Grande-Bretagne : Le plus grand des empires au service d’une économie dominante

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Il y a des choses qui changent, si on se situe non plus au XVIIème et au XVIIIème surtout, mais on se situe au XIXème siècle et dans la première partie du XXème siècle, l’Empire britannique « change de peau ».

Au XVIIIème siècle, la Grande-Bretagne n’avait pas le domaine colonial le plus étoffé, en revanche, à partir du XIXème siècle, la Grande-Bretagne devient la plus grande puissance colonisatrice, non pas seulement de l’Europe, mais de tous les États.

La Grande-Bretagne après la seconde moitié du XVIIIème siècle et avoir réussi son industrialisation, après les guerres napoléoniennes, va apparaître au monde comme la première nation industrielle, mais aussi comme la plus grande puissance économique, maritime commerciale et financière. Elle devient une économie dominante, le restant jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, le relais sera pris par les États-Unis qui l’ont délogé. Avec l’indépendance des États-Unis, la main mise sur l’Inde on va avoir un déplacement du centre de gravité de l’Empire colonial britannique qui était du côté de l’hémisphère occidental, il y a un déplacement vers l’hémisphère oriental.

L’Empire britannique n’est pas seulement l’empire le plus étendu et le plus riche, c’est un empire qui est très diversifié. C’est la seule construction impériale européenne de l’ère contemporaine à comprendre tous les grands types de colonies : les colonies d’exploitation, dont le prototype et l’Inde, les colonies de peuplement européennes avec le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et les colonies mixtes avec l’Afrique du Sud où une minorité blanche hégémonique marginalise une minorité noire. C’est ce qu’on appelle l’hétérogénéité de l’Empire britannique.

À partir de la fin du XIXème siècle, il se passe quelque chose de très étonnant dans l’Empire britannique, il y a des colonies qui deviennent plus riches que la métropole c’est-à-dire dont le revenu par habitant dépasse celui de la métropole à savoir l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada. À partir de ce moment-là, les écarts de développement deviennent plus importants à l’intérieur du domaine colonial contre la métropole.

Ce sont les États où les évolutions de disparité de revenu entre la métropole et les puissances d’outre-mer ; des colonies de peuplement ont un revenu par habitant de 5 % à 10 % plus élevé que la métropole, ces colonies de peuplement ont un revenu par habitant de 8 fois supérieur à celui de l’Inde. Les écarts sont plus grands entre les parties de l’empire qu’avec la métropole.

En revanche, la Grande-Bretagne reste une économie dominante. La prédominance de la Grande-Bretagne sur l’économie mondiale ne cesse de s’accroitre, la révolution industrielle était pendant un demi-siècle sur l’ile britannique ce qui va lui conférer une avance ; elle est la première puissance industrielle.

Vers 1860, avec 2 % de la population de la planète, la Grande-Bretagne assure 1/5 de la production mondiale et 50 % des stocks de capitaux mondiaux. Vers 1860, la Grande-Bretagne a une supériorité écrasante. Par la suite les écarts vont se réduire sans toutefois s’estomper parce qu’un nombre grandissant de nations occidentales commencent aussi elles-mêmes à imiter l’expérience britannique c’est la diffusion de l’industrialisation qui fait que les écarts diminuent.

An elaborate map of the British Empire in 1886, marked in the traditional colour for imperial British dominions on maps

La Grande-Bretagne maintient son leadership, mais montre à partir du dernier tiers du XIXème siècle laissant entrevoir des signes d’essoufflement.

La contribution des colonies fluctue en fonction des phases de croissance de la métropole ; la contribution de l’empire à la métropole varie au grès de ses évolutions. C’était un empire plutôt centré sur les Amériques qu’on appelait un empire colonial de race confiné sur les Amériques et à partir du premier tiers du XIXème siècle il devient un empire de couleur beaucoup plus dispersé. La conquête de l’Inde déclasse les west indies, la conquête de l’Inde puis d’autres colonies asiatiques et africaines noient dans la multitude des colonies asiatiques et africaines, les dominions.

Vers 1830, ces colonies de peuplement sont moins de 1 % de colonies totales, désormais ce sont l’Afrique et l’Asie qui dominent. Grâce à la prise indienne qui est colossale, l’Empire britannique détient en 1830, 90 % des terres colonisées par l’Europe et contrôle 92 % des 95 millions d’habitants qui les peuples ; aucune puissance de l’ère contemporaine n’atteindra une telle suprématie.

C’est le plus grand des empires au service d’une économie qui est devenue dominante, elle va opérer un changement dans sa politique tarifaire.

