Les catégories et les générations de droits fondamentaux
Le Cylindre de Cyrus est parfois considéré comme la première déclaration des droits de l'Homme de l'histoire[1].
| Professeur(s) | Victor Monnier[2][3][4][5][6][7] |
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| Cours | Introduction au droit |
Lectures
- Définition du droit
- L’État
- Les différentes branches du droit
- Les sources du droit
- Les grandes traditions formatrices du droit
- Les éléments de la relation juridique
- L’application du droit
- La mise en œuvre d’une loi
- L’évolution de la Suisse des origines au XXème siècle
- Le cadre juridique interne de la Suisse
- La structure d’État, le régime politique et la neutralité de la Suisse
- L’évolution des relations internationales de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle
- Les organisations universelles
- Les organisations européennes et leurs relations avec la Suisse
- Les catégories et les générations de droits fondamentaux
- Les origines des droits fondamentaux
- Les déclarations des droits de la fin du XVIIIe siècle
- Vers l’édification d’une conception universelle des droits fondamentaux au XXe siècle
Les droits fondamentaux, anciennement désignés sous le terme de « droits naturels » au XVIIIème siècle, ont connu une évolution significative au fil du temps. Historiquement, ces droits étaient considérés comme inhérents à l'existence humaine, universels et inaliénables. Des philosophes comme John Locke et Jean-Jacques Rousseau ont grandement contribué à la conceptualisation de ces droits. Locke, par exemple, dans son œuvre "Deux Traités du gouvernement" publiée en 1689, a défendu l'idée de droits naturels tels que la vie, la liberté et la propriété, tandis que Rousseau, dans "Du contrat social" de 1762, a souligné l'importance de la volonté générale et de la souveraineté du peuple.
À cette époque, les droits naturels étaient perçus comme des principes moraux universels, ne dépendant pas de la législation ou de la reconnaissance par l'État. Cependant, avec la Révolution française et la Déclaration d'indépendance américaine, ces droits ont commencé à être formalisés dans des documents légaux. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en France a marqué un tournant majeur, affirmant des droits tels que la liberté d'expression, la liberté de religion et l'égalité devant la loi.
Au fil du temps, la compréhension et l'application des droits de l'homme ont évolué d'une perspective philosophique vers une application pratique et juridiquement contraignante. Cette transition s'est matérialisée par l'intégration progressive des droits fondamentaux dans les constitutions et les législations nationales. Par exemple, la Constitution fédérale de la Confédération suisse, qui reconnaît et protège une gamme de droits fondamentaux, illustre l'importance accordée à ces droits dans le cadre légal moderne. Elle garantit non seulement les libertés civiles et politiques traditionnelles, mais aussi des droits économiques, sociaux et culturels, reflétant l'élargissement du concept des droits de l'homme au-delà de sa conception originelle.
Le rôle des États dans la reconnaissance et la protection des droits fondamentaux est devenu primordial. L'intégration de ces droits dans les législations nationales a permis de créer des mécanismes juridiques pour garantir leur application et leur respect. Ainsi, les droits fondamentaux, bien qu'ayant leurs racines dans des principes universels et inaliénables, sont désormais principalement définis et protégés par le cadre juridique de chaque État. Cette évolution témoigne de la manière dont les sociétés ont institutionnalisé ces concepts philosophiques, reconnaissant leur importance fondamentale dans la protection et le respect de l'individu.
Les quatre catégories
Les libertés
Les libertés, dans le contexte des droits fondamentaux, jouent un rôle essentiel dans la protection et la promotion de divers aspects de l'existence individuelle. Elles concernent une gamme étendue de comportements et d'activités, offrant à chaque personne la latitude de réaliser ses aspirations, ses choix, et ses activités dans divers domaines de la vie.
Ces libertés englobent à la fois des dimensions physiques et psychiques. Par exemple, la liberté de mouvement, un droit fondamental, permet aux individus de se déplacer librement au sein de leur pays et de voyager à l'étranger. Cette liberté est cruciale non seulement pour les activités personnelles mais aussi pour des raisons professionnelles, comme dans le cas des commerçants ou des entrepreneurs qui doivent se déplacer pour développer leurs affaires. Sur le plan psychique, ces libertés incluent des droits tels que la liberté d'expression et la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ces libertés permettent aux individus d'exprimer leurs opinions, de pratiquer leur religion ou de suivre leurs convictions sans crainte de censure ou de répression. La liberté d'expression, par exemple, est fondamentale dans une société démocratique, car elle soutient le débat public, la critique du gouvernement et l'échange d'idées. En outre, les libertés individuelles englobent le droit à la vie privée, protégeant ainsi les aspects personnels et familiaux de la vie d'une personne contre les intrusions indésirables. Cette liberté est de plus en plus pertinente à l'ère numérique, où la protection des données personnelles est devenue une préoccupation majeure.
