Modification de Origens e causas da revolução industrial inglesa
Attention : vous n’êtes pas connecté(e). Votre adresse IP sera visible de tout le monde si vous faites des modifications. Si vous vous connectez ou créez un compte, vos modifications seront attribuées à votre propre nom d’utilisateur(rice) et vous aurez d’autres avantages.
La modification peut être annulée. Veuillez vérifier les différences ci-dessous pour voir si c’est bien ce que vous voulez faire, puis publier ces changements pour finaliser l’annulation de cette modification.
Version actuelle | Votre texte | ||
Ligne 119 : | Ligne 119 : | ||
=== Sentimento de superioridade e abertura de espírito === | === Sentimento de superioridade e abertura de espírito === | ||
L'analyse historique de Karl Marx sur les sociétés asiatiques et européennes est complexe et fait partie d'un ensemble plus large de théories sur le développement socio-économique et le changement historique. Marx a abordé la question de l'ethnocentrisme et du sentiment de supériorité dans le contexte européen, en examinant comment ces attitudes pourraient avoir influencé le comportement européen durant l'ère coloniale et l'expansion impériale. Il est vrai que pendant une grande partie de l'histoire européenne, le christianisme a fourni un cadre culturel et idéologique homogénéisant, en particulier pendant l'époque où l'Église catholique dominait religieusement et politiquement. Cela a pu contribuer à un sentiment de supériorité et à un fort sentiment d'identité collective, notamment par rapport à d'autres civilisations. L'expulsion des Juifs et des Musulmans pendant et après le Moyen-Âge (comme en Espagne à la fin du 15e siècle), par exemple, était en partie due à un désir d'unité religieuse et politique qui a finalement alimenté l'idéologie de la "pureté" chrétienne. Néanmoins, l'Europe était loin d'être monolithique, et les différences confessionnelles, en particulier après la Réforme protestante au 16e siècle, ont entraîné des siècles de conflits religieux et de diversité au sein de l'Europe elle-même. Ces conflits et cette concurrence entre États-nations et puissances confessionnelles ont également pu stimuler l'innovation et l'expansion outre-mer, chacun cherchant à étendre son influence et sa richesse. L'ouverture européenne, c'est-à-dire la curiosité et le désir de découvrir et d'exploiter de nouveaux territoires et ressources, a été un autre facteur clé dans l'expansion européenne et le développement de la révolution industrielle. Cette combinaison d'ethnocentrisme et de désir d'exploration a poussé les nations européennes à naviguer vers de nouveaux continents, à établir des colonies et à commencer le processus d'échanges commerciaux globaux qui serait un précurseur de l'économie mondiale moderne. La thèse de Marx sur l'unité chrétienne comme base du sentiment de supériorité est donc un élément d'une analyse beaucoup plus large et ne devrait pas être vue comme une explication complète ou exclusive des complexités historiques de l'époque. | |||
David Landes a mis en avant dans ses travaux l'idée que certains éléments culturels et technologiques, comme l'alphabet, ont pu jouer un rôle dans la capacité de l'Europe à progresser technologiquement et économiquement. Selon cette perspective, l'alphabet phonétique, qui nécessite la mémorisation d'un nombre relativement restreint de caractères par rapport aux systèmes idéographiques utilisés en Asie de l'Est, aurait facilité la diffusion des compétences en lecture et en écriture, contribuant ainsi à une plus grande diffusion des connaissances et à l'innovation. Quant à l'influence du protestantisme, des penseurs comme Max Weber ont suggéré que certaines formes de protestantisme, en particulier l'éthique calviniste, ont encouragé l'alphabétisation et une certaine forme d'ascétisme propice à l'accumulation de capital, ce qui aurait favorisé le développement de l'esprit d'entreprise et le capitalisme moderne. En ce qui concerne le Japon, la situation est différente mais pas nécessairement un obstacle insurmontable à l'industrialisation. Le système d'écriture japonais est complexe, combinant trois ensembles de caractères : les kanji (caractères empruntés au chinois), les hiragana et les katakana (deux syllabaires propres au japonais). Cependant, l'enseignement de base de ces caractères est systématisé dès le plus jeune âge au Japon, permettant une large alphabétisation. De plus, l'ère Meiji au Japon (1868-1912) a été marquée par une série de réformes visant à moderniser le pays sur le modèle occidental, ce qui a inclus des réformes éducatives approfondies. L'industrialisation du Japon s'est produite rapidement grâce à une série de politiques étatiques délibérées, l'adoption de technologies étrangères, et un fort investissement dans