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De la fin de l’empire mercantiliste à l’empire libre-échangiste[modifier | modifier le wikicode]

La métropole va tourner le dos au protectionnisme et opter à partir du milieu du XIXème siècle pour le libre-échangisme.

Il faut le marquer au départ afin d’analyser la contribution des colonies. Le passage au libre-échangisme de la Grande-Bretagne est une réelle rupture pour l’histoire économique de l’Europe.

Il y a toute une série d’évènements qui annoncent ce passage au libre-échangisme, il faut également noter pour souligner l’importance de cet évènement que la Grande-Bretagne va rester libre-échangiste pendant très longtemps.

Sur le continent européen, il y a une phase à la fin du XIXème siècle où les pays soit adoptent le libre-échangisme ou retournent au protectionnisme. La Grande-Bretagne va rester fidèle au libre-échangisme pendant presque un siècle de 1846, qui est la date d’adoption du libre-échangisme, jusqu’en 1931 – 1932, la Grande-Bretagne est continuellement libre-échangiste.

Le libre-échangisme est d’abord énoncé par la déclaration d’indépendance des treize colonies, il y a le progrès de l’industrialisation qui fait que la Grande-Bretagne va bénéficier d’une avance pendant près d’un demi-siècle, il y a également pendant le premier tiers du XIXème siècle l’abolition du monopole de l’East India Company qui datait de 1600.

En 1846, la Grande-Bretagne passe au libre-échangisme, il y a la suppression des actes de navigation en 1849, autrement dit, la Grande-Bretagne déborde du pacte colonial.

Ensuite, il y a la suppression des préférences douanières, la métropole lorsqu’elles importent une gamme de produits comme le sucre par exemple, il y a plusieurs producteurs et exportateurs, chaque métropole privilégie les producteurs et les exportateurs membres de l’empire.

Dans le cas britannique, c’était le sucre antillais qui était plus cher que d’autres sucres, mais avait un privilège douanier qui était la préférence impériale.

Entre 1854 et 1860, la préférence impériale est supprimée faisant entrer la Grande-Bretagne dans l’ère du libre-échangisme.

La Grande-Bretagne met fin au mercantilisme parce qu’elle s’industrialise et acquiert le statut de première puissance économique du monde, elle va mettre fin au système clos qui régissait les rapports entre métropole et colonies depuis le XVIIème siècle.

Map of the British Empire under Queen Victoria at the end of the nineteenth century. "Dominions" refers to all territories belonging to the Crown.

Pendant près d’un siècle, les produits métropolitains ne jouissent plus de préférence sur les marchés des colonies d’exploitation, les dominions ont la liberté dès 1859 de se protéger des produits britanniques en les taxant à l’entrée de leurs frontières – les dominions ont depuis le XIXème siècle une souveraineté qui leur permet de choisir leur politique tarifaire – parce qu’ils veulent promouvoir à des moments différents l’industrialisation chez eux.

La Grande-Bretagne qui devient une économie dominante régnant sur l’économie mondiale va intégrer son empire dans l’économie mondiale.

Entre le XVIIIème et le XIXème siècle, on passe d’un système économique mondial à un autre, il y a plusieurs éléments auxquels on peut recourir, mais il faut porter une attention particulière aux écarts de développement.

Dans le système en place au XVIIIème siècle les pays européens n’enregistrent pas d’écarts de développement important, personne n’est industrialisé, tout le monde est à la même enseigne dans le système d’ancien régime, il y a des blocages au développement, ce système économique international est conflictuel et marqué par de fortes rivalités commerciales ainsi que partent des guerres commerciales.

Les choses vont changer à partir du moment où la Grande-Bretagne s’industrialise en premier ; reste la seule nation à s’industrialiser pendant un laps de temps relativement long.

Au fur et à mesure qu’on avance au XIXème siècle, il y a des disparités de revenus et des écarts dans le niveau d’industrialisation, il y a un système où on voit apparaître un « partage des tâches ».

Il y a des économies complémentaires de la Grande-Bretagne et il y a des économies qui sont concurrentielles. Le Danemark est une économie complémentaire s’insérant dans le système en remplissant une tâche particulière, la Suisse est une économie concurrentielle.

Il y a une distribution des rôles qui s’effectue en fonction du degré d’élaboration et du niveau des produits exportés, autour de la Grande-Bretagne qui est pionnière de l’industrialisation, les autres pays exportateurs trouvent des niches.

À l’intérieur de ce système économique international, la Grande-Bretagne entretient des relations avec une multitude de partenaires, l’économie britannique va se spécialiser dans deux grands types de produits d’exportations : des cotonnades grossières et bon marché fabriquées et des matériels de transport.

