. C'est pour cela que la notion de paix est intrinsèquement liée à celle de guerre : la guerre vise à créer un nouvel état de paix plus favorable à l'État qui la mène.
Le système westphalien[modifier | modifier le wikicode]
Le système westphalien, du nom du traité de Westphalie qui a mis fin à la Guerre de Trente Ans en 1648, a profondément influencé la structure politique internationale et la compréhension de la guerre. Cette série de traités a consacré la notion de souveraineté de l'État, établissant l'idée que chaque État a une autorité exclusive sur son territoire et sa population, sans ingérence extérieure. De ce fait, il a également formalisé l'idée de la non-ingérence dans les affaires intérieures d'autres États. En ce qui concerne la guerre, le système westphalien a contribué à la formaliser comme une activité entre États, plutôt qu'entre factions ou individus. Il a aussi favorisé le développement de règles et de normes régissant la conduite de la guerre, bien que ce processus ait vraiment pris son essor dans les siècles suivants avec le développement du droit international humanitaire. Ainsi, alors que la guerre a continué à être considérée comme un outil de politique étrangère, le système westphalien a commencé à introduire des contraintes et des règles pour son utilisation. Ces contraintes ont été renforcées par le développement du droit international au cours des siècles suivants.
Hugo Grotius, également connu sous le nom d'Hugo de Groot, a été une figure centrale dans le développement du droit international, notamment en ce qui concerne les lois de la guerre et de la paix. Son œuvre la plus célèbre, "De Jure Belli ac Pacis" ("Du droit de la guerre et de la paix"), publiée en 1625, est considérée comme l'un des textes fondamentaux du droit international. Dans cet ouvrage, Grotius cherche à définir un ensemble de règles régissant le comportement des États en temps de guerre et de paix. Il examine en détail quand la guerre est justifiée (jus ad bellum), comment elle doit être menée (jus in bello) et comment une paix juste peut être rétablie après le conflit (jus post bellum).
Ces idées ont eu une influence significative sur la manière dont la guerre est perçue et menée, en introduisant la notion que même en temps de guerre, certaines actions sont inacceptables et que la conduite de la guerre doit être régie par certains principes éthiques et juridiques. Les principes établis par Grotius ont continué à évoluer et à se développer au fil des siècles, aboutissant à la formulation de conventions internationales plus détaillées et plus complètes, telles que les Conventions de Genève, qui régissent aujourd'hui le comportement en temps de guerre.
L'organisation du système interétatique a amené l'adoption de règles strictes pour réguler la conduite de la guerre. L'objectif de ces règles est de limiter, dans la mesure du possible, les conséquences destructrices de la guerre et de protéger les personnes qui n'y participent pas directement, telles que les civils ou les prisonniers de guerre. C'est pourquoi, selon le droit international, une guerre doit être déclarée avant qu'elle ne commence. Cette déclaration a pour but de signaler clairement à toutes les parties concernées, y compris aux autres pays et aux organisations internationales, qu'un conflit armé a commencé. Pendant la guerre, les combattants sont tenus de respecter certaines règles. Par exemple, ils ne doivent pas cibler délibérément des civils, des bâtiments civils comme des écoles ou des hôpitaux, ou utiliser des armes interdites par le droit international, comme les armes chimiques ou biologiques. Enfin, après la guerre, un processus de paix doit être mis en place pour résoudre les différends, punir les crimes de guerre et réparer les dommages causés par le conflit. Bien que ces règles soient souvent violées, leur existence et leur reconnaissance universelle sont une tentative importante pour civiliser une activité qui est, par nature, violente et destructive.
La guerre, malgré ses conséquences souvent dévastatrices, a été intégrée dans le système interétatique comme un moyen de résoudre les différends politiques. Il est important de noter, cependant, que l'idée n'est pas de promouvoir ou de glorifier la guerre, mais plutôt de tenter de la contenir et de la réguler. Depuis le XVIIème siècle, de nombreuses règles ont été établies pour tenter de limiter les ravages de la guerre. Cela comprend le droit international humanitaire, qui établit des limites à la manière dont la guerre peut être menée, en protégeant les personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités, comme les civils, les travailleurs de la santé et les prisonniers de guerre. En outre, le droit international a également établi des règles sur la manière de déclarer la guerre, de mener des hostilités et de conclure la paix. Cela comprend le droit de la guerre, qui établit des règles pour la conduite des hostilités, et le droit de la paix, qui régule la conclusion des traités de paix et la résolution des conflits internationaux. Ces efforts de régulation de la guerre témoignent de la reconnaissance que, bien que la guerre puisse parfois être inévitable, elle doit être menée d'une manière qui minimise autant que possible les souffrances humaines et les destructions matérielles.
Le Traité de Westphalie, conclu en 1648 pour mettre fin à la guerre de Trente Ans, est constitué de deux accords distincts : le Traité d'Osnabrück et le Traité de Münster. Le Traité d'Osnabrück a été signé entre l'Empire suédois et le Saint Empire Romain Germanique, tandis que le Traité de Münster a été conclu entre le Saint Empire Romain Germanique et les Provinces Unies (l'actuel Pays-Bas) ainsi qu'entre le Saint Empire et la France. Ces traités sont historiquement importants car ils ont jeté les bases de l'ordre international moderne basé sur la souveraineté des États. Le principe de non-ingérence dans les affaires internes des autres États a été établi, tout comme le principe d'équilibre des pouvoirs. Le Traité de Westphalie a en fait marqué la fin de l'idée d'un empire chrétien universel en Europe et a ouvert la voie à un système d'États-nations indépendants et souverains.
Les Traités de Westphalie ont mis fin à la Guerre de Trente Ans, une guerre de religion qui a déchiré l'Europe, et particulièrement le Saint-Empire romain germanique, entre 1618 et 1648. Cette guerre a opposé principalement les forces catholiques et protestantes, bien que la politique et la lutte pour le pouvoir aient également joué un rôle important. En mettant fin à cette guerre, les Traités de Westphalie ont non seulement apporté une paix bienvenue, mais ils ont également marqué un changement fondamental dans l'organisation politique de l'Europe. Avant ces traités, l'idée d'un empire chrétien universel, où une autorité supérieure (soit le pape, soit l'empereur du Saint Empire) aurait une certaine autorité sur les royaumes et les principautés, était encore vivante. Les Traités de Westphalie ont établi le principe de la souveraineté de l'État, affirmant que chaque État a une autorité absolue et exclusive sur son territoire et son peuple. Cela signifie que, pour la première fois, les États, plutôt que les empereurs ou les papes, sont devenus les acteurs principaux sur la scène internationale. C'est ce qu'on appelle le "système westphalien", qui reste le fondement de l'ordre international moderne.
La Suisse a été reconnue comme une entité indépendante lors du Traité de Westphalie en 1648, bien que sa forme actuelle en tant qu'État ait mis plus de temps à se consolider. La neutralité perpétuelle de la Suisse a également été établie lors du Congrès de Vienne en 1815, ce qui a renforcé son statut distinct sur la scène internationale. Néanmoins, il convient de noter que la Confédération suisse en tant qu'union de cantons existait déjà avant le Traité de Westphalie. Sa structure unique, cependant, ne correspondait pas exactement au concept d'État-nation tel qu'il a émergé avec le système westphalien. C'est pourquoi on peut dire que la Suisse a mis du temps à émerger sous sa forme moderne.
Le Traité de Westphalie a jeté les bases du système international moderne basé sur la souveraineté nationale. En d'autres termes, chaque État a le droit de gouverner son territoire comme il l'entend sans ingérence extérieure. Ce principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États est un pilier clé du système international. Cela dit, cela n'élimine pas le conflit ou le désaccord entre les États. Lorsqu'un différend survient, la guerre peut être utilisée comme un moyen de résolution. Cependant, dans le monde moderne, d'autres formes de résolution des conflits, telles que la diplomatie, le dialogue et la négociation, sont généralement privilégiées. La guerre est souvent considérée comme un dernier recours lorsqu'aucune autre option n'est viable ou efficace.
La distinction entre l'espace interne et externe des États est fondamentale dans la politique internationale. À l'intérieur de ses frontières, un État a la souveraineté pour faire appliquer ses propres lois et réglementations, et pour maintenir l'ordre comme il le juge nécessaire. Cet espace interne est souvent caractérisé par un ensemble de règles et de normes bien définies qui sont largement reconnues et respectées. À l'extérieur de ses frontières, un État doit naviguer dans un environnement plus complexe et souvent moins réglementé, où les interactions se déroulent principalement entre États souverains qui peuvent avoir des intérêts divergents. Cet espace externe est régi par le droit international, qui est moins contraignant et plus dépendant de la coopération entre États.
Le principe de souveraineté, bien qu'il établit l'égalité formelle de tous les États en droit international, ne se traduit pas nécessairement par une égalité réelle sur la scène internationale. Certains États, en raison de leur puissance économique, militaire ou stratégique, peuvent exercer une influence disproportionnée. Parallèlement, la montée d'acteurs non étatiques a complexifié le paysage international. Les organisations non gouvernementales (ONG), les sociétés multinationales, et même les individus (comme les activistes, les dissidents politiques ou les célébrités) peuvent désormais jouer des rôles significatifs en matière de politique internationale. Ces acteurs peuvent influencer la politique globale en mobilisant l'opinion publique, en menant des actions directes, en fournissant des services essentiels, ou en exerçant un pouvoir économique. Cependant, malgré l'influence croissante de ces acteurs non étatiques, les États restent les acteurs principaux et les plus puissants sur la scène internationale.
Dans le système international contemporain, l'État est l'unité politique fondamentale. Le concept de l'État-nation souverain, bien que critiqué et souvent compliqué par les questions de transnationalisme, de globalisation et de relations internationales interdépendantes, reste le principal organisateur de la politique mondiale. Chaque État, en tant qu'entité souveraine, est censé exercer une autorité absolue sur son territoire et sa population. Le système international repose sur l'interaction de ces États souverains et sur le respect des principes de non-ingérence dans les affaires internes d'autres États. Cependant, il convient de noter que la réalité est souvent plus complexe. De nombreux acteurs non étatiques - des sociétés multinationales aux groupes terroristes, en passant par les organisations non gouvernementales et les institutions internationales - jouent également un rôle majeur sur la scène internationale. Parfois, ces acteurs peuvent même contester l'autorité et la souveraineté des États. Mais en dépit de ces défis, l'idée de l'État-nation reste centrale dans la compréhension et la structuration de notre monde politique.
On ne parle pas d’« études mondiales » ou d’ « études globales ». Le terme qui s’est imposé est celui de « relations internationales ». Le champ d'études des "relations internationales" se focalise sur l'interaction entre les États et, plus largement, entre les acteurs sur la scène mondiale. Il ne s'agit pas simplement d'étudier le monde dans son ensemble, mais de comprendre comment les États interagissent les uns avec les autres, comment ils négocient et contestent le pouvoir, et comment ils collaborent et entrent en conflit. L'accent est mis sur les "relations" car c'est à travers ces relations que les États se définissent les uns par rapport aux autres, façonnent leur politique étrangère, et influencent le système international. C'est pourquoi, malgré l'interdépendance croissante et la globalisation, la notion d'État-nation et la frontière de l'État demeurent des concepts clés dans la théorie et la pratique des relations internationales. En effet, la structuration de l'espace entre États est une dimension fondamentale dans l'analyse des relations internationales. C'est cette structuration qui détermine, entre autres, les alliances, les conflits, les échanges commerciaux et les flux de population. C'est aussi elle qui a une influence significative sur la gouvernance mondiale et le développement des normes internationales.
Le Traité de Westphalie, signé en 1648, a jeté les bases de l'ordre international moderne basé sur le principe de la souveraineté nationale. Selon ce principe, chaque État a le droit de gouverner sans ingérence extérieure son propre territoire et sa population. L'égalité souveraine signifie que, du point de vue du droit international, tous les États sont égaux, indépendamment de leur taille, de leur richesse ou de leur puissance. Cela signifie que chaque État a le droit de participer pleinement à la communauté internationale et d'être respecté par les autres États.
