« Le cadre juridique interne de la Suisse » : différence entre les versions
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= La hiérarchie des normes juridiques = | = La hiérarchie des normes juridiques = | ||
Le concept de la hiérarchie des normes dans un système juridique, tel que celui de la Suisse, est un principe fondamental assurant la cohérence et la légitimité de l'ordre juridique. Au sommet de cette hiérarchie se trouve le droit international, qui inclut des traités et des accords internationaux, tels que la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la Suisse en 1974. Ces traités, une fois ratifiés, s'intègrent dans le droit interne et prévalent sur les lois nationales. | |||
Sous le droit international, la Constitution fédérale suisse, révisée de manière substantielle en 1999, joue un rôle central. Elle définit non seulement les principes fondamentaux de l'État et les droits des citoyens, mais aussi les structures politiques et administratives. En tant que norme suprême, elle guide l'élaboration des lois fédérales, lesquelles s'appliquent à l'ensemble du territoire national. Par exemple, la Loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, adoptée en 1995, illustre comment les lois fédérales peuvent concrétiser des principes constitutionnels. Pour mettre en œuvre ces lois, des ordonnances sont émises par le gouvernement ou des autorités administratives. Ces ordonnances, bien que moins formelles que les lois, sont essentielles pour préciser les modalités pratiques et techniques. Par exemple, l'ordonnance sur l'assurance-maladie détaille les aspects pratiques de la Loi sur l'assurance-maladie de 1994. | |||
Au niveau des cantons, qui jouissent d'une large autonomie en vertu du fédéralisme suisse, les constitutions cantonales régissent l'organisation et le fonctionnement des institutions cantonales. Ces constitutions doivent être en conformité avec la Constitution fédérale. Par exemple, la Constitution du canton de Vaud, adoptée en 2003, illustre cette relation hiérarchique. Les lois cantonales, adoptées par les parlements cantonaux, traitent de sujets relevant de la compétence des cantons, comme l'éducation ou la police. Elles doivent se conformer à la fois à la Constitution cantonale et à la Constitution fédérale. L'introduction du vote des femmes au niveau cantonal avant le niveau fédéral, comme dans le canton de Vaud en 1959, montre comment les lois cantonales peuvent parfois précéder les changements au niveau fédéral. Enfin, les ordonnances cantonales, analogues aux ordonnances fédérales, sont cruciales pour la mise en application des lois cantonales. Elles permettent une adaptation aux spécificités locales. | |||
Ce système hiérarchique assure que le droit suisse reste cohérent et aligné avec ses principes constitutionnels et internationaux. Il illustre également la flexibilité et l'adaptabilité du droit suisse face aux changements sociétaux et internationaux, tout en respectant la diversité et l'autonomie de ses différents cantons. | |||
L'apparition et l'intégration accrue de règles de droit international et, en particulier, celles en provenance de la Communauté européenne, ont en effet commencé à bouleverser le schéma traditionnel de la hiérarchie des normes dans des pays comme la Suisse. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne, elle entretient des relations étroites avec celle-ci, ce qui a conduit à l'adoption de nombreuses règles et normes européennes dans son ordre juridique. Un exemple marquant de cette influence est l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, entré en vigueur en 2002. Cet accord a nécessité des ajustements dans la législation suisse, notamment en matière de droit du travail et de politique migratoire, pour se conformer aux standards européens. Cette intégration croissante des normes européennes dans le droit suisse soulève des questions complexes sur la souveraineté nationale et la manière dont ces normes s'intègrent dans la hiérarchie des normes existante. Traditionnellement, la Constitution fédérale suisse et les lois fédérales avaient la primauté, mais l'adoption de normes européennes peut parfois créer des tensions ou des contradictions avec le droit interne. | |||
Par ailleurs, la question de la conformité de la législation suisse avec les accords internationaux est régulièrement soumise au Tribunal fédéral suisse. Ces situations ont parfois conduit à des débats publics et politiques sur la manière dont la Suisse doit équilibrer son autonomie juridique avec les exigences des accords internationaux et européens. Ce phénomène n'est pas unique à la Suisse ; de nombreux autres pays non membres de l'UE, mais participant à certains accords européens, sont confrontés à des défis similaires. Cette évolution reflète la nature de plus en plus interconnectée du droit international et européen, qui influence les systèmes juridiques nationaux et remet en question les hiérarchies traditionnelles des normes. La Suisse pratique l'incorporation des traités internationaux dans son ordre juridique interne, ce qui leur confère une primauté sur les lois nationales. Cette incorporation signifie que, une fois qu'un traité international est ratifié par la Suisse, ses dispositions deviennent applicables directement dans le système juridique suisse, sans qu'il soit nécessaire de les transposer dans une législation interne spécifique. | |||
Cette primauté des normes internationales est un principe fondamental en droit international public, connu sous le nom de "monisme", où les règles internationales et nationales forment un système juridique unifié. En Suisse, ce principe est reflété dans la pratique juridique et constitutionnelle. La Constitution fédérale suisse reconnaît explicitement la primauté du droit international, affirmant que les traités internationaux ratifiés prévalent sur les lois fédérales contraires. Cependant, cette primauté ne signifie pas que les normes internationales ont la priorité sur la Constitution fédérale suisse. En cas de conflit entre une norme internationale et la Constitution, la question devient complexe et peut nécessiter une intervention législative ou même une modification constitutionnelle. Par exemple, les ajustements nécessaires pour se conformer aux accords internationaux, comme les accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, ont parfois nécessité des changements législatifs ou des votations populaires pour résoudre des conflits potentiels avec la législation ou la Constitution suisses. Ce cadre juridique souligne l'engagement de la Suisse envers le droit international et sa volonté de se conformer aux normes et aux obligations internationales. Il reflète également la complexité de l'équilibre entre le respect des engagements internationaux et la préservation de la souveraineté nationale dans le contexte de la mondialisation et de l'interdépendance croissante des États.[[Fichier:Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - article 5.png|vignette|center|400px|[http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999] - [http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html#a5 article 5]]] | |||
