« Les courants politiques et religieux au Moyen-Orient » : différence entre les versions
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Les notables | Les notables, tels que le Chérif Hussein de La Mecque, jouaient un rôle crucial en tant que leaders locaux et intermédiaires entre les populations arabes et les puissances coloniales. Dans le cas de Hussein, sa position en tant que gardien des lieux saints islamiques lui conférait une autorité religieuse et politique significative. Durant la Première Guerre mondiale, il a cherché à établir une alliance avec les Britanniques, motivé par la promesse d'un soutien pour l'établissement d'un royaume arabe indépendant après la guerre, en échange de son aide contre l'Empire ottoman. Cette alliance est emblématique de la stratégie des notables traditionnels de la région, qui cherchaient à naviguer entre les intérêts locaux et les ambitions des puissances étrangères. Cependant, les promesses faites à Hussein par les Britanniques, connues sous le nom de correspondance Hussein-McMahon, étaient ambiguës et se sont finalement avérées en contradiction avec d'autres engagements pris par les Britanniques, notamment les accords Sykes-Picot et la Déclaration Balfour. | ||
Le résultat de ces tractations diplomatiques s'est avéré être une grande déception pour les aspirations arabes. Après la guerre, au lieu de l'indépendance promise, la Société des Nations a établi plusieurs mandats dans la région, plaçant des territoires sous administration britannique et française. La vision de Hussein d'un royaume arabe unifié s'est effondrée, et la région a été divisée en plusieurs États, souvent avec des frontières artificielles qui ne reflétaient pas les réalités ethniques et culturelles. Cette période a été marquée par un sentiment croissant de trahison et de désillusionnement parmi les Arabes, qui ont vu leurs espoirs d'indépendance et d'unité s'évaporer. Cette déception a jeté les bases du mécontentement envers les puissances occidentales et a alimenté les mouvements nationalistes et anti-coloniaux dans les décennies suivantes. La figure de Hussein et sa tentative avortée de créer un royaume arabe indépendant demeurent un symbole puissant de la lutte arabe pour l'autodétermination et de la complexité des relations entre le Moyen-Orient et les puissances occidentales au début du XXe siècle. | |||
À la fin de la Première Guerre mondiale, la figure de Fayçal, l'un des fils du Chérif Hussein de La Mecque, émerge comme un acteur clé dans la formation du nationalisme arabe. Fayçal, qui avait joué un rôle de premier plan dans la révolte arabe contre l'Empire ottoman, est devenu un symbole de l'aspiration arabe à l'autodétermination. Son accompagnateur et conseiller, Sati Al Husri, a eu une influence considérable dans la théorisation du nationalisme arabe. Sati Al Husri, qui deviendra plus tard ministre de l'Éducation, est souvent considéré comme le premier théoricien important du nationalisme arabe. Son approche était fortement influencée par la conception allemande de la nation, qui mettait l'accent sur les aspects linguistiques et culturels comme fondements de l'identité nationale. Pour Al Husri, la langue arabe était un élément central de l'identité arabe, un lien qui transcendait les différences religieuses, régionales ou tribales au sein du monde arabe. | |||
Cette focalisation sur la langue et la culture comme éléments déterminants de l'identité nationale était en partie une réponse aux défis posés par la diversité du monde arabe. En insistant sur ces éléments communs, Al Husri cherchait à créer un sentiment d'unité et de solidarité parmi les Arabes, indépendamment de leurs différences individuelles. Son approche a contribué à façonner l'idéologie du nationalisme arabe dans les décennies suivantes, influençant les politiques éducatives et culturelles dans plusieurs pays arabes. La période de l'après-guerre, avec les efforts de figures comme Fayçal et les théories d'Al Husri, a donc été cruciale dans la cristallisation du nationalisme arabe. Bien que les aspirations à l'unité arabe aient été contrariées par les réalités politiques et les accords internationaux de l'après-guerre, l'idée d'une identité arabe commune, fondée sur la langue et la culture, a continué à exercer une influence profonde sur la politique et la société dans le Moyen-Orient. | |||
La période de l'entre-deux-guerres a été une époque cruciale pour le développement du nationalisme arabe, largement influencée par le non-respect des promesses faites aux Arabes durant la Première Guerre mondiale. Les accords Sykes-Picot de 1916, qui partageaient secrètement le Moyen-Orient entre la France et le Royaume-Uni, sont devenus le symbole de la trahison des aspirations arabes à l'indépendance et à l'autodétermination. Ces accords, révélés après la guerre, ont profondément miné la confiance des Arabes envers les puissances occidentales et ont alimenté un sentiment de méfiance et de ressentiment. | |||
Dans ce contexte, d'autres facteurs ont accéléré le processus de montée du nationalisme arabe. La propagande fasciste et nazie a trouvé un écho dans certains segments de la société arabe, en particulier en raison de leur opposition commune au colonialisme britannique et français. Le régime nazi, cherchant à étendre son influence dans la région, a exploité le mécontentement arabe à l'égard des puissances coloniales. Cette dynamique a culminé avec le coup d'État pronazi de 1941 à Bagdad, connu sous le nom de Coup d'État de Rachid Ali al-Gillani, qui a brièvement établi un gouvernement pro-allemand en Irak avant d'être renversé par les forces britanniques. Parallèlement, le débat sur l'indépendance arabe a continué à gagner en intensité. Les intellectuels, les politiciens et les leaders d'opinion dans le monde arabe discutaient activement des moyens d'atteindre l'autonomie politique et de résister à l'influence étrangère. Cette période a vu l'émergence de plusieurs mouvements nationalistes et la formation de partis politiques qui allaient jouer un rôle majeur dans l'histoire postcoloniale de la région. L'entre-deux-guerres a été une période de transformation politique intense pour le Moyen-Orient. La combinaison du non-respect des promesses faites pendant la Première Guerre mondiale, de l'influence des idéologies fascistes et nazies, et du débat interne sur l'indépendance a contribué à façonner le paysage politique de la région et à poser les bases pour les événements et les mouvements qui allaient suivre dans les décennies ultérieures. | |||