Cela dit, si le Traité de Westphalie a permis d'établir la souveraineté et l'égalité souveraine en tant que principes fondamentaux du système international, il ne faut pas en déduire que la guerre est une conséquence inévitable de ces principes. En effet, même si les différends entre États peuvent mener à des conflits armés, la guerre n'est ni le seul, ni le mode de résolution des différends le plus souhaité. Les principes du droit international, tels que le règlement pacifique des différends, sont aussi centraux à l'ordre international issu de Westphalie. De plus, au fil des siècles, les normes et les institutions internationales ont évolué pour encadrer et réguler la conduite de la guerre, et pour promouvoir le dialogue, la négociation et la coopération entre États. Le système de Westphalie n'est donc pas simplement une licence pour la guerre, mais le cadre dans lequel les États coexistent, collaborent et, parfois, s'affrontent.
De la Guerre Totale à la Guerre Institutionnalisée (Holsti)[modifier | modifier le wikicode]
Le XVIIe siècle a été une époque de transformations significatives dans l'organisation politique et sociale de nombreux pays, conduisant à l'émergence de l'État moderne. C'est durant cette période que les États ont commencé à consolider leur pouvoir, à centraliser l'autorité, à imposer des impôts de façon systématique et à développer des bureaucraties plus efficaces et structurées. Cette centralisation et cette bureaucratisation ont permis aux États d'amasser des ressources et de les mobiliser plus efficacement, en vue notamment de conduire des guerres. À mesure que les États devenaient plus puissants et plus efficaces, ils étaient capables de mener des guerres à plus grande échelle et avec plus d'intensité. Cela a ouvert la voie à ce qu'on appelle la "guerre totale", où tous les aspects de la société sont mobilisés pour l'effort de guerre et où la distinction entre combattants et non-combattants devient floue. Parallèlement à ces changements, le système international évoluait également, avec l'établissement du système westphalien basé sur la souveraineté des États. Ces deux processus - l'évolution de l'État et la transformation du système international - se sont renforcés mutuellement. La consolidation de l'État a contribué à l'essor du système westphalien, tandis que ce dernier a fourni un cadre permettant aux États de se développer et de se renforcer.
Alors que l'État moderne a grandement contribué à la diminution de la violence interpersonnelle en instaurant un ordre social interne et un monopole sur l'usage légitime de la force, l'augmentation de sa capacité à mobiliser et à concentrer des ressources a aussi conduit à la possibilité de conflits à plus grande échelle, souvent avec des conséquences dévastatrices. Dans un contexte de relations internationales, le système westphalien a créé un environnement où les États, en cherchant à protéger leurs intérêts et à garantir leur sécurité, peuvent recourir à la guerre comme moyen de résoudre leurs différends. Cette évolution a conduit à des guerres de plus en plus destructrices, culminant avec les deux guerres mondiales du XXe siècle.
L'évolution des normes et des règles concernant la guerre a abouti à une distinction plus claire entre les combattants et les non-combattants, avec un effort pour protéger ces derniers des effets directs de la guerre. C'est une idée qui a été codifiée dans le droit international humanitaire, en particulier dans les Conventions de Genève. Au Moyen Âge, la distinction entre civils et combattants n'était pas toujours claire, et les civils étaient souvent directement affectés par la guerre. Cependant, avec le développement de l'État moderne et la codification de la guerre, une norme a émergé selon laquelle les civils devraient être épargnés autant que possible lors des conflits. Cela dit, bien que la distinction soit maintenant largement reconnue et respectée en théorie, elle est malheureusement souvent ignorée dans la pratique. De nombreux conflits contemporains ont vu de graves violations de cette norme, avec des attaques délibérées contre des civils et une souffrance massive pour les populations non combattantes.
A partir du XVIIème siècle, avec la montée de l'État-nation et la professionnalisation des armées, il y a eu une réduction de l'impact direct des guerres sur les civils. Les combattants - généralement des soldats professionnels - sont devenus les principaux participants et victimes des guerres. Cependant, cette tendance s'est inversée au cours du XXème siècle, en particulier avec les deux Guerres mondiales et d'autres conflits majeurs, où les civils ont souvent été ciblés ou sont devenus des victimes collatérales. Cela s'est encore intensifié après la fin de la Guerre froide, avec la montée des conflits intra-étatiques et des groupes armés non étatiques. Dans ces conflits, les civils sont souvent directement ciblés et constituent la majorité des victimes.
L'apparition de la guerre moderne est intrinsèquement liée à l'émergence de l'État-nation. Au Moyen Âge, les conflits étaient caractérisés par une fluidité de structures et de factions, englobant les cités-États, les ordres religieux comme la papauté, les seigneurs de guerre, et d'autres groupes qui changeaient fréquemment d'alliances selon leurs intérêts du moment. C'était une époque où la violence était omniprésente, mais les frontières des conflits étaient souvent floues et changeantes. Avec l'essor de l'État-nation, la nature de la guerre a changé de manière significative. Les États ont commencé à lever des armées de soldats, identifiables par leurs uniformes, qui servaient en tant que représentants de l'État sur le champ de bataille. Que ces soldats soient des professionnels rémunérés ou des conscrits mobilisés pour le service militaire, ils symbolisaient la capacité et l'autorité de l'État à projeter la force et à défendre ses intérêts. La guerre est ainsi devenue une extension des relations interétatiques et des politiques de l'État, avec des règles et des conventions plus clairement définies.
De la Guerre Totale à la Guerre Institutionnalisée (Holsti)[modifier | modifier le wikicode]
La Paix de Westphalie a créé un nouveau système politique, connu sous le nom de système westphalien, qui a formalisé l'idée d'États-nations souverains. Dans ce système, la guerre est devenue un outil institutionnalisé pour la résolution de conflits entre États. Au lieu d'être une série d'escarmouches chaotiques et continues, la guerre est devenue un état déclaré et reconnu de conflit ouvert entre des États souverains. Cela a également conduit à l'émergence de règles et de conventions de la guerre, visant à limiter les effets destructeurs du conflit et à protéger les droits des combattants et des civils. Ces règles ont été formalisées dans des traités et des conventions internationaux, tels que les Conventions de Genève.
K. J. Holsti, dans son livre "The State, War, and the State of War" (1996), fait une distinction entre deux types de guerre. Les "guerres de type 1" qu'il définit sont les guerres traditionnelles entre États, qui ont été la norme depuis le Traité de Westphalie jusqu'à la fin de la Guerre Froide. Ces conflits sont généralement clairement définis, avec des déclarations formelles de guerre, des fronts militaires clairs et la fin des hostilités souvent marquée par des traités de paix. En revanche, les "guerres de type 2", selon Holsti, sont les guerres modernes, qui ont tendance à être beaucoup plus chaotiques et moins clairement définies. Elles peuvent impliquer des acteurs non étatiques tels que des groupes terroristes, des milices ou des gangs. Ces conflits peuvent éclater à l'intérieur des frontières d'un État, plutôt qu'entre différents États, et ils peuvent durer des décennies, avec une violence constante plutôt qu'un début et une fin clairement définis.
La période entre 1648 et 1789 est souvent appelée l'ère de la "guerre limitée" ou de la "guerre de cabinet". Ces guerres avaient généralement des objectifs clairs et limités. Elles étaient souvent combattues pour des raisons spécifiques, telles que le contrôle de territoires particuliers ou la résolution de différends spécifiques entre les États. Ces guerres étaient généralement menées par des armées professionnelles sous le contrôle direct du gouvernement de l'État, d'où le terme "guerre de cabinet". L'idée était d'utiliser la guerre comme un outil pour atteindre des objectifs politiques spécifiques, plutôt que de chercher la destruction totale de l'ennemi. Cela correspond à la conception clausewitzienne de la guerre comme la "continuation de la politique par d'autres moyens". Ces guerres étaient généralement bien structurées, avec des déclarations formelles de guerre, des règles de conduite acceptées et, en fin de compte, des traités de paix pour résoudre formellement le conflit. Cela reflète le niveau de formalisation et d'institutionnalisation du concept de guerre pendant cette période. Cependant, cela a commencé à changer avec les guerres révolutionnaires et napoléoniennes à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, qui ont été caractérisées par une mobilisation de masse et un niveau de destruction beaucoup plus grand. Ces guerres ont ouvert la voie à l'ère des "guerres totales" du XXe siècle.
Cette période de l'histoire, généralement comprise entre le Traité de Westphalie en 1648 et la Révolution française en 1789, voit une codification importante des structures militaires et des règles de la guerre. L'apparition d'uniformes distinctifs est un signe de cette codification. Les uniformes aidaient à identifier clairement les belligérants sur le champ de bataille, contribuant à une certaine mesure de discipline et d'ordre. Cette période voit également l'ascension de ce que l'on pourrait appeler une "culture militaire" professionnelle. Les armées de cette époque étaient souvent commandées par des membres de la noblesse, qui étaient formés à l'art de la guerre et qui considéraient le service militaire comme une extension de leurs obligations sociales et politiques. C'est souvent durant cette période que l'on voit l'émergence de la "noblesse d'épée", une classe de noblesse qui tirait son statut et sa réputation de son service dans l'armée. Dans le même temps, les règles de la guerre ont été codifiées, ce qui a entraîné une plus grande attention portée aux droits des prisonniers de guerre, à l'immunité diplomatique, et à d'autres aspects du droit de la guerre. Ces codes de conduite ont été renforcés par des traités et des conventions internationales, jetant les bases du droit international moderne.
Durant cette période de l'histoire, les guerres étaient généralement caractérisées par des objectifs limités et des engagements relativement courts. Les belligérants cherchaient souvent à réaliser des objectifs stratégiques spécifiques, tels que la capture d'un territoire ou d'une forteresse particulière, plutôt que la destruction totale de l'ennemi. Ces conflits étaient souvent caractérisés par une "guerre de manœuvre", où les armées cherchaient à gagner un avantage stratégique par le mouvement et la position plutôt que par le combat frontal. Les batailles étaient souvent l'exception plutôt que la règle, et de nombreux conflits se terminaient par une négociation plutôt que par une victoire militaire totale. Cette manière de faire la guerre était en partie une conséquence des contraintes logistiques de l'époque. Les armées étaient souvent limitées par leur capacité à approvisionner leurs troupes en nourriture, en eau et en munitions, ce qui limitait la durée et l'échelle des engagements militaires.
Pendant cette période de guerre limitée, l'objectif n'était pas l'anéantissement total de l'adversaire, mais plutôt l'accomplissement de buts stratégiques spécifiques. Les batailles étaient souvent soigneusement orchestrées et les armées cherchaient à minimiser les pertes inutiles de vies humaines. L'accent était mis sur la stratégie et la tactique, et non sur la destruction aveugle. Les civiles étaient généralement épargnés, en partie parce que la guerre était vue comme une affaire entre États, et non entre peuples. Cependant, cela ne veut pas dire que les civiles n'étaient jamais affectés. Les perturbations causées par les guerres pouvaient entraîner des famines, des épidémies et d'autres formes de souffrance pour les populations civiles.
La Guerre de Succession d'Espagne (1701-1714) est un bon exemple d'une guerre de cette période. Elle a été déclenchée par la mort du roi Charles II d'Espagne sans héritier direct. Ce conflit a opposé les grandes puissances européennes qui cherchaient à contrôler la succession au trône espagnol, et par extension, à augmenter leur influence et leur pouvoir en Europe. La guerre a été limitée dans le temps, et bien qu'elle ait été brutale et coûteuse en termes de vies humaines, elle était régie par des règles et des conventions acceptées qui limitaient son intensité et sa portée. Par exemple, les batailles étaient généralement menées par des armées régulières, et les civils étaient en grande partie épargnés. Cependant, cette guerre a été significative en termes de changements géopolitiques. Elle a vu la montée en puissance de la Grande-Bretagne et a marqué un tournant dans l'équilibre des puissances en Europe. Elle a également conduit au Traité d'Utrecht en 1713, qui a redéfini les frontières et a eu des conséquences durables sur la politique européenne.
La période allant de la fin du XVIIème siècle jusqu'au XVIIIème siècle est marquée par une codification progressive des armées. Cette codification couvre de nombreux aspects de la conduite militaire. La structure des armées a commencé à se formaliser avec l'introduction de hiérarchies clairement définies et de rôles militaires spécifiques. Cela a permis une meilleure organisation et coordination des forces armées. La codification des uniformes, était un autre aspect majeur. Les uniformes militaires non seulement distinguaient les soldats des civils, mais permettaient aussi de différencier les alliés des ennemis et d'identifier le rang et le rôle de chaque soldat. La conduite sur le champ de bataille a également été réglementée. Des règles spécifiques ont été établies pour régir les actions en temps de guerre, y compris le traitement des prisonniers de guerre et la conduite envers les civils. Cette codification des armées a été une partie essentielle de la formation des États-nations modernes. Elle a permis une plus grande efficacité et une meilleure organisation dans la conduite des guerres, tout en limitant certaines formes de violence et en protégeant les non-combattants dans une certaine mesure.