Les libertés fondamentales sont essentielles pour le développement personnel et l'autonomie. Elles permettent aux individus de poursuivre leurs objectifs, d'exprimer leur individualité et de participer pleinement à la société. Ces droits sont protégés par divers instruments juridiques internationaux, tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que par les constitutions et les lois nationales. La protection et la promotion de ces libertés sont vitales pour maintenir une société ouverte, dynamique et respectueuse des droits de chaque individu.
Les droits politiques
Les droits politiques, essentiels au fonctionnement de la démocratie, accordent aux citoyens la capacité de participer activement à la gestion des affaires publiques. Ces droits, ancrés dans l'ordre juridique, reflètent la capacité des citoyens à influencer la direction politique de leur société.
Le droit de vote est au cœur de ces prérogatives. Il offre aux individus un moyen direct d'exprimer leurs opinions sur la manière dont ils sont gouvernés, que ce soit par des élections ou des référendums. L'histoire du droit de vote est jalonnée de luttes significatives pour l'inclusion. Par exemple, le mouvement des suffragettes, qui a pris de l'ampleur au début du XXe siècle, a joué un rôle déterminant dans l'extension du droit de vote aux femmes, un jalon majeur dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni avec la loi de 1918 et les États-Unis avec le 19e amendement en 1920.
En parallèle, le droit d'élire, qui permet aux citoyens de choisir leurs représentants, est un pilier de la démocratie représentative. Ce droit assure que les gouvernements reflètent la diversité et les préférences de la société. Il permet également la représentation équitable des différentes opinions et intérêts, assurant ainsi une gouvernance plus inclusive et démocratique.
En outre, le droit d'être élu est tout aussi crucial. Il garantit que tout individu, sous réserve de répondre à certains critères, peut se présenter comme candidat dans un processus électoral. Cette disposition favorise un système politique ouvert et dynamique, permettant à des personnes de divers horizons de contribuer à la gouvernance. La possibilité pour des individus de différents milieux de se présenter aux élections enrichit le débat politique et favorise l'intégration de perspectives variées.
Ces droits collectivement forment le socle de la participation citoyenne dans les démocraties modernes. Leur protection et promotion sont essentielles pour assurer la légitimité des gouvernements et favoriser un engagement civique actif. Ils sont le garant d'une société où le pouvoir politique est non seulement accessible, mais également réceptif aux besoins et aspirations de l'ensemble de la population.
Les garanties de l’état de droit
Les garanties de l'état de droit représentent un ensemble de principes et de droits fondamentaux essentiels qui encadrent et limitent l'action de l'État, tant dans son contenu que dans sa forme. L'objectif central de ces garanties est de soumettre l'État au respect de règles fondamentales, assurant ainsi la protection des individus contre les abus de pouvoir et la promotion de la justice et de l'équité dans la société.
Le principe d'égalité est l'un des piliers de ces garanties. Il impose à l'État de traiter tous les citoyens de manière égale, en interdisant toute forme d'arbitraire ou de discrimination. Ce principe trouve ses racines dans des documents juridiques historiques tels que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui proclame l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Le principe d'égalité vise à assurer que les décisions et actions de l'État ne favorisent ni ne désavantagent injustement certains groupes ou individus.
Au-delà de l'égalité, les garanties de l'état de droit comprennent également le respect de la légalité, c'est-à-dire que toutes les actions de l'État doivent être fondées sur le droit. Ce principe est crucial pour prévenir l'abus de pouvoir, car il oblige les gouvernements et leurs agents à agir conformément aux lois établies, qui sont elles-mêmes soumises à un processus démocratique de création et de révision.
La séparation des pouvoirs est un autre élément clé des garanties de l'état de droit. Elle implique que les différentes branches du gouvernement (exécutif, législatif et judiciaire) doivent être distinctes et équilibrées, afin d'éviter la concentration excessive du pouvoir et de permettre un système de freins et contrepoids. Cette séparation assure que les lois sont créées, appliquées et interprétées de manière équitable et indépendante.
Enfin, le droit à un procès équitable est une garantie fondamentale de l'état de droit. Il assure que toute personne accusée d'une infraction bénéficie d'une procédure régulière, d'un accès à un tribunal indépendant et impartial, et de la possibilité de se défendre. Ce droit est vital pour protéger les individus contre les accusations infondées et les condamnations injustes.
Ces garanties, en limitant le pouvoir de l'État et en imposant le respect de règles fondamentales, sont essentielles pour le maintien d'une société juste, équitable et démocratique. Elles permettent de garantir que l'État agit de manière responsable et transparente, dans le respect des droits et des libertés de chaque citoyen.
Les droits sociaux, économiques et culturels
Les droits sociaux, économiques et culturels constituent une catégorie fondamentale de droits humains qui visent à assurer le bien-être et l'épanouissement de l'individu dans la société. Contrairement aux droits civils et politiques, qui protègent principalement les individus contre les actions abusives de l'État, les droits sociaux, économiques et culturels exigent une action positive de la part de l'État pour les réaliser. Ces droits couvrent des aspects essentiels de la vie humaine tels que le travail, le logement, la nourriture, l'éducation et l'accès à la culture.