L'article 5 de la Constitution fédérale suisse, qui définit les principes de l'activité de l'État régis par le droit, joue un rôle crucial dans l'architecture juridique et politique de la Suisse. Cette disposition constitutionnelle met en lumière le respect profond du pays pour l'État de droit et la gouvernance démocratique. Le premier alinéa de cet article souligne que le droit est à la fois la base et la limite de l'activité de l'État. Cela reflète la tradition suisse de légalité, remontant à la création de l'État fédéral moderne en 1848, où le respect des lois est considéré comme fondamental pour la légitimité de l'action gouvernementale. Cette approche garantit que toutes les actions entreprises par l'État ont une base légale et sont contenues dans les limites de la loi, empêchant ainsi l'arbitraire et la tyrannie. Le deuxième alinéa introduit les notions d'intérêt public et de proportionnalité. Historiquement, ce principe a été essentiel pour équilibrer les besoins de la société avec les droits individuels. Par exemple, dans la mise en œuvre de politiques environnementales telles que la Loi fédérale sur la protection de l'environnement de 1983, l'État a dû veiller à ce que les mesures prises soient non seulement dans l'intérêt public, mais aussi proportionnées au but visé, évitant ainsi des restrictions excessives. Le troisième alinéa, qui insiste sur la bonne foi dans l'activité de l'État et les particuliers, est un pilier de la confiance entre le gouvernement et les citoyens. Cette exigence de bonne foi est un principe qui guide l'interprétation des lois et la conduite des affaires publiques. Elle renforce la transparence et l'équité, des valeurs qui sont au cœur de la culture politique suisse. Enfin, le quatrième alinéa, affirmant que la Confédération et les cantons doivent respecter le droit international, est particulièrement pertinent dans le contexte contemporain de la globalisation. La Suisse, par son adhésion à des traités internationaux tels que les Conventions de Genève, a historiquement montré son engagement envers le droit international. Cette disposition constitutionnelle assure que la Suisse reste fidèle à ses engagements internationaux, tout en maintenant son intégrité juridique et politique. Ainsi, l'article 5 de la Constitution fédérale suisse incarne les principes fondamentaux qui ont guidé le développement de l'État suisse depuis le 19ème siècle. Il reflète l'engagement du pays envers des principes tels que la légalité, la proportionnalité, la bonne foi et le respect du droit international, qui sont essentiels pour maintenir l'ordre juridique et la stabilité politique dans une société démocratique. | |||
Le principe de primauté des traités internationaux dans l'ordre juridique suisse trouve en effet ses racines dans l'adage latin "Pacta sunt servanda", qui signifie "les accords doivent être respectés". Ce principe est un fondement du droit international public et stipule que les États sont tenus de respecter et d'appliquer les traités qu'ils ont ratifiés. Lorsque la Suisse adopte un traité international, elle s'engage à intégrer les dispositions de ce traité dans son système juridique interne et à les respecter. Cela signifie que le droit international a une influence directe sur le droit suisse, et que les traités internationaux ont une primauté sur les lois nationales en cas de conflit. Cette pratique est conforme à l'engagement de la Suisse envers le droit international et reflète sa volonté de participer de manière responsable à la communauté internationale. | |||
Historiquement, la Suisse a toujours valorisé le droit international, comme en témoigne son rôle dans l'hébergement d'organisations internationales et la promotion de la paix et de la coopération internationales. Par exemple, la Genève internationale est le siège de nombreuses organisations internationales et a été un lieu clé pour la diplomatie et les négociations de traités. La Suisse a également joué un rôle important dans l'élaboration des Conventions de Genève, qui sont fondamentales dans le droit international humanitaire. Le respect du principe de "Pacta sunt servanda" et la primauté du droit international dans le droit suisse ne sont pas seulement des obligations légales, mais aussi une manifestation de la tradition suisse de neutralité et de respect des accords internationaux. Cette approche a permis à la Suisse de maintenir sa réputation internationale comme un État fiable et respectueux du droit, et de jouer un rôle actif et constructif dans la communauté internationale. | |||
Le principe de la bonne foi, incarné dans l'adage "Pacta sunt servanda", est en effet un pilier fondamental du droit international, comme établi par Hugo Grotius, un des pères fondateurs du droit international moderne. Grotius, dans son œuvre majeure "De Jure Belli ac Pacis" ("Du droit de la guerre et de la paix"), publiée en 1625, a posé les bases de ce qui est aujourd'hui reconnu comme le droit des gens (ou droit international public). Selon Grotius, la bonne foi est essentielle dans les relations entre les États. Elle implique que les États doivent respecter leurs engagements, notamment les traités et accords internationaux qu'ils ont ratifiés. Cette notion repose sur l'idée que les promesses faites par les États dans le cadre de ces traités doivent être honorées, ce qui est un gage de stabilité et de prévisibilité dans les relations internationales. Le respect de la bonne foi dans l'exécution des traités est crucial pour maintenir l'ordre et la paix internationaux. Cela signifie qu'un État ne peut pas ignorer ses engagements internationaux une fois qu'ils sont pris, et doit agir de manière cohérente avec les promesses faites. Cette approche est reflétée dans la pratique juridique de nombreux pays, y compris la Suisse, où le respect des traités internationaux est intégré dans le système juridique national. Dans le contexte de la Suisse, le respect de la bonne foi et de la primauté du droit international s'aligne également avec sa tradition de neutralité et son rôle en tant que médiateur dans les conflits internationaux. La Suisse, en respectant scrupuleusement ses engagements internationaux, renforce sa crédibilité et sa réputation sur la scène internationale, ce qui est essentiel pour un pays qui accueille de nombreuses organisations internationales et sert souvent de terrain neutre pour les négociations diplomatiques. | |||