Le marché intérieur ne suffit pas afin que toute cette production qui devient importante grâce à la mécanisation soit absorbée, l’Europe continentale et les États-Unis ne vont pas absorber cette gamme de produits parce qu’elles se protègent.

Si bien que les débouchés pour ce groupe de produit d’exportation sont les débouchés extraeuropéens, bien entendu, l’empire, mais aussi d’autres partenaires comme l’Amérique latine, le Moyen-Orient et la Chine, la Grande-Bretagne exporte aussi des produits où elle a un avantage comparatif comme les filets fins de cotons, la fonte, certains biens d’équipements plus sophistiqués. Cette gamme d’articles passe les frontières et les barrières protectionnistes parce que les pays occidentaux en voie d’industrialisation ne savent pas les fabriquer ou ne les fabriquent pas en quantité suffisante.

Nous devons étudier la contribution coloniale à l’économie britannique, mais en plaçant l’empire dans une économie internationale dominée par la Grande-Bretagne.

L’avancée coloniale britannique au XIXème siècle n’est qu’un aspect d’une expansion plus large et multiforme par laquelle la Grande-Bretagne arrive à intégrer l’empire, mais aussi des contrées extraeuropéennes ainsi que des pays occidentaux. Tout cela a une incidence, que l’on considère au niveau de la circulation des marchandises les deux fonctions de débouché et de source d’approvisionnement, cela donne à ces deux fonctions une stabilité relative.

De bout en bout de la période considérée du milieu du XIXème siècle jusqu’au début des années 1931, la part des exportations vers les colonies et la part des importations des colonies vers la Grande-Bretagne ont une stabilité, la part des exportations est autour de 1/3 et la part des importations en provenance de l’Empire est de 1/5.

À partir du moment où la Grande-Bretagne va adopter une politique plus restrictive, les échanges avec l’empire vont se développer.

Nous essayons de suivre la contribution des colonies à l’expérience de croissance économique de la Grande-Bretagne selon les phases de cette croissance : c’est une économie dominante, mais qui va décliner en terme relatif à partir d’un certain moment surtout en ce qui concerne l’industrie.

On constate d’abord une stabilité relative qui tourne toujours autour de 1/3, mais il y a d’autres types de stabilités que l’on considère la structure par produit ou géographique. Entre le milieu du XIXème et le premier tiers du XXème siècle, les produits métallurgiques constituent les principales exportations de l’empire.

L’Inde reste durant cette période, en raison de sa taille démographique, le premier débouché de l’empire.

Il y a une différence entre l’Inde prototype des colonies d’exploitation d’avec les colonies de peuplement européen. Compte tenu de ce que nous avons dit, à savoir que les colonies de peuplement européen acquièrent au fur et à mesure que l’on avance dans le temps une position qui les met au-dessus en matière de revenu par rapport à la métropole, elles vont devenir les meilleures clientes de l’industrie britannique.

Le critère change, on considère les exportations britanniques à destination de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande par habitant, il y a un fossé. Vers 1860, les exportations britanniques vers ces destinations sont par habitant 100 fois plus élevées que celles à destination de l’Inde. L’Inde est une masse restant le principal débouché, mais les meilleurs clients en tenant compte des écarts de revenus par habitant se trouvent dans les colonies de peuplement européen. La même stabilité caractérise les importations, le total des achats à l’étranger de la métropole tourne autour des 1/5.

On peut considérer que l’empire remplit sa fonction d’approvisionnement de produits bruts : le bois du Canada, le café, l’étain de Malaisie, le coton des West Indies et les cotonnades et les soieries d’Indes. Avec le temps, la gamme fournie par l’empire va s’étendre avec le thé, le caoutchouc des plantations d’Asie, les graines d’Afrique occidentale, le jute et les denrées alimentaires du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

  • Que se serait-il passé si la Grande-Bretagne n’avait pas disposé de ces débouchés ? Aurait-elle perdu ou gagnée ?

On appelle cela la comptabilité impériale, mais il s’agit également de scénarios, d’histoire contre factuelle, on « suppose que », c’est une analyse coût/bénéfice qui est une spécialité anglo-saxonne.

Cet exercice de comptabilité impériale peut être entrepris pour la période de 1870 à 1914, durant cette phase on évalue d’un côté les coûts et les bénéfices du commerce colonial.

La première situation suppose que les possessions d’outre-mer seraient soit indépendantes ou entre les mains d’autres puissances coloniales. Autrement dit, on prive la Grande-Bretagne de son empire faisant l’hypothèse que ces colonies sont soit indépendante soit entre les mains d’autres puissances, que se passe-t-il ?