l'éducation et la formation de la main-d'œuvre. Le gouvernement Meiji a encouragé l'apprentissage et la pratique des compétences techniques et scientifiques occidentales, tout en conservant et en adaptant certains aspects de la culture et des systèmes traditionnels du Japon, ce qui a conduit à un mélange unique qui a favorisé l'industrialisation. Il est donc important de reconnaître que tandis que certains facteurs culturels peuvent influencer le développement d'une société, ils ne déterminent pas à eux seuls le succès ou l'échec de l'industrialisation. Des politiques gouvernementales stratégiques, des institutions adaptatives, et la capacité à assimiler et innover à partir de technologies et idées étrangères sont également des facteurs essentiels. | |||
=== | ===Accès aux sources d'énergie=== | ||
La disponibilité et l'utilisation de sources d'énergie fiables et puissantes ont indubitablement joué un rôle pivot dans la révolution industrielle européenne. En effet, avant l'ère industrielle, les économies étaient principalement basées sur l'agriculture et la force de travail humaine ou animale. Avec la révolution industrielle, il y a eu un changement fondamental dans la manière dont l'énergie était obtenue et utilisée, ce qui a permis une production de masse et une efficacité sans précédent. L'eau a été l'une des premières sources d'énergie utilisées pour industrialiser la production, grâce à l'invention des moulins à eau et des roues hydrauliques. Ces technologies utilisaient l'énergie cinétique de l'eau courante pour actionner diverses machines dans les industries textiles, par exemple. La machine à vapeur a ensuite révolutionné ce paradigme énergétique. Inventée au début du 18e siècle et perfectionnée par des ingénieurs comme James Watt, la machine à vapeur a permis d'exploiter l'énergie du charbon, une ressource alors abondante en Europe, en particulier en Grande-Bretagne. Cette source d'énergie a permis une plus grande flexibilité dans l'emplacement des usines, car contrairement aux roues hydrauliques, les machines à vapeur n'avaient pas besoin d'être situées près d'une source d'eau courante. Au fur et à mesure que la révolution industrielle se développait, le charbon est devenu le carburant de prédilection, non seulement pour les machines à vapeur, mais aussi pour les nouvelles technologies de chauffage et de production d'électricité qui ont été développées à la fin du 19e siècle. Plus tard, avec la découverte et l'exploitation du pétrole, une autre source d'énergie dense et transportable est devenue disponible, soutenant ainsi l'expansion continue de l'industrialisation. L'accès à ces sources d'énergie et la capacité à les exploiter de manière efficace ont été déterminants dans le maintien de l'Europe à la pointe de l'innovation industrielle pendant plusieurs siècles. La révolution énergétique qui a accompagné l'ère industrielle a non seulement facilité la production de masse, mais a également stimulé le développement de nouvelles industries, le transport, et a eu un impact profond sur les structures sociales et économiques des sociétés européennes. | |||
=== | ===Influences climatiques et géographiques=== | ||
La révolution industrielle s'est déployée différemment à travers l'Europe, façonnée par les conditions géographiques, économiques et culturelles uniques de chaque région. En Grande-Bretagne, en France, en Suisse et en Allemagne, des facteurs variés ont joué un rôle dans le développement de l'industrie. La Grande-Bretagne est souvent considérée comme le berceau de la révolution industrielle, principalement grâce à ses vastes réserves de charbon et à son accès facile au fer. Par exemple, les mines de charbon du Pays de Galles et du nord de l'Angleterre ont fourni le combustible essentiel pour la machine à vapeur de James Watt. Les gisements de fer des Midlands ont permis la production d'acier en grandes quantités, notamment grâce au processus de puddlage amélioré par Henry Cort. De plus, la géographie insulaire du pays a stimulé une industrie navale florissante, soutenue par des avancées comme le navire à vapeur de Robert Fulton. Cette maîtrise des mers a facilité non seulement le commerce extérieur mais aussi la capacité à importer des matières premières et à exporter des produits finis. | |||
