Modification de Administración e implementación de políticas públicas
Attention : vous n’êtes pas connecté(e). Votre adresse IP sera visible de tout le monde si vous faites des modifications. Si vous vous connectez ou créez un compte, vos modifications seront attribuées à votre propre nom d’utilisateur(rice) et vous aurez d’autres avantages.
La modification peut être annulée. Veuillez vérifier les différences ci-dessous pour voir si c’est bien ce que vous voulez faire, puis publier ces changements pour finaliser l’annulation de cette modification.
Version actuelle | Votre texte | ||
Ligne 7 : | Ligne 7 : | ||
| assistants = | | assistants = | ||
| enregistrement = | | enregistrement = | ||
| cours = [[ | | cours = [[Administration et politiques publiques]]<ref>[http://wadme.unige.ch:3149/pls/opprg/w_det_cours.debut?p_code_cours=T207013&p_plan_is=0&p_langue=1&p_frame=N&p_mode=PGC&p_annee=2014&p_suffixe=&p_grtri=12294 Programme des cours - année académique 2014-2015 - Administration et politiques publiques I (T207013 CR)]</ref> | ||
| lectures = | | lectures = | ||
*[[ | *[[Qu’est-ce qu’une administration publique ?]] | ||
*[[ | *[[Les auteurs classiques : Weber, Taylor et Fayol]] | ||
*[[ | *[[L’administration fédérale suisse : un aperçu]] | ||
*[[ | *[[Critique sociologique du modèle bureaucratique : Crozier et Friedberg]] | ||
*[[ | *[[Critiques psychosociologiques : l’école des Ressources Humaines et les théories de la motivation]] | ||
*[[ | *[[Les structures administratives]] | ||
*[[ | *[[La fonction publique]] | ||
*[[ | *[[Administration et décision politique]] | ||
*[[ | *[[Administration et groupes d’intérêt]] | ||
*[[ | *[[Administration et mise en œuvre des politiques publiques]] | ||
*[[ | *[[Le contrôle de l’administration publique : le Cour des comptes au sein du système genevois]] | ||
*[[La | *[[La Nouvelle Gestion Publique]] | ||
}} | }} | ||
Ligne 28 : | Ligne 28 : | ||
| en = Administration and implementation of public policies | | en = Administration and implementation of public policies | ||
| fr = Administration et mise en œuvre des politiques publiques | | fr = Administration et mise en œuvre des politiques publiques | ||
}} | }} | ||
Ligne 67 : | Ligne 66 : | ||
{{citation bloc|I argue that the decisions of street-level bureaucrats, the routines they establish, and the devices they invent to cope with uncertainties and work pressures, effectively become the public policies they carry out. I argue that public policy is not best understood as made in legislatures or top-floor suites of high-ranking administrators, because in important ways it is actually made in the crowded offices and daily encounters of street-level workers.}} | {{citation bloc|I argue that the decisions of street-level bureaucrats, the routines they establish, and the devices they invent to cope with uncertainties and work pressures, effectively become the public policies they carry out. I argue that public policy is not best understood as made in legislatures or top-floor suites of high-ranking administrators, because in important ways it is actually made in the crowded offices and daily encounters of street-level workers.}} | ||
== « Policy making role »: deux dimensions == | == « Policy making role » : deux dimensions == | ||
Cette thèse ce décline en deux dimensions principales. | |||
1) | 1) Pouvoir discrétionnaire dans les décisions concernant les citoyens à Définition large de la notion de « discrétion » | ||
La | La discrétion est la « liberté d’agir et de juger par soi-même ». Il y a la possibilité au moment de l’application d’une règle d’interpréter cette règle dans un certain sens. Le SLB a toujours un pouvoir discrétionnaire qui parfois peut lui être reconnu clairement, parfois non-informel. La capacité d’interprétation d’une règle est {{citation|la flexibilité de décider de quelque chose au sein d’un cadre plus général de règles}}. Il y a un pouvoir discrétionnaire dans l’application d’une politique publique. Les décisions peuvent affecter profondément la vie des citoyens. | ||
Pour Adler et Asquith dans ''Discretion and power'' publié en 1993, le pouvoir discrétionnaire appliqué aux agents de la fonction publique est « A public official has discretion whenever the effective limits of his power leave him free to make a choice among possible courses of action or inaction ». Les SLB ont un pouvoir discrétionnaire dans la détermination de la nature, du volume et de la qualité des prestations à fournir et des sanctions à infliger. | |||