La Grande-Bretagne, pour autant qu’elle veuille échanger, subirait des tarifs douaniers, si on s’en remet à la situation de l’époque ces tarifs tourneraient autour de 20 % à 40 %, la métropole perdrait donc les bénéfices de l’ouverture.

Le second scénario est qu’on suppose qu’en absence d’empire, les possessions britanniques d’outre-mer seraient moins intégrées à l’économie mondiale. Dans ce cas, il est estimé que les exportations de biens et de services à destination des colonies de peuplement diminueraient de 30 % et celles à destination des colonies d’exploitation de 75 %. Ce sont des simulations qui reposent sur des données.

  • La possession de l’empire amènerait le gain ; quel est ce gain et à quoi faut-il le rapporter ?

Dans le premier scénario, le gain serait de 1,6 % du produit national brut britannique en 1870 et de 3,8 % en 1914. Dans la situation où le volume des échanges est supposé, baisser ce gain serait de 3,4 en 1870 et 3,6 % en 1913.

Le gain généré par le commerce impérial de 1870 et 1913 est entre 3 % et 5 % du produit national brut. La Grande-Bretagne, en mettant en place son réseau ferroviaire, a gagné entre 3 % et 5 %, la contribution du réseau ferroviaire au PIB est de 3 % à 5 %.

Ces branches ont vieilli au niveau des techniques utilisées. À partir de la seconde moitié du XIXème siècle, ce sont d’autres branches manufacturières qui sont dynamiques et motrices apparaissant dans le cadre de la deuxième révolution industrielle.

C’est une vieille argumentation qui reconnaît que le commerce colonial génère en gain, mais conteste l’éclat de ce gain qui serait terni par la composition des produits exportés.


On devine le cœur de l’argumentation, les marchés coloniaux sont des marchés faciles d’accès, ce sont des marchés non concurrentiels, il y a la supériorité de l’économie britannique qui n’a plus besoin de préférence impériale, de surcroit la Grande-Bretagne dispose, du moins en Inde, du privilège de la souveraineté. Ce sont des marchés faciles tenus simplement sur le plan politique.

La tentation est forte pour des branches manufacturières déclinantes et vieillissantes qui ne veulent plus se battre sur des marchés ouverts de se réfugier sur des marchés faciles d’accès. On va parler de refuge impérial accusé de ramollir les exportations britanniques confrontées aux protectionnismes européens et américains et malmenées à partir du dernier tiers du XIXème siècle de la concurrence de nouveaux pays industriels comme l’Allemagne, les États-Unis et le Japon.

La facilité d’accès des marchés coloniaux aurait un effet d’assouplissement en détournant les exportateurs des marchés véritablement concurrentiels. Cette facilité d’accès privilégie les industries à croissance lente au détriment de branches à expansion rapide contribuant au déclin relatif de l’économie britannique.

Après avoir été des moteurs de la croissance, les marchés coloniaux freinent et entravent.

Le repli sur l’empire[modifier | modifier le wikicode]

Nous allons passer du XIXème siècle au XXème siècle, il y a quelque chose qui change.

Ce qui va se passer est que la Grande-Bretagne qui reste libre-échangiste jusqu’au début des années 1930 voit sa position se détériorer. La Grande-Bretagne n’est plus triomphante, ne va plus se contenter d’intégrer son empire dans une économie internationale qu’elle domine outrageusement.

À partir du moment où sa position dominante s’effrite et où le déclin relatif touche l’industrie et la finance, à partir du moment où la Grande-Bretagne n’a plus la haute main sur les affaires qui sont les siennes, elle va avoir la tentation du repli sur l’empire.

Le repli sur l’empire va apparaître de manière très manifeste lorsque la Grande-Bretagne va opter pour le protectionnisme. Alors, nous retrouvons la situation où les marchés coloniaux sont considérés de nouveau comme des marchés préférentiels.

Parmi tous les partenaires de la Grande-Bretagne, les possessions d’outre-mer apparaîtront comme des partenaires fidèles et solides sur lesquels s’appuyer et se replier.

Selon la période que l’on choisit, tout en gardant la même métropole, tout en posant la même question, ce qui change est l’empire, sa taille, sa composition, ce qui peut changer aussi sont les écarts entre la métropole et certaines de ses colonies. Tantôt, l’empire apparaît comme jouant un rôle de soutien lors d’une phase de croissance par exemple au moment de la révolution industrielle, les colonies à ce moment contribuent de manière positive et soutiennent la croissance économique et surtout sont des appuis pour des branches économiques nouvelles, dynamiques ; tantôt, l’empire peut apparaître comme le compagnon des mauvais jours, comme un partenaire fiable et fidèle.

