Introduction aux Éthiques Philosophiques

De Baripedia

Aristote et l’éthique des vertus

Aristote dans son contexte

Dans le débat contemporain il y a une pluralité de conceptions de l’éthique qui se rattache à des courants divers. Au 4ème siècle avant notre aire on à l’éthique d’Aristote. Aristote enracine son éthique dans la nature et puis l’éthique n’a de sens que dans une conception politique au milieu des gens. L’éthique de comprends pas de grande question comme la fin du monde, la guerre etc. mais elle concernera d’abord la vie ordinaire. Aristote se situe dans un contexte de société qui n’est pas le notre mais qui porte des questions qui restent les nôtres. Dans son époque il y a plusieurs courant de philosophie qui partage néanmoins quelques traits. Le premier c’est que, pour eux, l’éthique concerne la question du but de l’action. Si je connais le Bien alors je saurais ce qui est bien. Ce qui est bien va me permettre ma finalité : le Bien. → C’est une éthique téléologique. Tous ce que nous faisons, nous faisons pour atteindre un certain but et ce but est le bien. La deuxième thèse que partagent tous les courants de l’époque d’Aristote, c’est que, si il y a un but à l’action humaine, ce but c’est tout simplement le bonheur. Tout ce que nous cherchons à faire, c’est d’être heureux. Or, comment être heureux ? Ce sera la question centrale de la philosophie de cette époque. Il y a évidemment pour Aristote un grand intérêt à définir l’éthique de cette manière-là. C’est qu’on resoud ainsi une des questions les plus difficiles de l’éthique, qui est de savoir pourquoi est-ce que nous nous comporterions selon ce que nous savons être bien ? En l’occurrence, la réponse est très plausible, nous le faisons parce que nous désirons être heureux. Mais la grande difficulté de cette approche, est de savoir comment est-ce qu’on va définir le bonheur ? Il y a, à cette époque, de nombreux courants. Le premier grand courant se rattache à Épicure. Pour Épicure et pour les épicuriens à sa suite, le bonheur c’est le plaisir. Il faut alors essayer de comprendre ce qu’est le plaisir et d’essayer d’écarter les fausses conceptions du plaisir, d’essayer aussi de comprendre ce qui nous fait du bien. Exemple : les courants d’aujourd’hui qui prônent une alimentation saine. Pour me sentir bien dans mon corps je mange pas que du chocolat, mais je vais essayer de comprendre ce qui correspond le mieux à ce qui fait du bien à mon corps. → il faut essayer de modérer le plaisir, pour, en réalité, maximiser le plaisir. À l’opposé d’Épicure on a un autre courent contemporain, qu’on appelle le Stoïcisme. Pour les stoïciens, il s’agit au contraire, non pas de poursuivre la quête du plaisir, mais de s’accepter comme on est, ne pas rêver d’être un autre. Si on est empereur il faut accepter les responsabilité d’empereur. Si on est un esclave, il faut accepter sa condition d’esclave. Tout ce qui te convient, me convient au monde, dit Marc Aurèle, et même si le destin me pousse à comprendre que ma vie n’a plus de sens, je devrais non seulement consentir à mourir, mais je devrais me suicider (complètement opposé à Épicure). Il y a un troisième grand courant à cette époque, qui est le Platonisme. Particulièrement important parce que Aristote a été, pendant 18 ans, l’élève de Platon. Pour Platon le Bien ne correspond pas aux réalités visibles, immédiates, que nous avons sous les yeux. Platon va nous montrer qu’on est d’abord attiré par un beau corps, puis par une belle âme, puis par l’amour du beau, et qu’en s’élevant ainsi dans l’abstraction des idées, on atteint une réalité beaucoup plus véridique que le monde sensible. Il y a donc différentes conceptions du Bien, et si on pense à une œuvre d’art qui a été peinte plus tard, l’école d’Athènes de Raphaël, on voit une nuée de philosophe qui partage une certaine conception de la téléologie et de l’eudémonisme. L’eudémonisme veut dire que ce nous faisons c’est pour être heureux que nous le faisons, et même qu’on juge de la qualité morale d’un acte selon qu’elle nous permet d’atteindre, ou de ne pas atteindre, le bonheur. Dans cette nuée de philosophe il y a deux personnages centraux. Platon avec doigt pointé vers le ciel, la réalité plus vraie et Aristote avec main tendue vers la réalité humaine. Ceci nous dit que pour Aristote ce n’est pas avec la conception du Bien abstrait qu’on va pouvoir concevoir la philosophie, mais a partir de la réalité de ce monde. Si Aristote raisonne ainsi, c’est d’abord par une réflexion sur connaissance. Aristote n’est pas que philosophe, mais aussi un grand savant. Or Aristote sait bien que la science repose sur la raison, mais une raison observatrice et déductive, qui lie des phénomènes avec liaisons causales. La science repose sur le nécessaire. Une cause entraine nécessairement le même effet, et c’est la base des sciences. Or pour l’éthique il ne peut pas en être ainsi. L’éthique porte sur le contingent. Une chose est vrai pour l’un, une chose est diffèrent pour l’autre. On ne peut pas savoir avec certitude, il n’y a pas de vérité. Donc on ne peut pas penser l’éthique comme les sciences. L’éthique n’est pas non plus un art ou une technique, parce que l’éthique ne produit rien et repose pas sur un savoir faire. On peut que juger l’éthique a partir de celui qui l’a produit, c’est à dire le sujet. Est-ce que c’est une personne bonne ? Pour Aristote l’éthique est ni science, ni savoir faire. L’éthique est entièrement concentrée sur l’action.