La primauté du droit fédéral sur le droit cantonal en Suisse est un principe essentiel dans le système juridique fédéraliste du pays, exprimé par l'adage "Bundesrecht bricht kantonales Recht", qui se traduit littéralement par "le droit fédéral brise le droit cantonal". Ce principe, également connu sous le nom de "force dérogatoire du droit fédéral", stipule que, en cas de conflit entre une loi fédérale et une loi cantonale, la loi fédérale prévaut. Cette règle reflète la structure fédéraliste de la Suisse, où le pouvoir est partagé entre la Confédération (le gouvernement fédéral) et les cantons. Bien que les cantons jouissent d'une large autonomie et puissent légiférer dans de nombreux domaines, leurs lois doivent être conformes à la Constitution fédérale et aux lois fédérales. La primauté du droit fédéral assure l'unité et la cohérence du cadre juridique à travers tout le pays, tout en permettant une certaine diversité et autonomie au niveau local. Historiquement, ce principe a été établi pour maintenir un équilibre entre l'autonomie des cantons et la nécessité d'une législation uniforme dans certains domaines d'intérêt national. Par exemple, dans des domaines tels que les droits civils, la politique étrangère, ou la défense nationale, il est essentiel que les lois fédérales prévalent pour garantir une approche cohérente et unifiée à l'échelle nationale. La primauté du droit fédéral est également un élément clé pour résoudre les tensions potentielles entre les législations cantonales et fédérales. Par exemple, si un canton adopte une loi qui est en contradiction avec une loi fédérale, le Tribunal fédéral, en tant que plus haute instance judiciaire de la Suisse, peut être appelé à trancher ce conflit, en appliquant le principe de "Bundesrecht bricht kantonales Recht". | |||
[[Fichier:Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - article 49.png|vignette|center|400px|[http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999] - [http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html#a49 article 49]]] | [[Fichier:Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - article 49.png|vignette|center|400px|[http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999] - [http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html#a49 article 49]]]L'article 49 de la Constitution fédérale suisse, qui établit la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal, joue un rôle central dans le maintien de l'ordre juridique et de l'unité nationale en Suisse. Cette disposition reflète la structure fédéraliste du pays, où un équilibre est recherché entre l'autonomie des cantons et l'intégrité de l'État fédéral. Historiquement, la Suisse, depuis sa fondation moderne en 1848, a évolué comme un État fédéral, avec des cantons disposant de leur propre gouvernement et législation. Cependant, pour des questions d'intérêt national, il est essentiel que le droit fédéral ait la primauté. Cette nécessité s'est illustrée dans divers contextes historiques, comme dans l'harmonisation des politiques de transport ou de commerce, où la nécessité d'une approche cohérente à l'échelle nationale s'est avérée cruciale pour le développement économique et l'intégration du pays. L'article 49 confirme que, même si les cantons ont le droit de légiférer dans divers domaines, tels que l'éducation ou la santé publique, leurs lois ne peuvent contredire la législation fédérale. Par exemple, en matière de politique énergétique, les cantons peuvent établir leurs propres règlements, mais ces derniers doivent être conformes aux normes fédérales, comme celles établies par la Loi sur l'énergie. Le rôle de la Confédération dans le respect du droit fédéral par les cantons est également mis en avant dans cet article. Il implique un mécanisme de supervision pour assurer que les actions des cantons ne vont pas à l'encontre des lois fédérales. Le Tribunal fédéral, en tant que plus haute instance judiciaire du pays, a régulièrement été appelé à trancher des litiges entre le droit fédéral et cantonal, affirmant ainsi la prééminence du droit fédéral. L'importance de cet article réside dans sa capacité à préserver l'unité législative et la cohérence juridique en Suisse, tout en respectant la diversité et l'autonomie des cantons. Cela a permis à la Suisse de maintenir sa stabilité et son intégrité en tant qu'État fédéral, tout en s'adaptant aux évolutions et aux défis contemporains. En résumé, l'article 49 est un exemple éloquent de la manière dont la Suisse concilie son engagement envers la gouvernance fédérale et l'unité nationale. | ||
= La Constitution = | = La Constitution = | ||
La norme fondamentale est la constitution, elle date de 1999 et est une constitution au sens formel. Selon Lorenz von Stein, {{citation|la constitution est l’expression de l’ordre social, l’existance même de la société civile étatique}}<ref>Schmitt, Carl, Marie-Louise Steinhauser, and Julien Freund. La Notion De Politique ; Théorie Du Partisan. Paris: Flammarion, 2009. p.86</ref>. | //La norme fondamentale est la constitution, elle date de 1999 et est une constitution au sens formel. Selon Lorenz von Stein, {{citation|la constitution est l’expression de l’ordre social, l’existance même de la société civile étatique}}<ref>Schmitt, Carl, Marie-Louise Steinhauser, and Julien Freund. La Notion De Politique ; Théorie Du Partisan. Paris: Flammarion, 2009. p.86</ref>. | ||
*'''Constitution au sens formel''' : règles revêtant une forme spéciale, consistant en un document écrit, solennellement adopté, d’une autorité généralement supérieure à celle des lois ordinaires; document écrit qui rassemble dans un texte unique l’essentiel des règles qui s’appliquent au fonctionnement de l’État. | *'''Constitution au sens formel''' : règles revêtant une forme spéciale, consistant en un document écrit, solennellement adopté, d’une autorité généralement supérieure à celle des lois ordinaires; document écrit qui rassemble dans un texte unique l’essentiel des règles qui s’appliquent au fonctionnement de l’État. | ||
Version du 4 décembre 2023 à 15:30
| Professeur(s) | Victor Monnier[1][2][3][4][5][6] |
|---|---|
| Cours | Introduction au droit |
Lectures
- Définition du droit
- L’État
- Les différentes branches du droit
- Les sources du droit
- Les grandes traditions formatrices du droit
- Les éléments de la relation juridique
- L’application du droit
- La mise en œuvre d’une loi
- L’évolution de la Suisse des origines au XXème siècle
- Le cadre juridique interne de la Suisse
- La structure d’État, le régime politique et la neutralité de la Suisse
- L’évolution des relations internationales de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle
- Les organisations universelles
- Les organisations européennes et leurs relations avec la Suisse
- Les catégories et les générations de droits fondamentaux
- Les origines des droits fondamentaux
- Les déclarations des droits de la fin du XVIIIe siècle
- Vers l’édification d’une conception universelle des droits fondamentaux au XXe siècle
La hiérarchie des normes juridiques
Le concept de la hiérarchie des normes dans un système juridique, tel que celui de la Suisse, est un principe fondamental assurant la cohérence et la légitimité de l'ordre juridique. Au sommet de cette hiérarchie se trouve le droit international, qui inclut des traités et des accords internationaux, tels que la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la Suisse en 1974. Ces traités, une fois ratifiés, s'intègrent dans le droit interne et prévalent sur les lois nationales.