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L’annexion du Saint-Jacques d’Alexandrette (Syrie) par la Turquie va provoquer l’émergence du baasisme, la résurrection arabe. Le premier congrès du parti baas se déroule en 1947 et insiste beaucoup sur l’unité (territoire), l’indépendance (autonomie) et le socialisme arabe (réformes pour parvenir à l’État moderne). Une autre caractéristique reste l’approche non confessionnelle donc séculariste du mouvement, tout comme le fait que les minorités doivent s’assimiler à la nation arabe et un antisionisme prépondérant. | //L’annexion du Saint-Jacques d’Alexandrette (Syrie) par la Turquie va provoquer l’émergence du baasisme, la résurrection arabe. | ||
Le premier congrès du parti baas se déroule en 1947 et insiste beaucoup sur l’unité (territoire), l’indépendance (autonomie) et le socialisme arabe (réformes pour parvenir à l’État moderne). Une autre caractéristique reste l’approche non confessionnelle donc séculariste du mouvement, tout comme le fait que les minorités doivent s’assimiler à la nation arabe et un antisionisme prépondérant. | |||
Michel Aflak (1910-1989), grec orthodoxe de Damas, va créer le parti baas en 1943. Il occupera le poste de secrétaire général du parti tant en Syrie qu’en Irak. | Michel Aflak (1910-1989), grec orthodoxe de Damas, va créer le parti baas en 1943. Il occupera le poste de secrétaire général du parti tant en Syrie qu’en Irak. | ||
Cette idéologie va évoluer et on assiste au développement de sections nationales dans les différents pays. Dès que le baasisme est assimilé au pouvoir, les réformes sont présentes, tout comme une forme de violence (division, guerre, répression). Dès 1958, le projet baasiste se concrétise via la fondation d’une République arabe unie (qui échouera en 1961). En mars 1963, le parti baas arrive au pouvoir en Syrie avec les mêmes conséquences – y compris une confessionnalisation. | Cette idéologie va évoluer et on assiste au développement de sections nationales dans les différents pays. Dès que le baasisme est assimilé au pouvoir, les réformes sont présentes, tout comme une forme de violence (division, guerre, répression). | ||
Dès 1958, le projet baasiste se concrétise via la fondation d’une République arabe unie (qui échouera en 1961). | |||
En mars 1963, le parti baas arrive au pouvoir en Syrie avec les mêmes conséquences – y compris une confessionnalisation. | |||
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Version du 13 décembre 2023 à 10:51
Le Moyen-Orient, une région d'une complexité fascinante et d'une importance stratégique considérable, est le berceau de civilisations anciennes et le point de convergence de plusieurs des plus grandes religions mondiales. Cette zone géographique, souvent définie par ses frontières s'étendant de l'Égypte à l'Iran, et de la Turquie au Yémen, est un melting-pot de cultures, d'ethnies et de croyances qui se sont entrecroisées et ont évolué au fil des millénaires. Au cœur de cette diversité, les courants politiques et religieux jouent un rôle central, façonnant non seulement la vie quotidienne des populations, mais aussi les relations internationales et la géopolitique mondiale.
Ces courants sont profondément enracinés dans l'histoire, influencés par des événements tels que la montée et la chute d'empires, les conquêtes, les révolutions, et les mouvements de réforme. De l'essor de l'islam au VIIe siècle à la formation de l'État moderne, chaque période historique a laissé son empreinte sur la structure politique et religieuse de la région. Aujourd'hui, le Moyen-Orient est un tableau vivant de monarchies traditionnelles, de républiques, de démocraties naissantes et de régimes autoritaires, tous entrelacés avec des interprétations diverses de l'islam et d'autres croyances religieuses, y compris le judaïsme et le christianisme.
| Professeur(s) | Yilmaz Özcan[1][2] |
|---|---|
| Cours | Le Moyen-Orient contemporain : Etats, nations et communautés |
Lectures
Le nationalisme arabe
Le nationalisme arabe, une idéologie qui a façonné de manière significative l'histoire politique et culturelle du Moyen-Orient, est né au début du XXe siècle dans un contexte marqué par la domination impériale ottomane et européenne. Cette idéologie se fonde sur la conviction que les Arabes forment un peuple uni, partageant une histoire, une culture et une langue communes, et qu'ils devraient être politiquement unis en une seule entité ou dans des entités étroitement liées dont les frontières correspondent à leur identité culturelle et ethnique. La genèse du nationalisme arabe peut être retracée à la Nahda, la Renaissance arabe, une période de renouveau culturel et intellectuel qui a vu les intellectuels arabes s'engager dans une réflexion approfondie sur leur identité et leur avenir. Cette période a posé les bases pour une prise de conscience politique qui s'est intensifiée avec la décomposition de l'Empire ottoman et l'intervention des puissances européennes, notamment à la suite de la Première Guerre mondiale.
Des figures emblématiques telles que Gamal Abdel Nasser en Égypte ont joué un rôle crucial dans la promotion du nationalisme arabe. Nasser, en particulier, est devenu un symbole de cette idéologie à travers son discours anti-impérialiste et son plaidoyer pour l'unité arabe. Son rôle dans la nationalisation du canal de Suez en 1956 et la création éphémère de la République Arabe Unie (1958-1961), une union politique entre l'Égypte et la Syrie, sont des exemples concrets des tentatives de réalisation des idéaux nationalistes arabes. Le nationalisme arabe a été également influencé par d'autres courants idéologiques, notamment le socialisme et le laïcisme, comme en témoigne l'émergence du parti Baath en Syrie et en Irak. Ce parti, fondé par Michel Aflaq et Salah al-Din al-Bitar, prônait l'unité, la liberté et le socialisme au sein du monde arabe. Cependant, le rêve d'une unité arabe s'est heurté à de nombreux obstacles. Les divergences internes, les intérêts nationaux divergents et les échecs de projets unitaires, comme la République Arabe Unie, ont progressivement affaibli le nationalisme arabe. De plus, l'ascension de mouvements idéologiques concurrents, en particulier l'islamisme, a déplacé le centre de gravité politique dans la région.