L'uniforme militaire joue un rôle crucial dans l'identification et l'organisation des forces armées pendant cette période. Il sert de multiples fonctions importantes. Premièrement, l'identification. Les uniformes aident à distinguer les alliés des adversaires sur le champ de bataille. Ils permettent également d'identifier le rang et la fonction de l'individu au sein de l'armée. C'est une façon de créer de la clarté lors des conflits, où les situations peuvent être chaotiques et changeantes. Deuxièmement, l'uniforme crée un sentiment d'unité parmi les soldats. En portant le même ensemble de vêtements, les soldats se sentent liés les uns aux autres, partageant une identité commune. L'uniforme symbolise leur loyauté envers l'État et leur engagement envers la cause pour laquelle ils se battent. Ensuite, l'uniforme favorise la discipline et l'ordre. En imposant une tenue uniforme, l'armée renforce son organisation hiérarchique et structurée. C'est un rappel constant de la rigueur et de la structure que requiert la vie militaire. Enfin, l'uniforme est également un outil de représentation de la puissance et du prestige de l'État. Il est souvent conçu pour impressionner ou intimider l'adversaire. C'est une déclaration visuelle de la force et du potentiel de l'État. L'uniformisation des tenues militaires a commencé à se produire à partir du XVIIe siècle, en parallèle avec le développement de l'État moderne et des armées permanentes. Ce processus a été influencé par les progrès technologiques qui ont rendu possible la production en masse de vêtements, ainsi que par la nécessité d'une discipline et d'une organisation accrues au sein des forces armées.
La Guerre du Second Type ou Guerre Totale : 1789 – 1815 et 1914 – 1945[modifier | modifier le wikicode]
En poursuivant la typologie de K.J. Holsti, les guerres de deuxième type émergent avec les guerres de la Révolution et de l'Empire au début du XIXème siècle. Ces conflits diffèrent considérablement des guerres de premier type du XVIIème et XVIIIème siècles.
Les guerres de deuxième type, aussi appelées guerres de masse ou guerres napoléoniennes, se caractérisent par une mobilisation de ressources humaines et matérielles sans précédent. Elles sont définies par une volonté d'annihilation de l'ennemi, contrairement aux guerres de premier type, qui cherchaient principalement à atteindre des objectifs politiques limités. Ces guerres sont souvent plus longues, plus coûteuses et plus destructrices. Les conflits ne se limitent plus à des batailles ponctuelles et délimitées, mais s'étendent à des campagnes militaires à grande échelle. De plus, la distinction entre les combattants et les civils devient moins nette, avec des populations entières impliquées dans l'effort de guerre, que ce soit par la conscription ou par le soutien à l'effort de guerre. Les guerres napoléoniennes sont un exemple classique de ce type de guerre, avec des millions de personnes mobilisées à travers l'Europe, une série de conflits qui a duré plus d'une décennie, et des changements politiques et territoriaux majeurs en résultant.
La Révolution française de 1789 marque un tournant majeur dans la manière dont les guerres sont menées. Avec l'émergence des idées révolutionnaires de liberté, d'égalité et de fraternité, la guerre devient plus qu'un simple instrument de la politique de l'État. Elle devient une expression des aspirations et des ambitions collectives de la nation. La notion de "Nation en armes" apparaît pour la première fois durant cette période. Ce concept s'inscrit dans l'idée d'une mobilisation totale de la population en vue de la guerre. Il ne s'agit plus simplement de professionnels de la guerre ou de mercenaires qui combattent, mais de l'ensemble de la population, y compris des citoyens ordinaires. Ces citoyens sont appelés à prendre les armes non seulement pour défendre leur territoire, mais aussi pour défendre l'idée même de la nation et les principes sur lesquels elle repose. Ceci est possible grâce à la levée en masse, une mesure révolutionnaire qui permet la conscription de grands nombres de citoyens dans l'armée. Cette mesure a permis à la France de mobiliser des ressources humaines considérables pour faire face à la menace des puissances européennes coalisées contre elle. La conséquence de cette nouvelle approche de la guerre est une escalade sans précédent de la violence et de la destruction, ainsi que l'implication croissante des civils dans le conflit. Cette tendance va se poursuivre et s'intensifier au cours des deux siècles suivants, notamment avec les deux guerres mondiales du XXème siècle.
La Révolution française a bouleversé l'ordre établi en Europe. Les monarchies traditionnelles, menacées par les idées révolutionnaires de la souveraineté du peuple et de la démocratie, ont formé des coalitions pour tenter de restaurer l'Ancien Régime en France. En réponse à ces menaces extérieures, les dirigeants révolutionnaires français ont décidé de lever une grande armée de citoyens. C'était une rupture majeure avec le passé, où les armées étaient composées principalement de mercenaires ou de troupes professionnelles. Le décret de la Levée en masse, adopté en 1793, a mobilisé tous les citoyens français en âge de porter les armes. L'objectif était de repousser les armées des monarchies européennes qui envahissaient la France. Cette mobilisation massive a permis de former une armée de plusieurs centaines de milliers de soldats, qui a finalement réussi à repousser les invasions et à préserver la Révolution. Cette levée en masse est considérée comme la première mobilisation nationale de l'histoire moderne. Elle a transformé la nature de la guerre, qui est passée d'un conflit limité entre professionnels de la guerre à une lutte impliquant l'ensemble de la nation. Cela a également changé le rapport des citoyens à l'État, leur rôle n'étant plus seulement d'obéir, mais aussi de défendre activement la nation et ses idéaux.
Le passage à une armée de conscription nécessitait un État moderne et organisé, capable de recenser sa population, de former et d'équiper rapidement des milliers de soldats, et de soutenir l'effort de guerre sur le long terme. La levée en masse a transformé la nature de la guerre en permettant de mobiliser des armées de très grande taille. Par exemple, sous Napoléon, l'armée française a atteint plus de 600 000 hommes, un chiffre inédit pour l'époque. Cela a également permis d'augmenter la capacité de l'armée à mener des opérations sur plusieurs fronts à la fois. Cependant, cela a également augmenté la complexité de la logistique militaire, en nécessitant un approvisionnement en nourriture, en armes et en munitions pour un nombre beaucoup plus important de soldats. Cela a donc exigé un État plus efficace et organisé, capable de planifier et de soutenir ces opérations à grande échelle. Cela a également conduit à un changement dans la nature de la guerre elle-même. Avec de si grandes armées, les batailles sont devenues plus destructrices et ont entraîné un nombre plus élevé de victimes. La guerre est devenue une affaire de nations entières, impliquant non seulement les soldats, mais aussi les civils qui soutenaient l'effort de guerre à l'arrière.
L'instauration d'une armée de conscription requiert un État moderne, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, un État moderne dispose d'une administration efficace. Cette administration est nécessaire pour recenser la population et gérer la conscription. Identifier, enregistrer, mobiliser et former les recrues est une tâche administrative énorme qui nécessite une bureaucratie efficace. Deuxièmement, l'État doit avoir la capacité logistique pour soutenir une grande armée. Cela signifie qu'il doit pouvoir fournir de la nourriture, des vêtements, des armes et des munitions à un grand nombre de soldats. Il doit également avoir la capacité de soigner les blessés. Toutes ces tâches demandent une infrastructure logistique solide. Troisièmement, un État moderne a généralement une économie suffisamment forte pour soutenir une armée de conscription. Les guerres sont coûteuses et il faut un État capable de financer ces dépenses. Enfin, la levée en masse nécessite une certaine cohésion et solidarité sociale. L'État doit avoir la légitimité nécessaire pour demander à ses citoyens de se battre et de mourir pour lui. C'est généralement plus facile dans un État-nation, où les citoyens partagent un sentiment d'appartenance commune. Finalement, le passage à une armée de conscription est une manifestation de la modernité d'un État, illustrant sa capacité à exercer le pouvoir sur ses citoyens et à mobiliser ses ressources pour atteindre ses objectifs.
Les guerres de deuxième type, selon la typologie de Holsti, sont caractérisées par des armées de conscription à grande échelle, et non plus par des armées de métier reposant sur le mercenariat. Ces guerres ont émergé après la Révolution française et ont atteint leur apogée avec les guerres napoléoniennes. L'idée sous-jacente est que la Nation tout entière, et non plus une caste guerrière ou une élite professionnelle, est mobilisée pour la guerre. Les soldats ne se battent plus pour un salaire, mais pour la défense de la Nation et de ses valeurs. C'est une transformation majeure de la nature de la guerre, qui implique un degré d'engagement et de sacrifice beaucoup plus grand de la part des citoyens. Cette nouvelle forme de guerre a permis de lever des armées beaucoup plus grandes et plus puissantes que par le passé, ce qui a contribué à la domination napoléonienne en Europe. En outre, ces armées nationalistes ont changé la manière dont la guerre était perçue et vécue par la population. La guerre n'était plus une affaire de professionnels, mais une cause pour laquelle chaque citoyen était prêt à donner sa vie. Cela a également eu un impact significatif sur la nature des conflits et sur l'ampleur des destructions et des pertes humaines qu'ils pouvaient entraîner.
La nature idéologique des guerres révolutionnaires conduit à une intensification des conflits. Contrairement aux guerres dites "traditionnelles", où les objectifs sont souvent territoriaux ou matériels, les guerres révolutionnaires ont tendance à avoir des objectifs plus abstraits et fondamentaux. Il ne s'agit plus simplement de gagner du territoire ou de s'approprier des ressources, mais de défendre une idée, un idéal, voire une identité. Dans ce contexte, l'ennemi n'est pas seulement un adversaire militaire, mais aussi une menace pour l'existence même de la nation et de ses valeurs. Par conséquent, l'objectif n'est pas seulement de vaincre l'ennemi sur le champ de bataille, mais de l'annihiler complètement, car sa simple existence est perçue comme une menace. Cela peut conduire à une escalade de la violence et à des guerres particulièrement meurtrières et destructrices. Le fait que l'ensemble de la population soit mobilisé pour la guerre contribue également à intensifier les conflits, car chacun se sent personnellement impliqué et prêt à faire des sacrifices pour la cause. En revanche, ces guerres peuvent également être perçues comme plus légitimes ou justifiées par ceux qui les mènent, car ils se battent pour une cause en laquelle ils croient profondément, et non simplement pour le pouvoir ou le profit. Cela peut contribuer à renforcer l'unité nationale et la détermination à lutter.
Lors des guerres de deuxième type, telles que les guerres révolutionnaires, la nature des objectifs change de manière significative par rapport aux conflits plus traditionnels. Les objectifs ne sont plus uniquement matériels, comme la prise d'un territoire ou le contrôle de ressources, mais deviennent idéologiques et abstraits. Ces objectifs, tels que la "libération", la "démocratie" ou la "lutte des classes", sont non seulement illimités, mais aussi flous et subjectifs. Ils ne peuvent pas être mesurés ou atteints de manière concrète, ce qui peut rendre la fin du conflit difficile à définir ou à réaliser. En outre, ces objectifs plus abstraits peuvent également mener à des conflits plus intenses et prolongés. Parce que ces objectifs sont souvent perçus comme essentiels à l'identité ou à la survie d'une nation, les combattants sont souvent prêts à aller plus loin et à prendre plus de risques pour les atteindre. Enfin, ces objectifs idéologiques peuvent aussi rendre plus difficile la conclusion d'un accord de paix. Comme ces objectifs sont souvent absolus et non négociables, ils exigent souvent une capitulation sans conditions de l'adversaire, ce qui peut rendre les négociations plus compliquées et prolonger la durée des conflits.