En France, la révolution industrielle a été plus graduelle. Bien qu'elle dispose également de réserves de charbon, comme celles du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, et de fer en Lorraine, son développement industriel a été freiné par les bouleversements politiques de la Révolution française et des guerres napoléoniennes. Néanmoins, des régions comme la Normandie ont vu émerger des industries textiles, et Lyon est devenue un centre important pour la soie. L'invention du métier Jacquard par Joseph Marie Jacquard a modernisé la production textile, montrant l'ingéniosité technique de la France. La Suisse, malgré son manque de ressources naturelles comparé à ses voisins, a excellé dans des domaines nécessitant une grande habileté technique et un faible besoin en ressources brutes. L'horlogerie, par exemple, est devenue une industrie de renom dans les cantons de Neuchâtel et Genève. La précision et la qualité des montres suisses étaient inégalées, reflétant l'accent mis sur la formation technique et l'artisanat de précision. L'Allemagne a connu une révolution industrielle plus tardive, mais elle a été remarquable pour son accent sur la recherche et le développement scientifique. Les gisements de houille de la Ruhr ont alimenté une puissante industrie sidérurgique et l'industrie chimique a également pris son essor avec des entreprises comme BASF. Les universités techniques allemandes (Technische Universitäten) ont produit une génération d'ingénieurs et d'inventeurs qui ont contribué à la mécanisation rapide et à l'innovation technologique. | |||
Dans chacune de ces régions, la combinaison unique de ressources, de compétences, d'innovations et de conditions économiques a façonné le développement de la révolution industrielle. La capacité de ces pays à s'adapter, à investir et à innover a été cruciale dans leur transformation industrielle respective. | |||
=== | ===Fragmentation politique et compétition=== | ||
[[Fichier:Monumento a Colón (Madrid) 02b.jpg|thumb| | [[Fichier:Monumento a Colón (Madrid) 02b.jpg|thumb|Colomb et la reine Isabelle Ire de Castille représentés sur un monument de la ''Plaza de Colón'' à Madrid.]] | ||
La fin du Moyen-Âge et la Renaissance ont vu l'Europe se fragmenter en une mosaïque de territoires politiques, conduisant à une intense rivalité entre les nations naissantes. Cette concurrence a servi de catalyseur pour l'exploration et l'innovation, posant les fondations de ce qui deviendra la révolution industrielle et l'expansion coloniale européenne. | |||
Karl Marx, | Karl Marx, dans son analyse historique, a souvent discuté des limitations inhérentes aux sociétés autocratiques et centralisées, comme celles trouvées dans l'Empire chinois. Il a postulé que ces structures politiques rigides étouffaient l'innovation et conduisaient inévitablement à leur propre déclin. En contraste, il a vu dans le dynamisme compétitif des États européens un moteur de changement et de progrès. Cette compétition a été manifeste dans le domaine des découvertes géographiques, où les monarques étaient désireux de financer des expéditions pour augmenter leur prestige et étendre leur influence. Le cas de Christophe Colomb est exemplaire : après avoir été refusé par le Portugal, il a obtenu le soutien d'Isabelle la Catholique d'Espagne. L'intention d'Isabelle n'était pas seulement d'étendre le domaine de la couronne espagnole, mais aussi de gagner un avantage stratégique et économique sur ses rivaux européens, notamment le Portugal, qui avait déjà établi une route maritime vers l'Inde autour de l'Afrique. | ||
La volonté de surpasser les rivaux a également stimulé le développement technologique. Les armées européennes étaient en constante évolution, cherchant à obtenir des armes plus efficaces et de meilleures fortifications. Ce climat de compétition a également poussé à la recherche dans les domaines de la navigation et de la cartographie, essentiels à l'exploration et à la domination maritime. La dynamique compétitive des États-nations a également conduit à l'établissement de compagnies commerciales dotées de monopoles royaux, comme la Compagnie britannique des Indes orientales ou la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui ont toutes deux joué des rôles cruciaux dans l'établissement de réseaux commerciaux mondiaux et l'accumulation de richesse, propulsant leurs pays respectifs dans une nouvelle ère d'expansion industrielle et coloniale. Cette compétition interétatique a été un facteur déterminant de l'émergence de l'Europe en tant que centre de pouvoir mondial durant la période moderne, marquant profondément les trajectoires économiques et politiques de la région et du monde entier. | |||
=== | ===Impacts de l'expansion coloniale=== | ||