En termes de théorie politique, le nationalisme arabe illustre l'importance de la construction identitaire et des aspirations à l'autodétermination dans les mouvements de libération nationale. Il met également en lumière les défis auxquels sont confrontées les idéologies pan-nationalistes dans des régions caractérisées par une grande diversité ethnique, religieuse et culturelle. Aujourd'hui, bien que le nationalisme arabe ne soit plus la force dominante qu'il était dans les années 1950 et 1960, son héritage continue d'influencer la politique et la culture au Moyen-Orient. Il reste un chapitre important de l'histoire moderne de la région et un élément clé pour comprendre les dynamiques politiques et culturelles actuelles.
La remise en question du nationalisme arabe s'est effectivement amorcée avec la chute de l'Empire ottoman au début du XXe siècle, un événement qui a profondément redéfini le paysage politique du Moyen-Orient. Cette période a vu émerger diverses idéologies et mouvements nationalistes, parmi lesquels le baasisme et le nassérisme se sont distingués comme deux interprétations notables du nationalisme arabe. Le baasisme, incarné par le parti Baath, a été fondé en Syrie par Michel Aflaq et Salah al-Din al-Bitar. Il représentait une approche populaire et grassroots du nationalisme arabe, insistant sur l'unité arabe, la liberté et le socialisme. Ce mouvement visait à mobiliser les masses à travers une idéologie panarabe, transcendant les frontières nationales traditionnelles. Le parti Baath a acquis une influence significative, non seulement en Syrie mais aussi en Irak, où il est arrivé au pouvoir sous la direction de personnalités telles que Saddam Hussein. D'autre part, le nassérisme, du nom de Gamal Abdel Nasser, président égyptien, représentait une forme de nationalisme arabe « par le haut », ciblant davantage l'élite politique et institutionnelle. Nasser, un charismatique leader militaire, a promu l'unité arabe, l'indépendance vis-à-vis de l'Occident et le développement économique et social. Son action la plus emblématique, la nationalisation du canal de Suez en 1956, a été perçue comme un acte de défi contre l'impérialisme occidental et a renforcé son statut de figure héroïque dans le monde arabe.
Ces deux mouvements, bien qu'ayant des approches différentes, partageaient des objectifs communs, notamment l'aspiration à l'unité arabe et la libération du colonialisme et de l'impérialisme. Toutefois, leurs trajectoires ont été marquées par des défis internes et externes. Le nassérisme, malgré son attrait initial, a souffert de l'échec de la République Arabe Unie et de la défaite lors de la guerre des Six Jours en 1967. Quant au baasisme, malgré son succès initial en Syrie et en Irak, il a finalement été confronté à des contradictions internes et à des conflits régionaux. Ces mouvements illustrent la diversité et la complexité du nationalisme arabe et soulignent les défis auxquels sont confrontées les idéologies pan-nationalistes. Leur évolution historique offre un aperçu précieux des dynamiques politiques du Moyen-Orient au XXe siècle, ainsi que des limites et des potentialités du nationalisme arabe en tant que force unificatrice et libératrice.
La genèse du nationalisme arabe, en effet, ne peut être pleinement appréciée sans comprendre le contexte historique long et complexe qui l'a précédé et façonné. Les événements clés que vous avez mentionnés jouent un rôle significatif dans cette histoire. La conquête de l'Égypte par l'Empire ottoman en 1517, marquant la prise du Caire, et la prise de Bagdad en 1533, ont consolidé le contrôle ottoman sur de vastes régions du monde arabe. Ces conquêtes ont non seulement étendu la domination ottomane mais ont également introduit de nouvelles structures administratives, militaires et sociales dans ces territoires. Pendant des siècles, bien que ces régions fassent partie de l'Empire ottoman, elles ont maintenu une certaine autonomie culturelle et linguistique, posant les bases d'une identité arabe distincte. L'expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte en 1798 est un autre tournant. Cette intervention militaire française a eu un impact profond, non seulement en Égypte mais dans l'ensemble du monde arabe. Elle a exposé la faiblesse militaire et technologique de l'Empire ottoman face à l'Europe moderne et a déclenché un processus de réforme interne, connu sous le nom de Tanzimat, visant à moderniser l'empire. En outre, l'expédition a marqué le début de l'intérêt croissant des puissances européennes pour la région, ouvrant la voie à une ère d'influence et d'intervention étrangères.
Dans ce contexte, la révolte arabe de 1916 est souvent considérée comme un moment décisif dans l'émergence du nationalisme arabe. Encouragée par les Britanniques pour affaiblir l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, la révolte, menée par des figures telles que Cherif Hussein de La Mecque et son fils Fayçal, était motivée par le désir d'indépendance et la promesse d'un état arabe indépendant. Bien que les résultats de la révolte n'aient pas pleinement satisfait ces aspirations - en grande partie en raison des accords Sykes-Picot de 1916, qui ont divisé la région en zones d'influence française et britannique - elle a néanmoins jeté les bases du nationalisme arabe moderne. Ces événements historiques ont façonné la conscience politique des Arabes, éveillant une aspiration à l'autonomie et à l'auto-détermination. Ils ont également mis en lumière les tensions entre les aspirations locales et l'ingérence étrangère, des thèmes qui restent pertinents dans les politiques du Moyen-Orient contemporain.
La révolution des Jeunes Turcs, survenue en 1908 et suivie par la prise de pouvoir autoritaire en 1909, constitue effectivement un élément crucial dans le processus d'émergence du nationalisme arabe. Ce mouvement, initialement orienté vers la modernisation et la réforme de l'Empire ottoman, a rapidement évolué vers une forme d'autoritarisme et un nationalisme turc exclusif, exacerbant les tensions entre les élites turques et les diverses nationalités au sein de l'empire, notamment les Arabes. Le virage autoritaire des Jeunes Turcs s'est manifesté de manière tragique avec le massacre de la population arménienne en 1915, événement qui a non seulement été un terrible drame humain mais a aussi servi de signal d'alarme pour d'autres groupes ethniques et nationaux au sein de l'Empire. La politique de turquification, qui visait à imposer la langue et la culture turques comme éléments centraux des institutions impériales, a été perçue comme une menace directe à l'identité et à l'autonomie des communautés arabes. Dans ce contexte, un certain nombre d'intellectuels arabes, influencés par les idées occidentales et conscients de la nécessité de défendre leur propre identité culturelle et politique, ont commencé à organiser une résistance. Le premier congrès général arabe, tenu à Paris en 1913, a été un moment important dans ce processus. Ce congrès a réuni des délégués de différentes régions arabes pour discuter de l'avenir des Arabes au sein de l'Empire ottoman et pour formuler des demandes d'autonomie accrue.