La Seconde Guerre mondiale illustre parfaitement la notion de "guerre de deuxième type". L'objectif principal n'était pas seulement de vaincre militairement l'Allemagne nazie, mais aussi d'éliminer l'idéologie nazie elle-même. Cette guerre n'était pas simplement une question de territoire ou de ressources, mais une lutte idéologique. Le but n'était pas une capitulation traditionnelle, où les forces ennemies déposent les armes et retournent chez elles. Au contraire, le but était d'éradication totale du nazisme en tant que système politique et idéologique. Cela a abouti à des demandes de "capitulation sans condition" de la part des Alliés, signifiant que les nazis n'avaient pas la possibilité de négocier les termes de leur reddition. C'était une exigence inhabituelle dans le contexte historique des conflits, illustrant le caractère exceptionnel et total de cette guerre. De plus, après la fin de la guerre, l'Allemagne a été occupée et divisée, et un processus de "dénazification" a été entrepris pour éliminer l'influence nazie de la société allemande. Cela a démontré l'ampleur de l'engagement des Alliés à éliminer non seulement la menace militaire nazie, mais aussi l'idéologie nazie elle-même.
La transition vers ce type de guerre totale est intimement liée à l'évolution de l'État. Avec l'apparition de l'État-nation moderne et du nationalisme au cours des XVIIIe et XIXe siècles, la guerre est devenue de plus en plus une affaire de tout le peuple, pas seulement de l'armée. Dans les guerres totales du XXe siècle, comme les deux guerres mondiales, tous les aspects de la société et de l'économie ont été mobilisés pour l'effort de guerre. Les civils sont devenus des cibles de guerre, soit directement par les bombardements, soit indirectement par le blocus et la famine. En outre, la raison d'être de ces guerres a souvent été exprimée en termes idéologiques ou existentiels, comme la défense de la démocratie contre le fascisme, ou la lutte pour la survie de la nation. Dans ce contexte, une simple victoire sur le champ de bataille n'était pas suffisante - l'ennemi devait être complètement vaincu et son système politique et idéologique démantelé.
Le régime nazi a été en mesure d'accéder au pouvoir et de commettre ses atrocités à une échelle aussi massive en grande partie grâce à l'infrastructure et à l'appareil étatiques de l'Allemagne de l'époque. Les structures étatiques modernes, comprenant des institutions bureaucratiques, militaires et économiques fortement centralisées, peuvent potentiellement être détournées pour des fins malveillantes, comme ce fut le cas avec le nazisme en Allemagne. En l'absence d'un État aussi puissant et bien organisé, il aurait été beaucoup plus difficile, voire impossible, pour les idéologies totalitaires telles que le nazisme de mettre en œuvre leurs projets destructeurs à une échelle aussi massive. De même, sans la puissance industrielle et militaire d'un État moderne, le régime nazi n'aurait pas été en mesure de déclencher une guerre à l'échelle mondiale.
La Deuxième Guerre mondiale marque une rupture significative dans la manière dont la guerre est menée, notamment en termes de cibles. Avec la généralisation des bombardements aériens et l'industrialisation de la guerre, les civils deviennent des cibles directes. Cette guerre a vu le déplacement de la majorité des victimes de militaires à civils. Dans ce contexte, les armes de destruction massive, comme les bombes atomiques, peuvent provoquer des destructions massives et la mort de milliers, voire de centaines de milliers, de civils en un instant. De plus, l'effort de guerre implique toute la population, et l'industrie de l'armement est souvent un objectif prioritaire, ce qui conduit à une augmentation du nombre de victimes civiles. Les guerres de deuxième type ont également vu la mise en place de politiques génocidaires et de crimes contre l'humanité à grande échelle, nécessitant des moyens industriels et une organisation étatique. Les camps de concentration et d'extermination nazis sont un exemple tragique de la manière dont la capacité industrielle et la bureaucratie étatique peuvent être utilisées à des fins inhumaines. Tout cela illustre une fois de plus à quel point l'État moderne et sa capacité d'organisation et de mobilisation des ressources peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsqu'ils sont utilisés à mauvais escient.
L'histoire du 20e siècle démontre clairement que la guerre et l'industrialisation sont intrinsèquement liées. Durant les deux Guerres mondiales, les nations ont dû rapidement transformer leurs économies pour soutenir l'effort de guerre, entraînant une accélération significative de l'industrialisation. En effet, les usines qui étaient autrefois dédiées à la production de biens de consommation ont été reconverties pour produire des armes, des véhicules militaires, des munitions et d'autres matériels de guerre. Ces industries ont dû être modernisées et rationalisées pour atteindre un niveau de production sans précédent, ce qui a favorisé le développement de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de production. Par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, la production d'acier et d'autres matériaux essentiels a augmenté de façon exponentielle pour répondre aux besoins de la guerre. Cette capacité de production accrue a ensuite été réutilisée après la guerre pour stimuler la croissance économique.
A partir de la fin du 18e siècle, avec l'émergence des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, on assiste à une transformation majeure dans la nature des conflits. Ces guerres du deuxième type deviennent des guerres totales, impliquant non seulement les armées, mais également l'ensemble de la société. Dans ces guerres totales, la mobilisation de la population devient essentielle. Les États mettent en place des systèmes de conscription pour recruter un grand nombre de soldats, transformant ainsi la guerre en un véritable effort national. Les ressources économiques, industrielles et technologiques de chaque pays sont mobilisées pour soutenir l'effort de guerre. Cela signifie que toute la société est touchée par la guerre. Les civils sont directement impliqués, que ce soit en tant que combattants sur le front, en tant que travailleurs dans les usines d'armement, ou en tant que soutien logistique dans les infrastructures de communication, de transport et de santé. Les populations civiles subissent également les conséquences de la guerre, notamment les destructions matérielles, les déplacements forcés, les privations et les pertes humaines. Ces guerres totales bouleversent donc profondément la vie des sociétés impliquées. Elles renforcent le lien entre l'État et la population, transformant la guerre en un engagement collectif et national. La distinction entre front et arrière s'estompe, et la guerre devient une réalité omniprésente dans la vie quotidienne des civils.
Entre 1815 et 1914, il y a eu une période de relative stabilité et de paix en Europe, souvent appelée la "paix de cent ans" ou le "long 19e siècle". Pendant cette période, les grandes puissances européennes ont évité les conflits majeurs entre elles, ce qui a permis une certaine stabilité politique, économique et sociale sur le continent. Cependant, cette période de paix relative n'était pas exempte de tensions et de conflits plus limités. Il y a eu des guerres et des crises régionales, des conflits coloniaux et des luttes pour l'indépendance nationale qui ont éclaté pendant cette période. De plus, les rivalités et les tensions entre les puissances européennes se sont accumulées au fil du temps, notamment en raison de l'impérialisme, des rivalités coloniales et des tensions nationalistes. La stabilité apparente de cette période a été brisée par le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914. Ce conflit majeur a été un tournant dans l'histoire et a marqué la fin de la paix relative en Europe. Il a été suivi par une série de bouleversements politiques, sociaux et économiques majeurs qui ont marqué le 20e siècle.
Après les guerres napoléoniennes, le Congrès de Vienne s'est tenu en 1814-1815. Il a réuni les principales puissances européennes de l'époque dans le but de réorganiser l'Europe après les bouleversements causés par les guerres napoléoniennes et de prévenir de nouveaux conflits. Le Congrès de Vienne a établi le principe du "Concert des Nations", également connu sous le nom de "système de Vienne". C'était un système de diplomatie multilatérale où les grandes puissances européennes se réunissaient régulièrement pour discuter des questions internationales et maintenir la paix en Europe. L'idée était de créer un équilibre des pouvoirs et d'éviter les guerres destructrices qui avaient caractérisé la période napoléonienne. Le Concert des Nations a été une tentative de mettre en place un système de relations internationales basé sur la coopération, la concertation et la diplomatie. Cependant, malgré ses efforts, le système a montré ses limites au fil du temps, notamment lorsqu'il s'est agi de faire face aux changements politiques et aux aspirations nationalistes qui ont émergé au cours du 19e siècle. La période qui a suivi le Congrès de Vienne a été marquée par des tensions et des conflits, y compris la montée du nationalisme, les révolutions de 1848 et les rivalités coloniales. Ces développements ont finalement conduit à la fin de la "paix de cent ans" et au déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914.
Le Concert des Nations, également connu sous le nom de Système de Metternich, a été institué après la chute de Napoléon en 1815 lors du Congrès de Vienne. Les gagnants de la guerre contre Napoléon – à savoir la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie, qui étaient les principales puissances de l'époque – ont défini de nouvelles règles pour la gestion des relations internationales. Ces règles ont mis en place un système de concertation pour la gestion des différends entre les États, fondé sur l'équilibre des puissances, le respect des traités et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. L'idée était d'éviter la récurrence des guerres dévastatrices qui avaient marqué l'ère napoléonienne. Par conséquent, bien qu'il n'ait pas été un système de sécurité collective à part entière, le Concert des Nations a favorisé la coopération entre les puissances et a contribué à maintenir la stabilité en Europe pendant une grande partie du 19ème siècle. En effet, ce système a fonctionné relativement bien pendant un certain temps, avec une diminution notable du nombre de grandes guerres en Europe. Cependant, il a également été critiqué pour avoir soutenu et renforcé le statu quo, entravant ainsi le progrès social et politique. De plus, il a finalement échoué à empêcher l'éclatement des guerres mondiales au 20ème siècle. Le Concert des Nations a marqué une étape importante dans l'histoire des relations internationales, car il a posé les bases de la diplomatie multilatérale moderne et a servi de précurseur à des organisations internationales comme la Société des Nations et l'Organisation des Nations Unies.
L'ère Post-1945[modifier | modifier le wikicode]
Bien qu'il y ait eu des tensions considérables pendant la Guerre froide, notamment entre l'Union soviétique et les États-Unis, l'Europe a vécu une période de paix sans précédent depuis 1945. Cette période, souvent appelée la "Pax Europaea" ou la paix européenne, a marqué la période la plus longue de paix sur le continent dans l'histoire moderne. Après les guerres napoléoniennes, l'Europe a vécu une période relativement paisible connue sous le nom de "Paix de cent ans" entre 1815 et 1914, malgré quelques conflits notables tels que la Guerre de Crimée et la Guerre franco-prussienne. Cette période a été marquée par la stabilité générale assurée par le Concert des Nations, qui promouvait l'équilibre des puissances et la résolution diplomatique des conflits. De même, malgré les tensions de la Guerre froide et la menace d'une destruction nucléaire après 1945, l'Europe a connu une période de paix extraordinairement longue. Cette "Pax Europaea" peut être attribuée à plusieurs facteurs, dont la dissuasion nucléaire, la création et l'expansion de l'Union européenne, la présence de forces de l'OTAN et le Pacte de Varsovie, ainsi que l'aide économique substantielle apportée par le Plan Marshall. Ces éléments ont contribué à une interdépendance accrue entre les nations européennes, ce qui a rendu les conflits directs non seulement indésirables, mais aussi de plus en plus impensables. Ainsi, malgré les défis et les tensions du monde de l'après-guerre, l'Europe a pu maintenir une paix durable et significative.
Jusqu'aux conflits récents en Ukraine, la paix en Europe a été largement maintenue. Le conflit en Ukraine, qui a commencé en 2014, représente une rupture significative de cette paix. Cependant, il est important de noter que ce conflit est plus localisé et n'a pas entraîné une guerre à grande échelle impliquant de nombreux pays européens, comme ce fut le cas pour les deux guerres mondiales. La crise ukrainienne a mis en évidence certaines des tensions qui existent toujours en Europe, en particulier entre la Russie et les nations occidentales. La situation en Ukraine est complexe et a soulevé de nombreux défis pour la stabilité et la sécurité en Europe. Cela a remis en question l'efficacité de certaines des structures et accords qui ont contribué à maintenir la paix en Europe pendant des décennies. Néanmoins, même avec le conflit en Ukraine, la période depuis 1945 reste une des plus pacifiques de l'histoire européenne, en particulier en comparaison avec les siècles précédents qui ont été marqués par de fréquentes et dévastatrices guerres.
