« Introduction aux Éthiques Philosophiques » : différence entre les versions
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Nous pouvons l'être uniquement vis-à-vis de nous-mêmes. Or, ce serait méconnaître un point essentiel. C'est que naturellement, nous sommes des êtres sociaux. Nous avons besoin de la relation aux autres dans notre projet de bonheur. Longuement, Aristote se demande si un homme heureux a besoin d'amis. Il va répondre que oui. Il aura même besoin d'amis véritables, pas simplement des amis qui sont fondés sur le plaisir partagé d'être ensemble. Pas non plus simplement des amis fondés sur l'utilité. La véritable amitié, c'est celle où les deux amis cherchent ensemble dans la vertu à se faire progresser l'un l'autre. La vertu demande de l'entraînement. Nous l'avons dit, la vertu est une virtuosité, on y a besoin de s'exercer. Pour devenir juste, j'ai besoin d'entraînement. Aristote va introduire par là l’idée que si on doit devenir vertueux par l'habitude, il y a donc besoin d'éducation parce que l'éducation. L'éducation a donc comme premier but d'orienter les jeunes pour les faire aller dans la voie du bien. Avec ce paradoxe, néanmoins, que dans l'éducation, on contraint le jeune à aller dans une certaine direction. Alors que la vertu nécessite de poser un choix libre. Je vous donne cette définition magnifique qu'Aristote va donner de la vertu. « Le sujet doit d'abord savoir ce qu'il fait. Il doit ensuite être libre et choisir librement l'acte en question et il doit le choisir en vue de cet acte lui-même et finalement, il doit l'accomplir dans une disposition d'esprit ferme et inébranlable. » La question, c'est que pour avoir cette disposition, qui n'est pas une disposition naturelle il faut s'entraîner. Et pour s'entraîner, il faut de l'éducation au départ. On voit alors que la justice, qui est une extension de l'amitié à un grand nombre de personnes, va perdre en intensité ce qu'elle va gagner en généralité. Pour devenir juste, je dois pouvoir avoir une éducation qui m'apprenne à être juste. Pour qu'on puisse être libre, pour qu'on puisse avoir des institutions qui soient des institutions qui respectent la liberté, il faut de l'éducation. Aristote passe donc de l'amitié à la justice et de la justice aux politiques. À la fin de l'Éthique à Nicomaque, Aristote se demandera s'il vaut mieux, au bout du compte, vivre au milieu d'un petit cénacle de gens qui partagent les mêmes valeurs et le même bien, ou s'il vaut mieux s'engager en politique. Aristote va répondre qu'il vaut mieux s'engager en politique parce qu'on peut contribuer à cimenter un projet de bien commun qui fédère tous les individus et leur permettre d'être véritablement des gens de bien et en étant des gens de bien, d'accomplir leur nature : d'être des zooi politikoi, des animaux politiques. Nous sommes constitutivement non seulement des êtres sociaux, mais des êtres politiques. Pour pouvoir vivre ensemble, nous avons besoin de lois, nous avons besoin de | Nous pouvons l'être uniquement vis-à-vis de nous-mêmes. Or, ce serait méconnaître un point essentiel. C'est que naturellement, nous sommes des êtres sociaux. Nous avons besoin de la relation aux autres dans notre projet de bonheur. Longuement, Aristote se demande si un homme heureux a besoin d'amis. Il va répondre que oui. Il aura même besoin d'amis véritables, pas simplement des amis qui sont fondés sur le plaisir partagé d'être ensemble. Pas non plus simplement des amis fondés sur l'utilité. La véritable amitié, c'est celle où les deux amis cherchent ensemble dans la vertu à se faire progresser l'un l'autre. La vertu demande de l'entraînement. Nous l'avons dit, la vertu est une virtuosité, on y a besoin de s'exercer. Pour devenir juste, j'ai besoin d'entraînement. Aristote va introduire par là l’idée que si on doit devenir vertueux par l'habitude, il y a donc besoin d'éducation parce que l'éducation. L'éducation a donc comme premier but d'orienter les jeunes pour les faire aller dans la voie du bien. Avec ce paradoxe, néanmoins, que dans l'éducation, on contraint le jeune à aller dans une certaine direction. Alors que la vertu nécessite de poser un choix libre. Je vous donne cette définition magnifique qu'Aristote va donner de la vertu. « Le sujet doit d'abord savoir ce qu'il fait. Il doit ensuite être libre et choisir librement l'acte en question et il doit le choisir en vue de cet acte lui-même et finalement, il doit l'accomplir dans une disposition d'esprit ferme et inébranlable. » La question, c'est que pour avoir cette disposition, qui n'est pas une disposition naturelle il faut s'entraîner. Et pour s'entraîner, il faut de l'éducation au départ. On voit alors que la justice, qui est une extension de l'amitié à un grand nombre de personnes, va perdre en intensité ce qu'elle va gagner en généralité. Pour devenir juste, je dois pouvoir avoir une éducation qui m'apprenne à être juste. Pour qu'on puisse être libre, pour qu'on puisse avoir des institutions qui soient des institutions qui respectent la liberté, il faut de l'éducation. Aristote passe donc de l'amitié à la justice et de la justice aux politiques. À la fin de l'Éthique à Nicomaque, Aristote se demandera s'il vaut mieux, au bout du compte, vivre au milieu d'un petit cénacle de gens qui partagent les mêmes valeurs et le même bien, ou s'il vaut mieux s'engager en politique. Aristote va répondre qu'il vaut mieux s'engager en politique parce qu'on peut contribuer à cimenter un projet de bien commun qui fédère tous les individus et leur permettre d'être véritablement des gens de bien et en étant des gens de bien, d'accomplir leur nature : d'être des zooi politikoi, des animaux politiques. Nous sommes constitutivement non seulement des êtres sociaux, mais des êtres politiques. Pour pouvoir vivre ensemble, nous avons besoin de lois, nous avons besoin de | ||