Il est intéressant de noter la position particulière de l'Égypte dans ce contexte. Le délégué égyptien au congrès de Paris s'est présenté en tant qu'observateur, reflétant une identité égyptienne distincte qui ne se considérait pas nécessairement comme « arabe » dans le contexte politique de l'époque. Cette distinction est en partie due à des raisons culturelles et historiques - l'Égypte ayant une longue histoire et une identité civilisationnelle distincte de celles des autres régions arabes - et en partie à la situation politique de l'Égypte, alors sous domination britannique. Cette période de l'histoire illustre la complexité du processus de formation du nationalisme arabe, mettant en lumière les diverses influences et les différentes trajectoires politiques et culturelles au sein du monde arabe. Elle montre également comment les dynamiques internes de l'Empire ottoman, ainsi que l'intervention et l'influence des puissances européennes, ont joué un rôle déterminant dans la configuration des identités et des mouvements politiques dans la région.
Durant la Première Guerre mondiale, les Arabes, bien que culturellement et historiquement liés, étaient géographiquement et politiquement divisés. Cette division était exacerbée par les accords Sykes-Picot de 1916, où les puissances européennes (principalement la France et le Royaume-Uni) se partageaient des zones d'influence dans le Moyen-Orient, redessinant les frontières sans tenir compte des réalités ethniques et culturelles. En outre, la déclaration Balfour de 1917, promettant l'établissement d'un "foyer national juif" en Palestine, a ajouté une autre couche de complexité et de tension dans la région. Le panarabisme, comme idéologie unificatrice, a gagné en popularité dans ce contexte de fragmentation. Il a été porté par le sentiment que les Arabes, en tant que peuple, devaient transcender les frontières coloniales et s'unir pour atteindre l'autonomie et la prospérité. Cette idée a été renforcée par la propagande nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, qui cherchait à influencer la région contre les Alliés britanniques et français, et par l'exposition des intellectuels arabes aux idées nationalistes et anti-coloniales en Europe.
Cependant, le rêve du panarabisme s'est heurté à de nombreux défis. Les ambitions et les réalités politiques nationales, les différences culturelles et religieuses au sein du monde arabe, et les intérêts contradictoires des puissances régionales et internationales ont entravé l'unité arabe. Les échecs notables, comme la dissolution de la République Arabe Unie entre l'Égypte et la Syrie en 1961, ont marqué les limites de l'idéal panarabe. L'échec du panarabisme a laissé un vide idéologique dans la région, qui a été progressivement comblé par l'islamisme. Ce mouvement, qui cherche à organiser la société selon les principes islamiques, a gagné du terrain dans le contexte d'une désillusion croissante à l'égard des idéologies séculaires et nationalistes. Les décennies suivantes ont vu une montée en puissance de divers mouvements islamistes, qui ont capitalisé sur le sentiment de désenchantement et de recherche d'identité, en proposant une alternative basée sur la religion et la tradition.
Le panarabisme
Les notables, tels que le Chérif Hussein de La Mecque, jouaient un rôle crucial en tant que leaders locaux et intermédiaires entre les populations arabes et les puissances coloniales. Dans le cas de Hussein, sa position en tant que gardien des lieux saints islamiques lui conférait une autorité religieuse et politique significative. Durant la Première Guerre mondiale, il a cherché à établir une alliance avec les Britanniques, motivé par la promesse d'un soutien pour l'établissement d'un royaume arabe indépendant après la guerre, en échange de son aide contre l'Empire ottoman. Cette alliance est emblématique de la stratégie des notables traditionnels de la région, qui cherchaient à naviguer entre les intérêts locaux et les ambitions des puissances étrangères. Cependant, les promesses faites à Hussein par les Britanniques, connues sous le nom de correspondance Hussein-McMahon, étaient ambiguës et se sont finalement avérées en contradiction avec d'autres engagements pris par les Britanniques, notamment les accords Sykes-Picot et la Déclaration Balfour.
Le résultat de ces tractations diplomatiques s'est avéré être une grande déception pour les aspirations arabes. Après la guerre, au lieu de l'indépendance promise, la Société des Nations a établi plusieurs mandats dans la région, plaçant des territoires sous administration britannique et française. La vision de Hussein d'un royaume arabe unifié s'est effondrée, et la région a été divisée en plusieurs États, souvent avec des frontières artificielles qui ne reflétaient pas les réalités ethniques et culturelles. Cette période a été marquée par un sentiment croissant de trahison et de désillusionnement parmi les Arabes, qui ont vu leurs espoirs d'indépendance et d'unité s'évaporer. Cette déception a jeté les bases du mécontentement envers les puissances occidentales et a alimenté les mouvements nationalistes et anti-coloniaux dans les décennies suivantes. La figure de Hussein et sa tentative avortée de créer un royaume arabe indépendant demeurent un symbole puissant de la lutte arabe pour l'autodétermination et de la complexité des relations entre le Moyen-Orient et les puissances occidentales au début du XXe siècle.
À la fin de la Première Guerre mondiale, la figure de Fayçal, l'un des fils du Chérif Hussein de La Mecque, émerge comme un acteur clé dans la formation du nationalisme arabe. Fayçal, qui avait joué un rôle de premier plan dans la révolte arabe contre l'Empire ottoman, est devenu un symbole de l'aspiration arabe à l'autodétermination. Son accompagnateur et conseiller, Sati Al Husri, a eu une influence considérable dans la théorisation du nationalisme arabe. Sati Al Husri, qui deviendra plus tard ministre de l'Éducation, est souvent considéré comme le premier théoricien important du nationalisme arabe. Son approche était fortement influencée par la conception allemande de la nation, qui mettait l'accent sur les aspects linguistiques et culturels comme fondements de l'identité nationale. Pour Al Husri, la langue arabe était un élément central de l'identité arabe, un lien qui transcendait les différences religieuses, régionales ou tribales au sein du monde arabe.