Qu’est ce que le bien ?

Vous vous en souvenez, il y a chez Aristote une psychologie, une psychologie qui détermine les parties de l'âme qui vont entrer en ligne de compte pour penser l'éthique. L'éthique d'Aristote est donc une éthique téléologique, qui vise un but. Elle est une éthique eudémoniste, ce but, c'est le bonheur et elle s'appuie sur une psychologie. Nous devons parler maintenant de la méthode d'Aristote. Cette méthode est tout d'abord une méthode inductive. Alors que d'autres philosophies partent d'un grand principe et déduisent de ce grand principe ses applications pratiques, Aristote, lui, va partir de ce qui est. Il va partir de la nature. Il va partir aussi de l'exercice du langage. Sa philosophie est aussi une philosophie qui n'est pas simplement inductive, mais qui est dialectique. Dialectique veut dire quoi? Elle veut dire qu'on doit prendre en considération des choses qui apparemment disent le contraire les unes des autres, mais qui peut être toutes et y compris dans leur opposition, disent quelque chose d'important. Par exemple, en venant ici, j'entendais une jeune fille qui disait à une des ses copines « j'ai dit à ma mère que le but de ma vie serait de gagner de l'argent ». Voilà une assertion qu'Aristote dirait simplement non-argumentée, une conviction que le but de la vie, c'est de gagner de l'argent. À cette conviction qui est souvent l'opinion de la foule. On doit mettre en contraste l'opinion des sages, des philosophes, des platoniciens en particulier ou des stoïciens qui eux vont dire que pas du tout, le bonheur n'a rien a voir, à faire avec le plaisir ou avec la richesse et que le bonheur, c'est tout à fait autre chose. Les uns et les autres ont des opinions contradictoires. Et pourtant, Aristote, par sa méthode dialectique va chercher à retenir ce que les uns et les autres disent en réalité de vrai. Pour cela, il va considérer que lorsque nous faisons quelque chose, effectivement, nous le faisons dans un but et que la jeune fille a raison de se fixer un but à sa vie. Chaque fois que nous entreprenons quelque chose, nous le faisons dans un but précis. Pourquoi suivez-vous ce MOOC? Peut-être parce que vous voulez vous cultiver. Peut-être aussi parce que vous voulez vous perfectionner dans votre propre vie éthique, Peut-être aussi parce que vous voulez faire des études, par exemple. Il y a donc non seulement l'idée que chaque chose que nous faisons, nous la faisons dans un but, mais qu'il y a un emboîtement de ces buts. Une architectonique des biens, dira Aristote, que chaque bien renvoie à un autre bien. Et que s'il y a un sens au bien suprême, au souverain bien, au bonheur, c'est un bien qui a sa complétude en lui-même, qui ne renvoie à aucun autre bien. La jeune fille qui pense que l'argent est le but de sa vie se trompe parce que l'argent comme le plaisir n'est qu'un but intermédiaire. L'argent nous permet d'obtenir d'autres choses et donc, ne peut pas être le but final. Le plaisir, de la même manière, appelle un plaisir plus grand ou une répétition du plaisir, donc le plaisir ne peut pas être le but. Mais à l'inverse, les sages platoniciens et stoïciens qui vous disent que l'argent n'entre en rien en ligne de compte se trompent aussi. Pourquoi? Parce que l'idéal de bonheur qu'ils proposent est souvent sans portée. Il n'a pas de sens pour les gens et s'il a un sens, il est souvent inaccessible. Et puis, les sages proposent quelque chose qui ne tient pas compte de la contingence de la vie. Notre vie n'est pas divine, elle ne peut jamais être absolument réussie. Nous devons nous contenter de nous