Alors que l'Europe et d'autres régions du monde développé ont connu une période de paix relative depuis la Seconde Guerre mondiale, de nombreux autres endroits ont souffert de conflits violents pendant la Guerre froide et après. Cette période a été marquée par un certain nombre de guerres par procuration, où les grandes puissances ont soutenu des parties opposées dans des conflits locaux sans s'engager directement dans la guerre. Des exemples de ces guerres par procuration comprennent la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, la guerre civile angolaise, et les guerres en Afghanistan, parmi d'autres. Ces conflits ont souvent entraîné de lourdes pertes civiles et ont eu des impacts à long terme sur la stabilité et le développement des régions concernées. C'est un rappel important que, bien que la "Pax Europaea" et la paix entre les grandes puissances soient importantes, elles ne représentent pas toute l'histoire de la guerre et de la paix au XXe siècle et au-delà. Les conflits continuent d'affecter de nombreuses parties du monde, souvent avec des conséquences dévastatrices pour les populations locales.
Historiquement, les conflits majeurs étaient souvent le résultat de guerres directes entre grandes puissances. Cependant, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, ces puissances ont largement évité de s'engager dans des conflits directs les unes avec les autres. Cette transition peut être attribuée à plusieurs facteurs. Le développement et la prolifération des armes nucléaires ont créé une dissuasion mutuelle, où le coût d'un conflit direct serait la destruction totale. Par ailleurs, l'augmentation de l'interdépendance économique a rendu la guerre moins attractive pour les grandes puissances, car elle perturberait le commerce mondial et les marchés financiers. De plus, la création d'institutions internationales comme l'Organisation des Nations Unies a fourni des mécanismes pour la résolution pacifique des différends. Enfin, la diffusion de la démocratie a également pu contribuer à cette tendance, étant donné que les démocraties ont tendance à éviter de faire la guerre entre elles, un concept connu sous le nom de "paix démocratique".
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, il y a eu une tendance croissante vers l'idée de la guerre comme étant illégale ou, en tout cas, quelque chose qui doit être évité. C'est une évolution majeure de la façon dont la guerre a été perçue historiquement. La création de la Société des Nations après la Première Guerre mondiale a été un premier pas vers cette idée. Bien que la Société des Nations n'ait pas réussi à empêcher la Seconde Guerre mondiale, son successeur, l'Organisation des Nations Unies, a été fondé sur des principes similaires de résolution pacifique des différends et de prévention de la guerre. De plus, l'évolution du droit international humanitaire et des conventions de Genève a établi certaines règles sur la conduite de la guerre, avec l'idée d'en minimiser les effets néfastes. Plus récemment, l'idée de la "Responsabilité de protéger" (R2P) a été développée pour justifier une intervention internationale dans les situations où un État est incapable ou refuse de protéger sa propre population.
Le philosophe Emmanuel Kant a esquissé un projet pour une "paix perpétuelle" dans un traité qu'il a publié en 1795. Kant a formulé l'idée que les démocraties libérales sont moins susceptibles d'entrer en guerre les unes avec les autres, une théorie qui a été reprise par d'autres penseurs politiques et qui est devenue connue sous le nom de "paix démocratique". Selon cette théorie, les démocraties sont moins enclines à la guerre parce que leur gouvernement est responsable devant ses citoyens, qui ont à subir les coûts humains et économiques des conflits. Kant a également promu l'idée d'une fédération de nations libres, une sorte d'ancêtre des organisations internationales actuelles comme les Nations Unies. Cette "fédération de la paix" aurait pour but de résoudre les conflits par la négociation et le droit international plutôt que par la guerre.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les nations du monde ont cherché à établir des structures pour maintenir la paix et prévenir de futurs conflits. Cela a conduit à la création de l'Organisation des Nations Unies (ONU), qui a pour objectif de faciliter la coopération internationale et de prévenir les conflits. L'ONU est un exemple de ce que l'on appelle un système de sécurité collective. Dans un tel système, les États s'engagent à coopérer pour assurer la sécurité de tous. Si un État attaque un autre, les autres États sont censés se ranger du côté de l'État attaqué et prendre des mesures pour dissuader ou arrêter l'agresseur. Outre l'ONU, d'autres organisations et traités ont également été établis pour promouvoir la sécurité collective, comme l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l'Union européenne. Ces mécanismes ont contribué à la prévention des conflits majeurs entre grandes puissances depuis 1945. Cependant, ils ont aussi leurs limites et ne sont pas toujours efficaces pour prévenir les conflits, comme on peut le voir dans les nombreux conflits régionaux et guerres civiles qui ont eu lieu depuis 1945.
La Charte des Nations Unies, mise en place en 1945, a établi des règles essentielles pour réguler l'usage de la force entre les États. En général, elle interdit l'usage de la force dans les relations internationales, sauf sous deux circonstances spécifiques. Premièrement, l'article 51 de la Charte consacre le droit inhérent des États à la légitime défense, individuelle ou collective, en cas d'attaque armée. Cela signifie qu'un État est en droit de se défendre si lui-même, ou un autre État avec lequel il a conclu un accord de défense, est attaqué. Deuxièmement, le chapitre VII de la Charte permet au Conseil de sécurité des Nations Unies de prendre des mesures pour préserver ou restaurer la paix et la sécurité internationales. Cela peut inclure le recours à la force et a servi de base à l'autorisation de plusieurs interventions militaires, comme celle de la Guerre du Golfe en 1991. Bien que ces principes aient été conçus pour limiter le recours à la force et encourager la résolution pacifique des conflits, ils ont également été sujets à controverse, en particulier en ce qui concerne leur interprétation et application dans des situations concrètes.
Depuis 1945, il y a eu une tendance croissante vers la régulation et l'interdiction de la guerre. La Charte des Nations Unies a été un jalon important dans cette évolution, en interdisant le recours à la force dans les relations internationales, sauf en cas de légitime défense ou d'autorisation par le Conseil de sécurité. Outre la Charte des Nations Unies, d'autres traités et conventions ont également contribué à cette tendance. Par exemple, les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels ont établi des règles strictes pour la conduite de la guerre, dans le but de limiter les souffrances humaines. De même, les traités de contrôle des armements, comme le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ont cherché à limiter la prolifération des armes les plus destructrices. En même temps, il y a eu un mouvement croissant vers la résolution pacifique des conflits. Les mécanismes de résolution pacifique des différends, comme la médiation, l'arbitrage et le règlement judiciaire, sont de plus en plus utilisés pour résoudre les différends internationaux. Cependant, bien que ces efforts aient contribué à limiter et réguler la guerre, ils n'ont pas réussi à l'éliminer complètement. Les conflits continuent de se produire dans de nombreuses régions du monde, soulignant le défi persistant de la réalisation d'une paix durable et universelle.
Les transformations contemporaines de la guerre[modifier | modifier le wikicode]
La fin de la Guerre froide en 1989, marquée par la chute du mur de Berlin, a représenté un tournant majeur dans l'histoire de la guerre moderne. Durant cette période de tension bipolaire entre l'Est et l'Ouest, le monde avait été divisé entre les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique. Bien que ces deux superpuissances n'aient jamais été en conflit direct, elles ont soutenu des guerres par procuration dans le monde entier, menant à des conflits prolongés et coûteux. La fin de la Guerre froide a changé la dynamique de la guerre moderne de plusieurs façons. Tout d'abord, elle a signifié la fin de la bipolarité qui avait caractérisé la politique mondiale pendant près d'un demi-siècle. En conséquence, la nature des conflits a changé, passant de guerres entre États à des guerres civiles et à des conflits non étatiques. Deuxièmement, la fin de la Guerre froide a également ouvert la voie à une nouvelle vague d'optimisme concernant la possibilité d'une paix mondiale durable. Il y a eu un espoir que, sans la tension constante de la Guerre froide, le monde pourrait faire des progrès significatifs vers la résolution des conflits et la prévention de la guerre. Enfin, la fin de la Guerre froide a également conduit à un certain nombre de nouveaux défis, notamment la prolifération des armes nucléaires, la montée du terrorisme international et le problème croissant des États défaillants. Ces défis ont influencé la nature de la guerre moderne et continuent d'être des problèmes majeurs pour la sécurité mondiale.
La fin de la Guerre froide en 1989 a marqué un tournant significatif dans l'histoire mondiale, qui a eu des implications profondes pour la nature de la guerre et de l'État moderne. Jusqu'à cette date, l'évolution de la guerre moderne était étroitement liée à l'émergence et à la consolidation de l'État-nation moderne. Cet État était caractérisé par une souveraineté territoriale clairement définie, le monopole de la violence légitime, et une structure de gouvernance centralisée. Les guerres étaient principalement des affrontements entre ces États-nations. Cependant, après 1989, de nombreux chercheurs ont observé une transformation significative de cette dynamique. Les guerres devenaient moins fréquemment des confrontations directes entre États-nations, et plus souvent des conflits internes, des guerres civiles, ou des guerres impliquant des acteurs non étatiques tels que des groupes terroristes ou des milices. En outre, la notion même de souveraineté de l'État a commencé à être remise en question. Les interventions humanitaires, les opérations de maintien de la paix et la doctrine de la "responsabilité de protéger" ont toutes remis en question l'idée traditionnelle de la non-ingérence dans les affaires internes d'un État. Par conséquent, on peut dire que la fin de la Guerre froide a inauguré une nouvelle ère dans laquelle la relation entre la guerre et l'État est en train d'évoluer. Les contours précis de cette nouvelle ère sont encore l'objet de débats parmi les chercheurs et les analystes.
Depuis la fin de la Guerre froide, de nombreux chercheurs et experts militaires suggèrent que la guerre a connu une transformation significative. Ces transformations ont été attribuées à divers facteurs, notamment l'évolution des technologies militaires, la mondialisation, les changements dans la nature de l'État et le déclin relatif de la guerre interétatique. Les guerres d'aujourd'hui sont souvent décrites comme "postmodernes", pour refléter leur différence avec les guerres traditionnelles des siècles précédents. Les guerres postmodernes se caractérisent souvent par leur complexité, impliquant une multitude d'acteurs étatiques et non étatiques, et parfois même des entreprises privées et des organisations non gouvernementales. Elles ont souvent lieu en milieu urbain, plutôt que sur des champs de bataille traditionnels, et peuvent impliquer des acteurs asymétriques, comme des groupes terroristes ou des cyber-attaquants. Ces guerres postmodernes ont également remis en question les normes et les règles traditionnelles de la guerre. Par exemple, comment appliquer les principes du droit international humanitaire, conçus pour les guerres entre États, à des conflits impliquant des acteurs non étatiques ou à des cyberattaques ? Cela ne signifie pas que les anciennes formes de guerre ont complètement disparu. Il existe toujours des conflits qui ressemblent à des guerres traditionnelles. Cependant, ces nouvelles formes de conflit ont ajouté une couche de complexité à l'art de la guerre, et exigent une réflexion constante et une adaptation aux nouvelles réalités du XXIe siècle.
Le Nouveau (Dés)Ordre Mondial[modifier | modifier le wikicode]
La chute du mur de Berlin en 1989 et la dissolution de l'Union soviétique en 1991 ont marqué la fin de la Guerre froide et du système bipolaire qui avait dominé la politique mondiale pendant près d'un demi-siècle. Pendant cette période, les États-Unis et l'Union soviétique, en tant que superpuissances, avaient établi deux blocs d'influence globale distincts. Malgré des tensions constantes et de nombreuses crises, un conflit ouvert entre ces deux puissances a été évité, en grande partie en raison de la menace de la destruction mutuelle assurée (MAD) en cas de guerre nucléaire. Cependant, la fin de la Guerre froide n'a pas conduit à un "nouvel ordre mondial" de paix et de stabilité comme certains l'avaient espéré. Au lieu de cela, de nouveaux défis et conflits ont émergé. Les États faillis, les guerres civiles, le terrorisme international et la prolifération des armes de destruction massive sont devenus des problèmes majeurs. La nature des conflits a également changé, avec une augmentation des guerres asymétriques et des conflits impliquant des acteurs non étatiques.
La fin de la Guerre froide a initié une nouvelle ère dans la politique mondiale, marquée par une certaine dose d'optimisme. De nombreux experts et décideurs politiques espéraient que la fin de la rivalité entre les superpuissances conduirait à une ère de paix et de coopération internationales accrues. Le philosophe politique Francis Fukuyama a même décrit cette période comme "la fin de l'histoire", suggérant que la démocratie libérale avait finalement émergé comme le système de gouvernement incontesté et définitif. Avec la disparition de l'Union soviétique, les États-Unis se sont retrouvés comme la seule superpuissance mondiale, inaugurant ce que certains ont appelé l'"hyperpuissance" américaine. Beaucoup pensaient que cette nouvelle ère unipolaire permettrait une plus grande stabilité et paix dans le monde. Dans le même temps, la fin de la rivalité entre les deux superpuissances a permis aux Nations Unies de jouer un rôle plus efficace dans la prévention des conflits et la promotion de la paix. L'obstruction systématique par l'un des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, qui avait souvent paralysé l'organisation pendant la Guerre froide, a été largement levée. Cela a donné lieu à une augmentation significative des opérations de maintien de la paix de l'ONU au cours des années 1990.