Les grandes découvertes maritimes, qui ont débuté à la fin du XVe siècle, ont ouvert la voie à une ère de mondialisation précoce, souvent caractérisée par le commerce triangulaire. Ce dernier s'est avéré être un moteur puissant pour le développement économique de l'Europe. Le commerce triangulaire impliquait trois régions principales : l'Europe, l'Afrique et les Amériques. Les navires européens naviguaient vers l'Afrique où ils échangeaient des biens manufacturés contre des esclaves. Ces esclaves étaient ensuite transportés à travers l'Atlantique dans des conditions inhumaines jusqu'aux Amériques dans le cadre de la sinistre "traversée du milieu". Dans le Nouveau Monde, les esclaves étaient vendus, et les produits issus de leur travail forcé, comme le sucre, le coton, le tabac et plus tard le café, étaient transportés en Europe. Les profits de ces ventes étaient souvent réinvestis dans la production de biens manufacturés, alimentant la croissance de l'industrie européenne. Cette période a également vu l'introduction en Europe de cultures agricoles provenant des Amériques, telles que la pomme de terre, la tomate et le maïs, qui ont transformé les régimes alimentaires européens et ont contribué à une augmentation de la population. En retour, les Européens ont introduit en Amérique des chevaux, des bovins et des maladies contre lesquelles les populations indigènes n'avaient aucune immunité, provoquant des catastrophes démographiques. | |||
Le commerce triangulaire a eu un impact considérable sur le développement de l'Europe. Il a non seulement généré d'énormes profits pour les commerçants et les financiers européens, mais il a également stimulé le développement de secteurs clés tels que la construction navale, la banque, l'assurance et, dans certaines régions, l'industrie manufacturière. De plus, les capitaux accumulés ont financé des avancées technologiques et ont fourni les moyens de l'expansion industrielle. Cependant, il est essentiel de reconnaître le coût humain immense de cette période. Le commerce des esclaves a entraîné des souffrances incalculables et la mort de millions d'Africains, et la colonisation européenne des Amériques a conduit à la destruction systématique des cultures indigènes et à la disparition de populations entières. La prospérité acquise à travers ces échanges inégaux a posé les bases de l'ascendance économique et industrielle de l'Europe, mais elle a également laissé un héritage d'injustice et de divisions qui continue d'influencer les relations internationales et la politique mondiale aujourd'hui. | |||
L'industrialisation de la Suisse offre un exemple fascinant qui remet en question certaines hypothèses courantes sur les conditions préalables à la révolution industrielle. La Suisse, n'ayant pas d'empire colonial ni d'accès direct à la mer, a néanmoins réussi à se positionner comme l'une des économies les plus développées d'Europe grâce à plusieurs facteurs clés. La stabilité politique de la Suisse et sa politique de neutralité ont permis d'éviter les coûts excessifs liés aux conflits et de se concentrer sur le développement économique. Cela a été complété par un engagement envers l'éducation et la formation, créant une main-d'œuvre hautement qualifiée et innovante. Les innovations suisses dans des domaines comme la mécanique de précision et l'horlogerie ont établi les bases de ce qui allait devenir une tradition de haute technologie. En termes de ressources, la Suisse a su exploiter ses ressources hydrauliques pour l'énergie, ce qui a été essentiel dans les premiers stades de son développement industriel. Sa position stratégique au cœur de l'Europe a également facilité des relations commerciales dynamiques avec les puissantes nations voisines. Le secteur financier suisse est également devenu un pilier de l'économie, fournissant le capital nécessaire pour les investissements industriels à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Ce capital a aidé à financer non seulement l'industrie nationale mais aussi à créer des opportunités internationales. Enfin, la Suisse a intelligemment ciblé des secteurs industriels de niche, axés sur la qualité et la technologie de pointe, plutôt que sur les matières premières ou le volume de production. L'horlogerie suisse, par exemple, est devenue synonyme de précision et de qualité, réaffirmant que la réussite industrielle peut être obtenue grâce à la spécialisation plutôt qu'à l'expansion coloniale ou au commerce maritime. L'histoire de l'industrialisation suisse démontre ainsi que la voie vers le développement industriel peut prendre de nombreuses formes et est influencée par un mélange unique de facteurs sociaux, économiques et politiques adaptés au contexte particulier de chaque pays. | |||
=== | ===Caractère inéluctable de la révolution industrielle ?=== | ||