Sous le droit international, la Constitution fédérale suisse, révisée de manière substantielle en 1999, joue un rôle central. Elle définit non seulement les principes fondamentaux de l'État et les droits des citoyens, mais aussi les structures politiques et administratives. En tant que norme suprême, elle guide l'élaboration des lois fédérales, lesquelles s'appliquent à l'ensemble du territoire national. Par exemple, la Loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, adoptée en 1995, illustre comment les lois fédérales peuvent concrétiser des principes constitutionnels. Pour mettre en œuvre ces lois, des ordonnances sont émises par le gouvernement ou des autorités administratives. Ces ordonnances, bien que moins formelles que les lois, sont essentielles pour préciser les modalités pratiques et techniques. Par exemple, l'ordonnance sur l'assurance-maladie détaille les aspects pratiques de la Loi sur l'assurance-maladie de 1994.
Au niveau des cantons, qui jouissent d'une large autonomie en vertu du fédéralisme suisse, les constitutions cantonales régissent l'organisation et le fonctionnement des institutions cantonales. Ces constitutions doivent être en conformité avec la Constitution fédérale. Par exemple, la Constitution du canton de Vaud, adoptée en 2003, illustre cette relation hiérarchique. Les lois cantonales, adoptées par les parlements cantonaux, traitent de sujets relevant de la compétence des cantons, comme l'éducation ou la police. Elles doivent se conformer à la fois à la Constitution cantonale et à la Constitution fédérale. L'introduction du vote des femmes au niveau cantonal avant le niveau fédéral, comme dans le canton de Vaud en 1959, montre comment les lois cantonales peuvent parfois précéder les changements au niveau fédéral. Enfin, les ordonnances cantonales, analogues aux ordonnances fédérales, sont cruciales pour la mise en application des lois cantonales. Elles permettent une adaptation aux spécificités locales.
Ce système hiérarchique assure que le droit suisse reste cohérent et aligné avec ses principes constitutionnels et internationaux. Il illustre également la flexibilité et l'adaptabilité du droit suisse face aux changements sociétaux et internationaux, tout en respectant la diversité et l'autonomie de ses différents cantons.
L'apparition et l'intégration accrue de règles de droit international et, en particulier, celles en provenance de la Communauté européenne, ont en effet commencé à bouleverser le schéma traditionnel de la hiérarchie des normes dans des pays comme la Suisse. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne, elle entretient des relations étroites avec celle-ci, ce qui a conduit à l'adoption de nombreuses règles et normes européennes dans son ordre juridique. Un exemple marquant de cette influence est l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, entré en vigueur en 2002. Cet accord a nécessité des ajustements dans la législation suisse, notamment en matière de droit du travail et de politique migratoire, pour se conformer aux standards européens. Cette intégration croissante des normes européennes dans le droit suisse soulève des questions complexes sur la souveraineté nationale et la manière dont ces normes s'intègrent dans la hiérarchie des normes existante. Traditionnellement, la Constitution fédérale suisse et les lois fédérales avaient la primauté, mais l'adoption de normes européennes peut parfois créer des tensions ou des contradictions avec le droit interne.
Par ailleurs, la question de la conformité de la législation suisse avec les accords internationaux est régulièrement soumise au Tribunal fédéral suisse. Ces situations ont parfois conduit à des débats publics et politiques sur la manière dont la Suisse doit équilibrer son autonomie juridique avec les exigences des accords internationaux et européens. Ce phénomène n'est pas unique à la Suisse ; de nombreux autres pays non membres de l'UE, mais participant à certains accords européens, sont confrontés à des défis similaires. Cette évolution reflète la nature de plus en plus interconnectée du droit international et européen, qui influence les systèmes juridiques nationaux et remet en question les hiérarchies traditionnelles des normes. La Suisse pratique l'incorporation des traités internationaux dans son ordre juridique interne, ce qui leur confère une primauté sur les lois nationales. Cette incorporation signifie que, une fois qu'un traité international est ratifié par la Suisse, ses dispositions deviennent applicables directement dans le système juridique suisse, sans qu'il soit nécessaire de les transposer dans une législation interne spécifique.
Cette primauté des normes internationales est un principe fondamental en droit international public, connu sous le nom de "monisme", où les règles internationales et nationales forment un système juridique unifié. En Suisse, ce principe est reflété dans la pratique juridique et constitutionnelle. La Constitution fédérale suisse reconnaît explicitement la primauté du droit international, affirmant que les traités internationaux ratifiés prévalent sur les lois fédérales contraires. Cependant, cette primauté ne signifie pas que les normes internationales ont la priorité sur la Constitution fédérale suisse. En cas de conflit entre une norme internationale et la Constitution, la question devient complexe et peut nécessiter une intervention législative ou même une modification constitutionnelle. Par exemple, les ajustements nécessaires pour se conformer aux accords internationaux, comme les accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, ont parfois nécessité des changements législatifs ou des votations populaires pour résoudre des conflits potentiels avec la législation ou la Constitution suisses. Ce cadre juridique souligne l'engagement de la Suisse envers le droit international et sa volonté de se conformer aux normes et aux obligations internationales. Il reflète également la complexité de l'équilibre entre le respect des engagements internationaux et la préservation de la souveraineté nationale dans le contexte de la mondialisation et de l'interdépendance croissante des États.
L'article 5 de la Constitution fédérale suisse, qui définit les principes de l'activité de l'État régis par le droit, joue un rôle crucial dans l'architecture juridique et politique de la Suisse. Cette disposition constitutionnelle met en lumière le respect profond du pays pour l'État de droit et la gouvernance démocratique. Le premier alinéa de cet article souligne que le droit est à la fois la base et la limite de l'activité de l'État. Cela reflète la tradition suisse de légalité, remontant à la création de l'État fédéral moderne en 1848, où le respect des lois est considéré comme fondamental pour la légitimité de l'action gouvernementale. Cette approche garantit que toutes les actions entreprises par l'État ont une base légale et sont contenues dans les limites de la loi, empêchant ainsi l'arbitraire et la tyrannie. Le deuxième alinéa introduit les notions d'intérêt public et de proportionnalité. Historiquement, ce principe a été essentiel pour équilibrer les besoins de la société avec les droits individuels. Par exemple, dans la mise en œuvre de politiques environnementales telles que la Loi fédérale sur la protection de l'environnement de 1983, l'État a dû veiller à ce que les mesures prises soient non seulement dans l'intérêt public, mais aussi proportionnées au but visé, évitant ainsi des restrictions excessives. Le troisième alinéa, qui insiste sur la bonne foi dans l'activité de l'État et les particuliers, est un pilier de la confiance entre le gouvernement et les citoyens. Cette exigence de bonne foi est un principe qui guide l'interprétation des lois et la conduite des affaires publiques. Elle renforce la transparence et l'équité, des valeurs qui sont au cœur de la culture politique suisse. Enfin, le quatrième alinéa, affirmant que la Confédération et les cantons doivent respecter le droit international, est particulièrement pertinent dans le contexte contemporain de la globalisation. La Suisse, par son adhésion à des traités internationaux tels que les Conventions de Genève, a historiquement montré son engagement envers le droit international. Cette disposition constitutionnelle assure que la Suisse reste fidèle à ses engagements internationaux, tout en maintenant son intégrité juridique et politique. Ainsi, l'article 5 de la Constitution fédérale suisse incarne les principes fondamentaux qui ont guidé le développement de l'État suisse depuis le 19ème siècle. Il reflète l'engagement du pays envers des principes tels que la légalité, la proportionnalité, la bonne foi et le respect du droit international, qui sont essentiels pour maintenir l'ordre juridique et la stabilité politique dans une société démocratique.