Le pouvoir discrétionnaire des SLB n’est pas du tout la liberté totale. C’est un pouvoir qui s’inscrit dans un contexte où de nombreuses normes et règles existent venant contraindre et encadrer le pouvoir discrétionnaire des SLB avec un cadre législatif, un cadre règlementaire, des règles d’organisation, des directives de la hiérarchie, des procédures, mais aussi des normes et des valeurs au niveau du groupe organisationnel et du groupe professionnel. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de préférences personnelles, mais qu’elles peuvent intervenir dans un contexte. C’est au milieu de ces éléments que le SLB est appelé à exercer son activité. | |||
La | La question est de savoir quel type de contrôle démocratique peut être exercé sur le SLB. La capacité de contrôle est souvent faible pour deux raisons principales : | ||
* | *asymétrie d’informations : le pouvoir politique n’a pas les informations suffisantes sur l’activité de terrain des SLB pour pouvoir contrôler de manière efficace les activités. | ||
*difficulté de tout visibiliser pour le pouvoir politique : le pouvoir politique ne peut visibiliser que certains aspects du travail des SLB, mais il ne peut visibiliser l’ensemble du travail des SLB. | |||
De par ces deux éléments, la possibilité du pouvoir des autorités de contrôler les SLB est limitée selon Lipsky. Meyers et Vorsanger montrent dans le chapitre XIX intitulé ''Street-Level Bureaucrats and the Implementation of Public Policy'' de l’ouvrage ''Handbook of public administration'' publié en 2003 que les SLB agissent dans un contexte de nature contraignante. Concernant les règles organisationnelles, dans toutes les organisations, il y a une abondance de règles et de procédures afin d’essayer de contrôler le travail des SLB. Souvent, il y a une abondance telle de règles qu’il est impossible d’obéir à toutes les règles, ils ont un pouvoir de sélectionner les règles dont ils vont se servir. Dans la plupart des organisations ou des services où il y a des SLB, il y a une insuffisance de ressources. Dans ce cas, il faut trouver une stratégie pour contourner l’inadéquation des ressources. Souvent, cela vise à sélectionner les bénéficiaires qui vont permettre d’atteindre les meilleurs résultats. Une autre possibilité est d’adopter des formes de routinisation de leur travail. On ne va pas individualiser la prestation aux circonstances individuelles et personnes de toutes les personnes, on va plutôt faire de la routine en privilégiant une application bureaucratique du travail de terrain. Il y a une difficulté à contrôler complètement le SLB, mais en même temps, le SLB ne peut pas faire tout ce qu’il veut, la discrétion est un pouvoir relatif. Pour Lipsky, « discretion is formally circumscribed by rules and relatively close supervision ». | |||
2) | 2) Autonomie relative des SLB par rapport à l’autorité de l’organisation | ||
Pour Lipsky, il y a divergence d’intérêts et de ressources à disposition entre les SLB et les chefs de service ou les managers. À partir du moment où ils n’ont pas les mêmes intérêts, il y a un potentiel de résistance pour résister aux injonctions des chefs de service voire au contenu des politiques publiques. | |||
Par les stratégies et ressources de résistance | |||
* | *refus d’accomplir certaines tâches : s’en tenir au cahier des charges ; | ||
* | *s’en tenir au minimum requis ; | ||
* | *accomplissement volontairement rigide du travail: ne pas communiquer des informations ; | ||
* | *détention d’expertise-clé/information : volonté de monopoliser l’information ; | ||
* | *position de faible observabilité des comportements : cela fait que ce qui se passe dans l’interaction de face à face est quelque chose qui très souvent peut rester dans le binôme, ne pas être observé et ne pas donner d’information au-dessus. | ||
{{citation bloc|In street-level bureaucracies, the resources of lower-level workers are greater than those often possessed by subordinates in other work contexts »|Lipsky}} | {{citation bloc|In street-level bureaucracies, the resources of lower-level workers are greater than those often possessed by subordinates in other work contexts »|Lipsky}}Il y a deux ordres de différences entre les SLB et les managers : | ||
* | *priorités professionnelles: les managers vont estimer que la mission des SLB est d’atteindre des résultats qui correspondent aux buts de l’organisation (culture managériale) alors que les SLB privilégieraient une gestion de la charge de travail en adéquation avec les préférences personnelles ou les normes professionnelles (éthique personnelle ou culture professionnelle). Avec l’assurance chômage ; la norme managériale est de réinsérer les gens le plus rapidement possible. Les SLB qui sont au contact des chômeurs, des bénéficiaires, vont peut-être décider de prendre plus de temps dans le cadre d’appréciations personnelles. Le pouvoir discrétionnaire existe, mais il n’est pas toujours utilisé contre le pouvoir des managers ou les attentes des supérieurs hiérarchiques. Une première ligne de tension/conflit qui est que les mécanismes de gestion des cas (SLB) peuvent aller à l’encontre des buts de la politique ou de l’organisation (managers). | ||