La révolution industrielle, dont le début peut être observé en Angleterre, s'est produite à la suite d'une convergence de circonstances favorables. L'Angleterre, au XVIIIe siècle, jouissait d'une stabilité politique remarquable et d'institutions financières robustes, notamment sa banque centrale établie, qui créaient un environnement propice aux investissements et à l'entreprise. Le mouvement des enclosures avait par ailleurs remodelé le paysage agricole, libérant une main-d'œuvre qui allait alimenter les villes et les premières usines. Cette transformation s'est appuyée sur l'abondance de ressources comme le charbon et le fer, cruciales pour la fabrication de machines et l'émergence des chemins de fer. Les avancées techniques, comme l'amélioration de la machine à vapeur par James Watt, ont renforcé cette dynamique en permettant une production mécanisée. L'investissement dans l'industrialisation a également été stimulé par les richesses tirées de l'empire colonial anglais et la suprématie de sa marine marchande. L'Angleterre bénéficiait aussi d'une législation propice au développement des affaires, d'un marché intérieur vaste, et d'un réseau de transport en constante amélioration qui facilitait le commerce interne. En parallèle, une culture entrepreneuriale tenace, soutenue par un système de brevets encourageant l'innovation et une tradition de liberté économique, a préparé le terrain pour des avancées majeures. En revanche, l'Espagne de la même époque s'est heurtée à plusieurs obstacles qui ont freiné son élan industriel. L'abondance d'or et d'argent en provenance des colonies a paradoxalement détourné l'attention des nécessités d'innovation interne et d'investissement industriel. La productivité agricole stagnait et ne poussait pas les populations vers les villes comme ce fut le cas en Angleterre. Des périodes d'instabilité politique et de conflits ont également entravé les investissements à long terme essentiels pour une industrialisation réussie. De plus, un cadre mercantiliste strict limitait souvent l'initiative privée et l'échange libre, essentiels à l'esprit d'entreprise. Ainsi, la révolution industrielle en Angleterre n'était pas une certitude historique, mais plutôt le résultat d'un enchevêtrement complexe de facteurs socio-économiques et politiques qui ont façonné un chemin particulièrement fertile pour le changement industriel, un chemin qui n'était pas aussi dégagé pour l'Espagne ou d'autres nations européennes à cette période. | |||
L'Angleterre, vers la seconde moitié du XVIIIe siècle, a connu une métamorphose économique fulgurante, souvent désignée sous le terme de "révolution industrielle". Cette transformation, qui a débuté autour de 1760, s'est solidement établie en l'espace de quelques décennies. D'ici 1800, l'Angleterre avait non seulement refaçonné son propre paysage industriel et économique, mais avait également posé les bases d'un phénomène qui allait s'étendre au reste de l'Europe. L'industrialisation britannique, avec son cortège d'innovations technologiques, a commencé à s'exporter vers les nations voisines telles que la France, la Belgique, l'Allemagne et la Suisse. Chaque pays a adapté ces nouvelles méthodes à son contexte particulier, entraînant une période de croissance économique et de changements sociaux significatifs sur le continent. Néanmoins, la révolution industrielle, dans sa première vague, n'a pas immédiatement franchi les frontières européennes pour toucher d'autres régions du monde. Les sociétés d'Asie, d'Afrique et des Amériques ont été affectées différemment, souvent de manière indirecte par les empires coloniaux européens. L'Europe, grâce à ses progrès technologiques et à sa puissance économique renforcée, a établi une domination qui allait creuser un écart considérable avec d'autres régions du globe. Cette fracture a eu des répercussions profondes sur le développement mondial, influençant les trajectoires économiques, politiques et sociales des sociétés bien au-delà des frontières européennes. Les conséquences de cette dynamique sont complexes et encore visibles dans les relations internationales contemporaines. L'industrialisation a engendré un monde de plus en plus interconnecté tout en accentuant les disparités entre les nations industrialisées et celles qui ne l'étaient pas. | |||
== | ==Théorie débattue : une révolution agricole précurseur ?== | ||
Dans une certaine mesure, la révolution industrielle peut être considérée comme une révolution agricole. La révolution industrielle a été marquée par le passage du travail manuel à la fabrication par des machines, ce qui a eu un impact majeur sur l'agriculture également. Le développement de nouvelles technologies, telles que les charrues et les batteuses mécanisées, a permis d'accroître la productivité et l'efficacité de l'agriculture. La croissance du réseau de transport, notamment la construction de routes, de canaux et de chemins de fer, a également facilité le transport des produits agricoles vers les marchés, ce qui a contribué à stimuler le commerce agricole. En outre, la croissance démographique qui a accompagné la révolution industrielle a créé une plus grande demande de nourriture, ce qui a encore stimulé le développement de l'agriculture. Dans l'ensemble, la révolution industrielle a eu un impact significatif sur l'agriculture, et on peut la considérer comme une révolution agricole en ce sens. | |||