À chaque fois, selon la période choisie, il y a des thèses différentes à défendre : lorsque les colonies sont là pour donner à une phase de l’expérience de croissance économique métropolitaine toute sa vigueur et son état, alors c’est la thèse du soutien, de l’élan insufflé, ou alors si on considère l’empire dans des temps troublés, c’est le compagnon des mauvais jours. Lorsqu’une phase prospère revient l’empire apparaît dans une moindre utilité. L’empire peut être présenté à un moment donné pour certaines branches manufacturières comme un refuge et une solution de facilité, l’empire contribuerait au déclin relatif de la Grande-Bretagne parce que les marchés sont occupés par des branches déclinantes.

Il n’y a pas de thèse valable pour toute la période où la Grande-Bretagne possède un domaine dont la composition change, il faut aussi tenir compte de l’évolution des structures économiques de la métropole.

Il ne faut pas jeter le discrédit sur les débouchés impériaux de cette manière d’abord parce que le déclin de l’industrie britannique qui est particulièrement marqué durant le dernier tiers du XIXème siècle ne s’accompagne pas d’une augmentation de la part de l’empire dans les exportations métropolitaines.

Au moment où l’industrie britannique - dans le dernier tiers du XIXème siècle – décline, ce déclin devrait s’accompagner d’un déclin dans les exportations, or ce n’est pas le cas.

Au niveau des débouchés, on note une stabilité relative de l’empire.

Le débouché impérial, parce qu’il est facile de présenter comme étant un refuge, va induire des rigidités structurelles, c’est-à-dire va en quelque sorte scléroser quelques branches contribuant à mettre dans les structures économiques de la métropole des rigidités. Au moment de la colonisation, ces rigidités devraient disparaitre, mais ce n’est pas le cas.

Ces rigidités structurelles imputées à des marchés lointains supposés languissants subsistent jusqu’à la décolonisation et même jusqu’après la « perte » de l’empire ; le déclin continu jusqu’après la décolonisation et au-delà.

Accuser les débouchés coloniaux d’être à l’origine de la faible performance des exportations britanniques sur les marchés concurrentiels serait comme « accuser le lit d’hôpital de rendre malade le patient ».

On peut rappeler que le débouché colonial en certaines circonstances joue un rôle primordial, rend un service à la métropole, nous retrouvons la Grande-Bretagne comme économie dominante adapte du libre-échangisme ayant une suprématie sur une économie mondiale échangeant avec différents partenaires, mais avec ses différents partenaires n’enregistrant pas les mêmes résultats.

Lorsqu’on s’intéresse à la contribution de l’économie, il faut faire des découpages, dans le temps, au niveau de l’appareil de production, il faut replacer l’empire comme étant l’un des nombreux partenaires de la Grande-Bretagne et déterminer quel rôle joue ce partenaire impérial.

Le rôle que joue l’empire est dans un système mondial de compensation, le terme consacré est un système de règlements multilatéraux.

La Grande-Bretagne a beaucoup de partenaires commerciaux et n’enregistre pas avec ses partenaires les mêmes performances, avec certaines partenaires elle a des échanges déficitaires, avec d’autres partenaires elle a une balance commerciale des marchandises excédentaires.

Là où la Grande-Bretagne a des déficits au centre d’un système marchand que parce que la Grande-Bretagne est libre-échangiste, alors elle va pouvoir équilibrer les déficits par les surplus.


La Grande-Bretagne a des déficits avec les États-Unis et l’Europe continentale auxquels elle achète une quantité croissante d’articles manufacturés, certains pays en voie d’industrialisation vont choisir de se spécialiser, la Grande-Bretagne continue d’échanger avec ces pays en voie d’industrialisation.

La Grande-Bretagne a également des échanges déficitaires avec le Canada, l’Afrique du Sud, d’Argentine et de Nouvelle-Zélande.

D’un autre côté, elle bénéficie de surplus avec d’autres partenaires comme avec l’Inde. S’il y a un territoire qui permet à la Grande-Bretagne d’équilibrer sa balance au niveau des échanges de marchandises, c’est l’Inde, mais aussi l’Australie, la Malaisie, les colonies d’Afrique occidentale, la Chine, le Japon et la Turquie.

Ce système permet à la Grande-Bretagne d’utiliser les surplus issus de ses échanges avec l’Inde afin de combler son déficit avec ses autres partenaires.