Avec la fin de la Guerre froide, les années 1990 ont été marquées par une augmentation significative des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Les Casques bleus de l'ONU ont été déployés dans des conflits du monde entier, dans le but de maintenir ou de rétablir la paix et de promouvoir la réconciliation et la reconstruction. L'idée était que ces opérations de maintien de la paix pourraient aider à prévenir l'escalade des conflits, protéger les civils, faciliter la fourniture de l'aide humanitaire et soutenir le processus de paix. En d'autres termes, ces missions étaient censées aider à "récolter les dividendes de la paix" après la fin de la Guerre froide.
La fin de la Guerre froide et l'émergence d'un nouveau système international ont été accompagnées par un discours croissant sur le "désordre mondial". Ce terme fait référence à l'idée que le monde post-Guerre froide est caractérisé par une incertitude accrue, des défis mondiaux complexes et interconnectés, et l'absence d'un cadre clair et stable pour la gouvernance internationale. Plusieurs facteurs ont contribué à cette perception de "désordre mondial". Tout d'abord, la fin de la bipolarité de la Guerre froide a éliminé le cadre clair qui avait auparavant structuré les relations internationales. Au lieu d'un monde divisé entre deux superpuissances, nous avons assisté à un paysage plus complexe et multipolaire avec plusieurs acteurs importants, y compris non seulement les États-nations, mais aussi les organisations internationales, les entreprises multinationales, les groupes non gouvernementaux et autres. Ensuite, le monde post-Guerre froide a été marqué par une série de défis mondiaux, notamment le terrorisme transnational, les crises financières, le changement climatique, les pandémies, la cybersécurité, et d'autres problèmes qui ne respectent pas les frontières nationales et ne peuvent pas être résolus par un seul pays ou même par un groupe de pays. Enfin, il y a eu une prise de conscience croissante des limites et des contradictions des institutions internationales existantes. Par exemple, l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, et d'autres organisations ont été critiquées pour leur manque de représentativité, leur inefficacité, et leur incapacité à répondre efficacement aux défis mondiaux. Dans ce contexte, la question de savoir comment gérer ce "désordre mondial" et construire un système international plus juste, efficace et résilient est devenue un enjeu central de la politique mondiale.
Dans son livre très discuté "Le Choc des civilisations", l'analyste politique Samuel P. Huntington a proposé une nouvelle manière de voir le monde post-Guerre froide. Il a argumenté que les futures sources de conflit international n'impliqueraient pas tant les idéologies politiques ou économiques, mais plutôt les différences entre les diverses grandes civilisations du monde. Selon Huntington, le monde pourrait être divisé en environ huit civilisations majeures, basées sur la religion et la culture. Il prévoyait que les conflits les plus importants du 21e siècle auraient lieu entre ces civilisations, en particulier entre la civilisation occidentale et les civilisations islamique et confucianiste (cette dernière principalement représentée par la Chine).
La fin de la Guerre froide a marqué une transition significative dans la nature des conflits. Alors que la période de la Guerre froide était dominée par des conflits interétatiques et des guerres par procuration entre les deux superpuissances, l'ère post-Guerre froide a vu une augmentation significative des guerres civiles et des conflits internes. Ces conflits ont souvent impliqué une variété d'acteurs non étatiques, tels que les groupes rebelles, les milices, les groupes terroristes et les gangs criminels. De plus, ils ont souvent été marqués par une violence intense et prolongée, des violations massives des droits de l'homme, et de graves crises humanitaires. Ces tendances ont posé de sérieux défis pour la communauté internationale. D'une part, il a été plus difficile de gérer et de résoudre ces conflits, car ils impliquent souvent des problèmes profondément enracinés tels que l'identité ethnique ou religieuse, la gouvernance, l'inégalité et l'accès aux ressources. D'autre part, ces conflits ont souvent des effets déstabilisateurs qui dépassent les frontières nationales, tels que les flux de réfugiés, la propagation de groupes extrémistes, et la déstabilisation régionale.
Historiquement, l'État-nation était le principal acteur des conflits armés, et la plupart des guerres se produisaient entre États. Cependant, avec l'effondrement de l'ordre mondial bipolaire à la fin de la Guerre froide, la nature de la guerre a commencé à changer. La guerre civile, qui était autrefois un type de conflit relativement rare, est devenue de plus en plus courante. Ces conflits internes ont souvent impliqué une variété d'acteurs non étatiques, tels que les groupes rebelles, les milices, les groupes terroristes et les gangs criminels. La montée des guerres civiles a posé de nouveaux défis pour la gestion des conflits et la sécurité internationale. Contrairement aux guerres interétatiques, les guerres civiles sont souvent plus complexes et difficiles à résoudre. Elles peuvent impliquer des problèmes profondément enracinés tels que les divisions ethniques ou religieuses, la gouvernance, l'inégalité et l'accès aux ressources. De plus, ces conflits ont souvent des conséquences déstabilisatrices qui dépassent les frontières nationales, comme les flux de réfugiés, la propagation de groupes extrémistes et la déstabilisation régionale
Depuis la fin de la Guerre froide en 1989, la nature des conflits a changé de manière significative. Alors que les guerres interétatiques étaient autrefois la forme dominante de conflit, l'ère post-Guerre froide a été marquée par une augmentation des guerres civiles et des conflits internes. Ces guerres civiles ont souvent impliqué un éventail d'acteurs non étatiques, y compris des groupes armés, des milices, des groupes terroristes et des gangs. Par conséquent, on a souvent l'impression que l'État n'est plus l'acteur principal dans les conflits armés. Cela représente un défi significatif pour le système international, qui a été construit sur le principe de la souveraineté de l'État et qui est conçu pour gérer les conflits entre États. Les guerres civiles sont souvent plus complexes, plus difficiles à résoudre et plus susceptibles de provoquer des crises humanitaires que les guerres interétatiques.
L'ère post-Guerre froide a été marquée par l'émergence et la prolifération d'une variété d'acteurs non étatiques qui sont devenus des acteurs clés dans de nombreux conflits à travers le monde. Les groupes terroristes, les milices, les organisations criminelles telles que les mafias et les gangs sont devenus des acteurs importants dans la violence et les conflits. Ces acteurs ont souvent réussi à exploiter les faiblesses de l'État, notamment dans les pays où l'État est faible ou fragile, où il n'a pas la capacité de contrôler efficacement son territoire ou de fournir des services de base à sa population. Ils ont souvent utilisé la violence pour atteindre leurs objectifs, que ce soit pour saper l'autorité de l'État, pour contrôler un territoire ou des ressources, ou pour faire avancer une cause politique ou idéologique. Cela a eu de nombreuses implications pour la sécurité internationale. D'une part, cela a rendu les conflits plus complexes et plus difficiles à résoudre. D'autre part, cela a entraîné une augmentation de la violence et de l'instabilité, avec des conséquences dévastatrices pour les populations civiles.
Le concept de souveraineté, qui a longtemps été fondamental pour structurer le système interétatique et réguler la violence, a été sérieusement remis en question dans le contexte post-Guerre froide. La montée des acteurs non étatiques violents, tels que les groupes terroristes et les organisations criminelles, a souvent eu lieu dans des zones où l'autorité de l'État est faible ou absente, ce qui a mis en évidence les limites de la souveraineté en tant que moyen de maintenir l'ordre et la sécurité. En outre, la prolifération des conflits internes et des guerres civiles a soulevé des questions importantes sur la responsabilité de l'État de protéger sa propre population et sur le droit de la communauté internationale d'intervenir dans les affaires d'un État souverain pour prévenir ou mettre fin à de graves violations des droits de l'homme. Ces défis ont conduit à des discussions et des débats importants sur la nature et la signification de la souveraineté au XXIe siècle. Parmi les concepts qui ont émergé de ces débats figure le principe de la "responsabilité de protéger", qui stipule que la souveraineté n'est pas seulement un droit, mais aussi une responsabilité, et que si un État est incapable ou refuse de protéger sa population de crimes de masse, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir.
Les "États faillis", ou États défaillants, sont des États qui n'arrivent plus à maintenir l'ordre et à assurer la sécurité sur l'ensemble de leur territoire, à fournir des services essentiels à leur population ou à représenter un pouvoir légitime aux yeux de leurs citoyens. Ces États, bien que toujours reconnus comme souverains sur la scène internationale, sont souvent confrontés à une perte de contrôle sur une partie significative de leur territoire, à des insurrections ou à des conflits internes violents, ainsi qu'à la corruption et à une mauvaise gouvernance. Depuis les années 1990, un grand nombre de conflits, en particulier en Afrique, mais aussi dans d'autres régions du monde, ont eu lieu dans ces États faillis. Ces conflits sont souvent caractérisés par des violences massives à l'encontre des civils, des violations généralisées des droits de l'homme et du droit humanitaire international, et ont souvent des répercussions déstabilisantes sur les pays et les régions environnants.
L'augmentation des conflits internes et des guerres civiles à partir des années 1990 a suscité une réévaluation du concept traditionnel de souveraineté dans le discours international. Alors que la souveraineté était auparavant considérée comme une garantie d'ordre et de stabilité, protégeant les États de l'interférence extérieure, elle a commencé à être perçue de manière plus problématique. Dans ce contexte, la souveraineté a parfois été considérée comme une barrière à l'intervention internationale dans les situations où des populations étaient menacées par des violences massives, des génocides ou des crimes contre l'humanité. Cela a donné lieu à des débats sur la "responsabilité de protéger" et sur la question de savoir quand et comment la communauté internationale devrait intervenir pour protéger les populations civiles, même en violation du principe traditionnel de non-ingérence dans les affaires internes d'un État souverain. En outre, la souveraineté a également été mise en question en tant que source de légitimité, lorsque des régimes autoritaires ou despotiques s'en sont prévalus pour justifier des violations des droits de l'homme ou pour résister aux demandes de réforme démocratique. Ainsi, bien que la souveraineté reste un principe fondamental du système international, sa signification et son application sont devenues de plus en plus contestées dans le contexte contemporain.
L'Emergence des Nouvelles Guerres[modifier | modifier le wikicode]
Mary Kaldor, une spécialiste des relations internationales et de la théorie de la guerre, a présenté l'idée des "nouvelles guerres" dans son ouvrage "New and Old Wars: Organised violence in a global era" (1999). Selon elle, les conflits qui ont émergé après la fin de la Guerre froide présentent des caractéristiques distinctes des "anciennes guerres" traditionnelles, en grande partie en raison de l'impact de la mondialisation et des changements politiques, économiques et technologiques.
Les "nouvelles guerres", selon Kaldor, sont typiquement caractérisées par :
- La dégradation de la guerre en violences diffuses et souvent décentralisées, impliquant une variété d'acteurs non étatiques, tels que des milices, des groupes terroristes, des gangs criminels et des seigneurs de guerre.
- La focalisation sur l'identité plutôt que sur l'idéologie comme moteur de conflit, avec souvent un recours à des discours ethniques, religieux ou nationalistes pour mobiliser le soutien et justifier la violence.
- L'importance accrue des crimes contre l'humanité et des attaques contre les civils, plutôt que des combats conventionnels entre forces armées.
- L'implication croissante des acteurs internationaux et transnationaux, à la fois en termes de financement et de soutien aux parties en conflit, et en termes d'efforts pour résoudre les conflits ou atténuer leurs impacts humanitaires.
Ces "nouvelles guerres" présentent des défis distincts en termes de prévention, de résolution et de reconstruction après conflit, et nécessitent des stratégies et des approches différentes de celles qui étaient efficaces dans les "anciennes guerres".