Cette focalisation sur la langue et la culture comme éléments déterminants de l'identité nationale était en partie une réponse aux défis posés par la diversité du monde arabe. En insistant sur ces éléments communs, Al Husri cherchait à créer un sentiment d'unité et de solidarité parmi les Arabes, indépendamment de leurs différences individuelles. Son approche a contribué à façonner l'idéologie du nationalisme arabe dans les décennies suivantes, influençant les politiques éducatives et culturelles dans plusieurs pays arabes. La période de l'après-guerre, avec les efforts de figures comme Fayçal et les théories d'Al Husri, a donc été cruciale dans la cristallisation du nationalisme arabe. Bien que les aspirations à l'unité arabe aient été contrariées par les réalités politiques et les accords internationaux de l'après-guerre, l'idée d'une identité arabe commune, fondée sur la langue et la culture, a continué à exercer une influence profonde sur la politique et la société dans le Moyen-Orient.
La période de l'entre-deux-guerres a été une époque cruciale pour le développement du nationalisme arabe, largement influencée par le non-respect des promesses faites aux Arabes durant la Première Guerre mondiale. Les accords Sykes-Picot de 1916, qui partageaient secrètement le Moyen-Orient entre la France et le Royaume-Uni, sont devenus le symbole de la trahison des aspirations arabes à l'indépendance et à l'autodétermination. Ces accords, révélés après la guerre, ont profondément miné la confiance des Arabes envers les puissances occidentales et ont alimenté un sentiment de méfiance et de ressentiment.
Dans ce contexte, d'autres facteurs ont accéléré le processus de montée du nationalisme arabe. La propagande fasciste et nazie a trouvé un écho dans certains segments de la société arabe, en particulier en raison de leur opposition commune au colonialisme britannique et français. Le régime nazi, cherchant à étendre son influence dans la région, a exploité le mécontentement arabe à l'égard des puissances coloniales. Cette dynamique a culminé avec le coup d'État pronazi de 1941 à Bagdad, connu sous le nom de Coup d'État de Rachid Ali al-Gillani, qui a brièvement établi un gouvernement pro-allemand en Irak avant d'être renversé par les forces britanniques. Parallèlement, le débat sur l'indépendance arabe a continué à gagner en intensité. Les intellectuels, les politiciens et les leaders d'opinion dans le monde arabe discutaient activement des moyens d'atteindre l'autonomie politique et de résister à l'influence étrangère. Cette période a vu l'émergence de plusieurs mouvements nationalistes et la formation de partis politiques qui allaient jouer un rôle majeur dans l'histoire postcoloniale de la région. L'entre-deux-guerres a été une période de transformation politique intense pour le Moyen-Orient. La combinaison du non-respect des promesses faites pendant la Première Guerre mondiale, de l'influence des idéologies fascistes et nazies, et du débat interne sur l'indépendance a contribué à façonner le paysage politique de la région et à poser les bases pour les événements et les mouvements qui allaient suivre dans les décennies ultérieures.
Le baasisme
//L’annexion du Saint-Jacques d’Alexandrette (Syrie) par la Turquie va provoquer l’émergence du baasisme, la résurrection arabe.
Le premier congrès du parti baas se déroule en 1947 et insiste beaucoup sur l’unité (territoire), l’indépendance (autonomie) et le socialisme arabe (réformes pour parvenir à l’État moderne). Une autre caractéristique reste l’approche non confessionnelle donc séculariste du mouvement, tout comme le fait que les minorités doivent s’assimiler à la nation arabe et un antisionisme prépondérant.
Michel Aflak (1910-1989), grec orthodoxe de Damas, va créer le parti baas en 1943. Il occupera le poste de secrétaire général du parti tant en Syrie qu’en Irak.
Cette idéologie va évoluer et on assiste au développement de sections nationales dans les différents pays. Dès que le baasisme est assimilé au pouvoir, les réformes sont présentes, tout comme une forme de violence (division, guerre, répression).
Dès 1958, le projet baasiste se concrétise via la fondation d’une République arabe unie (qui échouera en 1961).
En mars 1963, le parti baas arrive au pouvoir en Syrie avec les mêmes conséquences – y compris une confessionnalisation.
Le Nassérisme
C’est une idéologie politique arabe basée sur la pensée du président égyptien Gamal Abdel Nasser. Il s’agit de renforcer l’unité des Arabes, l’indépendance totale (1922 en Égypte) de ceux-ci en s’intéressant au socialisme arabe. Une idéologie qui voit le jour après la mise en place d’un pouvoir (contrairement au baasisme). La fondation en 1958 de la République arabe unie est l’une des expressions de la pensée nassériste. Un des buts de la République arabe unie: la Syrie comme province égyptienne. Les accords de Camp David signés entre l’Égypte et Israël en 1979 marquent la fin du panarabisme selon certains experts. L’Égypte sera d’ailleurs exclue de la ligue arabe.
La ligue des États arabes (ligue arabe)
En 1944, le gouvernement égyptien réfléchit à une structure permettant le développement d’une fédération des pays arabes. Plusieurs projets sont proposés: celui de la Grande Syrie (Cis- et Transjordanie), du croissant fertile, création d’une ligue, etc. Le protocole d’Alexandrie pose les bases de la future association qui deviendra effective une année plus tard, en 1945, sous le sigle de la ligue des États arabe. Ses membres fondateurs sont l’Égypte, l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie et le Yémen du Nord. Son système rend toute prise de décision compliquée. Le monde arabe est caractérisé par une très grande diversité, ce qui rend toute initiative régionale très compliquée. De plus, il y a peu d’échanges économiques entre les pays arabes.
En 1971, la création de l’Union des Républiques arabes ne débouche sur aucune conséquence concrète. Au Maghreb, on tente de rassembler les États, sans succès. Après la révolution islamique en Iran, les pays du Golfe créent un conseil de concertation, sans suite.