Au niveau des marchandises, c’est le système de compensation qui sert la Grande-Bretagne afin de faire l’équilibre nécessaire, toutefois cela ne suffit pas.

Il y a la circulation des marchandises, il y a aussi la balance de transaction des capitaux, ce que la Grande-Bretagne place comme capitaux à l’étranger rapporte des intérêts.

Au fond, l’empire permet à la Grande-Bretagne non seulement d’équilibrer la balance des paiements, mais aussi d’engranger des excédants.

Il y a d’autres revenus provenant des exportations invisibles qui proviennent de la vente des services à d’autres pays et d’autre part des revenus des investissements de capitaux britanniques à l’étranger : ce sont le transport de marchandises, les services commerciaux, financiers et d’assurance, il y a des bourses de matières premières comme à Londres et Liverpool, il y a des services assurés par des services britanniques implantés à l’étranger, les banques britanniques financent à court terme une grande partie du commerce international.

L’empire peut remplir la fonction de placement sûr et rémunérateur de capitaux métropolitains.

Si on considère les échanges entre la métropole et les colonies au niveau des marchandises, il n’y a pas de bouleversements entre l’empire mercantiliste et l’empire libre-échangiste. En revanche, si on considère la circulation des capitaux cela change dans la mesure où l’empire va à partir de la seconde moitié du XIXème siècle attirer de plus en plus de capitaux métropolitains.

Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les investissements dans l’empire sont négligeables, mais par la suite entre 1870 et 1814 ils augmentent. À la veille de la Première Guerre mondiale, les investissements dans la métropole représentent quelque 45 % des actifs britanniques à l’étranger, les investissements européens dans l’empire se dirigent vers les colonies de peuplement européen.

Ce pourcentage est déjà important à la veille de la Première Guerre mondiale parce que la Grande-Bretagne est le principal banquier du monde.

Les investissements sont principalement des investissements de portefeuille, placés dans les équipements de base comme des infrastructures plutôt que dans des investissements directs. Les investissements britanniques dans les colonies facilitent leur ouverture au commerce international. Ce sont les investissements européens qui contribuent à faciliter l’ouverture et à développer le commerce international.

Les colonies de peuplement qui vont devenir les dominions concentrent environ 70 % des investissements dans l’empire contre 20 % pour l’Inde. La différence devient plus marquée si on choisit le critère qui revient à calculer les investissements par habitant, vers 1914 les investissements européens en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande sont environ 65 fois plus élevés qu’en Inde.

L’investissement dans l’empire sert la métropole parce que ces investissements rapportent des intérêts et des dividendes, en ce sens, cela contribue à rendre largement excédentaire la balance des paiements de la métropole avec ses possessions d’outre-mer.

Ce système mondial de règlements multilatéraux devient viable parce qu’il y a cet excédent engrangé par la Grande-Bretagne dans ses possessions d’outre-mer. Ce système permet à la Grande-Bretagne de payer ses dettes aux pays avec lesquels elle enregistre des déficits ou des dettes.

Jusqu’à maintenant, nous avons considéré les échanges de marchandises, nous avons essayé de voir quels sont les bénéfices et les gains générés par les relations commerciales entre la métropole et ses colonies.

Afin de compléter cet exercice, il faut faire deux autres choses : essayer de voir quel est le gain issu de l’investissement métropolitain dans l’empire, retenir la même phase de 1870 à 1914, il y a également les coûts notamment calculés pour la maintenance à savoir les coûts de gestion et d’administration de l’empire.

En soustrayant les coûts des bénéfices, nous avons les gains nets ; en donnant une autre façon de voir les choses, on relativise les résultats obtenus.

Quel est le gain de l’investissement dans l’empire pour l’économie métropolitaine ? Dans le meilleur des cas c’est-à-dire dans la situation contre factuelle « radicale » qui implique un niveau moins élevé des investissements dans l’empire, le fait d’en posséder un assure un gain à la Grande-Bretagne de 0,3 % du PNB en 1870 et de 0,5 % en 1913.

Il faut tenir compte du coût de gestion et d’administration de l’empire ; combien cela coûte ? 3 % du revenu national britannique entre 1870 et 1813.

Le bilan de la colonisation pour l’Empire britannique pourrait s’établir de la manière suivante : un gain total maximum, il faut ajouter le gain du commerce et le gain de l’investissement donnant environs 5,5 % du PNB, on enlève le gain de réel qui est de 1,5 %, on obtient 4 % du PNB qui est le gain net soit la contribution de l’empire.