droits, nous avons besoin d'éducation, ce qui nous permettra de grandir. D'où cette citation d'Aristote : « Recevoir en partage dès la jeunesse une éducation tourné avec rectitude vers la vertu est une chose difficile à imaginer quand on a n'a pas été élevé sous de justes lois, car vivre dans la tempérance et la constance n'a rien d'agréable a priori pour la plupart, surtout quand ils sont jeunes. Aussi, convient-il de régler au moyen de lois la façon de les élever, ainsi que leur genre de vie, qui cessera d'être pénible lorsqu'il deviendra habituel. Même parvenus à l'âge d'homme, ils doivent mettre en pratique les choses qu'ils ont apprises et les tourner en habitudes. » Telle est la raison pour laquelle certains pensent que le législateur a le devoir, d'une part d'inviter les hommes à la vertu et de les exhorter en vue du bien, et d'autre part d'imposer à ceux qui sont désobéissants et d'une nature trop ingrate des punitions et des châtiments pour qu'ils deviennent vertueux, et enfin rejeter totalement les incorrigibles. Les vertus s'acquièrent, le politique est essentiel pour nous guider sur la voie du bien pour Aristote. | droits, nous avons besoin d'éducation, ce qui nous permettra de grandir. D'où cette citation d'Aristote : « Recevoir en partage dès la jeunesse une éducation tourné avec rectitude vers la vertu est une chose difficile à imaginer quand on a n'a pas été élevé sous de justes lois, car vivre dans la tempérance et la constance n'a rien d'agréable a priori pour la plupart, surtout quand ils sont jeunes. Aussi, convient-il de régler au moyen de lois la façon de les élever, ainsi que leur genre de vie, qui cessera d'être pénible lorsqu'il deviendra habituel. Même parvenus à l'âge d'homme, ils doivent mettre en pratique les choses qu'ils ont apprises et les tourner en habitudes. » Telle est la raison pour laquelle certains pensent que le législateur a le devoir, d'une part d'inviter les hommes à la vertu et de les exhorter en vue du bien, et d'autre part d'imposer à ceux qui sont désobéissants et d'une nature trop ingrate des punitions et des châtiments pour qu'ils deviennent vertueux, et enfin rejeter totalement les incorrigibles. Les vertus s'acquièrent, le politique est essentiel pour nous guider sur la voie du bien pour Aristote. | ||
===Comment devient-on vertueux ?=== | |||
Nous avons vu comment, pour Aristote, l’éthique ne concernait pas simplement une petite élite, mais l'ensemble des personnes. La question, maintenant, est de savoir comment est-ce qu'on peut devenir un homme de bien? Pour Aristote la méthode est assez simple : il faut d'abord se demander quel genre de personne nous voulons être? | |||
Quel sera pour nous une vie réussie? Si on ne se pose jamais la question de notre désir alors, on ne pourra pas devenir quelqu'un de bien. Les anciens avaient l'habitude de proposer un exercice, en disant : « imaginez que vous allez mourir demain, est-ce que votre vie est accomplie? » En général, on répondra que non. Cela, pour les anciens, libère quelque chose du désir. À partir de là, Aristote propose de se dire : si tu veux devenir quelqu'un de ce genre-là, entoure toi de personnes qui ressemblent à ton but. Une fois que j'ai choisi mon entourage, je dois le prendre comme modèle. | |||
Essayer de devenir peu à peu comme eux mais pour devenir comme eux, il suffit, dit Aristote, que je change une petite chose dans ma manière de vivre et essayer de corriger par une petite chose ma manière d'être. Cette petite chose ensuite va entraîner d'autres choses. La méthode que propose Aristote est une méthode pratique. C'est aussi une méthode perfectionniste. L'éthique se gagne d'abord au cœur de la personne, et par l'entraînement toute ma personne va se trouver transformée et je deviendrai quelqu'un de bien. | |||
===Les reprises théologiques d’Aristote=== | |||
Pendant des siècles, Aristote a été considéré comme une autorité. Dans tous les domaines, la pensée d'Aristote a paru être une pensée tellement assurée qu'elle a fait que les gens ont vu ce que voyait Aristote. L'influence d'Aristote a été très grande en particulier sur les éthiques religieuses. Et c'est certainement à travers les éthiques religieuses que la postérité d'Aristote a été la plus présente ou est encore présente aujourd'hui. Le modèle aristotélicien a été conçu comme le modèle dominant dans l'Europe médiévale. C'est effectivement au XXIIIe siècle qu'on redécouvre la pensée d'Aristote à travers la littérature qui vient du monde arabe et qu’Aristote influence profondément la pensée occidentale. Evidemment, ces réinterprétations religieuses d'Aristote peuvent nous étonner puisque Aristote n'a pas le doigt levé vers le ciel comme Platon, mais plutôt la main étendue vers la terre. Ce n'est pas une pensée religieuse a priori, la pensée d'Aristote. Mais assez vite, on va lui donner un prolongement religieux. Si on dit que les humains naturellement tendent vers le Bien et si on dit qu'en réalité le souverain Bien que les hommes imaginent n'est qu'un bien intermédiaire vers le bien véritable qu'est la béatitude que le croyant peut obtenir dans l'autre monde, alors on va considérer que ce que dit Aristote est vrai jusqu'à un certain point, mais peut être prolongé dans cette architectonique des biens qui nous conduit au bien qui n'a sa finalité qu'en lui-même vers un bien qui se trouve dans l'au-delà. C'est comme ça, par exemple, que la théologie catholique pendant longtemps va penser son modèle de l'éthique. Alors à ce moment-là, ce que l'homme peut saisir par sa raison est nécessairement vrai parce que dieu a donné cette raison à l'homme. Et ce qui est vrai dans l'ordre de la foi ne peut pas contredire ce qui est vrai dans l'ordre de la raison. On imagine donc que tout ce qu'a dit Aristote est vrai mais doit être simplement complété par un autre registre qui est le registre de la foi. On va alors considérer, par exemple, que si on contemple la nature et si on est capable de discerner des finalités dans cette nature, alors ce qu'indique la nature est nécessairement vrai, comme l'a dit Aristote. Mais comme on le voit, la question peut être plus délicate. Par exemple, quand on va dire est-ce que dans l'exercice de sa sexualité, l'être humain peut avoir une conduite contre nature? Si la sexualité est destinée à produire de la vie, on va dire que la sexualité est là pour faire des enfants. Alors ce qui empêchera la sexualité d'accomplir cette finalité sera nécessairement un mal. C'est l'argument principal qu'utilisent certains pour dire que l'usage du préservatif serait une mauvaise chose puisqu'il est contraire à la nature. Une des questions donc essentielles sera de savoir qui détermine ces finalités propres à la nature, qui détermine en réalité le bien. Dans ces perspectives de reprise religieuse d'Aristote la raison garde sa place, elle est prolongée par la foi et évidemment la question principale sera de savoir qui détermine cette prolongation, comment elle se détermine et comment elle contraint les individus à se soumettre à ces destinations qui sont repérées comme étant bonnes. | |||
C'est la question qui va assez vite survenir d'un conflit dans l'interprétation de ces biens. | |||
L'un va dire que le bien correspond à une chose, l'autre va dire que le bien correspond | |||
à une autre chose, et il va y avoir, non seulement des conflits d'écriture, mais des conflits de sang. Donc devant cette question des reprises religieuses d'Aristote, on voit en même temps l'intérêt du modèle d'Aristote, qui est un modèle concret, pratique, perfectionniste et on voit en même temps la limite de ce modèle d'Aristote, ce qui va nous introduire à une conclusion sur l'intérêt et les limites d'Aristote. | |||
===Points d’interrogations=== | |||