=== | ===Disparition graduelle de la jachère=== | ||
La révolution industrielle est intrinsèquement liée à des changements parallèles dans l'agriculture, ce qui a conduit certains historiens à la qualifier de "révolution agricole". L'innovation technologique a permis des améliorations considérables dans les méthodes de production agricole, ce qui a eu pour effet d'augmenter la productivité et de réduire la nécessité d'une main-d'œuvre abondante dans les campagnes. Cette évolution s'est notamment manifestée par le perfectionnement des outils agricoles comme la charrue, qui a été améliorée grâce à l'emploi de nouveaux matériaux tels que le fer et l'acier. Des inventions telles que le semoir mécanique de Jethro Tull, les moissonneuses-batteuses, et les systèmes de rotation des cultures ont aussi joué un rôle essentiel dans cette transformation. L'amélioration de l'élevage grâce à la sélection systématique des espèces a également contribué à augmenter la disponibilité de viande, de lait et de laine. Par ailleurs, la révolution agricole a libéré une partie de la population rurale, qui a migré vers les villes pour travailler dans les usines, alimentant ainsi la croissance urbaine et industrielle. La mise en place d'infrastructures de transport plus efficaces a aussi facilité l'acheminement des surplus agricoles vers les marchés urbains, favorisant le développement du commerce et l'expansion de l'économie. Cependant, cette transition n'a pas été sans conséquences négatives. Elle a mené à l'enclosure des communaux, forçant de nombreux petits paysans à abandonner leurs terres et à chercher du travail en ville. De plus, le passage à une agriculture plus intensive a aussi parfois dégradé l'environnement, un phénomène qui s'est poursuivi et intensifié avec la modernisation agricole du XXe siècle. La révolution industrielle et la révolution agricole étaient deux facettes d'un même processus de modernisation qui a remodelé la société, l'économie et l'environnement de manière profonde et durable. | |||
=== | ===Progrès de l'agronomie et innovations techniques en agriculture=== | ||
L'intérêt des nobles pour l'agronomie durant la période de la révolution industrielle était un facteur clé dans l'innovation agricole. Cette période a été marquée par un élan scientifique et pratique pour améliorer la productivité agricole. Les nobles et les propriétaires terriens progressistes ont commencé à adopter et à développer de nouvelles techniques et pratiques agricoles. Cela comprenait non seulement l'amélioration des outils et des machines, mais également l'application de la science dans la sélection et l'élevage d'animaux de ferme. En Angleterre, par exemple, ce fut l'ère des "agricultural improvers" ou "gentlemen farmers", qui étaient des nobles ou des hommes riches qui s'intéressaient personnellement à l'avancement de l'agriculture. Robert Bakewell (1725–1795) est un exemple éminent de ces "improvers". Il a été l'un des premiers à appliquer des méthodes de sélection systématique pour améliorer les races de bétail. Il a notamment développé la race ovine Leicester Longwool, qui produisait plus de viande et de laine que les races traditionnelles. De même, il a travaillé sur le bétail bovin et a créé des races plus productives pour le lait et la viande. Ce genre d'innovation a eu d'importantes répercussions économiques et sociales. La disponibilité accrue de viande et de laine bon marché a alimenté le commerce et l'industrie, comme les filatures de laine qui étaient essentielles à l'industrie textile en plein essor. De même, la production laitière accrue a eu un impact sur l'alimentation des populations urbaines en expansion. Ces expérimentations agronomiques ont fait partie d'un mouvement plus vaste de "l'Enclosure", où les terres communes ont été clôturées et converties en exploitations plus productives gérées de façon privée. Cela a souvent eu des effets dévastateurs sur les paysans qui perdaient leurs droits traditionnels sur ces terres, mais cela a aussi stimulé l'efficacité de la production agricole, contribuant à alimenter la révolution industrielle. | |||
=== | ===Transformation des élites et évolution paysanne=== | ||
==== | ====L'ère des gentlemen-farmers==== | ||