Le panislamisme
Le wahhabisme
L’une des sources de l’arabisme ou nationalisme arabe est particulièrement importante: le wahhabisme, qui peut se définir comme la volonté de purification de l’Islam, la conquête des âmes, selon les principes originaux, les salaf (« ancêtres », « prédécesseurs »), les trois premières générations de l’islam. Son protagoniste Mohammed Ben Abdelwahhab (1703-1792), prêchant un islam réformateur et puritain s’allie avec Mohammed Ibn Saoud (1710 – 1765) dans ce projet et remettent en question le califat ottoman, ce qui amène une politisation croissante sur cette question. Le pacte va notamment déboucher sur la création du premier émirat saoudien, celui de Dariya. Ben Abdelwahhab serait chargé des questions religieuses et Ibn Saoud chargé des questions politiques et militaires. Cet accord est devenu un « pacte de soutien mutuel » et de partage du pouvoir entre la famille Al Saoud et les disciples de ben Abdelwahhab, qui est resté en place pendant près de 300 ans, fournissant l’impulsion idéologique à l’expansion saoudienne.
Le modernisme arabe ou « nahda »
La renaissance arabe ou nahda se constitue en Égypte : Al Afghani (1839-1897), principal théoricien du modernisme arabe, s’y établit à 33 ans. À l’aide de Mohammed Abduh, mufti (interprète de la loi musulmane), il fondera le modernisme islamique dans le but de réformer nombre d’institutions. Ce processus va aussi déboucher sur un essor culturel basé sur la redécouverte historique du monde arabe: un arabisme culturel en soit marqué par un retour sur le patrimoine historique et glorieux. Dans ce mouvement, aucune distinction confessionnelle n’est faite, l’accent est mis sur la langue. Des partis politiques sont créés, des associations, ligues et organisations voient le jour.
Le panislamisme d’Abdülhamid II (1842-1918) représente un volet plus politique du nationalisme arabe. Des procédures de centralisation, investigation et de répression sont mises en place. Certains activistes seront exilés en Égypte.
Le conflit israélo-palestinien
La notion de Palestine est antérieure à l’Empire ottoman: elle provient de l’Antiquité. Pendant la période d’expansion de l’Islam, on désignait la terre sainte par ce terme. Au fil du temps, notamment suite aux conquêtes européennes, on parle de Palestine. Les habitants de cette région vont utiliser ensuite ce terme pour définir le territoire où sera établi le futur état arabe.
Au 19ème siècle, de nombreuses rivalités revendiquent le territoire (Églises, États, puissances, etc.) ce qui débouche sur des conflits se déroulant sur les lieux saints. C’est pour cela que, dans le cas de Jérusalem, la ville est placée sous autorité directe de Constantinople alors que ce n’est pas le cas dans le reste de l’Empire ottoman.
À la suite de la disparition de l’Empire ottoman, les britanniques continuent d’utiliser le mot « Palestine » ou bien de « Syrie du Sud » pour définir leur mandat. Du côté d’Israël, on parle « d’État arabe », qui n’a toujours pas vu le jour. Le processus de nationalisme arabe n’est pas très clair au début – on note les vagues de migrations ainsi que l’enjeu politico-religieux comme déterminants de ce dernier. La défense de la terre se fait au nom de l’arabisme.
Le rapport de force sur place est clairement en faveur des sionistes. Les tensions entre les deux parties conduiront à des massacres, assassinats et attentats. Durant la Grande Révolte de 1938-1939, la classe dirigeante israélienne est assaillie par les Arabes. Les Britanniques, tenant compte des difficultés, demande l’aide de la Société des Nations, qui va mettre en place la Commission de Peel pour réaliser, en 1937, le premier plan de partage entre les deux États. Il est refusé par la partie arabe, tout comme les révisionnistes juifs – alors que les juifs en général l’acceptent. Les tensions continuent jusqu’en 1947, moment où les britanniques remettent leur mandat à l’ONU, qui proposera un second plan de partage.
L’exode palestinien de 1948 ou Nakba (« catastrophe ») fait référence à la guerre civile qui provoque l’expulsion de centaines de milliers d’Arabes du territoire. D’autre part, la question des réfugiés est liée à la formation de la diaspora palestinienne. Le mouvement se redéfinit donc vers les années 1958-59 pour mettre un accent sur l’identité palestinienne – et se détacher des leaders arabes. Yasser Arafat qui domine le mouvement n’a plus pour objectif la défense de l’arabisme ou bien la création d’un État arabe, mais bien d’une revendication de la diaspora pour la création d’un État palestinien. Dès lors, la lutte armée devient le moyen de la libération de la Palestine.
Dès 1963, des opérations militaires sont menées depuis la Jordanie contre Israël. Arafat commence à être apprécié auprès des Arabes au vu des réussites militaires. Rapidement, les ripostes israéliennes contraignent la Jordanie à expulser les combattants palestiniens, qui s’installeront au Liban. Les choses changent là aussi: plusieurs événements dont la tentative d’assassinat sur l’ambassadeur israélien à Londres débouche sur l’opération « Paix de Galilée », Israël envahissant le Liban en juin 1982 pour détourner les roquettes basées sur place et repousser l’armée syrienne. Par ailleurs, l’image des Palestiniens au Liban décline, car ces derniers se retrouvent également impliqués dans la guerre civile. Le mouvement change de quartier général pour aller s’installer en Afrique du Nord. Alors qu’il revoyait ses objectifs à la baisse – considérant même l’idée de deux États – il est sauvé par l’intifada, mouvement populaire pour redynamiser la Palestine. Cela va déboucher à la fin de la guerre froide sur les accords d’Oslo, Yasser Arafat est loué.
En revanche, les négociations avec Israël échouent, notamment sur la question des colonies et des réfugiés. Le milieu nationaliste et plus particulièrement le Hamas accuse Arafat d’incompétence, de corruption et de népotisme. Dès lors, le Hamas gagne en pouvoir politique, bien qu’il défende une approche plus islamique du mouvement palestinien: c’est le passage à la troisième phase.