Nous avons parcouru plusieurs éléments importants de l'éthique d'Aristote et je voudrais ici simplement en esquisser quelques traits à la fois positifs et plus critiques. | |||
Le grand intérêt dans le débat éthique contemporain de cet héritage d'Aristote c'est de nous montrer que si l'éthique a un sens elle nous demande plus que de respecter quelques règles ou de se cantonner à fixer un cadre à l'intérieur duquel l'ensemble des activités humaines pourrait être légitime. Il ne s'agit pas pour Aristote de s'abstenir de faire certaines choses, au contraire il faut rechercher le bien. L'éthique est ainsi vue comme une manière perfectionniste d'accomplir la destinée humaine. | |||
S'il y a une dimension politique à l'éthique et elle est manifestement présente chez Aristote, le politique est là pour aider les individus à se réaliser eux-mêmes. Il est là pour nous permettre de nous développer, de réussir notre vie. Ça c'est un point très important. Un autre point très important c'est que tout ce qui constitue notre activité humaine est en réalité une question d'éthique. Donc l'éthique ne se joue pas simplement sur les grandes choses, mais aussi sur les petites choses. Un autre point important c'est l'idée de modèle. Cette idée de modèle on la retrouvera dans de nombreux domaines. Par exemple, si on réfléchit aux codes de la police, on va dire que le policier doit être un modèle pour l'ensemble des administrés. Donc un point également important de l'éthique d'Aristote, c'est que la vie quotidienne est imprégnée en quelque sorte par l'éthique. Un autre point qu'il faudrait souligner c'est qu'évidemment la perspective d'Aristote est marquée par sa propre culture. Si on interroge les gens aujourd'hui sur les attitudes qui pourraient être considérées comme des vertus on verrait que la liste est assez différente de celle d'Aristote. Par exemple, la bonté aujourd'hui paraît être une vertu qui est reconnue par notre société comme quelque chose d’admirable, alors que ça n'est pas du tout le cas chez Aristote. Autrement dit, la liste des vertus elle-même est en réalité contingente. Un autre point qui lui est plus critique c'est l’idée de l'unité des vertus. Pour Aristote, celui qui a la prudence a nécessairement toutes les vertus morales et celui qui a une vertu morale a nécessairement la prudence et donc à sa suite toutes les autres vertus morales. Or, cette idée qu'il y a une unité nécessaire des vertus, nous paraît beaucoup plus problématique aujourd'hui. Quelqu'un peut être excellent dans un domaine et dans un autre domaine ne pas l'être. L'idée même d'une unité des vertus nous paraît problématique. Un autre point qui paraît problématique c'est le rôle du politique. Est-ce que c'est au politique d'unifier les différentes conceptions du bien et de les rallier autour de l'idée d'un bien commun? Nous sommes aujourd'hui beaucoup trop conscients du pluralisme, c'est-à-dire de l'idée que il n'y a pas d'accès privilégiés à la vérité sur le bien. Nous pensons plutôt qu'il y a des biens que les individus peuvent légitimement prendre pour leurs et qui sont destinés à orienter leurs vies. Donc, sur toute une série de points j'ai mentionné lors d'une séquence précédente le fait qu'il n'est pas évident de discerner dans la nature des finalités, on pourrait aussi bien tirer de la nature que en réalité ce qui régit la nature c'est la capacité du plus fort à imposer son point de vue sur les plus faibles. Donc l'idée même qu'il y ait des finalités inscrites dans la nature fait problème. Il ne reste pas moins que c'est un des grands modèles parce que c'est un modèle à la fois pratique, qui nous dit comment devenir éthiques. On pourrait le résumer en disant que c'est en forgeant et c'est un modèle qui montre que l'éthique est d'abord une question d'accomplissement de soi, de réussite de sa vie, de bonheur et de ce point de vue-là c'est un grand modèle qu'il nous faut comprendre encore aujourd'hui et qui continue d'influencer bien des comportements. | |||
===Le regard de … === | |||
Commençons par nous rappeler le tableau de Raphaël, l'école d'Athènes où l'on voyait Platon et Aristote au centre, Platon indiquant le ciel et Aristote indiquant la Terre et il pourrait nous sembler que le plus proche de nous c'est Aristote. Pourtant, paradoxalement, on peut se demander si l'idéal de Platon ne serait pas plus proche de nous. Rappelons-nous que sur le portail de l'académie qu'il avait fondé, il était écrit, nul n'entre ici s'il n'est géomètre. Nul n'entre ici s'il ne fait pas de mathématiques, et Aristote se plaisait à dire que quand Platon faisait un cours sur Dieu, il évoquait et il faisait travailler à ses étudiants, les mathématiques. Or, notre époque, y a-t-il époque qui soit plus appuyée que la nôtre sur les mathématiques? Aristote, lui, parle du bonheur. | |||
Et le bonheur, ça nous parle tout de suite. Là aussi, regardons-y de plus près. Quand nous regardons notre comportement quotidien, est-ce que c'est le bonheur que nous recherchons réellement? Ne serait-ce pas plutôt l'efficacité, l'efficience, la puissance d'agir qui nous tenaillent réellement? Il y a donc quelque chose de paradoxalement décalé, chez Aristote. Quand il dit il faut chercher avant tout le bonheur, cela nous plait. | |||
Mais en réalité, ce n'est peut-être pas ce que nous cherchons. On pourrait aussi ajouter qu'il y a un autre décalage avec Aristote, car nous accordons une grande importance au bonheur. Cela nous repose un peu de tout ce qui est exigé de nous quotidiennement, or, si quelque chose va à l'encontre de ce que dit Aristote, c'est bien cette idée de se laisser aller à sa propre pente. Car, Aristote assure que le bonheur dépend de la pratique des vertus. Clairement, Aristote met le bonheur au centre de l'éthique. Vous avez vu aussi, que la nature pour l'homme voudra dire développer sa raison ; développer ce qu'il a en propre. Si bien que le bonheur va dépendre du développement de ma raison, il s'agit en effet de prendre tout l'être humain en considération. Ce ne sera pas seulement l'exercice de la raison théorique, mais plutôt l'application de la raison à la vie pratique et la vie pratique ce qui est plus difficile. La vie théorique s'occupe de tout ce qui est nécessaire. Selon Aristote tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. La vie pratique est exposée à la contingence et elle demandera de développer la prudence. Platon aurait dit pour parler de la prudence qu'elle est une opinion droite et le point sur lequel je voudrais insister, c'est sur les vertus que l'on développe à travers une pratique prudentielle. La vertu est un juste milieu d'une part et c'est aussi une excellence, que nous portons en nous. Dès lors, vous voyez bien qu'avec Aristote, la vertu ne signifie pas quelque chose de raide, mais c'est plutôt la vie même, la capacité que nous sommes capables de déployer en vue de notre accomplissement. | |||