Les gentlemen farmers étaient une part essentielle de l'évolution de l'agriculture pendant la révolution industrielle, et leur influence s'étendait souvent bien au-delà de leurs propres domaines. Leur approche de l'agriculture combinait souvent la passion pour l'innovation et l'amélioration avec les ressources pour expérimenter et mettre en œuvre de nouvelles techniques. Ces riches propriétaires terriens jouaient un rôle de pionnier en investissant dans la recherche et le développement de pratiques agricoles améliorées, comme l'assainissement des terres, la rotation des cultures, et l'élevage sélectif. Leurs expériences ont mené à une augmentation significative de la productivité agricole, ce qui a, à son tour, contribué à libérer de la main-d'œuvre pour les usines en croissance rapide des villes, un élément central de la révolution industrielle. Cependant, cette période de changement n'était pas sans ses critiques. Le mouvement d'enclosure, par exemple, a souvent été associé aux gentlemen farmers. Cette pratique consistait à transformer les terres communes, sur lesquelles de nombreux petits agriculteurs avaient des droits de pâturage et de culture, en propriétés privées pour une agriculture plus intensive. Bien que cela ait augmenté l'efficacité de la production agricole, cela a également déplacé de nombreux paysans, contribuant à la détresse rurale et à l'urbanisation forcée. Au fil du temps, avec l'avènement de l'agriculture scientifique et de l'agriculture commerciale à grande échelle au cours des 19e et 20e siècles, la tradition du gentleman farming a perdu de son importance en tant que force motrice de l'innovation agricole. Néanmoins, l'héritage des gentlemen farmers demeure dans les pratiques agricoles modernes, et leur rôle dans la révolution agricole qui a accompagné et soutenu la révolution industrielle reste un sujet d'étude important pour les historiens économiques. | |||
La proto-industrialisation fait référence à une phase préalable à la révolution industrielle proprement dite, caractérisée par un type de production à petite échelle et dispersée, souvent réalisée dans le cadre du système dit de "domestic system" ou "putting-out system". Dans ce système, les artisans, qui pouvaient être des tisserands, des fileurs, des forgerons ou des travailleurs d'autres métiers traditionnels, effectuaient une partie de la production industrielle depuis leur domicile ou des ateliers à petite échelle. Ces artisans proto-industriels vivaient souvent dans des zones rurales et pratiquaient l'agriculture à un niveau de subsistance ou légèrement au-dessus, complétant leurs revenus avec leur travail industriel. Ils ne dépendaient pas uniquement de l'agriculture pour leur subsistance, ce qui les rendait moins vulnérables aux mauvaises récoltes et aux variations des prix agricoles. Cependant, ils n'étaient pas non plus entièrement dépendants des revenus de leur travail industriel, leur donnant une certaine résilience économique. Leur travail industriel impliquait souvent la production de biens textiles, qui étaient alors en forte demande. Les marchands ou les entrepreneurs fournissaient les matières premières – laine, lin, coton – et passaient des commandes aux artisans, qui les transformaient en produits textiles dans leurs maisons. Ensuite, les marchands collectaient les produits finis pour les vendre sur les marchés locaux ou à l'exportation. Ce modèle a facilité la transition vers l'industrialisation en créant une main-d'œuvre qualifiée et en habituant les marchands à investir dans la production et à gérer des réseaux de distribution complexes. Avec l'avènement de la révolution industrielle et l'introduction des machines, de nombreuses pratiques proto-industrielles ont été intégrées dans des systèmes de production plus vastes et plus mécanisés. Les usines ont progressivement remplacé le travail à domicile, transformant ainsi radicalement l'économie et la société européennes. | |||
La spinning Jenny, inventée par James Hargreaves en 1764, a marqué un tournant décisif dans l'histoire de la production textile. Cette machine à filer manuelle pouvait faire le travail de plusieurs fileurs traditionnels à la fois, transformant radicalement l'efficacité et l'économie de la production de fil. Avec l'introduction de la spinning Jenny et d'autres innovations technologiques comme la water frame de Richard Arkwright et le mule-jenny de Samuel Crompton, la capacité de production des textiles a fortement augmenté. Ces machines pouvaient produire des fils plus fins et plus solides, et ce, beaucoup plus rapidement que les fileurs manuels. Cette augmentation de l'efficacité a abaissé les coûts de production et accru la quantité de tissu disponible sur le marché. Les artisans et les fileurs qui travaillaient à domicile dans le cadre du système domestique ne pouvaient tout simplement pas concurrencer avec les machines qui produisaient plus et à moindre coût. Beaucoup ont fait faillite ou ont été contraints de trouver des emplois dans les nouvelles usines pour survivre. Ces changements ont contribué à la migration des travailleurs des campagnes vers les villes, donnant naissance à une classe ouvrière urbaine et à l'industrialisation à grande échelle. Ce bouleversement socioéconomique n'a pas été sans conséquence. Il a entraîné une période de difficultés et de troubles sociaux pour de nombreux anciens artisans et leurs familles. La résistance à ces changements s'est manifestée dans des mouvements comme celui des Luddites, qui étaient des artisans qui détruisaient les machines qu'ils croyaient responsables de la perte de leurs emplois. Cependant, malgré la résistance, l'industrialisation s'est poursuivie, conduisant à l'époque moderne d'industrie et de technologie. | |||