La lutte armée est reprise, tout comme l’intifada, dans une volonté de djihad contre les juifs. En 2006, le Hamas, mouvement islamiste palestinien composé d’une branche politique et d’une branche armée, gagne des élections, mais est également considéré comme terroriste par les pays européens et les États-Unis. On voit notamment apparaître la notion de deux gouvernements au sein de la Palestine. De nos jours, le territoire est morcelé, le chômage et la corruption font que l’autorité est fragile.
Le cas kurde
Le mouvement doit lutter contre les États issus de la dissolution de l’Empire ottoman. Le mot « kurdistan » existe depuis au moins le 12ème siècle. La guerre entre les séfévides (Iraniens) et les Ottomans en 1514 marque la première fracture sur la terre du peuple kurde. Toute est une question d’enjeux: certains kurdes se rangent du côté du Shah et certains du côté Ottoman. En 1639, un traité fixe en principe les frontières du territoire: de facto, elles existent seulement depuis les années 1940.
Une nouvelle ère politique prenant place sous le signe du panislamisme, l’autonomie des Kurdes est supprimée bien qu’on assiste à la création de certaines prestations et droits pour ladite population (tribus). Cela n’empêche pas les rivalités entre celles-ci et les populations avoisinantes, l’Arménie par exemple.
En 1919, l’organisation politique kurde est nouvellement créée: c’est le premier signe d’un nationalisme kurde. Le traité de Sèvres prévoit l’autonomie du territoire kurde, ce qui pourrait déboucher sur une indépendance. L’État ne verra néanmoins pas le jour:
- Les zones de peuplement étaient divisées (France, GB, Russie) et les Alliés ne sont pas disposés à remettre leur plan en question.
- L’autonomie arménienne soulève des conflits portant sur les territoires ciblés.
- Le nationalisme kurde est faible et ne peut mobiliser les masses. La communauté est minée par des indécisions : la possibilité de refuser Sèvres pour lier la communauté au nationalisme turc pour un seul territoire en est une.
Kurdistan turc
En 1924, les mots « kurde » et « Kurdistan » sont interdits en Turquie kémaliste dans le cadre d’un processus d’assimilation et d’acculturation : on déplace des populations, on théorise le fait que les Kurdes sont en réalité des Turcs « montagnards » – ce qui explique les différences aux niveaux linguistique et culturelle. Apparaît donc un contexte de révolte permanente. Mais la crise identitaire de la Turquie à la fin de la Deuxième Guerre mondiale va pousser au développement d’un intérêt pour la langue, la culture et l’histoire kurde, une renaissance du nationalisme kurde. Au final, les coups d’État et la répression à tendance nationaliste durant les années suivantes mettent à mal les intérêts de la communauté kurde.
La lutte armée débute en 1984, sous l’impulsion du PKK (le parti travailliste kurde), soutenu par la gauche communiste russe. Depuis 1946, l’Union soviétique s’intéresse de près à la situation dans cette région : les communistes soutiennent l’Azerbaïdjan iranien, autoproclamée république autonome face à l’Iran de Rezah Pahlawi (fils) – Cf. conflit irano-soviétique. Depuis les années 2000, la tension reprit à cause de l’islam chiite en Iran alors que les Kurdes iraniens sont majoritairement sunnites.
Kurdistan irakien
Le Kurdistan irakien est lié à la question du villaet de Mossoul (Cf. mandat britannique). En 1925, la Société des Nations décide de l’annexion de Mossoul au mandat irakien. Le mouvement résurrectionnel n’est jamais tari en Irak, ce qui représente la spécificité du nationalisme kurde dans le pays. Néanmoins, les accords avec l’Irak sont un échec, notamment avec le fait que l’Iran n’apporte plus son soutien au nationalisme kurde. En 1991, lorsque Saddam Hussein perd la guerre, les Kurdes en profitent pour mettre une autonomie de facto : la constitutionnalisation de ladite autonomie se fait dès la chute du régime de Saddam Hussein. Mais depuis le retrait américain en 2009, les Kurdes subissent une marginalisation prononcée de la part du centre de l’Irak. Plus récemment encore, le référendum du Kurdistan irakien en septembre 2017 a été contré par Bagdad.
Kurdistan syrien
Dans les années 1960, le gouvernement nationaliste syrien aggrave la division entre les différentes communautés kurdes – faite selon le tracé d’une ligne de chemin de fer. Dans les années 2000, les premières manifestations pour une autonomie du Kurdistan syrien émergent : les Kurdes profiteront du chaos du pays pour en instaurer une de facto.
Depuis l’intervention anglo-américaine de 2003 sur le sol irakien, aggravé par la guerre civile qui s’ensuivit – y compris la crise syrienne depuis 2011 – l’espoir de créer des États-nations stables s’est retrouvé très fragilisé, voire inexistant, au Moyen-Orient. Paradoxalement, les frontières sont toujours là, témoins d’une histoire géopolitique très forte.
Ralph Peters estime que la réalité du terrain (différences politiques, culturelles, religieuses) remet en question les frontières qui ne répondent pas aux attentes des sociétés sur place: les pays se retrouvent modelés selon des critères nationaux, ethniques et religieux. Cette carte fit beaucoup débat, y compris au sein de l’OTAN.
Il y a un large consensus sur le fait que l’expérience nationale a échoué. Bien que Bachar Al-Assad soit en train de gagner la guerre, la nation syrienne n’existera plus de la même manière qu’avant le conflit (tout comme la manière de gouverner). De plus, les frontières ne démarquent pas les communautés: elles sont liées, si ce n’est pas territorialement, via la notion confessionnelle, par l’héritage historique, etc. Le concept de diaspora reprend tous ces éléments.
Le Golfe persique
Certains États préfèrent le nommer « Golfe arabe ». Le Golfe est aujourd’hui un symbole de prospérité et de luxe. Il comprend le Koweït, le Qatar, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et Oman. Pour comprendre son évolution, il faut s’intéresser à la politique britannique dans la région.