La vertu est le contraire du sentiment de fermeture, d'empêchement, d'abstention à agir. | |||
Comme on aurait tendance à le penser aujourd'hui, le vertueux, c'est celui qui se contraint. On dit donc que, quand on considère Aristote, qu'une personne vertueuse serait une personne qui avant tout s'interdit telle chose. Au contraire Aristote déclare que la vertu est une puissance à agir à l'optimum de soi. Une vie qui atteint sa plénitude est ainsi une vie qui a été attentive à développer les vertus, et comme le soulignait François Dermange, cela commence dans les choses les plus humbles de la vie. Autre point particulièrement saillant dans ces séquences c'est que les vertus doivent nécessairement s'épanouir dans un cadre social. Hors de la communauté politique, disait | |||
Aristote, je ne connais que des dieux ou des monstres. Aussi Aristote est-il très attentif à la relation sociale, sans laquelle il n'y a pas de pratique des vertus et donc d'éthique, ainsi la justice exige que je sois toujours attentif et soucieux des équilibres changeants de la communauté. On peut dire qu'Aristote est à la fois un penseur éthique très proche et très lointain, intempestif et familier. Un des grands intérêts de la pensée d'Aristote, est de nous ramener à la fois à la saveur et à l'exigence de la vie. | |||
Version du 13 octobre 2015 à 17:42
Aristote et l’éthique des vertus
Aristote dans son contexte
Dans le débat contemporain il y a une pluralité de conceptions de l’éthique qui se rattache à des courants divers. Au 4ème siècle avant notre aire on à l’éthique d’Aristote. Aristote enracine son éthique dans la nature et puis l’éthique n’a de sens que dans une conception politique au milieu des gens. L’éthique de comprends pas de grande question comme la fin du monde, la guerre etc. mais elle concernera d’abord la vie ordinaire. Aristote se situe dans un contexte de société qui n’est pas le notre mais qui porte des questions qui restent les nôtres. Dans son époque il y a plusieurs courant de philosophie qui partage néanmoins quelques traits. Le premier c’est que, pour eux, l’éthique concerne la question du but de l’action. Si je connais le Bien alors je saurais ce qui est bien. Ce qui est bien va me permettre ma finalité : le Bien. → C’est une éthique téléologique. Tous ce que nous faisons, nous faisons pour atteindre un certain but et ce but est le bien. La deuxième thèse que partagent tous les courants de l’époque d’Aristote, c’est que, si il y a un but à l’action humaine, ce but c’est tout simplement le bonheur. Tout ce que nous cherchons à faire, c’est d’être heureux. Or, comment être heureux ? Ce sera la question centrale de la philosophie de cette époque. Il y a évidemment pour Aristote un grand intérêt à définir l’éthique de cette manière-là. C’est qu’on resoud ainsi une des questions les plus difficiles de l’éthique, qui est de savoir pourquoi est-ce que nous nous comporterions selon ce que nous savons être bien ? En l’occurrence, la réponse est très plausible, nous le faisons parce que nous désirons être heureux. Mais la grande difficulté de cette approche, est de savoir comment est-ce qu’on va définir le bonheur ? Il y a, à cette époque, de nombreux courants. Le premier grand courant se rattache à Épicure. Pour Épicure et pour les épicuriens à sa suite, le bonheur c’est le plaisir. Il faut alors essayer de comprendre ce qu’est le plaisir et d’essayer d’écarter les fausses conceptions du plaisir, d’essayer aussi de comprendre ce qui nous fait du bien. Exemple : les courants d’aujourd’hui qui prônent une alimentation saine. Pour me sentir bien dans mon corps je mange pas que du chocolat, mais je vais essayer de comprendre ce qui correspond le mieux à ce qui fait du bien à mon corps. → il faut essayer de modérer le plaisir, pour, en réalité, maximiser le plaisir. À l’opposé d’Épicure on a un autre courent contemporain, qu’on appelle le Stoïcisme. Pour les stoïciens, il s’agit au contraire, non pas de poursuivre la quête du plaisir, mais de s’accepter comme on est, ne pas rêver d’être un autre. Si on est empereur il faut accepter les responsabilité d’empereur. Si on est un esclave, il faut accepter sa condition d’esclave. Tout ce qui te convient, me convient au monde, dit Marc Aurèle, et même si le destin me pousse à comprendre que ma vie n’a plus de sens, je devrais non seulement consentir à mourir, mais je devrais me suicider (complètement opposé à Épicure). Il y a un troisième grand courant à cette époque, qui est le Platonisme. Particulièrement important parce que Aristote a été, pendant 18 ans, l’élève de Platon. Pour Platon le Bien ne correspond pas aux réalités visibles, immédiates, que nous avons sous les yeux. Platon va nous montrer qu’on est d’abord attiré par un beau corps, puis par une belle âme, puis par l’amour du beau, et qu’en s’élevant ainsi dans l’abstraction des idées, on atteint une réalité beaucoup plus véridique que le monde sensible. Il y a donc différentes conceptions du Bien, et si on pense à une œuvre d’art qui a été peinte plus tard, l’école d’Athènes de Raphaël, on voit une nuée de philosophe qui partage une certaine conception de la téléologie et de l’eudémonisme. L’eudémonisme veut dire que ce nous faisons c’est pour être heureux que nous le faisons, et même qu’on juge de la qualité morale d’un acte selon qu’elle nous permet d’atteindre, ou de ne pas atteindre, le bonheur. Dans cette nuée de philosophe il y a deux personnages centraux. Platon avec doigt pointé vers le ciel, la réalité plus vraie et Aristote avec main tendue vers la réalité humaine. Ceci nous dit que pour Aristote ce n’est pas avec la conception du Bien abstrait qu’on va pouvoir concevoir la philosophie, mais a partir de la réalité de ce monde. Si Aristote raisonne ainsi, c’est d’abord par une réflexion sur connaissance. Aristote n’est pas que philosophe, mais aussi un grand savant. Or Aristote sait bien que la science repose sur la raison, mais une raison observatrice et déductive, qui lie des phénomènes avec liaisons causales. La science repose sur le nécessaire. Une cause entraine nécessairement le même effet, et c’est la base des sciences. Or pour l’éthique il ne peut pas en être ainsi. L’éthique porte sur le contingent. Une chose est vrai pour l’un, une chose est diffèrent pour l’autre. On ne peut pas savoir avec certitude, il n’y a pas de vérité. Donc on ne peut pas penser l’éthique comme les sciences. L’éthique n’est pas non plus un art ou une technique, parce que l’éthique ne produit rien et repose pas sur un savoir faire. On peut que juger l’éthique a partir de celui qui l’a produit, c’est à dire le sujet. Est-ce que c’est une personne bonne ? Pour Aristote l’éthique est ni science, ni savoir faire. L’éthique est entièrement concentrée sur l’action.
Qu’est ce que le bien ?