* | *intérêts propres : les managers ont intérêt à contrôler/réduire le pouvoir discrétionnaire des SLB à travers des directives ou encore limiter le contact des SLB avec les citoyens, alors que SLB vont tout faire pour maintenir/étendre leur autonomie professionnelle. Il y a une deuxième ligne de tension/conflit entre la défense des prérogatives discrétionnaires et contrôle managérial. | ||
Le pouvoir de SLB est présenté par Lipsky comme étant très important, mais c’est un pouvoir qui existe et qui peut être toujours déployé dans différentes directions : {{citation|SLB will use existing regulations and administration provisions to circumvent reforms which limit their discretion}}. | |||
Meyers et Vorsanger dans ''Street-Level Bureaucrats and the Implementation of Public Policy'' distinguent des enjeux normatifs et évaluatifs du pouvoir discrétionnaire des SLB : | |||
*gouvernance démocratique : quelle légitimité démocratique du pouvoir discrétionnaire des SLB ? Cela interroge la légitimée à faire la politique. C’est question est très importante. Soit ils n’ont aucune légitimité, soit comme c’est eux qui ont le lien direct avec les citoyens et les usagers, c’est eux qui ont une expertise professionnelle et peuvent savoir quelle est la meilleure prestation, qualité de prestations ou de service la meilleure possible. | |||
*égalité de traitement vs individualisation des prestations dans un contexte de limitation des ressources et de difficultés de contrôler la qualité des prestations : toute politique publique devrait viser à ce que tous les citoyens puissent accéder aux ressources. Il peut y avoir deux attitudes par rapport à cette tension, soit allant à l’encontre de l’égalité de traitement avec du privilège ou du favoritisme, ou on peut dire que ce sont des experts de leur champ et donc dans un contexte d’inadéquation des ressources. Il y a des SLB qui arrivent à faire en sorte que les prestations aillent vers les personnes qui en ont le plus besoin. | |||
*rôle discrétionnaire des SLB et efficacité politique : si on estime que l’efficacité politique est la loyauté à la politique, à sa finalité et à son efficacité, alors le pouvoir discrétionnaire et catastrophique. Dans ce cas, le travail des SLB est d’améliorer la loi. Une pratique au contact direct de la demande des citoyens devrait être mieux ajustée à cette demande. Suivant la définition de l’efficacité politique, si l’efficacité politique est d’appliquer la loi le plus fidèlement possible, le pouvoir discrétionnaire est une catastrophe. C’est une question de l’efficacité politique. | |||
== Illustration empirique : les réformes de politiques sociales aux États-Unis == | |||
Dans cette étude de cas, la réforme analysée est la « WORK PAYS » POLICY. Les destinataires de la réforme sont ceux qui reçoivent l’argent de la AFDC (Aid to Families with Dependent Children, AFDC). Le but est d’influencer leur rapport au monde du travail, ce que Meyers, Glaser et MacDonald dans ''On the front lines of welfare delivery: are workings implementing policy reforms?'' publié en 1998 résument comme {{citation|promote work over welfare and self-sufficiency over welfare dependence}}. Le contenu est un mélange d’incitations au travail et de désincitations à l’aide sociale. C’est un programme de changement de la politique sociale avec un passage du WELFARE au WORKFARE (« It always pays to work! »). Pour pouvoir mettre en œuvre cette réforme, il faut convaincre les bénéficiaires, mais aussi des SLB pour relayer la réforme. | |||
Les questions de recherche sont de savoir qu’est-ce que la politique « WORK PAYS » implique pour le travail des SLB locaux et quelles activités sont théoriquement attendues d’eux ? D’autre part, une autre question est quelles transactions/interactions ont effectivement eu lieu entre les SLB et les clients (récipiendaires de l’AFDC) et si celles-ci étaient-elles conformes aux objectifs principaux de la réforme. | |||
La démarche méthodologique est intéressante. La première question de recherche est la construction d’un modèle hypothétique des relations SLB-clients. La deuxième question est l’analyse du contenu des interactions et des entretiens de face-à-face SLB-clients dans quatre comtés représentatifs, avec des observations des interactions de face-à-face et des entretiens semi-directifs avec des SLB. | |||
Les principaux résultats de la première question sont que les SLB doivent transmettre des informations spécifiques à savoir l’existence de nouvelles règles, les nouvelles opportunités de combinaison WORK-WELFARE, les nouveaux programmes d’entraînement/soutien ainsi que les relations complexes entre programmes. Les SLB doivent utiliser une discrétion « positive » afin de faire comprendre le changement de la politique et individualiser le traitement des clients. | |||