Le principe de primauté des traités internationaux dans l'ordre juridique suisse trouve en effet ses racines dans l'adage latin "Pacta sunt servanda", qui signifie "les accords doivent être respectés". Ce principe est un fondement du droit international public et stipule que les États sont tenus de respecter et d'appliquer les traités qu'ils ont ratifiés. Lorsque la Suisse adopte un traité international, elle s'engage à intégrer les dispositions de ce traité dans son système juridique interne et à les respecter. Cela signifie que le droit international a une influence directe sur le droit suisse, et que les traités internationaux ont une primauté sur les lois nationales en cas de conflit. Cette pratique est conforme à l'engagement de la Suisse envers le droit international et reflète sa volonté de participer de manière responsable à la communauté internationale.
Historiquement, la Suisse a toujours valorisé le droit international, comme en témoigne son rôle dans l'hébergement d'organisations internationales et la promotion de la paix et de la coopération internationales. Par exemple, la Genève internationale est le siège de nombreuses organisations internationales et a été un lieu clé pour la diplomatie et les négociations de traités. La Suisse a également joué un rôle important dans l'élaboration des Conventions de Genève, qui sont fondamentales dans le droit international humanitaire. Le respect du principe de "Pacta sunt servanda" et la primauté du droit international dans le droit suisse ne sont pas seulement des obligations légales, mais aussi une manifestation de la tradition suisse de neutralité et de respect des accords internationaux. Cette approche a permis à la Suisse de maintenir sa réputation internationale comme un État fiable et respectueux du droit, et de jouer un rôle actif et constructif dans la communauté internationale.
Le principe de la bonne foi, incarné dans l'adage "Pacta sunt servanda", est en effet un pilier fondamental du droit international, comme établi par Hugo Grotius, un des pères fondateurs du droit international moderne. Grotius, dans son œuvre majeure "De Jure Belli ac Pacis" ("Du droit de la guerre et de la paix"), publiée en 1625, a posé les bases de ce qui est aujourd'hui reconnu comme le droit des gens (ou droit international public). Selon Grotius, la bonne foi est essentielle dans les relations entre les États. Elle implique que les États doivent respecter leurs engagements, notamment les traités et accords internationaux qu'ils ont ratifiés. Cette notion repose sur l'idée que les promesses faites par les États dans le cadre de ces traités doivent être honorées, ce qui est un gage de stabilité et de prévisibilité dans les relations internationales. Le respect de la bonne foi dans l'exécution des traités est crucial pour maintenir l'ordre et la paix internationaux. Cela signifie qu'un État ne peut pas ignorer ses engagements internationaux une fois qu'ils sont pris, et doit agir de manière cohérente avec les promesses faites. Cette approche est reflétée dans la pratique juridique de nombreux pays, y compris la Suisse, où le respect des traités internationaux est intégré dans le système juridique national. Dans le contexte de la Suisse, le respect de la bonne foi et de la primauté du droit international s'aligne également avec sa tradition de neutralité et son rôle en tant que médiateur dans les conflits internationaux. La Suisse, en respectant scrupuleusement ses engagements internationaux, renforce sa crédibilité et sa réputation sur la scène internationale, ce qui est essentiel pour un pays qui accueille de nombreuses organisations internationales et sert souvent de terrain neutre pour les négociations diplomatiques.
La primauté du droit fédéral sur le droit cantonal en Suisse est un principe essentiel dans le système juridique fédéraliste du pays, exprimé par l'adage "Bundesrecht bricht kantonales Recht", qui se traduit littéralement par "le droit fédéral brise le droit cantonal". Ce principe, également connu sous le nom de "force dérogatoire du droit fédéral", stipule que, en cas de conflit entre une loi fédérale et une loi cantonale, la loi fédérale prévaut. Cette règle reflète la structure fédéraliste de la Suisse, où le pouvoir est partagé entre la Confédération (le gouvernement fédéral) et les cantons. Bien que les cantons jouissent d'une large autonomie et puissent légiférer dans de nombreux domaines, leurs lois doivent être conformes à la Constitution fédérale et aux lois fédérales. La primauté du droit fédéral assure l'unité et la cohérence du cadre juridique à travers tout le pays, tout en permettant une certaine diversité et autonomie au niveau local. Historiquement, ce principe a été établi pour maintenir un équilibre entre l'autonomie des cantons et la nécessité d'une législation uniforme dans certains domaines d'intérêt national. Par exemple, dans des domaines tels que les droits civils, la politique étrangère, ou la défense nationale, il est essentiel que les lois fédérales prévalent pour garantir une approche cohérente et unifiée à l'échelle nationale. La primauté du droit fédéral est également un élément clé pour résoudre les tensions potentielles entre les législations cantonales et fédérales. Par exemple, si un canton adopte une loi qui est en contradiction avec une loi fédérale, le Tribunal fédéral, en tant que plus haute instance judiciaire de la Suisse, peut être appelé à trancher ce conflit, en appliquant le principe de "Bundesrecht bricht kantonales Recht".