Dans son analyse des nouvelles guerres, Mary Kaldor soutient que l'ère post-1989 est marquée par trois éléments clés. Le premier est la globalisation. La fin du XXe siècle a été caractérisée par une accélération de la mondialisation, transformant en profondeur les relations économiques, politiques et culturelles au niveau global. Cette globalisation a des répercussions directes sur la nature des conflits. Le financement transnational de groupes armés, la diffusion d'idéologies extrémistes par le biais des médias numériques, ou encore l'implication de forces internationales dans des opérations de maintien de la paix sont autant de phénomènes qui en sont issus. Deuxièmement, l'époque post-1989 est marquée par une transformation majeure des structures politiques. Avec la fin de la Guerre froide, de nombreux régimes communistes et autoritaires se sont effondrés, donnant naissance à de nouvelles démocraties. Parallèlement, les interventions internationales dans les affaires internes des États se sont multipliées, souvent justifiées par la nécessité de protéger les droits de l'homme ou de prévenir les génocides. Enfin, Kaldor met en évidence un changement fondamental dans la nature de la violence. Les conflits sont devenus plus diffus et décentralisés, impliquant une multitude d'acteurs non étatiques. Les attaques délibérées contre les civils, l'exploitation de l'identité ethnique ou religieuse à des fins de mobilisation, et l'utilisation de tactiques de terreur sont devenues monnaie courante. Ainsi, selon Kaldor, ces trois éléments interagissent pour créer un nouveau type de guerre, profondément différent des guerres interétatiques traditionnelles du passé.
Selon Mary Kaldor, l'ère moderne a vu un glissement des idéologies vers les identités comme principaux moteurs des conflits. Dans ce contexte, les batailles ne sont plus menées pour des idéaux politiques, mais pour l'affirmation et la défense d'identités particulières, souvent ethniques. Cette évolution marque un pas vers l'exclusion, car elle peut entraîner une polarisation et une division accrues dans la société. Contrairement à un débat idéologique où il peut y avoir compromis et consensus, la défense de l'identité peut créer une dynamique de "nous contre eux", qui peut être extrêmement destructrice.
Mary Kaldor met en évidence ce changement crucial dans les motifs de conflit. Lorsque les luttes étaient centrées sur des idéologies, comme le socialisme international par exemple, elles avaient un caractère plus inclusif. Le but était de convaincre et de rallier le plus grand nombre à une cause, à un système de pensée ou à une vision du monde. En revanche, lorsque les conflits sont basés sur l'identité, en particulier sur l'identité ethnique, ils ont tendance à être plus exclusifs. En se battant pour une identité ethnique spécifique, on délimite un groupe particulier comme étant le "nous", ce qui implique inévitablement un "eux" qui est distinct et différent. Cela crée une dynamique d'exclusion qui peut être profondément divisante et conduire à des violences intercommunautaires. C'est un changement profond par rapport aux conflits idéologiques du passé.
D’autre part, selon Kaldor, la guerre n’est plus pour le peuple, mais contre le peuple, c’est-à-dire que nous sommes de plus en plus face à des acteurs qui ne représentent pas l’État et qui n’aspirent même pas à être l’État. Auparavant, les conflits étaient généralement menés par des États ou des acteurs qui aspiraient à contrôler l'État. La guerre était donc menée "pour le peuple", dans le sens où l'objectif était de gagner le contrôle du gouvernement pour, théoriquement, servir les intérêts du peuple. Dans le contexte actuel, elle affirme que la guerre est souvent menée "contre le peuple". Cela signifie que les acteurs non étatiques tels que les groupes terroristes, les milices ou les gangs sont de plus en plus impliqués dans les conflits. Ces groupes ne cherchent pas nécessairement à contrôler l'État et peuvent en fait s'engager dans des actes de violence principalement dirigés contre les populations civiles. Ainsi, la nature de la guerre a évolué pour devenir moins une lutte pour le contrôle de l'État et davantage une source de violence contre le peuple.
Il y a de plus en plus une guerre de bandits où l’objectif est d’extraire les ressources naturelles des pays pour l’enrichissement personnel de certains groupes. Mary Kaldor décrit cette transformation comme une forme de "guerre de banditisme". Dans ce contexte, la guerre n'est pas menée pour atteindre des objectifs politiques traditionnels, comme le contrôle de l'État ou la défense d'une idéologie, mais plutôt pour l'enrichissement personnel ou de groupe. Cette nouvelle forme de conflit est souvent caractérisée par l'extraction et l'exploitation de ressources naturelles dans des régions en proie à des conflits Ces "guerres de banditisme" peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les populations locales, non seulement en raison de la violence directe qu'elles impliquent, mais aussi à cause de la déstabilisation économique et sociale qu'elles engendrent. Souvent, les ressources qui pourraient être utilisées pour le développement économique et social sont plutôt détournées au profit d'intérêts privés ou de groupes, ce qui peut exacerber la pauvreté et l'inégalité.
L'ère post-Guerre Froide a vu l'émergence d'une économie mondiale de la guerre, où des acteurs non étatiques comme des organisations criminelles, des groupes terroristes et des milices privées jouent un rôle de plus en plus important. Ces groupes s'appuient souvent sur des réseaux transnationaux pour financer leurs opérations, par le biais du trafic de drogues, du commerce illégal d'armes, de la contrebande de biens, et d'autres formes de criminalité organisée. Cette économie de la guerre a pour effet de prolonger les conflits, en offrant aux groupes armés un moyen de financer leurs activités sans le besoin d'un soutien étatique ou populaire. En même temps, elle contribue à l'instabilité régionale, car les profits de ces activités illégales sont souvent utilisés pour financer d'autres formes de violence et de désordre. En outre, ces réseaux transnationaux rendent plus difficile le contrôle et la résolution des conflits par les autorités étatiques et les organisations internationales. Ils opèrent souvent en dehors des cadres juridiques traditionnels et peuvent s'étendre à travers plusieurs pays ou régions, compliquant ainsi les efforts pour les combattre. Enfin, l'implication d'acteurs non étatiques dans les conflits peut également avoir des effets déstabilisateurs sur les États, en sapant leur autorité et leur capacité à maintenir l'ordre et la sécurité. Cela peut à son tour aggraver les tensions et les conflits, créant un cercle vicieux de violence et d'instabilité.
L'approche de Mary Kaldor sur la guerre peut être considérée comme dépolitisante. Elle soutient que les conflits contemporains sont principalement motivés par des facteurs ethniques, religieux ou identitaires plutôt que par des idéologies politiques. Cela marque une rupture avec les guerres du passé, qui étaient souvent menées au nom d'une idéologie politique, comme le communisme ou le fascisme. Dans cette perspective, la guerre n'est plus une continuation de la politique par d'autres moyens, comme l'a dit le théoricien militaire Carl von Clausewitz, mais plutôt un acte de violence motivé par des différences identitaires. Cela suggère que les solutions traditionnelles, comme les négociations politiques ou les accords de paix, pourraient ne pas être suffisamment efficaces pour résoudre ces conflits.
La vision traditionnelle de la guerre, comme le décrivait Carl von Clausewitz, la considère comme "la continuation de la politique par d'autres moyens". Dans cette perspective, la guerre est vue comme un outil que les Etats utilisent pour atteindre des objectifs politiques spécifiques. Cependant, selon l'approche de Mary Kaldor et d'autres chercheurs similaires, cette dynamique aurait changé. Ils soutiennent que dans les conflits contemporains, les objectifs politiques traditionnels sont souvent éclipsés par d'autres motivations, telles que l'identité ethnique ou religieuse, ou le désir d'accéder à des ressources économiques. Dans ces cas, la guerre n'est plus au service de la politique, mais semble plutôt être motivée par des intérêts économiques ou identitaires.
Nous sommes confronté à des États issus de la décolonisation, principalement dans les régions du sud, qui ont eu des processus de construction nationale difficiles. Ces États n'ont souvent pas reçu les outils nécessaires pour une structuration solide et durable. Par conséquent, ils sont devenus fragiles et instables, une situation qui favorise l'émergence de conflits et de violences. Lorsque ces États commencent à se désagréger, ils laissent place à un certain chaos où des groupes ethniques peuvent se retrouver en conflit les uns avec les autres. Parallèlement, des bandits et d'autres acteurs non étatiques profitent de cette instabilité pour leurs propres intérêts. L'absence d'une autorité étatique forte et efficace contribue à perpétuer ce désordre et empêche l'établissement d'une paix durable.
La perspective proposée par Mary Kaldor, qui suggère une disparition des conflits politiques au profit d'une forme de désordre mondial, a eu un impact significatif sur notre compréhension des transformations contemporaines de la guerre. Selon cette vision, les États faibles ou en déliquescence seraient incapables d'assurer une stabilité sur leur territoire, ce qui ouvrirait la porte à un ensemble de menaces et de dangers. En l'absence de la structure et du contrôle de l'État, un certain chaos peut émerger, générant des conflits souvent ethniques, des activités criminelles et un accès illimité à des ressources naturelles par divers groupes non étatiques. C'est dans ce contexte que l'on voit une augmentation des guerres civiles et des conflits internes, alimentés par des réseaux transnationaux tels que les mafias. L'absence d'un État stable et fort conduit donc à un paysage conflictuel complexe, où les conflits politiques classiques cèdent la place à une multitude de menaces plus diffuses et décentralisées. Cette approche a joué un rôle clé dans la façon dont nous comprenons les conflits modernes et les défis de la paix et de la sécurité mondiale.
Le désordre observé au Moyen-Orient a suscité de nombreuses inquiétudes, souvent en lien avec le concept de l'État et son rôle en tant qu'entité stabilisatrice. Lorsque l'État semble incapable de maintenir le contrôle et l'ordre, cela peut mener à une multitude de menaces et de risques. Dans le cas du Moyen-Orient, ces menaces sont diverses. Elles vont de l'instabilité sociale et économique à l'intérieur des pays, à l'augmentation des conflits sectaires et ethniques, en passant par le risque de terrorisme international. Ces conflits peuvent également entraîner des crises humanitaires, des déplacements massifs de populations et des problèmes de réfugiés à l'échelle mondiale. L'absence d'un contrôle étatique efficace peut également permettre à des acteurs non étatiques, tels que les groupes terroristes, de gagner en influence et en pouvoir. Par exemple, l'État islamique (EI) a pu émerger et prendre le contrôle de vastes territoires en Irak et en Syrie en profitant de la faiblesse des États locaux et du chaos ambiant. Cela illustre bien la complexité des enjeux liés à l'absence de contrôle étatique et à l'instabilité, et les défis qu'ils posent pour la sécurité internationale.
Notre conception du système international est fortement ancrée dans le concept de l'État. L'État est généralement considéré comme l'acteur principal en politique internationale, assurant la sécurité, l'ordre et la stabilité au sein de ses frontières. Lorsqu'un État s'effondre ou est incapable d'exercer efficacement son autorité, cela peut entraîner des conséquences déstabilisantes à la fois pour le pays concerné et pour la communauté internationale. L'effondrement d'un État peut générer un vide de pouvoir, créant ainsi un terrain propice à l'émergence de groupes armés non étatiques, de conflits internes et de violence généralisée. Cette situation peut également entraîner une crise humanitaire, avec des réfugiés fuyant la violence et la pauvreté, ce qui peut à son tour créer des tensions dans les pays voisins et au-delà. Par ailleurs, l'incapacité d'un État à contrôler son territoire peut également représenter une menace pour la sécurité internationale. Cela peut créer un espace où le terrorisme, la criminalité organisée et d'autres activités illicites peuvent prospérer, avec des conséquences potentiellement graves au-delà des frontières de l'État concerné. C'est pour ces raisons que l'effondrement des États est souvent perçu comme une source majeure d'instabilité et d'insécurité dans le système international. Il est donc crucial pour la communauté internationale de travailler ensemble pour prévenir l'effondrement des États et aider à rétablir la stabilité lorsque cela se produit.
Dans l'histoire des relations internationales, il y a eu des cas où des puissances étrangères ont soutenu des régimes autoritaires ou dictatoriaux dans le but de préserver la stabilité régionale, de contenir une idéologie concurrente, d'accéder à des ressources ou pour des raisons stratégiques. Cependant, cette pratique pose des problèmes éthiques significatifs et peut être en contradiction avec les principes démocratiques et les droits de l'homme que ces puissances étrangères prétendent souvent défendre. Dans le contexte de la politique internationale, le soutien à un régime autoritaire peut parfois refléter une préférence pour un État qui contrôle fermement son pays, même si cela se fait au détriment des droits de l'homme ou de la démocratie. C'est une tendance qui découle souvent d'une préoccupation pour la stabilité régionale et la sécurité internationale. L'idée est que, bien que ces régimes puissent être répressifs et antidémocratiques, ils peuvent aussi assurer un certain degré de stabilité et de prévisibilité. Ils peuvent empêcher le chaos ou la violence qui pourrait autrement émerger en l'absence d'un contrôle étatique fort, et ils peuvent également servir de contrepoids à d'autres forces régionales ou internationales perçues comme une menace.