==== | ====Le processus des enclosures==== | ||
[[Image:Enclosure.jpg|thumb|right|150px| | [[Image:Enclosure.jpg|thumb|right|150px|thumb|Un acte d'enclosure datant de 1793.]] | ||
Le phénomène connu sous le nom d'enclosures en Angleterre a été particulièrement marqué aux 18e et 19e siècles et a eu des conséquences profondes sur la structure sociale et économique de la campagne anglaise. Le mouvement des enclosures impliquait le regroupement de terres communes, auparavant ouvertes à tous les membres d'une paroisse pour la pâture et la culture, en propriétés privées distinctes. Les nobles et les grands propriétaires terriens, profitant souvent des lois sur les enclosures, ont « clôturé » ces terres, établissant leur droit exclusif de propriété et les utilisant pour une agriculture plus intensive et commerciale. Ce processus a entraîné l'expropriation de nombreux petits paysans qui ont perdu non seulement leur terre, mais aussi leur moyen traditionnel de subsistance. Les conséquences sociales de ce mouvement ont été dramatiques. Beaucoup de ces paysans sans terre, privés de leur moyen de subsistance traditionnel, ont été forcés de migrer vers les villes en quête d'emploi, alimentant ainsi la main-d'œuvre nécessaire à la révolution industrielle naissante. L'afflux de ces travailleurs dans les zones urbaines a eu pour effet d'augmenter considérablement l'offre de main-d'œuvre, permettant aux propriétaires d'usines d'imposer des salaires bas, étant donné que la demande pour des emplois excédait largement l'offre. Cela a également conduit à des conditions de travail précaires et à la création de bidonvilles urbains où les travailleurs vivaient dans des conditions souvent misérables. Le prince de Galles, et plus tard d'autres membres de la famille royale britannique, ont accumulé de grandes étendues de terres pendant cette période, qui sont devenues une partie significative de la richesse de la Couronne. Ces terres, gérées aujourd'hui par le Duché de Cornouailles et le Duché de Lancaster, sont toujours des sources importantes de revenus pour la famille royale. L'enclosure des terres communes a été un facteur clé dans l'accélération de l'industrialisation, car elle a libéré de la main-d'œuvre pour les usines, a changé les pratiques agricoles et a transformé la structure sociale de la campagne britannique. | |||
Will Kymlicka | Will Kymlicka dans son ouvrage ''Les théories de la justice : une introduction'' publié en 1999 mentionne que "Dans l'Angleterre du XVIIème siècle, on assistait à un mouvement pour l'enclosure (l'appropriation privée) de terres jadis détenues par la communauté et accessible à tous. Sur ces terres (les "communs"), tout à chacun pouvait exercer un droit de pâture, de collecte du bois, etc. L'appropriation privée des communs entraîna la fortune de certains et la perte de ressource des autres, désormais privés de moyens de subsistance". La pratique des enclosures, qui s'est accélérée pendant la révolution agricole qui précédait la révolution industrielle, a entraîné de profonds changements dans les structures de propriété et dans l'organisation de la société anglaise de l'époque. Les "communs" étaient des terres sur lesquelles les membres d'une communauté pouvaient se reposer pour des ressources essentielles. Lorsque ces terres ont été encloses et transformées en propriété privée, cela a souvent bénéficié aux personnes en position de pouvoir ou de richesse, qui pouvaient se permettre d'acheter et de clôturer les terres, tandis que les petits paysans et les travailleurs ruraux qui dépendaient de ces espaces communaux pour leur survie se sont retrouvés sans ressources. Les effets des enclosures ne se limitaient pas seulement à la privation de ressources pour les pauvres. Cela a également modifié la dynamique du travail en Angleterre, en forçant de nombreuses personnes à devenir des ouvriers agricoles salariés pour les nouveaux propriétaires terriens ou à se déplacer vers les villes, devenant ainsi la main-d'œuvre pour les usines et les entreprises de l'ère industrielle. Ce déplacement a également joué un rôle dans la création d'une classe ouvrière urbaine, et par extension, dans les changements politiques et sociaux qui ont accompagné la révolution industrielle. | ||
= | =Annexes= | ||
= | =Références= | ||
<references /> | <references /> | ||