Le droit au travail, par exemple, ne se limite pas seulement à la protection contre le licenciement injustifié, mais implique également que l'État doit créer un environnement propice à la création d'emplois et à la promotion de conditions de travail justes et favorables. De même, le droit au logement va au-delà de la simple interdiction de l'expulsion arbitraire ; il nécessite de la part de l'État des mesures pour assurer la disponibilité de logements abordables et adéquats pour tous.
L'un des aspects les plus significatifs de ces droits est le droit à l'éducation. Pour réaliser ce droit, il ne suffit pas que l'État s'abstienne de restreindre l'accès à l'éducation ; il doit activement organiser et fournir des ressources pour l'éducation. Cela inclut la mise en place d'un système éducatif accessible et de qualité, allant de l'enseignement primaire, qui doit souvent être obligatoire et gratuit, à l'enseignement secondaire et supérieur.
En outre, ces droits englobent également le droit à la sécurité sociale et à l'assistance. Cela signifie que l'État doit mettre en place des mécanismes pour aider ceux qui sont dans le besoin, que ce soit à travers des aides financières, des services de santé, ou des programmes de logement social.
Ces droits reflètent la conviction que pour une participation pleine et équitable dans la société, les individus ont besoin de plus que la simple liberté contre l'ingérence de l'État ; ils nécessitent également un accès actif à certaines ressources et services essentiels. Ainsi, les droits sociaux, économiques et culturels représentent un engagement de l'État à jouer un rôle actif dans la facilitation de l'accès équitable aux opportunités et aux ressources nécessaires pour vivre une vie digne et épanouissante.
Les trois générations de droits fondamentaux et les étapes de leurs développements
Ces différentes catégories découlent d’une longue évolution commençant au XVIIIe siècle. Les droits de l’homme de la première génération touchent essentiellement les libertés comme, par exemple, la Déclaration française des Droits de l’Homme, mais aussi la déclaration de Virginie.
Ce que l’on demande à l’État c’est le respect des libertés de la personne en permettant la participation des individus au fonctionnement de la démocratie et des institutions démocratiques.
La première génération regroupe les libertés et les droits politiques. Au XVIIIe siècle, les citoyens se voient accorder des possibilités de choix, d’action et d’appréciation. Le rôle de l’État y apparaît comme essentiellement négatif. Dès lors, ce qui est attendu de lui est le fait de lever les interdictions qui empêchent l’individu de s’épanouir.
La deuxième génération apparaît tardivement à la fin du XIXème et début du XXème siècle avec l’avènement des droits sociaux. Désormais, à la différence des libertés, on demande à l’État d’intervenir pour répondre aux besoins ressentis par les hommes bénéficiaires du progrès et d’en voir garantir les avantages. Ils dépendent exclusivement de l’État qui seul peut en assurer la réalisation par son action positive (organisation des écoles, organisations d’hôpitaux, d’assistances, etc.).
Les droits fondamentaux de troisième génération font leur apparition à la fin de la Deuxième guerre mondiale que la doctrine appelle aussi les « droits de solidarité » : droit à la paix, au développement, à un environnement sain, au patrimoine commun de l’humanité, à l’information. Ils sont au fond des droits en gestation et n’ont pas de valeur juridique étant à l’échelon de revendication. Certains droits jouissent d’une certaine reconnaissance nationale, voire internationale. Un jour viendra où ils trouveront leur place dans le droit positif. (Ex- droit de l’environnement qui trouve sa place dans certains textes constitutionnels)
D’abord, ces droits fondamentaux sont développés à l’échelon national. Cette étape nationale se fait à partir du milieu du XVIIIème jusqu’au milieu du XXème. L’État international qui voit l’émergence des Droits de l’Homme à l’échelle nationale proclame la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. À l’échelon européen est proclamé la Convention européenne des Droits de l’Homme le 4 novembre 1950 entrant en vigueur en 1953.
Annexes
- Déclaration de Virginie : étude de texte
- Déclaration universelle des droits de l'homme
- Convention européenne des Droits de l’Homme
- Texte intégral de la Déclaration universelle des droits de l’homme accompagné de quelques repères sur le site de l'ONU
- La page des droits de l'homme sur le site de l'ONU
- La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 sur le site du ministère français de la justice
- Présentation de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme sur le Portail des droits de l'enfant
Références
- ↑ Le Cylindre de Cyrus, enjeu diplomatique
- ↑ Publication de Victor Monnier repertoriées sur le site de l'Université de Genève
- ↑ Hommage à Victor Monnier sur le site de l'Université de Genève
- ↑ Publications de Victor Monnier sur Cairn.info
- ↑ Publications de Victor Monnier sur Openedition.org
- ↑ Page personnelle de Victor Monnier sur le site de l'Université de Aix-Marseille
- ↑ En Hommage À Victor Monnier.” Hommages.ch, 11 Mar. 2019, www.hommages.ch/Defunt/119766/Victor_MONNIER.