Historiquement, le Golfe lié à la Mésopotamie avec le commerce des perles, dont certains centres sont établis au Bahreïn et à Oman. Les régions pauvres commerçaient des perles, de la pêche et du commerce maritime. La région connaît un certain essor avec les Abbassides, mais dès leur déclin, la situation redevient problématique. Ce vide est vite remplacé, car à partir du 15ème siècle, les puissances européennes investissent la région : le commerce des épices et le commerce maritime en général en sont les principaux vecteurs. Avec l’arrivée de la Grande-Bretagne, le commerce se renforce via l’intensification des échanges avec l’Inde.
La politique britannique est malmenée par les pirates et par les différents princes qui se font la guerre. Dès 1798, la menace devient aussi française. À partir de là, la Grande-Bretagne conclut des pactes spéciaux avec les acteurs locaux – le traité avec Oman pour empêcher l’expansionnisme français. Le même procédé sera appliqué dans les relations avec les pirates. Ces traités apparaissant au 19ème siècle vont déterminer la politique économique et stratégique britannique dans la mesure où leur renouvellement permet de sécuriser le Golfe : malgré que la région est instable, de plus en plus de corsaires et de princes s’engagent à ne plus se faire la guerre.
Certains États vont profiter du début de la Première Guerre mondiale pour renforcer leur position internationale: le Koweït signe un accord avec la Grande-Bretagne pour renforcer le protectorat. Après l’indépendance de l’Inde et du Pakistan, les Britanniques décident de se retirer de cette région-là, vers les années 1960. Tous les princes locaux, ayant fait des alliances avec les Britanniques vont se poser la question de l’avenir de la région: les créations des États que l’on connaît aujourd’hui se mettent en place à ce moment précis. Peu après, la découverte du pétrole change la donne et provoque un regain d’intérêt des Occidentaux sur le territoire: la deuxième vague d’indépendance aura lieu dans les années 1970.
L’islam politique
Il s’agit d’une idéologie, d’un programme politique, dont le but est la conquête du pouvoir afin d’islamiser la société selon la lecture de certaines sources et textes religieux qu’en font les acteurs de ladite idéologie.
Il fait son apparition dès l’échec du panarabisme (mouvement d’opposition à la domination occidentale…). La destruction d’Israël, symbole de la puissance étrangère, revient aussi dans cet imaginaire. Cette ère démarre selon les spécialistes en 1979, lors de la signature du traité de paix entre l’Égypte et Israël : la « trahison » égyptienne ne fait que renforcer les antagonismes envers l’État hébreu.
Plusieurs traits caractéristiques:
- Le fondamentalisme fait aussi partie de l’islam politique (et dans le monde musulman dès le 8ème siècle). Le wahhabisme (18ème siècle), fondamentalisme très rigoureux, révolutionnaire, joue un rôle très important.
- Le fondamentalisme est une volonté de faire fit de l’histoire pour retourner aux fondements de la religion.
- La colonisation, manifestation concrète de la domination européenne sur le monde arabe, fait partie intégrante de l’imaginaire politique.
- Les luttes d’indépendance en réaction à la pénétration occidentale: la tradition islamique en est fortement imprimée, la notion religieuse y contribuera beaucoup. L’idéologie de libération nationale.
L’origine de ce mouvement, dans notre siècle, peut émaner des Frères Musulmans (Égypte, 1928), dont le protagoniste est Hassan Al-Banna. Cette organisation va apparaître sur la scène politique pour appuyer l’islamisation de la société égyptienne. L’originalité du mouvement consiste dans le fait que cette organisation politique possède une force paramilitaire – présence de la tradition militaire et des Britanniques sur le territoire. Elle considère le Coran comme sa constitution. Le mouvement va avoir des bas et des hauts. Bien qu’il ne soit pas partisan d’une action armée, il participera tout de même à la guerre de 1948 (prétexte de trahison) tout comme à la révolution de 1952.
Sayyid Qutb (1906-1966), théoricien d’un potentiel État islamique, va jouer un rôle très important dans le rôle de l’islam politique: torturé, réprimé, car dissident, il émane la théorie selon laquelle de telles sociétés – occidentalisées, dirigées par le nationaliste panarabe – ne peuvent être construite sur la base de l’Islam. Elles sont tombées en « Jahiliya », légitimant ainsi le recours à la violence (contre un souverain musulman). Il sera condamné à mort et décidera de ne pas faire recours à la décision dans le but de réactiver l’imaginaire des martyrs.
Alors que sa pensée reste marginale, les choses changent en 1979. Le plan idéologique se retrouve bouleversé par l’échec panarabe, tout comme la symbolique, touchée par l’accord avec Israël. Ailleurs, la présence des forces soviétiques en Afghanistan débouchera sur une guerre s’étalant de 1979 à 1989, opposant l’URSS aux moudjahidines (« guerriers saints »). La notion de martyrs se voit généralisée dans la lutte contre les puissances, quelles qu’elles soient (occidentales, communistes…), contribuant au développement du mouvement. Certains États veulent réagir en promouvant des politiques islamistes, profitant du contexte pour asseoir leur monopole d’autorité (dans des régions instables).
Dans les années 1990, les spécialistes concluent de l’échec de l’islam politique, les mouvements islamistes n’ayant pas réussi à prendre le pouvoir. On se rend compte rapidement que a conclusion était trop hâtive: une fois la guerre gagnée contre les soviétiques qui quittent l’Afghanistan, le jihad va être lancé contre les États-Unis et leurs alliés croisés, Israël.
Les discours, approches et tactiques sont différents, car la violence est désormais sacrificielle. On dépasse le stade de martyr, cela prend une tout autre forme: l’apparition des attentats (-suicides), le recours au terrorisme. Les acteurs ont évolué: des élites activistes rejoignent Al-Qaïda. Aussi, on assiste à la relocalisation de ces acteurs, qui se fera principalement en Irak. La situation dans le pays est particulière, car la minorité chiite reprend le pouvoir dans un contexte de chaos total – le parti Baas est interdit depuis la chute du régime de Saddam Hussein. La population sunnite mise à l’écart du pouvoir, les chiites deviennent la première cible d’Al-Qaïda (Cf. Al-Tawihd de al Zarqaoui) en Irak. Dès 2014, la formation sera désignée sous le nom d’État Islamique.