L'article 49 de la Constitution fédérale suisse, qui établit la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal, joue un rôle central dans le maintien de l'ordre juridique et de l'unité nationale en Suisse. Cette disposition reflète la structure fédéraliste du pays, où un équilibre est recherché entre l'autonomie des cantons et l'intégrité de l'État fédéral. Historiquement, la Suisse, depuis sa fondation moderne en 1848, a évolué comme un État fédéral, avec des cantons disposant de leur propre gouvernement et législation. Cependant, pour des questions d'intérêt national, il est essentiel que le droit fédéral ait la primauté. Cette nécessité s'est illustrée dans divers contextes historiques, comme dans l'harmonisation des politiques de transport ou de commerce, où la nécessité d'une approche cohérente à l'échelle nationale s'est avérée cruciale pour le développement économique et l'intégration du pays. L'article 49 confirme que, même si les cantons ont le droit de légiférer dans divers domaines, tels que l'éducation ou la santé publique, leurs lois ne peuvent contredire la législation fédérale. Par exemple, en matière de politique énergétique, les cantons peuvent établir leurs propres règlements, mais ces derniers doivent être conformes aux normes fédérales, comme celles établies par la Loi sur l'énergie. Le rôle de la Confédération dans le respect du droit fédéral par les cantons est également mis en avant dans cet article. Il implique un mécanisme de supervision pour assurer que les actions des cantons ne vont pas à l'encontre des lois fédérales. Le Tribunal fédéral, en tant que plus haute instance judiciaire du pays, a régulièrement été appelé à trancher des litiges entre le droit fédéral et cantonal, affirmant ainsi la prééminence du droit fédéral. L'importance de cet article réside dans sa capacité à préserver l'unité législative et la cohérence juridique en Suisse, tout en respectant la diversité et l'autonomie des cantons. Cela a permis à la Suisse de maintenir sa stabilité et son intégrité en tant qu'État fédéral, tout en s'adaptant aux évolutions et aux défis contemporains. En résumé, l'article 49 est un exemple éloquent de la manière dont la Suisse concilie son engagement envers la gouvernance fédérale et l'unité nationale.
La Constitution
//La norme fondamentale est la constitution, elle date de 1999 et est une constitution au sens formel. Selon Lorenz von Stein, « la constitution est l’expression de l’ordre social, l’existance même de la société civile étatique »[7].
- Constitution au sens formel : règles revêtant une forme spéciale, consistant en un document écrit, solennellement adopté, d’une autorité généralement supérieure à celle des lois ordinaires; document écrit qui rassemble dans un texte unique l’essentiel des règles qui s’appliquent au fonctionnement de l’État.
C’est un ensemble de normes écrites qui se caractérise par la supériorité de leur formalité en comparaison aux autres normes. Cette supériorité de la constitution se manifeste par sa procédure de révision.
La procédure de révision de la constitution au sens formel est plus rigide, mais également plus démocratique que la procédure d’adoption, de modification et d’abrogation des autres normes juridiques.
Pour réviser la constitution, le referendum est obligatoire, il a l’exigence de la double majorité. Pour qu’une norme constitutionnelle soit adoptée, il faut la majorité du peuple et des cantons.
- Constitution au sens matériel : ensemble de règles qui, quelles que soient leur nature et leur forme, se rapporte au fonctionnement de l’État, à l’exercice du pouvoir politique; ensemble de règles les plus importantes qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l’État.
C’est un ensemble de règles fondamentales écrites ou non écrites qui détermine la structure d’État, le mode de désignation de la compétence, le fonctionnement des différents organes et le rapport entre l’individu et l’État.
On peut affirmer que tout État possède une constitution au sens matériel parce que tout État se donne des règles fondamentales qui déterminent sa structure, son fonctionnement et ses relations avec la société.
Il existe certains États qui, tout en ayant une constitution au sens matériel, ne disposent pas de constitution au sens formel :
- Ex- L’Angleterre ne connaît aucun texte écrit qui se caractérise par une procédure particulière de révision. En principe, la suprématie du parlement anglais est donnée pouvant abroger à la majorité simple tous les actes étatiques antérieurs. Il n’y a aucune constitution au sens formel; dès lors elle se compose d’un ensemble de règles et de normes hétérogènes comme la Grande Charte de 1215, la Bill of Rights de 1689 constitue la constitution matérielle.
- Ex- l’État d’Israël n’a que des lois fondamentales qui ne se distinguent pas des autres lois. Elles se distinguent par leur nom, mais pas par leur fonction. Ces règles fondamentales peuvent être révisées à la majorité du gouvernement.
PROCESSUS DE REVISION DE LA CONSTITUTION SUISSE
La constitution peut être en tout temps totalement ou partiellement révisée. Ces règles se trouvent à la fin de la constitution Art. 193 ; Art. 194.
En Suisse, la première constitution formelle date de 1798. Avant 1798, la Suisse est un réseau d’Alliance, elle n’a pas de constitution. Ce réseau d’alliance, qui va de 1291 jusqu’à la paix d’Aarau de 1712, est un ensemble de traités qui s’applique à tous les cantons; elle n’a pas de constitution au sens formel.
La constitution de 1798 est la première constitution au sens formel, et la constitution de 1848 est la constitution qui introduit la structure fédérale.
- 1e principe : la constitution peut être révisée en tout temps.
L’initiative peut être populaire ou parlementaire – Art. 195 : La Constitution révisée totalement ou partiellement entre en vigueur dès que le peuple et les cantons l’ont acceptée.
- révision partielle : implique un certain nombre d’articles
- révision totale : révision de l’ensemble constitutionnel
Elle doit respecter les règles impératives du droit international.
La demande de révision par le peuple a la forme de l’initiative constitutionnelle. La demande peut émaner du peuple, si 100 000 citoyens demandent la révision de la constitution à travers une pétition dans un délai de 18 mois.
En cas de révision totale, si les chambres n’arrivent pas à s’entendre sur l’approbation à donner à cette initiative, il appartient alors au corps électoral de se prononcer sur la révision. Elle ne peut être faite qu’en termes généraux.
À chaque renouvellement des chambres, le Conseil fédéral est renouvelé.
REVISION TOTALE – déclenchée par le peuple – passe devant les deux chambres du parlement
La révision totale ne peut être faite qu'en termes généraux, alors qu’une révision partielle peut être formulée soit en termes généraux soit sous forme d’un projet rédigé.
Si le peuple se prononce favorablement à l’initiative du projet de la révision totale, le Parlement et le Conseil fédéral sont renouvelés
REVISION PARTIELLE
Si une initiative populaire en faveur d’une révision partielle de la Constitution et conçue en termes généraux aboutit et si l’Assemblée fédérale l’approuve, elle élabore le texte de la révision partielle et le soumet au vote du peuple et des cantons.
