« Introduction aux approches critiques de l’international » : différence entre les versions

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*[[La notion de « concept » en sciences-sociales]]
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Version du 18 novembre 2015 à 21:10

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Nous allons déconstruire ce que nous avons appris, qu’est-ce que sont la critique un champ et la discipline ?

Pourquoi un cours sur les approches critiques ?

Les « relations internationales » ne sont pas un objet d'étude manifeste, indiscutable voir évident. Parler de relations internationales cela revient à parler de réalités différentes qui semblent incompatibles.

Les relations internationales comme champs, disciple et comme objet est le fruit de conventions, de formes de définitions. Il existe différentes perspectives sur ce que sont les « relations internationales » ou l’ « international » délimitent un objet d'étude différent.

Ces différentes perspectives participent donc d'un « jeu constant entre le monde réel et le monde du savoir » [Brown 2005: 1]. Pour Brown, le monde réel qui nous entour n’est pas simplement quelque chose qui existe indépendant de nous et dont on aurait un empreinte. Les approches que nous avons permettent d’avoir des perspectives différentes. Les lunettes analytiques participent à poser des questions différentes.

Les relations internationales relèvent d’abord d’un processus macro comme avec les États, ensuite on commence à s’intéresser à des processus de plus en plus micro. On porte des regards différents sur une même réalité qui est complexe.

Lorsque Brown parle d'un « jeu constant entre le monde réel et le monde du savoir », si on veut comprendre pourquoi les chercheurs veulent appréhender le monde d’une certaine manière ce n’est pas une question d’objectif, il y a des interactions qui entrent en jeu. Ce « jeu » est aussi un enjeu entre les différents acteurs des « relations internationales » en tant que champ ou que discipline.

La vision dominante de ce jeu est naturalisante et essentialisante. C’est-à-dire que le monde qui nous entoure a une indépendance propre à laquelle on ne peut avoir accès que de façon externe. Typiquement, les réalistes ne font que regarder l’objectivité du monde, ils voient les choses telles qu’elles sont. Des études montrent que dans les processus de politique étrangère, si les personnes partagent la même vision, ils vont être pris dans ce schéma. Ainsi il y a une interaction entre la vérité objective et des perceptions qui participent d’un jeu.

Les relations internationales comme champ

Les relations internationales sont une « cible mouvante ». Ce qu’on entend par relations internationales dépend d’enjeux, des gens, d’institutions et de questions qui se posent se retrouvant au sein d’un champ. L’enjeu du champ est le phénomène dit des faits internationaux.

Les « relations internationales ne définissent pas le champ des Relations Internationales, ce sont plutôt les chercheurs et les praticiens qui fournissent une telle définition » [Brown 2005: 3]. En reprenant la définition de Brown, il y a un monde matériel mais il y a un espace où des gens cherchent à donner du sens aux évènements.

Pierre Bourdieu

Il s’agit d’un champ d’étude contesté parce que son objet est le fruit d’une définition conventionnelle, il n’y a pas de référent extérieur définissant de manière « objective » ce que sont les « relations internationales ».

« Les stratégies des agents et des institutions qui sont engagés dans les luttes [académiques], c'est-à-dire leurs prises de position ..., dépendent de la position qu'ils occupent dans la structure du champ, c'est-à-dire dans la distribution du capital symbolique spécifique, institutionnalisé ou non (reconnaissance interne ou notoriété́ externe), et qui, par la médiation des dispositions constitutives de leur habitus, les incline soit à conserver soit à transformer la structure de cette distribution, donc à perpétuer les règles du jeu en vigueur ou à les subvertir »

— Bourdieu 1994: 71[1].

La façon dont on perçoit et la façon dont on estime qu’elle est la plus pertinente de parler de relations internationales et la manière dont les individus sont positionnées. Nous sommes dans une « cible mouvante » où il n’est pas clair de savoir qui fait des relations internationales et qui n’en fait pas.

Il y a aussi l’idée de capital symbolique ou des gens on plus de crédibilité pour traiter des phénomènes internationaux. On n’obtient pas une reconnaissance seulement pour la qualité intrinsèque du travail lui même mais aussi sur le fait de qui en parle, comment et où. Ce sont des relations de pouvoir internes au sein d’une discipline.

Mearsheimer a écrit en 1991 Back to the futur[2] expliquant que maintenant que l’URSS est terminée, on entre de nouveau dans un monde multipolaire et en Europe les allemands vont prendre le pouvoir et dominer militairement avec un retour de l’impérialisme allemand. Cependant, il s’est trompé et sa légitimité ne fut pas remise en cause. Sa légitimité provient de plusieurs facteurs comme sa notoriété, sa langue, les institutions dans lesquelles il s’inscrit mais aussi d’inimités personnelles, de logiques de budgets, etc. Nous sommes face à des effets de pouvoirs.

Le terme même de « relations internationales » est contesté mais c’est un enjeu définitionnel :

  • international relations ;
  • interstate relations ;
  • international studies ;
  • international politics ;
  • world politics ;
  • global politics.

Les relations internationales comme discipline

Une discipline est un accord sur un noyau dur théorique de propositions de base sur un sujet d’étude, le champ délimité par ce noyau dur. La question de savoir si les relations internationales sont une discipline, Kaplan se la posait dès 1961 : « il s’agit plus d’une question ou d’un projet intellectuel que d’une affirmation ».