L'État-nation reste une structure fondamentale pour organiser et comprendre nos sociétés et le monde dans lequel nous vivons. C'est par l'État que nous définissons généralement notre identité nationale, c'est l'État qui représente les citoyens sur la scène internationale, et c'est à travers les États que nous structurons le plus souvent nos interactions et relations internationales. L'État-nation est aussi un outil clé pour maintenir l'ordre public, garantir les droits et libertés des citoyens, fournir des services publics essentiels et assurer la sécurité nationale. Il représente donc une certaine stabilité et prévisibilité dans un monde par ailleurs complexe et en constante évolution.
La notion de "guerre postmoderne" renvoie à une évolution fondamentale de l'art de la guerre, s'éloignant des paradigmes traditionnels liés à des États-nations en conflit pour des raisons politiques ou territoriales. Au cœur de la guerre postmoderne, nous observons une dépolitisation des conflits, où les motifs politiques ou le contrôle territorial sont remplacés par une multitude de facteurs tels que les différends ethniques, religieux, économiques ou environnementaux. Cette nouvelle ère de la guerre se caractérise également par une déterritorialisation, où les conflits ne sont plus restreints à des régions spécifiques mais peuvent devenir transnationaux ou globaux, à l'image du terrorisme international ou des cyberconflits. L'un des aspects les plus perturbants de la guerre postmoderne est la privatisation de la violence, où les acteurs non étatiques, tels que les groupes terroristes, les milices privées ou les organisations criminelles, jouent un rôle de plus en plus prééminent. Parallèlement, l'impact des conflits sur les civils s'est intensifié, avec des effets dévastateurs directs, tels que la violence, et indirects, tels que le déplacement de population, la famine ou la maladie.
Bien que les démocraties soient moins susceptibles d'entrer en guerre entre elles - un concept connu sous le nom de "paix démocratique" - elles continuent d'être impliquées dans des conflits militaires. Ces conflits impliquent souvent des pays non démocratiques ou s'inscrivent dans le cadre de missions internationales de maintien de la paix ou de la lutte contre le terrorisme. Les pays du Nord ont également tendance à utiliser des moyens autres que la guerre conventionnelle pour atteindre leurs objectifs de politique étrangère. Par exemple, ils peuvent utiliser la diplomatie, les sanctions économiques, l'aide au développement, et d'autres outils de "soft power" pour influencer les autres nations. De plus, la technologie a changé la nature de la guerre. Les pays du Nord, en particulier, ont tendance à dépendre fortement de la technologie avancée dans leur conduite de la guerre. L'usage des drones, des cyberattaques, et d'autres formes de guerre non conventionnelle est de plus en plus courant. En fin de compte, bien que la nature et la conduite de la guerre puissent changer, le recours à la force militaire reste malheureusement une caractéristique de la politique internationale. Il est donc crucial de continuer à chercher des moyens de prévenir les conflits et de promouvoir la paix et la sécurité mondiales.
Vers une Guerre Postmoderne[modifier | modifier le wikicode]
Les modes de guerre ont changé de façon significative, surtout pour les pays occidentaux. Cette évolution s'est principalement matérialisée par un plus grand recours à la technologie, une professionnalisation accrue des armées et une aversion grandissante pour les pertes humaines, souvent appelée "allergie au risque". Le concept du "Western Way of War" met l'accent sur la préférence pour la technologie avancée et la supériorité aérienne dans la conduite de la guerre. La technologie est devenue un élément clé de la conduite de la guerre, avec le développement d'armes toujours plus sophistiquées, l'utilisation de drones, et l'importance croissante de la cyberguerre. En outre, la professionnalisation accrue des armées s'est traduite par une formation plus poussée et une spécialisation accrue des militaires. Les armées de métier sont de plus en plus courantes, et les conscriptions ou les drafts sont de moins en moins fréquents dans les pays occidentaux. L' "allergie au risque" a été exacerbée par le fait que les sociétés occidentales ont de plus en plus de mal à accepter les pertes humaines en temps de guerre. Cela a conduit à une préférence pour les frappes aériennes et l'utilisation de drones, qui permettent de mener des opérations militaires sans mettre en danger les vies des soldats.
A l'époque actuelle, il y a une nette diminution de l'acceptation sociale de la perte de vies humaines dans les guerres menées à l'étranger. Les populations sont de moins en moins disposées à soutenir des conflits qui entraînent des pertes de vies, notamment de leurs propres citoyens. Cette situation est en partie alimentée par une couverture médiatique omniprésente et instantanée des conflits, qui rend les coûts humains de la guerre plus visibles et plus réels pour la population générale. En même temps, les avancées technologiques ont permis de mener des guerres de manière plus éloignée. L'utilisation de drones, de missiles de précision et d'autres technologies de pointe permet de mener des attaques à distance, sans risque direct pour les troupes sur le terrain. Cette forme de guerre technologique est en grande partie le fruit des développements technologiques facilités par les États.
L'utilisation des drones dans les conflits modernes a radicalement changé la nature de la guerre. Le pilotage de drones permet de mener des opérations militaires, y compris des frappes meurtrières, depuis des milliers de kilomètres. Le personnel qui contrôle ces drones le fait souvent depuis des bases situées en dehors du champ de bataille, parfois même dans un autre pays. Cela soulève un certain nombre de questions éthiques et morales. D'une part, cela permet de minimiser le risque pour les forces militaires qui contrôlent ces drones. D'autre part, cela peut créer une déconnexion entre l'acte de tuer et la réalité de la guerre, qui peut à son tour entraîner des conséquences psychologiques pour les opérateurs de drones. En outre, cela peut rendre la prise de décision sur l'usage de la force moins immédiate et moins personnelle, ce qui peut potentiellement abaisser le seuil de l'utilisation de la force. Par ailleurs, l'utilisation des drones a également des implications stratégiques. Il permet de mener des frappes précises avec un risque minimal pour les forces militaires, mais il peut également conduire à des pertes civiles et à des dommages collatéraux. L'utilisation de drones soulève donc des questions importantes en matière de droit international humanitaire et de responsabilité.
La question est de savoir si cette mise à distance change la nature de la guerre, est-ce que cela est une évolution, une révolution des affaires militaires avec le concept de guerre « zéro mort », doit-on dépasser Clausewitz lorsqu’on parle de Mary Kaldor par exemple. La mise à distance de la guerre grâce à la technologie, notamment les drones, soulève la question de savoir si la nature même de la guerre est en train de changer. La possibilité de mener des opérations militaires sans mettre directement en danger la vie de ses propres soldats modifie indéniablement l'expérience de la guerre et peut influencer la prise de décisions concernant l'usage de la force. Le concept de "guerre zéro mort" peut certes sembler attrayant du point de vue de ceux qui mènent la guerre, mais il ne doit pas faire oublier que même une guerre menée à distance peut avoir des conséquences dévastatrices pour les civils et entraîner des pertes de vies humaines. La question de savoir si nous devons "dépasser Clausewitz" est un sujet de débat parmi les théoriciens militaires. Clausewitz a soutenu que la guerre est une extension de la politique par d'autres moyens. Même si la technologie a changé la façon dont la guerre est menée, il peut être argumenté que l'objectif ultime reste le même : atteindre des objectifs politiques. Dans cette perspective, la pensée de Clausewitz reste toujours pertinente. Cela dit, les travaux de chercheurs comme Mary Kaldor ont souligné que les formes contemporaines de violence organisée peuvent différer des modèles traditionnels de guerre envisagés par Clausewitz. Les "nouvelles guerres", selon Kaldor, se caractérisent par des violences intra-étatiques, l'implication d'acteurs non étatiques, et l'importance croissante des identités plutôt que des idéologies. Ces transformations pourraient nous pousser à repenser certaines des théories classiques de la guerre.
La guerre est-elle vraiment en train de se transformer ? Est-ce quelque chose qui se dépolitise de plus en plus dans les pays du Sud et qui est quelque chose en fin de compte d’éminemment technologique où il n’y a plus aucun rapport avec ce qui se passe sur le terrain ? La perception de la guerre comme quelque chose de distant et technologique, particulièrement en Occident, peut être un phénomène croissant. Cependant, affirmer que la guerre est en train de se "dépolitiser" nécessite une analyse plus nuancée.
Dans les pays du Sud, bien qu'il y ait une augmentation des conflits intra-étatiques et de la violence perpétrée par des acteurs non-étatiques, ces conflits restent profondément politiques. Ils peuvent être liés à des luttes pour le contrôle des ressources, des différences ethniques ou religieuses, des aspirations à l'autodétermination, ou des réactions à la corruption et à la mauvaise gouvernance. De plus, la violence organisée peut avoir des implications politiques majeures, influençant les structures de pouvoir, modifiant les relations entre les groupes et façonnant l'avenir politique d'un pays. Dans les pays du Nord, l'utilisation de technologies telles que les drones peut donner l'impression d'une "déshumanisation" de la guerre, où les actes de violence sont commis à distance et de manière apparemment détachée. Cependant, cette approche de la guerre peut avoir ses propres implications politiques. Par exemple, la facilité apparente avec laquelle la violence peut être infligée à distance peut influencer les décisions sur quand et comment utiliser la force. De plus, la manière dont ces technologies sont utilisées et réglementées peut susciter des débats politiques importants. Il est donc crucial de comprendre que même si la nature et la conduite de la guerre peuvent évoluer, la guerre reste une entreprise profondément politique, et ses conséquences se font ressentir bien au-delà du champ de bataille.
On parle de toutes ces guerres que nous voyons à travers les écrans avec par exemple la Guerre du Golf dans les années 1990 qui parait éloignées parce qu’on ne l’expérimente même plus au travers de nos familles ou de nos propres expériences. La Guerre du Golfe dans les années 1990 a marqué un tournant dans la manière dont la guerre est perçue par le public. Cette guerre a été largement médiatisée, avec des images de la guerre diffusées en direct à la télévision. Cela a contribué à créer une certaine distance entre le public et le conflit réel. En regardant la guerre à travers l'écran de la télévision, elle peut sembler lointaine et déconnectée de notre quotidien. Cette distance peut également être accentuée par le fait que de moins en moins de personnes dans les pays occidentaux ont une expérience directe du service militaire. Alors que le service militaire était autrefois une expérience commune pour de nombreux hommes (et certaines femmes), de nombreux pays ont aujourd'hui des armées entièrement professionnelles. Cela signifie que la guerre est vécue directement par un plus petit pourcentage de la population. Bien que la guerre puisse sembler lointaine pour de nombreuses personnes dans les pays occidentaux, elle a des conséquences très réelles pour ceux qui y sont directement impliqués, que ce soit les militaires déployés en zones de conflit ou les populations locales touchées. De plus, même si un conflit peut sembler éloigné géographiquement, il peut avoir des conséquences indirectes à travers des phénomènes tels que les flux de réfugiés, les impacts économiques ou les menaces pour la sécurité internationale.
Annexes[modifier | modifier le wikicode]
- Leander, Anna. Wars and the Un-Making of States: Taking Tilly Seriously in the Contemporary World
- Goldstone , Jack A. States Making Wars Making States Making Wars... in Contemporary Sociology, Vol. 20, No. 2 (Mar., 1991), pp. 176-178. Url: https://www.jstor.org/stable/pdf/2072886.pdf?acceptTC=true
- Kaldor, Mary. New & Old Wars. Stanford, CA: Stanford UP, 2007. Print.
- La naissance de la guerre moderne : war-making et state-making dans une perspective occidentale
- Tilly, Charles. War Making and State Making as Organized Crime. url: http://www.homeworkmarket.com/sites/default/files/q3/28/02/reading_response_4_2.pdf
- NATO StratCom COE; Mark Laity. (2018, August 10). What is War?. Retrieved from https://www.youtube.com/watch?v=Gj-wsdGL4-M