- Si l’Assemblée fédérale rejette une telle initiative, elle doit la soumettre au vote du peuple qui décide s’il faut lui donner suite (référendum préalable)
- Si le peuple approuve l’initiative, l’Assemblée doit alors rédiger le projet demandé par l’initiative.
Le projet rédigé doit être soumis au vote du peuple et des cantons. L’Assemblée peut proposer d’accepter ou de refuser la révision, et peut également proposer un contre-projet.
Depuis 1987, le peuple et les cantons peuvent se prononcer sur l’initiative et le contre-projet.
Ce vote, dit du « double oui », a renforcé le droit d’initiative pour la raison suivante : une initiative populaire est presque toujours soumise au peuple accompagné d’un contre-projet.
Avant l’introduction de la possibilité du double oui, les voix acquises à la réforme constitutionnelle se dispersaient entre l’initiative et le contre-projet, ce qui favorisait le maintien du statu quo, parfois contre la majorité des citoyens.
Auparavant, il n’était pas possible de dire « oui » aux deux projets qui résultaient en la dispersion des voix. Avec la dispersion de voix entre le projet et le contre-projet, le statu quo avait la faveur. Dès lors, il est possible de mesurer laquelle des deux propositions à la faveur.
Depuis 1848, la Constitution a été révisée totalement à deux reprises en 1874 et en 1999. La Constitution peut être révisée relativement facilement. Avec la possibilité donnée à 100 000 personnes, elle exprime les inspirations démocratiques. Cependant, il y a généralement une minorité de ces révisions qui aboutissent.
La loi
La « loi » est la forme que revêtent les règles pour être juridiquement obligatoires.
La loi est un acte adopté selon une procédure législative et qui contient des règles de droit.
En principe, une loi fédérale est à la fois une loi au sens matériel et une loi au sens formel. Au sens formel parce que c’est le Parlement qui l’élabore, et une loi au sens matériel parce qu’elle contient des règles de droit
Loi au sens matériel : C’est la loi au sens large ou droit écrit, est tout acte international, constitutionnel, législatif ou réglementaire, énonçant une règle ou un ensemble de règles de droit. La définition de la loi au sens matériel a donc pour critère le contenu de la loi : elle contient une ou des normes générales et abstraites
- émane de l’Assemblée fédérale
- énonce des droits
- élaborée par l’Assemblée législative.
Les normes importantes ne peuvent être faites que sous la forme de loi formelle en tant qu’il est représentant du peuple.
Le principe de la réserve de la loi est le principe qui exige que les règles de droit importantes soient édictées sous la forme de la loi. Cependant, la Constitution n’interdit pas au parlement de s’occuper d’une question émanant des domaines de l’article 164 de la Constitution.
À l’inverse, le parlement peut déléguer la compétence d’édicter des règles de droit sous forme d’ordonnance s’il juge que l’exécutif est plus compétent pour résoudre certains problèmes et s’il ne s’agit d’un domaine que la Constitution exige de traiter par une loi.
Dans les domaines importants, seul le législateur par l’adoption d’une loi formelle peut prendre des décisions.
Le Parlement peut déléguer la compétence d’adopter des lois pour autant que la Constitution ne la restreint pas.
Caractéristiques intrinsèques
- référendum
- volonté populaire
Processus législatif :
- 1) initiative
Le projet de loi peut partir du Parlement ou du Conseil fédéral. Si la proposition est acceptée et approuvée par le Parlement est élaboré un avant-projet sous le contrôle du Conseil fédéral et en coordination avec l’Office Fédérale de la Justice. Une fois rédigé, l’avant-projet sera distribué aux autres départements pour consultation qui peuvent émettre des critiques.
- 2) procédure de consultation
Les cantons, les partis politiques et les milieux intéressés sont invités à se prononcer sur les actes législatifs importants et sur les autres projets de grande portée lors des travaux préparatoires, ainsi que sur les traités internationaux importants. La mise en consultation a une base constitutionnelle.
L’avant-projet est communiqué pour consultation aux différents départements concernés par la Chancellerie fédérale. Puis après retouches, il est mis en consultation auprès des cantons, des partis politiques, des représentants des milieux intéressés, d’autres experts, etc.
- 3) traitement au conseil fédéral : arrête le texte et va rédiger une recommandation (accepter ou rejeter)
Le département fédéral compétent rédige le projet de loi en tenant compte des résultats de la procédure de consultation et des instructions du Conseil fédéral. Ensuite, le Conseil fédéral arrête définitivement le texte du projet de loi et publie son commentaire officiel dans le « message ».
- 4) transmission au Parlement qui publie la loi dans la feuille générale
Le projet est transmis, accompagné du message, aux Chambres. Suivant les circonstances, il leur propose soit de l’accepter, soit de le rejeter. Le projet et le message sont publiés dans la Feuille fédérale.
- Chambre priorité : charge une commission de traiter le projet, on choisit à quelle chambre va être soumis en premier le projet qui se prononce sur l’entrée en matière :
- si vote positive : la chambre se saisit du projet et le discute
- si rejet : passe dans l’autre chambre
- Seconde Chambre : émet un rapport
- Si positif : entrée en matière
- Si négatif : texte retiré
Il va y avoir un jeu de navette qui s’établit entre les deux conseils pour résorber les divergences, on discute pour établir un texte qui soit accepté par les deux chambres.
En cas d’échec, est mise en place une conférence de conciliation de façon à trouver une solution, c’est notamment le cas lorsqu’une chambre veut une entrée en matière et l’autre non.
- 5) envoyé à la commission de rédaction qui rédige dans les trois langues officielles.
- 6) une fois rédigé, le projet de loi est soumis au vote final des deux chambres
- 7) La loi est publiée dans la feuille fédérale
La publication dans la feuille fédérale fait courir le délai de 100 jours auquel elle est alors exposée, c’est le referendum facultatif
- le délai référendaire de 100 jours commence à courir
- le référendum peut être demandé par 50 000 citoyens ou 8 cantons
À l’issue de ces 100 jours si le referendum a été demandé, c’est le peuple qui va décider si on accepte ou non la loi soumise.