Entre 1870 et 1914, 4 % du PNB n’est pas négligeable, mais n’est pas non plus décisif.

On peut aller au-delà de cet exercice, en dépassant ce genre de calcul on peut considérer une autre manière qu’à l’empire de contribuer à la Grande-Bretagne.

Ce qui a été présenté concerne plutôt le XIXème siècle, pour les historiens le XIXème siècle commence en 1815 et s’achève en 1913.

Nous allons considérer les choses pour la période qui suit la Première Guerre mondiale. Il y a des signes de déclin de la puissance britannique, au fond, les fondements mêmes de cette suprématie sont remis en cause, tout cela va donner à l’empire une valeur et une utilité dont la métropole prend désormais la pleine mesure.

Après la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne a beaucoup de peine à restaurer ses équilibres extérieurs. Au bout du compte elle va lâcher prise, c’est-à-dire qu’elle va décider de tourner le dos au libre-échangisme.

Le libre-échangisme est de moins en moins adapté à la position déclinante de la Grande-Bretagne dans un monde qui a changé, parce que hérissé de barrières économiques de toutes sortes.

Il y avait un système économique international qui s’est mis en place au XIXème siècle dominé par la Grande-Bretagne pendant longtemps, elle en a tiré les bénéfices avec la contribution de l’empire. La Grande-Bretagne n’a plus la capacité de tirer du système international tous les avantages si bien qu’en septembre 1931 est suspendue la libre convertibilité du livre-sterling.

La livre sterling va flotter sur le marché des changes constituant une dévaluation de fait. Avec cette décision de septembre 1931 qui va être suivit par d’autres, on va abandonner des dogmes, on change de religion sur le plan économique, cet abandon est imposé par le déséquilibre des paiements extérieurs, on ne peut plus faire des compensations et des arbitrages.

La décision concernant la convertibilité de la livre sterling est suivit très rapidement par un autre renoncement entre novembre 1931 et février 1932 le renoncement au libre-échangisme qui est un « symbole quasi religieux de la vieille société concurrentielle ». La Grande-Bretagne, après près d’un siècle, revient comme les autres au protectionnisme.

Le système protectionniste mis en place réserve à l’empire un traitement particulier : on va déterrer le système de préférence impériale, privilégier les échanges avec l’empire, orienter et destiner les capitaux investis à l’étranger dans les possessions d’outre-mer, l’empire devient une valeur sûre.

Postage stamp, Canada, 1932: commemorative overprint for Ottawa Conference.

En été 1932, quelques mois après le début de l’ère protectionniste, la Grande-Bretagne engage des négociations avec les dominions, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande en vue d’établir un système de préférence impériale, ce sont les accords d’Ottawa. La métropole obtient que les dominions abaissent leurs barrières douanières devant les britanniques, en échange les dominions vont obtenir que la Grande-Bretagne achète des quantités données de denrées agricoles et à les taxer faiblement à l’entrée des ports britanniques.

Dans la période précédente, l’empire fonctionnait d’une manière un peu lâche où il y avait toute une série de partenaires, après la Première Guerre mondiale et surtout dans les années 1930 la Grande-Bretagne va réserver et intensifier les liens avec l’empire.

Ce système de préférence est étendu à d’autres possessions comme à l’Inde au Ceylan et à la Malaisie qui va se maintenir jusqu’aux années 1960.

Durant l’empire libre-échangiste les liens commerciaux avec l’empire restaient stables que cela soit du côté des exportations ou du côté des importations, après la Première Guerre mondiale on a une intensification des échanges.

En 1911 – 1913, on compare avec 1949 – 1951, la part de l’empire dans les exportations britanniques augmente de 36 % de 1911 – 1913 à 49,5 % dans les années 1949 – 1951, concernant les importations 20,4 % en 1911 – 1913 à 49,5 % en 1949 – 1951.

Le repli sur l’empire peut être ainsi illustré au niveau des échanges par ce resserrement et cette intensification des relations commerciales. Il se passe la même chose au niveau de la circulation des capitaux.

À partir des années 1930, la Grande-Bretagne n’assure plus qu’une partie son rôle de banquier du monde, mais les investissements dans l’empire vont reprendre et s’accélèrent jusqu’à ce que l’empire devienne le lieu privilégié de placements de l’empire.

Plus des 2/3 des capitaux étrangers investis à l’étranger se dirigent vers l’empire entre les années 1930 et les années 1970. Si on considère la part de l’empire dans le total des avoirs extérieurs de la Grande-Bretagne, en 1870 c’est 38 % du total des capitaux investis par la Grande-Bretagne à l’étranger qui va dans l’empire et en 1950 c’est plus de 50 %.