tenir dans la contingence de la vie. Aristote est un très bon antidote contre les philosophies absolues, contre les philosophies dogmatiques. Il faut se tenir sur une voie modeste où l'on construit son existence dans le bonheur d'une vie qui est une vie qui se tient dans les contingences de la vie. Les sages ont donc tort eux aussi. Si le plaisir n'est pas le bien, une vie parfaitement heureuse demande du plaisir, demande de l'argent, demande d'accepter la matérialité de l'existence. Vous voyez, cette méthode dialectique permet à Aristote de donner raison et tort à la foule et aux sages par cette philosophie modeste. Un autre point maintenant important pour Aristote pour s'approcher de cette définition du bien ou du bonheur, c'est d'ouvrir les yeux, regarder cette nature. Que veulent-ils? Quel but poursuivent-ils? Une vie de croissance, une vie qui sera réussie si elle produit du fruit, si elle permet à chacune de ses espèces de se reproduire. C'est le but de toute la vie végétale. Et il y a quelque chose de végétal en nous qui lui aussi veut croître, veut se reproduire, veut assurer sa descendance. Mais ça ne peut pas être le but spécifique de l'être humain. Si on voyait aussi des animaux, on s'apercevrait que eux aussi poursuivent un but différent, à vrai dire, de celui des végétaux. Le chien préfère être au chaud l'hiver, il préfère avoir une bonne pâtée. Il y a chez le chien une vie qui n'est pas simplement végétative, mais une vie qu'Aristote appelle sensitive. Il veut la satisfaction de ses sens. Et il y a chez nous aussi quelque chose de cette vie sensitive. Mais ça ne peut pas être le but de la vie humaine, parce que ça n'est pas notre bien spécifique. Aristote va alors chercher ce qui est spécifique. Dans la diversité des plantes, dans la diversité du vivant, chacun occupe sa place. Quelle est la place spécifique de l'être humain? Et Aristote va conclure que ce qui nous est spécifique par rapport au reste du vivant c'est de pouvoir choisir notre vie, de pouvoir déterminer quel est le but de notre existence et suivre ce but. La plante ne choisit pas, l'animal ne choisit pas non plus. Nous, nous pouvons choisir. Et parce que nous pouvons choisir, une vie heureuse sera nécessairement une vie qui se rapportera à la partie rationnelle de notre âme, pas à la partie scientifique qui cherche la vérité, mais à la partie de la rationalité pratique qui cherchera à trouver sa voie en accord avec elle-même, en accord avec la raison. Ce sera une des grandes réponses d'Aristote. Maintenant, on peut encore avancer plus loin et se dire que ce qui pour nous est le but, c'est de vivre en accord avec cette rationalité. Voilà ce que dit Aristote. Le simple fait de vivre est de toute évidence une chose que l’homme partage en commun même avec les végétaux ; or ce que nous recherchons, c’est ce qui est propre à l’homme. Nous devons donc laisser de côté la vie de nutrition et la vie de croissance. Viendrait ensuite la vie sensitive, mais celle-là encore apparaît commune avec le cheval, le bœuf et tous les animaux. Reste donc une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l’âme, partie qui peut être envisagée d’une part au sens où elle est soumise à la raison, et, d’autre part, au sens où elle possède la raison et l’exercice de la pensée. Le but, c'est donc une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l'âme, pas n'importe quelle vie pratique de la partie rationnelle de l'âme, certaines vies, une vie que nous aurons choisie, une vie qui nous correspondra, une vie qui sera la nôtre en fonction de notre propre quête du bonheur.