Vous vous en souvenez, il y a chez Aristote une psychologie, une psychologie qui détermine les parties de l'âme qui vont entrer en ligne de compte pour penser l'éthique. L'éthique d'Aristote est donc une éthique téléologique, qui vise un but. Elle est une éthique eudémoniste, ce but, c'est le bonheur et elle s'appuie sur une psychologie. Nous devons parler maintenant de la méthode d'Aristote. Cette méthode est tout d'abord une méthode inductive. Alors que d'autres philosophies partent d'un grand principe et déduisent de ce grand principe ses applications pratiques, Aristote, lui, va partir de ce qui est. Il va partir de la nature. Il va partir aussi de l'exercice du langage. Sa philosophie est aussi une philosophie qui n'est pas simplement inductive, mais qui est dialectique. Dialectique veut dire quoi? Elle veut dire qu'on doit prendre en considération des choses qui apparemment disent le contraire les unes des autres, mais qui peut être toutes et y compris dans leur opposition, disent quelque chose d'important. Par exemple, en venant ici, j'entendais une jeune fille qui disait à une des ses copines « j'ai dit à ma mère que le but de ma vie serait de gagner de l'argent ». Voilà une assertion qu'Aristote dirait simplement non-argumentée, une conviction que le but de la vie, c'est de gagner de l'argent. À cette conviction qui est souvent l'opinion de la foule. On doit mettre en contraste l'opinion des sages, des philosophes, des platoniciens en particulier ou des stoïciens qui eux vont dire que pas du tout, le bonheur n'a rien a voir, à faire avec le plaisir ou avec la richesse et que le bonheur, c'est tout à fait autre chose. Les uns et les autres ont des opinions contradictoires. Et pourtant, Aristote, par sa méthode dialectique va chercher à retenir ce que les uns et les autres disent en réalité de vrai. Pour cela, il va considérer que lorsque nous faisons quelque chose, effectivement, nous le faisons dans un but et que la jeune fille a raison de se fixer un but à sa vie. Chaque fois que nous entreprenons quelque chose, nous le faisons dans un but précis. Pourquoi suivez-vous ce MOOC? Peut-être parce que vous voulez vous cultiver. Peut-être aussi parce que vous voulez vous perfectionner dans votre propre vie éthique, Peut-être aussi parce que vous voulez faire des études, par exemple. Il y a donc non seulement l'idée que chaque chose que nous faisons, nous la faisons dans un but, mais qu'il y a un emboîtement de ces buts. Une architectonique des biens, dira Aristote, que chaque bien renvoie à un autre bien. Et que s'il y a un sens au bien suprême, au souverain bien, au bonheur, c'est un bien qui a sa complétude en lui-même, qui ne renvoie à aucun autre bien. La jeune fille qui pense que l'argent est le but de sa vie se trompe parce que l'argent comme le plaisir n'est qu'un but intermédiaire. L'argent nous permet d'obtenir d'autres choses et donc, ne peut pas être le but final. Le plaisir, de la même manière, appelle un plaisir plus grand ou une répétition du plaisir, donc le plaisir ne peut pas être le but. Mais à l'inverse, les sages platoniciens et stoïciens qui vous disent que l'argent n'entre en rien en ligne de compte se trompent aussi. Pourquoi? Parce que l'idéal de bonheur qu'ils proposent est souvent sans portée. Il n'a pas de sens pour les gens et s'il a un sens, il est souvent inaccessible. Et puis, les sages proposent quelque chose qui ne tient pas compte de la contingence de la vie. Notre vie n'est pas divine, elle ne peut jamais être absolument réussie. Nous devons nous contenter de nous tenir dans la contingence de la vie. Aristote est un très bon antidote contre les philosophies absolues, contre les philosophies dogmatiques. Il faut se tenir sur une voie modeste où l'on construit son existence dans le bonheur d'une vie qui est une vie qui se tient dans les contingences de la vie. Les sages ont donc tort eux aussi. Si le plaisir n'est pas le bien, une vie parfaitement heureuse demande du plaisir, demande de l'argent, demande d'accepter la matérialité de l'existence. Vous voyez, cette méthode dialectique permet à Aristote de donner raison et tort à la foule et aux sages par cette philosophie modeste. Un autre point maintenant important pour Aristote pour s'approcher de cette définition du bien ou du bonheur, c'est d'ouvrir les yeux, regarder cette nature. Que veulent-ils? Quel but poursuivent-ils? Une vie de croissance, une vie qui sera réussie si elle produit du fruit, si elle permet à chacune de ses espèces de se reproduire. C'est le but de toute la vie végétale. Et il y a quelque chose de végétal en nous qui lui aussi veut croître, veut se reproduire, veut assurer sa descendance. Mais ça ne peut pas être le but spécifique de l'être humain. Si on voyait aussi des animaux, on s'apercevrait que eux aussi poursuivent un but différent, à vrai dire, de celui des végétaux. Le chien préfère être au chaud l'hiver, il préfère avoir une bonne pâtée. Il y a chez le chien une vie qui n'est pas simplement végétative, mais une vie qu'Aristote appelle sensitive. Il veut la satisfaction de ses sens. Et il y a chez nous aussi quelque chose de cette vie sensitive. Mais ça ne peut pas être le but de la vie humaine, parce que ça n'est pas notre bien spécifique. Aristote va alors chercher ce qui est spécifique. Dans la diversité des plantes, dans la diversité du vivant, chacun occupe sa place. Quelle est la place spécifique de l'être humain? Et Aristote va conclure que ce qui nous est spécifique par rapport au reste du vivant c'est de pouvoir choisir notre vie, de pouvoir déterminer quel est le but de notre existence et suivre ce but. La plante ne choisit pas, l'animal ne choisit pas non plus. Nous, nous pouvons choisir. Et parce que nous pouvons choisir, une vie heureuse sera nécessairement une vie qui se rapportera à la partie rationnelle de notre âme, pas à la partie scientifique qui cherche la vérité, mais à la partie de la rationalité pratique qui cherchera à trouver sa voie en accord avec elle-même, en accord avec la raison. Ce sera une des grandes réponses d'Aristote. Maintenant, on peut encore avancer plus loin et se dire que ce qui pour nous est le but, c'est de vivre en accord avec cette rationalité. Voilà ce que dit Aristote. Le simple fait de vivre est de toute évidence une chose que l’homme partage en commun même avec les végétaux ; or ce que nous recherchons, c’est ce qui est propre à l’homme. Nous devons donc laisser de côté la vie de nutrition et la vie de croissance. Viendrait ensuite la vie sensitive, mais celle-là encore apparaît commune avec le cheval, le bœuf et tous les animaux. Reste donc une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l’âme, partie qui peut être envisagée d’une part au sens où elle est soumise à la raison, et, d’autre part, au sens où elle possède la raison et l’exercice de la pensée. Le but, c'est donc une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l'âme, pas n'importe quelle vie pratique de la partie rationnelle de l'âme, certaines vies, une vie que nous aurons choisie, une vie qui nous correspondra, une vie qui sera la nôtre en fonction de notre propre quête du bonheur.