- 8) si le peuple accepte, la loi est publiée dans le recueil officiel et le recueil systématique
- 9) la loi est adoptée
- 10) la loi est promulguée quand le Conseil fédéral valide le résultat de la votation populaire ou au moment où la chancellerie fédérale constate que l’expiration de délais référendaire est écoulée et aucune demande de referendum a été demandée
- 11) La loi est publiée au moment où elle est portée à la connaissance du public
- 12) La loi entre en vigueur au moment où elle devient obligatoire après publication
Nota bene : Si la loi est munie de la clause d’urgence, la loi entre en vigueur au moment de son adoption.
En cas de besoin à la majorité des membres un conseil peut déclarer une loi urgente et déclarer son entrée en vigueur immédiatement.
- CLAUSE D’URGENCE
Le referendum peut être demandé, si cette loi entrée en vigueur avec la clause d’urgence est conforme à la constitution est qu’il y a une demande de referendum, cette loi cesse de produire ses effets un an après son adoption par l’Assemblée fédérale si la loi n’a pas été approuvée par le peuple.
Si le referendum a été demandé pour une loi d’urgence contraire à la constitution, il est nécessaire d’avoir la double majorité. Dès que l’on est dans une clause d’urgence qui touche à la constitution, il faut le vote du peuple et des cantons, sinon la loi n’est plus valable après une année.
Nota bene
Dans le cas de l’ordonnance d’une clause d’urgence, la souveraineté du peuple peut être préservée de la façon suivante :
- majorité des membres présents peuvent exiger une entrée en vigueur immédiate
- pas de délais de référendum
- si le referendum n’a pas été soumis au peuple pendant une période d’un an, la loi cesse de produire ses effets
- si un référendum est accepté la loi cesse immédiatement
- si la loi fédérale n’a pas de bases constitutionnelles elle doit être soumise au référendum obligatoire dans un délai d’un an à partir de son adoption
L’arrêté
Arrêté fédéral
On voit que les autres actes sont édictés sous la forme d’un arrêté fédéral, ce sont des actes qui ne contiennent pas de règles de droit. Ce ne sont pas des règles au sens matériel, mais puisqu’elles ont été édictées par le Parlement, ce sont des lois au sens formel.
Ce sont des actes de l’Assemblée fédérale qui ne contiennent pas des règles de droit. Leur caractère est plutôt décisionnel, l’État intervient dans une situation concrète qui s’applique à une ou plusieurs personnes déterminées.
Les décisions sont les mesures individuelles et concrètes, fondées sur le droit, prises par l’autorité dans les cas d’espèce.
Caractéristiques :
- caractère concret ;
- caractère individuel.
La Constitution fédérale ou la loi juge que dans ces cas-là, la décision prise par les arrêtés est suffisamment importante pour qu’elle fasse l’objet d’un referendum.
L’arrêté fédéral permet d’adopter certains actes qui relèvent de l’administration (ex- octroi de concession d’une centrale nucléaire).
L’idée est d’associer le peuple à la prise de décision, comme l’octroi de concession d’une centrale nucléaire ou l’achat d’équipement militaire.
La démocratie est d’une part le pouvoir donné par le peuple et les cantons à Berne, mais aussi l’intervention constante du peuple dans les affaires fédérales
Arrêtés fédéraux simples
Ce sont des arrêtés qui ne sont pas soumis à un referendum (ex- garantie des constitutions cantonales), cela peut être le vote du budget
L’ordonnance
Il s’agit en règle générale de règles d’application (d’exécution) de lois fédérales, en d’autres termes les ordonnances sont des règles de droit.
En droit fédéral tous les organes de l’État peuvent édicter des ordonnances :
- Assemblée fédérale : règle de droit au sens matériel et formel
- Conseil fédéral : règle de droit au sens matériel
- Tribunal fédéral : règle de droit au sens matériel
L’ordonnance s’impose en raison du caractère non exhaustif de la loi, c’est généralement au Conseil fédéral d’adapter la loi à la réalité. Le législateur adopte les grands principes, mais la réalité de la situation concrète est l’exécutif.
Deux catégories d’ordonnances :
- législatives : ce sont des lois au sens matériel, de rang inférieur à la loi au sens formel, élaborées selon une procédure propre par une autorité exécutive, législative ou judiciaire, et non soumise au référendum
Elles sont opposables aux particuliers et sont publiées dans le Recueil officiel et le Recueil systématique.
- administrative : s’adresse à l’administration, à leur fonctionnaire, prescrivant la manière dont ils doivent accomplir leurs tâches. Elles ne sont pas publiées, mais communiquées par voie de service.
Les droits fondamentaux ne doivent pas être entravés par l’ordonnance. Il faut que la Constitution ne l’interdise pas.
La faculté d’édicter des ordonnances ne doit pas être entravée par la Constitution, mais doit être prévue soit par la Constitution elle-même, soit par la loi qui donne mandat au Conseil Fédéral d’adopter les règles de droit.
La particularité de l’ordonnance est de ne pas être soumise au referendum, car les mesures adoptées ne font que mettre en œuvre les dispositions qui sont contenues dans la loi.
Le champ d’application doit être limité. Comment faire pour que la loi d’habilitation ne soit pas rédigée dans des termes trop vagues ou trop détaillés afin que le peuple puisse comprendre l’habilitation et le droit de faire exercer ou non son droit de referendum ?
L’ordonnance doit être conforme tant au droit fédéral qu’au droit cantonal et s’inscrit dans la hiérarchie des normes.
Avec l’ordonnance, on a une règle de droit, mais qui peut ne pas être une règle de droit formelle. L’ordonnance est une loi au sens matériel n’étant pas soumis au referendum.
Annexes
Références
- ↑ Publication de Victor Monnier repertoriées sur le site de l'Université de Genève
- ↑ Hommage à Victor Monnier sur le site de l'Université de Genève
- ↑ Publications de Victor Monnier sur Cairn.info
- ↑ Publications de Victor Monnier sur Openedition.org
- ↑ Page personnelle de Victor Monnier sur le site de l'Université de Aix-Marseille
- ↑ En Hommage À Victor Monnier.” Hommages.ch, 11 Mar. 2019, www.hommages.ch/Defunt/119766/Victor_MONNIER.
- ↑ Schmitt, Carl, Marie-Louise Steinhauser, and Julien Freund. La Notion De Politique ; Théorie Du Partisan. Paris: Flammarion, 2009. p.86