Il y a la préférence impériale au niveau des échanges commerciaux et une concentration des investissements dans l’empire concernant les mouvements de capitaux.

Cet investissement privilégié dans l’empire fonctionne comme des coussins amortisseurs, cela permet à la métropole de mieux supporter les turbulences de la grande dépression et de mieux affronter l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale, de mieux relever le défi de la reconstruction après. L’empire apparaît comme le compagnon des mauvais jours.

Si l’on veut dénigrer le rôle de l’empire à ce moment-là, on peut présenter l’empire comme des béquilles qui soutiendraient en des temps difficiles une économie métropolitaine mise à mal. Ces béquilles impériales ne seraient plus nécessaires à partir des années 1950 parce qu’après la Deuxième Guerre mondiale personne ne s’attendait à ça.

Durant la deuxième guerre mondiale, en Europe et aux États-Unis, se sont constitués des groupes de réflexions qui avaient pour tâche de faire de la prospection et d’imaginer la situation après la Deuxième Guerre mondiale. Ils avaient imaginé des troubles, de crises, des turbulences, des baisses de la croissance et du chômage massif. Aucun expert n’était optimiste, tout le monde craignait des crises profondes et durables, les mesures préconisées étaient pour atténuer.

Après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu une période miraculeuse où on a enregistré une période de croissance rapide, avec une redistribution des richesses moins inégalitaire durant trente années.

Autrement dit, après la Deuxième Guerre mondiale, la Grande-Bretagne va bénéficier du début des Trente Glorieuses. Elle va engranger tout ce que cette phase de croissance économique rapide et relativement harmonieuse. Cela a permis à la Grande-Bretagne de se passer des béquilles impériales, elles sont devenues inutiles et c’est pourquoi l’Europe a décidé de décoloniser parce que son salut était en Europe, l’empire apparaît comme un fardeau.

Dans les années 1950 – 1970 l’empire apparaît comme une charge est on va s’en débarrasser. Sur le plan comptable, l’empire coûte d’où une plus grande facilité à se débarrasser de quelque chose qu’on a appelé « béquille ».

L’utilité de l’empire dans le cas britannique n’aura jamais été aussi grande que durant la phase de déclin économique de la métropole. Du début des années 1930 à la fin des années 1950, l’empire apparaît comme une bouée de sauvetage qui maintient à flot l’économie britannique.

Il faut tenir compte des résultats que l’on obtient parce que cela nous permet de disposer d’un ordre de grandeur, c’est un acquis de l’historiographie aujourd’hui.

  • Quel est le poids de l’empire pour la Grande-Bretagne ? L’ordre de grandeur est de 5 % du PNB.

Les colonies ajoutent également quelque chose à la Grande-Bretagne au niveau des ressources, on peut aller au-delà du bilan coût/bénéfice et proposer une autre manière de présenter.

Qu’est-ce que ces entités ajoutent comme ressources à la Grande-Bretagne ? 30 % à la population et au revenu national de la Grande-Bretagne en 1913 et environ 50 % à la population et au revenu national de la Grande-Bretagne en 1950.

La colonisation a donné lieu à la création de nouveaux pays que l’on appelle parfois des « New Britannia ». La Grande-Bretagne a été en mesure de saisir cette occasion, l’opportunité s’est présentée à la Grande-Bretagne entre la fin du XVIIIème et du début du XIXème de se saisir d’immenses ressources agricoles et du sous-sol de ces pays « neufs ».

Afin de répondre au besoin des marchés urbains de la veille Europe, la Grande-Bretagne va les exploiter en y envoyant ses hommes et ses capitaux.

2 à 3 millions d’Indiens du Canada, d’aborigènes d’Australie et des Maoris de Nouvelle-Zélande paieront de leur vie la mise en valeur de ces nouvelles terres.

Ce que la Grande-Bretagne va faire est d’établir avec ces entités anglophones d’outre-mer, comme elle l’avait fait avec les États-Unis, des liens économiques, sociaux, politiques et sentimentaux qui favorisent un système de parenté durable.

Pour un historien de la colonisation britannique, le fait que le Premier ministre Tony Blair ait rejoint les Américains durant la deuxième guerre d’Irak tombe sous le sens lorsqu’on se souvient des liens qui avaient été développés.

Ce que ces extensions lointaines apportent à la Grande-Bretagne dépasse de très loin ce que l’empire peut rapporter à l’économie métropolitaine à proprement dit.

La colonisation et son histoire nous permettent de comprendre certaines situations actuelles.

Notes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]