La vertu
« Un cheval est un bon cheval, non seulement lorsqu'il a tout ce qu'il faut pour faire un bon cheval, mais lorsqu'il sert bien son cavalier pour la course ou pour faire face à l'ennemi. » À travers cette citation, Aristote nous indique qu'un bon cheval ne l'est pas par ses capacités, mais par l'exercice de ses capacités et que, en réalité, il ne s'agit pas simplement d'être un bon cheval, mais d'être un cheval apte à développer dans l'action les différentes choses qu'on attend de lui. Cette idée, la virtuosité, nous permet d'introduire un des concepts les plus essentiels d'Aristote : la vertu. La vertu c'est la virtuosité et cette virtuosité peut, en réalité, toucher deux facultés de l'âme, deux éléments de cette psychologie que nous avons évoqué d'Aristote, d'une part la virtuosité de la raison pratique d'autre part la virtuosité du désir de l'homme, lorsqu'il écoute précisément cette raison pratique. Le premier type de vertu Aristote et la tradition aristotélicienne, est la prudence. La prudence c'est la circonspection. C'est l'attitude de celui qui hésite comment agir. Il hésite, parce qu'il cherche la bonne attitude. Pour comprendre ce qu'est la prudence, Aristote commence à nous dire qu'il faut que nous regardions les hommes ou les femmes que nous admirons. Qu’admirions nous dans cette personne? Ce que nous admirons en eux c'est leur attitude, leur manière constante de se comporter, ce qu’Aristote va appeler leur caractère. Or, ce qu'une personne de bien fait, c'est qu'elle sait trouver la bonne manière d'agir. Ce qu'on voit aussi c’est que cette personne a uni l'ensemble de ses facultés, l'ensemble de son caractère. Elle trouve une constance dans ce qu'elle est. Elle a construit une personnalité morale. Cela, pour Aristote, fait référence à la prudence, nous permet de comprendre ce qu'est la prudence. C'est quelqu'un qui a développé son intelligence pratique de telle manière qu'en toute circonstance il peut avoir une bonne règle pour son action. Cette règle de l'action, qui est indiqué par la prudence, est une règle, qui va m'indiquer, dans chaque circonstance, quelle conduite tenir. Cela pour Aristote va nous dire quelque chose d'essentiel sur l'éthique, l'éthique va reposer sur la raison pratique. Comme le dit un philosophe contemporain, les vertus, et, en ce sens là, la prudence, permet d'unifier la personne, permet de comprendre ce qu'est une bonne personne. D'où cette première définition de la vertu que va donner Aristote : « La vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée, consistant dans une moyenne relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l'homme prudent. Mais c'est une moyenne, entre deux vices, l'un par excès, l'autre par défaut. Et cela tient au fait que certains vices sont au-dessous et d'autres au-dessus de ce qu'il faut dans les affections et les actions, tandis que la vertu découvre et choisit le juste milieu. » Aristote va définir la prudence dans un deuxième temps. Il va la définir comme une moyenne relative à la situation et relative à chacun. Chacun va déterminer ce qui, pour lui, est le milieu entre deux excès. L'exemple que donne Aristote est celui du courage du soldat face à l'ennemi. S'il est excessif, le soldat pourra être lâche et se dérober devant l'ennemi. S'il est excessif aussi, le soldat pourra être téméraire et exposer inutilement sa vie et son armée à l'ennemi. Le courage sera le milieu entre la témérité et la lâcheté, l'un des vices l'est par excès, l'autre l'est par défaut, le juste milieu est ce qui indique la vertu. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que cette vertu que nous indique la prudence est relative à chacun d'entre nous. Et c'est là peut-être un des points le plus importants d'Aristote. Pour lui la conduite morale et éthique dépend de chacun. « Si pour la nourriture de tel individu un poids de 10 mines est beaucoup et un poids de 2 mines est peu, il ne s'ensuit pas que le maître de gymnase prescrira un poids de 6 mines, car cette quantité est peut-être aussi beaucoup pour la personne qui l'absorbera ou peu : pour Milon ce sera peu, et pour un débutant dans les exercices du gymnase, beaucoup. Il en est de même pour la course et la lutte. C'est dès lors ainsi que l'homme versé dans une discipline quelconque évite l'excès et le défaut. C'est le moyen qu'il recherche et qu'il choisit, mais ce moyen n'est pas celui de la chose, c'est celui qui est relatif à nous. » Maintenant, qu'en est-il des vertus morales? Les vertus morales correspondent pour Aristote au désir, dans chaque situation, qui va trouver par la prudence son juste milieu. Il y a pour Aristote certaines vertus morales plus importantes que d'autres. Il hérite, à vrai dire, de cette idée de Platon, qu'il y a des vertus cardinales. Les vertus cardinales sont les points de repère les plus importants. La première de ces vertus cardinales c'est la prudence. Mais il y a ensuite deux vertus cardinales qui vont nous intéresser. D'une part, ce qu'il va appeler la tempérance, d'autre part ce qu'il va appeler la force. La tempérance ce sera la vertu, qui lorsque je suis dans une situation d'excès parce que j'ai beaucoup de plaisir et beaucoup de biens, va me permettre de mesurer pour que je ne me perde pas dans mes biens. À l'opposé, la force ou le courage ce sera une manière, lorsque je suis dans le manque de trouver une manière de tenir. La tempérance et la force, vont être ainsi deux manières pratiques, guidées par la prudence, de tenir compte de la situation réelle des gens soit qu'ils soient dans l'abondance, soit qu'ils soient dans le défaut.
Le politique et la justice
Nous avons évoqué, dans la dernière séquence, les vertus cardinales: la prudence, la vertu intellectuelle et deux vertus morales : la tempérance et la force. Reste la quatrième et sans doute la plus importante de ces vertus : la justice. Pourquoi est-elle la plus importante? Parce que si on écoutait que les vertus dont nous avons parlé jusqu'à présent, on pourrait avoir l'impression que pour être éthique nous pouvons l'être seul. Nous pouvons l'être uniquement vis-à-vis de nous-mêmes. Or, ce serait méconnaître un point essentiel. C'est que naturellement, nous sommes des êtres sociaux. Nous avons besoin de la relation aux autres dans notre projet de bonheur. Longuement, Aristote se demande si un homme heureux a besoin d'amis. Il va répondre que oui. Il aura même besoin d'amis véritables, pas simplement des amis qui sont fondés sur le plaisir partagé d'être ensemble. Pas non plus simplement des amis fondés sur l'utilité. La véritable amitié, c'est celle où les deux amis cherchent ensemble dans la vertu à se faire progresser l'un l'autre. La vertu demande de l'entraînement. Nous l'avons dit, la vertu est une virtuosité, on y a besoin de s'exercer. Pour devenir juste, j'ai besoin d'entraînement. Aristote va introduire par là l’idée que si on doit devenir vertueux par l'habitude, il y a donc besoin d'éducation parce que l'éducation. L'éducation a donc comme premier but d'orienter les jeunes pour les faire aller dans la voie du bien. Avec ce paradoxe, néanmoins, que dans l'éducation, on contraint le jeune à aller dans une certaine direction. Alors que la vertu nécessite de poser un choix libre. Je vous donne cette définition magnifique qu'Aristote va donner de la vertu. « Le sujet doit d'abord savoir ce qu'il fait. Il doit ensuite être libre et choisir librement l'acte en question et il doit le choisir en vue de cet acte lui-même et finalement, il doit l'accomplir dans une disposition d'esprit ferme et inébranlable. » La question, c'est que pour avoir cette disposition, qui n'est pas une disposition naturelle il faut s'entraîner. Et pour s'entraîner, il faut de l'éducation au départ. On voit alors que la justice, qui est une extension de l'amitié à un grand nombre de personnes, va perdre en intensité ce qu'elle va gagner en généralité. Pour devenir juste, je dois pouvoir avoir une éducation qui m'apprenne à être juste. Pour qu'on puisse être libre, pour qu'on puisse avoir des institutions qui soient des institutions qui respectent la liberté, il faut de l'éducation. Aristote passe donc de l'amitié à la justice et de la justice aux politiques. À la fin de l'Éthique à Nicomaque, Aristote se demandera s'il vaut mieux, au bout du compte, vivre au milieu d'un petit cénacle de gens qui partagent les mêmes valeurs et le même bien, ou s'il vaut mieux s'engager en politique. Aristote va répondre qu'il vaut mieux s'engager en politique parce qu'on peut contribuer à cimenter un projet de bien commun qui fédère tous les individus et leur permettre d'être véritablement des gens de bien et en étant des gens de bien, d'accomplir leur nature : d'être des zooi politikoi, des animaux politiques. Nous sommes constitutivement non seulement des êtres sociaux, mais des êtres politiques. Pour pouvoir vivre ensemble, nous avons besoin de lois, nous avons besoin de droits, nous avons besoin d'éducation, ce qui nous permettra de grandir. D'où cette citation d'Aristote : « Recevoir en partage dès la jeunesse une éducation tourné avec rectitude vers la vertu est une chose difficile à imaginer quand on a n'a pas été élevé sous de justes lois, car vivre dans la tempérance et la constance n'a rien d'agréable a priori pour la plupart, surtout quand ils sont jeunes. Aussi, convient-il de régler au moyen de lois la façon de les élever, ainsi que leur genre de vie, qui cessera d'être pénible lorsqu'il deviendra habituel. Même parvenus à l'âge d'homme, ils doivent mettre en pratique les choses qu'ils ont apprises et les tourner en habitudes. » Telle est la raison pour laquelle certains pensent que le législateur a le devoir, d'une part d'inviter les hommes à la vertu et de les exhorter en vue du bien, et d'autre part d'imposer à ceux qui sont désobéissants et d'une nature trop ingrate des punitions et des châtiments pour qu'ils deviennent vertueux, et enfin rejeter totalement les incorrigibles. Les vertus s'acquièrent, le politique est essentiel pour nous guider sur la voie du bien pour Aristote.