Les principaux résultats de l’étude empirique sont de savoir si les SLB ont transmis ces informations. Les résultats sont que cela se passe rarement, le mot d’ordre « it pays to work » n’est jamais mentionné et la domination de l’ancienne culture (test de l’éligibilité) est persistante. Selon un agent d’un service étudié, {{citation|It would be a waste of time to tell every client about those work programs. They are not thinking about work when they come in here. They want their check}}. | |||
<gallery mode="packed" widths="300px" heights="250px"> | |||
app1 réformes de politiques sociales aux États-Unis 1.png| | app1 réformes de politiques sociales aux États-Unis 1.png| | ||
app1 réformes de politiques sociales aux États-Unis 2.png| | app1 réformes de politiques sociales aux États-Unis 2.png| | ||
</gallery> | </gallery> | ||
À la question est-ce que les SLB ont exercé leur discrétion positive, on voit qu’il y a un usage très peu courant (25% des interactions seulement – cf. Table 2) et une perpétuation d’interactions « routinisées ». Pour expliquer ces résultats, il faut comprendre qu’il y a une inadaptation des ressources à disposition et une incompatibilité avec le rôle professionnel. | |||
Les conclusions interrogent deux questions. Quid de la mise en œuvre de la politique « WORK PAYS » ? Oui au niveau technique et légal, mais non au niveau du terrain (faible conformité des transactions SLB/clients avec les objectifs de la politique). Cette étude montre que ce n’est pas une mauvaise volonté des SLB. L’explication mise en avant est plus intéressante faisant appel à différentes conditions de travail. Il y a les conditions de travail. Les auteurs montrent que les agents n’avaient pas le temps à disposition pour accomplir les nouvelles tâches dans un même temps de travail. Il y avait également un problème d’argent. En plus, il n’y avait aucun indicateur de performance portant sur les nouvelles missions faisant que l’attachement à une nouvelle culture ne comporte aucune prise de risque pour les SLB alors qu’ils étaient évalués sur les anciennes tâches. Il y a différents facteurs que l’on peut mettre en avant relevant des conditions de travail, de l’attachement à une ancienne culture et relevant à une incompréhension de la nouvelle vision de l’État social. | |||
= | = Apports et limites de l’approche = | ||
Les apports de ces approches à l’étude de l’administration publique sont l’analyse de la désagrégation du concept d’administration publique (AP), c’est une manière de réhabiliter les petits fonctionnaires, donner de l’intérêt pour le fonctionnement concret et quotidien de l’administration publique, ou encore donner une perspective dynamique et relationnelle de l’administration publique. | |||
À l’étude de la mise en œuvre des politiques publiques, en termes d’apport, on voit qu’il y a des ouvertures à de nouvelles perspectives de recherche notamment concernant le rôle politique de la « basse » administration. D’autre part, cela engendre une analyse fine des politiques publiques à « État au très concret » comme le confèrent les ouvrages de Dubois ou Weller. | |||
Les critiques et limites sont d’abord qu’il y a un niveau de généralité important à risque de négliger le poids des contextes professionnels spécifiques, il y a une absence des fonctionnaires de niveau intermédiaire, il est plus intéressant de faire appel à toute la chaine d’exécution. Il y a souvent dans les études SLB une « zone floue » sur les conditions du pouvoir discrétionnaire des SLB, comme le stipulent Meyers et Vorsanger, avec une variété des sources de contrôle et une variété des contextes de mise en œuvre. D’autre part, il y a un très fort trade-off méthodologique entre des études de cas traditionnelles et des enquêtes larges. | |||
Pour Meyers et Vorsanger dans ''Street-Level Bureaucrats and the Implementation of Public Policy'', {{citation|Front-line workers in public agencies play an important but often overlooked role in the shaping of policy delivery, output and impact. They have been overlooked by many policy officials, who are surprised by the nondelivery or distorted implementation of their policy directives. They have been overlooked by scholars of the policy process, whose interest often ends with the adoption of these directives. (...) Giving more prominent attention to the activities and influence of SLB will enrich our understanding of implementation successes and failures. But crediting those successes and failures to street-level bureaucrats alone, can easily distract us from an analysis of the political, policy design and organizational factors that shape their actions}}. | |||
= | = Références = | ||
<references /> | <references /> | ||