Se pose la question de savoir si c’est une discipline, si les relations internationales en tant que discipline permettent de comprendre des phénomènes spécifiques. C’est-à-dire que c’est le fait d’avoir un département propre, des budgets, etc. Pour d’autres c’est une sous-discipline de la science-politique car on ne fait pas d’analyses de systèmes sociales, etc., c’est un seulement un objet de politique comparé. Jusqu’en 2005, à l’université de Genève, les relations internationales n’étaient pas considérées comme une discipline propre.

Buazan et Little en 2001 se posent la question de savoir si les relations internationales sont une méta-discipline. Pour eux, la seule façon par laquelle les relations internationales pourraient simplifier la situation est de développer des approches globalisantes dans lesquelles les autres disciplines peuvent piocher.

Si on parle d’une discipline c’est parce que nous avons une vision de ce que c’est. Lorsqu’on parle d’une discipline, il y a toujours un présupposé de ce qu’on attend derrière, il n’y a pas de neutralité axiologique. Il n'y a pas d'accord parmi les chercheurs sur la nature et le/les but(s) d'une ou de théorie(s) de l'international ni sur la place des cette/ces théorie(s) dans ce champ d'étude.

Dès lors, il est possible de faire deux constats :

  1. C’est une discipline divisée et divisante [Holsti 1985]
  2. Est-ce une discipline internationale ? [Hoffmann 1995(1977), Wæver 1998] : Discipline états-uniennes? [Tickner and Wæver 2009]

Pour comprendre comment les relations internationales sont enseignées, par exemple en Corée ou au Japon, il faut regarder qui sont les professeurs qui sont diplômés aux États-Unis.Pour un champ et des façons d’étudier le monde, nous avons des visions particularistes qui amènent à essayer de comprendre le monde. Dans cette optique il faut comprendre ce que l’on loupe et ce qu’on y gagne.

Pourquoi étudier les approches critiques de l'international ?

Il y a des liens entre champ et discipline. Ce sont les approches qui définissent en grande partie notre vision de ces deux dimensions. La façon dont on comprend les choses est liée à des processus qui mènent à comprendre le monde d’une certaine manière qui constitue une certaine réalité sociale et politique.

Ces approches nous amènent à sélectionner les faits dans leur multitude et leur fournir un sens :

  • les faits ne parlent pas d'eux-mêmes ;
  • établir les critères de « signification » et de « pertinence » ;
  • « une série de faits, même s'ils sont acceptés comme vrais et significatifs, sont porteurs malgré tout d'une variété d'interprétations différentes » [Burchill and Linklater 2005: 16].

Qu’est-ce que la théorie critique ?

  • « reconnaître que l'état du monde actuel n'épuise pas tous les possibles » en vue d'une action sociale. Un autre monde est possible, c’est pour cela qu’il y a des gens qui se revolent, de nouvelles approches. Le monde tel qu’il est n’est souvent pas un lien objectif mais parce qu’il est présenté d’une manière spécifique.
  • offrir une « lecture des conditions historiques et culturelles [tant sociales que personnelles] dont dépend l'activité intellectuelle d'un [chercheur] ».
  • « un ré-examen continu des catégories constitutives et des cadres conceptuels par lesquels un [chercheur] comprend, en incluant une construction historique de ces cadres ». qu’est-ce que la souveraineté ? un État failli ? qu’est-ce que l’historicité de la souveraineté ou de l’État ? L’esprit critique est de remettre en cause ce dont-on parle. Il faut s’interroger sur les agendas théoriques qui ne sont pas expliqués.
  • une « confrontation » avec les présuppositions théoriques cachées et non-soutenues déterminant la façon de comprendre le monde [Calhoun 1995: 35]

Annexes

Bibliographie

  • Bourdieu, Pierre (1994) Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action. Paris: Seuil.
  • Brown, Chris with Kirsten Ainley (2005). Understanding International Relations. Houndmills: Palgrave Macmillan, 3rd ed. revised and updated.
  • Burchill, Scott and Linklater, Andrew (2005). Introduction, in Scott Burchill et al. (eds.) Theories of International Relations. Houndmills: Palgrave Macmillan, 1–28.
  • Buzan, Barry and Little, Richard (2001). Why international relations has failed as an intellectual project and what to doabout it. Millennium: Journal of International Studies, 30(1), 19–39.
  • Calhoun, Craig (1995). Critical Social Theory. London: Blackwell Publishing.
  • Hoffmann, Stanley (1995[1977]) An American social science: International Relations, in James Der Derian (ed.) International Theory. Critical Investigations. New York: New York University Press, 212–241.
  • Holsti K. J. (1985). The Dividing Discipline. Hegemony and Diversity in International Theory. Unwin Hyman.
  • Kaplan, M. A. (1961). Is International Relations a Discipline? The Journal of Politics, 23(3), 462–476.
  • Tickner, Arlene B. and Ole Wæver (eds.) (2009) International Relations Scholarship Around the World. London:Routledge.
  • Wæver, Ole (1998). The sociology of a not so international discipline: American and European developments ininternational relations. International Organization, 52(4), 687–727.

Annexes

Cours

Références

  1. Pierre Bourdieu, "Pour une science des œuvres", Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 71.
  2. Back to the future - Instability in Europe after the Cold War; John J. Mearsheimer