Comment devient-on vertueux ?
Nous avons vu comment, pour Aristote, l’éthique ne concernait pas simplement une petite élite, mais l'ensemble des personnes. La question, maintenant, est de savoir comment est-ce qu'on peut devenir un homme de bien? Pour Aristote la méthode est assez simple : il faut d'abord se demander quel genre de personne nous voulons être? Quel sera pour nous une vie réussie? Si on ne se pose jamais la question de notre désir alors, on ne pourra pas devenir quelqu'un de bien. Les anciens avaient l'habitude de proposer un exercice, en disant : « imaginez que vous allez mourir demain, est-ce que votre vie est accomplie? » En général, on répondra que non. Cela, pour les anciens, libère quelque chose du désir. À partir de là, Aristote propose de se dire : si tu veux devenir quelqu'un de ce genre-là, entoure toi de personnes qui ressemblent à ton but. Une fois que j'ai choisi mon entourage, je dois le prendre comme modèle. Essayer de devenir peu à peu comme eux mais pour devenir comme eux, il suffit, dit Aristote, que je change une petite chose dans ma manière de vivre et essayer de corriger par une petite chose ma manière d'être. Cette petite chose ensuite va entraîner d'autres choses. La méthode que propose Aristote est une méthode pratique. C'est aussi une méthode perfectionniste. L'éthique se gagne d'abord au cœur de la personne, et par l'entraînement toute ma personne va se trouver transformée et je deviendrai quelqu'un de bien.
Les reprises théologiques d’Aristote
Pendant des siècles, Aristote a été considéré comme une autorité. Dans tous les domaines, la pensée d'Aristote a paru être une pensée tellement assurée qu'elle a fait que les gens ont vu ce que voyait Aristote. L'influence d'Aristote a été très grande en particulier sur les éthiques religieuses. Et c'est certainement à travers les éthiques religieuses que la postérité d'Aristote a été la plus présente ou est encore présente aujourd'hui. Le modèle aristotélicien a été conçu comme le modèle dominant dans l'Europe médiévale. C'est effectivement au XXIIIe siècle qu'on redécouvre la pensée d'Aristote à travers la littérature qui vient du monde arabe et qu’Aristote influence profondément la pensée occidentale. Evidemment, ces réinterprétations religieuses d'Aristote peuvent nous étonner puisque Aristote n'a pas le doigt levé vers le ciel comme Platon, mais plutôt la main étendue vers la terre. Ce n'est pas une pensée religieuse a priori, la pensée d'Aristote. Mais assez vite, on va lui donner un prolongement religieux. Si on dit que les humains naturellement tendent vers le Bien et si on dit qu'en réalité le souverain Bien que les hommes imaginent n'est qu'un bien intermédiaire vers le bien véritable qu'est la béatitude que le croyant peut obtenir dans l'autre monde, alors on va considérer que ce que dit Aristote est vrai jusqu'à un certain point, mais peut être prolongé dans cette architectonique des biens qui nous conduit au bien qui n'a sa finalité qu'en lui-même vers un bien qui se trouve dans l'au-delà. C'est comme ça, par exemple, que la théologie catholique pendant longtemps va penser son modèle de l'éthique. Alors à ce moment-là, ce que l'homme peut saisir par sa raison est nécessairement vrai parce que dieu a donné cette raison à l'homme. Et ce qui est vrai dans l'ordre de la foi ne peut pas contredire ce qui est vrai dans l'ordre de la raison. On imagine donc que tout ce qu'a dit Aristote est vrai mais doit être simplement complété par un autre registre qui est le registre de la foi. On va alors considérer, par exemple, que si on contemple la nature et si on est capable de discerner des finalités dans cette nature, alors ce qu'indique la nature est nécessairement vrai, comme l'a dit Aristote. Mais comme on le voit, la question peut être plus délicate. Par exemple, quand on va dire est-ce que dans l'exercice de sa sexualité, l'être humain peut avoir une conduite contre nature? Si la sexualité est destinée à produire de la vie, on va dire que la sexualité est là pour faire des enfants. Alors ce qui empêchera la sexualité d'accomplir cette finalité sera nécessairement un mal. C'est l'argument principal qu'utilisent certains pour dire que l'usage du préservatif serait une mauvaise chose puisqu'il est contraire à la nature. Une des questions donc essentielles sera de savoir qui détermine ces finalités propres à la nature, qui détermine en réalité le bien. Dans ces perspectives de reprise religieuse d'Aristote la raison garde sa place, elle est prolongée par la foi et évidemment la question principale sera de savoir qui détermine cette prolongation, comment elle se détermine et comment elle contraint les individus à se soumettre à ces destinations qui sont repérées comme étant bonnes. C'est la question qui va assez vite survenir d'un conflit dans l'interprétation de ces biens. L'un va dire que le bien correspond à une chose, l'autre va dire que le bien correspond à une autre chose, et il va y avoir, non seulement des conflits d'écriture, mais des conflits de sang. Donc devant cette question des reprises religieuses d'Aristote, on voit en même temps l'intérêt du modèle d'Aristote, qui est un modèle concret, pratique, perfectionniste et on voit en même temps la limite de ce modèle d'Aristote, ce qui va nous introduire à une conclusion sur l'intérêt et les limites d'Aristote.
Points d’interrogations
Nous avons parcouru plusieurs éléments importants de l'éthique d'Aristote et je voudrais ici simplement en esquisser quelques traits à la fois positifs et plus critiques. Le grand intérêt dans le débat éthique contemporain de cet héritage d'Aristote c'est de nous montrer que si l'éthique a un sens elle nous demande plus que de respecter quelques règles ou de se cantonner à fixer un cadre à l'intérieur duquel l'ensemble des activités humaines pourrait être légitime. Il ne s'agit pas pour Aristote de s'abstenir de faire certaines choses, au contraire il faut rechercher le bien. L'éthique est ainsi vue comme une manière perfectionniste d'accomplir la destinée humaine. S'il y a une dimension politique à l'éthique et elle est manifestement présente chez Aristote, le politique est là pour aider les individus à se réaliser eux-mêmes. Il est là pour nous permettre de nous développer, de réussir notre vie. Ça c'est un point très important. Un autre point très important c'est que tout ce qui constitue notre activité humaine est en réalité une question d'éthique. Donc l'éthique ne se joue pas simplement sur les grandes choses, mais aussi sur les petites choses. Un autre point important c'est l'idée de modèle. Cette idée de modèle on la retrouvera dans de nombreux domaines. Par exemple, si on réfléchit aux codes de la police, on va dire que le policier doit être un modèle pour l'ensemble des administrés. Donc un point également important de l'éthique d'Aristote, c'est que la vie quotidienne est imprégnée en quelque sorte par l'éthique. Un autre point qu'il faudrait souligner c'est qu'évidemment la perspective d'Aristote est marquée par sa propre culture. Si on interroge les gens aujourd'hui sur les attitudes qui pourraient être considérées comme des vertus on verrait que la liste est assez différente de celle d'Aristote. Par exemple, la bonté aujourd'hui paraît être une vertu qui est reconnue par notre société comme quelque chose d’admirable, alors que ça n'est pas du tout le cas chez Aristote. Autrement dit, la liste des vertus elle-même est en réalité contingente. Un autre point qui lui est plus critique c'est l’idée de l'unité des vertus. Pour Aristote, celui qui a la prudence a nécessairement toutes les vertus morales et celui qui a une vertu morale a nécessairement la prudence et donc à sa suite toutes les autres vertus morales. Or, cette idée qu'il y a une unité nécessaire des vertus, nous paraît beaucoup plus problématique aujourd'hui. Quelqu'un peut être excellent dans un domaine et dans un autre domaine ne pas l'être. L'idée même d'une unité des vertus nous paraît problématique. Un autre point qui paraît problématique c'est le rôle du politique. Est-ce que c'est au politique d'unifier les différentes conceptions du bien et de les rallier autour de l'idée d'un bien commun? Nous sommes aujourd'hui beaucoup trop conscients du pluralisme, c'est-à-dire de l'idée que il n'y a pas d'accès privilégiés à la vérité sur le bien. Nous pensons plutôt qu'il y a des biens que les individus peuvent légitimement prendre pour leurs et qui sont destinés à orienter leurs vies. Donc, sur toute une série de points j'ai mentionné lors d'une séquence précédente le fait qu'il n'est pas évident de discerner dans la nature des finalités, on pourrait aussi bien tirer de la nature que en réalité ce qui régit la nature c'est la capacité du plus fort à imposer son point de vue sur les plus faibles. Donc l'idée même qu'il y ait des finalités inscrites dans la nature fait problème. Il ne reste pas moins que c'est un des grands modèles parce que c'est un modèle à la fois pratique, qui nous dit comment devenir éthiques. On pourrait le résumer en disant que c'est en forgeant et c'est un modèle qui montre que l'éthique est d'abord une question d'accomplissement de soi, de réussite de sa vie, de bonheur et de ce point de vue-là c'est un grand modèle qu'il nous faut comprendre encore aujourd'hui et qui continue d'influencer bien des comportements.
Le regard de …
Commençons par nous rappeler le tableau de Raphaël, l'école d'Athènes où l'on voyait Platon et Aristote au centre, Platon indiquant le ciel et Aristote indiquant la Terre et il pourrait nous sembler que le plus proche de nous c'est Aristote. Pourtant, paradoxalement, on peut se demander si l'idéal de Platon ne serait pas plus proche de nous. Rappelons-nous que sur le portail de l'académie qu'il avait fondé, il était écrit, nul n'entre ici s'il n'est géomètre. Nul n'entre ici s'il ne fait pas de mathématiques, et Aristote se plaisait à dire que quand Platon faisait un cours sur Dieu, il évoquait et il faisait travailler à ses étudiants, les mathématiques. Or, notre époque, y a-t-il époque qui soit plus appuyée que la nôtre sur les mathématiques? Aristote, lui, parle du bonheur. Et le bonheur, ça nous parle tout de suite. Là aussi, regardons-y de plus près. Quand nous regardons notre comportement quotidien, est-ce que c'est le bonheur que nous recherchons réellement? Ne serait-ce pas plutôt l'efficacité, l'efficience, la puissance d'agir qui nous tenaillent réellement? Il y a donc quelque chose de paradoxalement décalé, chez Aristote. Quand il dit il faut chercher avant tout le bonheur, cela nous plait. Mais en réalité, ce n'est peut-être pas ce que nous cherchons. On pourrait aussi ajouter qu'il y a un autre décalage avec Aristote, car nous accordons une grande importance au bonheur. Cela nous repose un peu de tout ce qui est exigé de nous quotidiennement, or, si quelque chose va à l'encontre de ce que dit Aristote, c'est bien cette idée de se laisser aller à sa propre pente. Car, Aristote assure que le bonheur dépend de la pratique des vertus. Clairement, Aristote met le bonheur au centre de l'éthique. Vous avez vu aussi, que la nature pour l'homme voudra dire développer sa raison ; développer ce qu'il a en propre. Si bien que le bonheur va dépendre du développement de ma raison, il s'agit en effet de prendre tout l'être humain en considération. Ce ne sera pas seulement l'exercice de la raison théorique, mais plutôt l'application de la raison à la vie pratique et la vie pratique ce qui est plus difficile. La vie théorique s'occupe de tout ce qui est nécessaire. Selon Aristote tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. La vie pratique est exposée à la contingence et elle demandera de développer la prudence. Platon aurait dit pour parler de la prudence qu'elle est une opinion droite et le point sur lequel je voudrais insister, c'est sur les vertus que l'on développe à travers une pratique prudentielle. La vertu est un juste milieu d'une part et c'est aussi une excellence, que nous portons en nous. Dès lors, vous voyez bien qu'avec Aristote, la vertu ne signifie pas quelque chose de raide, mais c'est plutôt la vie même, la capacité que nous sommes capables de déployer en vue de notre accomplissement. La vertu est le contraire du sentiment de fermeture, d'empêchement, d'abstention à agir. Comme on aurait tendance à le penser aujourd'hui, le vertueux, c'est celui qui se contraint. On dit donc que, quand on considère Aristote, qu'une personne vertueuse serait une personne qui avant tout s'interdit telle chose. Au contraire Aristote déclare que la vertu est une puissance à agir à l'optimum de soi. Une vie qui atteint sa plénitude est ainsi une vie qui a été attentive à développer les vertus, et comme le soulignait François Dermange, cela commence dans les choses les plus humbles de la vie. Autre point particulièrement saillant dans ces séquences c'est que les vertus doivent nécessairement s'épanouir dans un cadre social. Hors de la communauté politique, disait Aristote, je ne connais que des dieux ou des monstres. Aussi Aristote est-il très attentif à la relation sociale, sans laquelle il n'y a pas de pratique des vertus et donc d'éthique, ainsi la justice exige que je sois toujours attentif et soucieux des équilibres changeants de la communauté. On peut dire qu'Aristote est à la fois un penseur éthique très proche et très lointain, intempestif et familier. Un des grands intérêts de la pensée d'Aristote, est de nous ramener à la fois à la saveur et à l'exigence de la vie.